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MÉMOIRES DE NAPOLÉON
§ II

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Un courrier fut expédié à M. Otto, qui résidait à Londres comme commissaire français, chargé de l'échange des prisonniers. Le 24 août, il adressa une note au lord Grenville, en lui faisant connaître que lord Minto ayant déclaré l'intention où était le gouvernement anglais, de participer aux négociations qui allaient s'ouvrir avec l'Autriche, pour le rétablissement de la paix définitive entre l'Autriche et la France, le premier consul consentait à admettre le ministre anglais aux négociations; mais que l'œuvre de la paix en devenait plus difficile; que les intérêts à traiter étant plus compliqués et plus nombreux, les négociations en éprouveraient nécessairement des longueurs; et qu'il n'était pas conforme aux intérêts de la république que l'armistice conclu à Marengo, et celui conclu à Bayarsdorf, continuassent plus long-temps, à moins que, par compensation, on n'établît aussi un armistice naval.

Les dépêches de lord Minto n'étaient pas encore arrivées à Londres, et lord Grenville, fort étonné de la note qu'il recevait, envoya le chef du transport-office, prier M. Otto de remettre les pièces qui y avaient donné lieu, ce qu'il fit aussitôt. Mais peu après, le cabinet de Saint-James reçut son courrier de Vienne; lord Grenville répondit à M. Otto, que l'idée d'un armistice applicable aux opérations navales, était neuve dans l'histoire des nations. Du reste, il déclara qu'il était prêt à envoyer un plénipotentiaire au lieu qui serait désigné pour la tenue du congrès; il fit connaître que ce plénipotentiaire serait son frère Thomas Grenville, et demanda les passe-ports pour qu'il pût se rendre en France. C'était éluder la question; et M. Otto, le 30 août, réclama une réponse catégorique avant le 3 septembre, vu que, le 10, les hostilités devaient recommencer en Allemagne et en Italie. Lord Grenville, le 4 septembre, fit demander un projet par écrit, attendu qu'il avait peine à comprendre ce qu'on entendait par un armistice applicable aux opérations navales. M. Otto envoya le projet du gouvernement français rédigé. Les principales dispositions étaient celles-ci: 1o les vaisseaux de guerre et de commerce des deux nations, jouiront d'une libre navigation, sans être soumis à aucune espèce de visite; 2o les escadres, qui bloquent les ports de Toulon, Brest, Rochefort et Cadix, rentreront dans leurs ports respectifs; 3o les places de Malte, Alexandrie et Belle-Isle en mer, seront assimilées aux places d'Ulm, Philipsbourg et Ingolstadt; et, en conséquence, tous les vaisseaux français et neutres pourront y entrer librement.

Le 7 septembre, M. Grenville répondit que S. M. Britannique admettait le principe d'un armistice applicable aux opérations navales, quoique cela fût contraire aux intérêts de l'Angleterre; que c'était un sacrifice que cette puissance voulait faire en faveur de la paix et de son alliée l'Autriche; mais qu'aucun des articles du projet français n'était admissible; et il proposa d'établir les négociations sur un contre-projet qu'il envoya. Ce contre-projet portait: 1o les hostilités cesseront sur mer; 2o on accordera aux places de Malte, Alexandrie et Belle-Isle, des vivres pour quatorze jours à la fois, et d'après le nombre d'hommes qu'elles ont pour garnison; 3o le blocus de Brest et des autres ports français ou alliés sera levé; mais aucun des vaisseaux de guerre, qui y sont, n'en pourra sortir pendant toute la durée de l'armistice; et les escadres anglaises resteront à la vue de ces ports.

Le commissaire français répondit le 16 septembre, que son gouvernement offrait le choix à S. M. Britannique, que les négociations s'ouvrissent à Lunéville, que les plénipotentiaires anglais et autrichiens fussent admis à traiter ensemble, et que pendant ce temps-là la guerre eût lieu sur terre comme sur mer; ou bien qu'il y eût armistice sur terre et sur mer; ou enfin, qu'il y eût armistice avec l'Autriche, et qu'on ne traitât à Lunéville qu'avec elle; qu'on traitât à Londres ou à Paris avec l'Angleterre, et que l'on continuât à se battre sur mer. Il observait que l'armistice naval devait offrir à la France des compensations pour ce qu'elle perdait par la prolongation de l'armistice sur le continent, pendant lequel l'Autriche réorganisait ses armées et son matériel, en même temps que l'impression des victoires de Marengo et de Moeskirch s'effaçait du moral de ses soldats; que, pendant cette prolongation, le royaume de Naples, qui était en proie à toutes les dissensions et à toutes les calamités, se réorganisait et levait une armée; qu'enfin c'était à la faveur de l'armistice, que des levées d'hommes se faisaient en Toscane et dans la marche d'Ancône.

Le vainqueur n'avait accordé au vaincu tous ces avantages, que sur sa promesse formelle de conclure sans délai une paix séparée. Ceux que la France pouvait trouver dans le principe d'un armistice naval, ne pouvaient consister dans l'approvisionnement des ports de la république, qui certes ne manquait pas de moyens intérieurs de circulation, mais bien dans le rétablissement de ses communications avec l'Égypte, Malte et l'Ile-de-France. M. Grenville fit demander, le 20 septembre, de nouvelles explications; et M. Otto lui fit savoir le lendemain, que le premier consul consentait à modifier son premier projet; que les escadres françaises ou alliées ne pourraient changer de positions pendant la durée de l'armistice; qu'il ne serait autorisé, avec Malte, que les communications nécessaires pour fournir à la fois pour quinze jours de vivres, à raison de dix mille rations par jour; qu'Alexandrie n'étant pas bloquée par terre et ayant des vivres en assez grande abondance pour pouvoir en envoyer même à l'Angleterre, la France aurait la faculté d'expédier six frégates qui, partant de Toulon, se rendraient à Alexandrie, et en reviendraient sans être visitées, et ayant à bord un officier anglais parlementaire.

C'étaient là les deux seuls avantages que la république pût retirer d'une suspension d'armes maritime. Ces six frégates armées en flûte auraient pu porter 3,600 hommes de renfort; on n'y eût mis que le nombre de matelots strictement nécessaire pour leur navigation, et elles auraient même pu porter quelques milliers de fusils et une bonne quantité de munitions de guerre et d'objets nécessaires à l'armée d'Égypte.

La négociation ainsi engagée, lord Grenville crut devoir autoriser M. Ammon, sous-secrétaire d'état, à conférer avec M. Otto, afin de voir s'il n'y aurait pas quelque moyen de conciliation. M. Ammon vit M. Otto, et lui proposa l'évacuation de l'Égypte par l'armée française, comme une conséquence du traité d'El-Arich, conclu le 24 janvier, et rompu le 18 mars, au reçu de la décision du gouvernement britannique, qui s'était refusé à reconnaître cette convention. Une telle proposition ne demandait aucune réponse; M. Ammon n'insista pas. Les deux commissaires, après quelques jours de discussion, se mirent d'accord sur toutes les difficultés, excepté sur l'envoi des six frégates françaises à Alexandrie. Le 25 septembre, M. Otto déclara que cet envoi de six frégates était le Sine quâ non; et le 9 octobre, M. Ammon lui écrivit pour lui annoncer la rupture des négociations.

Mémoires pour servir à l'Histoire de France sous Napoléon, Tome 2

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