Читать книгу Jonzac, son église, son château - Camille Fouché - Страница 9
ОглавлениеLe Clocher
La justice nous fait un devoir de consacrer au clocher un chapitre spécial. L’histoire de sa construction ne manque pas d’intérêt, car elle est liée à la réparation de l’église elle-même et elle met en relief l’action persévérante de la municipalité luttant contre des difficultés sans nombre pour doter la petite ville des monuments qui font aujourd’hui son plus bel ornement.
Il fut construit lors de l’importante réparation faite à l’église de 1849 à 1854. Il remplaçait non pas un campanile, mais un massif de maçonnerie informe, recouvert d’une toiture en 1830, placé au chevet de l’église, qui non sans raison avait depuis longtemps été jugé insuffisant.
Pourquoi faut-il qu’on se soit obstiné à faire de ce clocher un tout avec la façade? Le but sera atteint plus tard lorsque sa base quadrangulaire et sans aucun ornement aura été suffisamment patinée par le temps; mais, placé en avant de la grande nef, il en prend une travée et fait perdre à l’édifice l’harmonie de ses proportions. Il est donc profondément regrettable que cette considération ait échappé à l’architecte.
Lorsque Jonzac fut érigé en sous-préfecture, l’église était dans un état de délabrement complet: elle menaçait ruine, disent les délibérations du Conseil municipal. De plus, il n’y avait pas de clocher! Deux piliers, ou plutôt un massif de maçonnerie informe, placé au chevet de l’église et soutenant la cloche en tenaient lieu. C’était tout. Quelle humilitation pour la coquette petite ville!
Il fallait donc se mettre à l’œuvre, mais avec cette lenteur qu’expliquent le manque de ressources et le tempérament du Jonzacais. La municipalité d’ailleurs, avait tant à faire pour donner à la ville un aspect «digne d’une sous-préfecture» ! Ces mots qui reviennent sans cesse dans ses délibérations traduisent exactement les sentiments de la population. L’acquisition et l’aménagement du château pour en faire successivement l’hôtel-de-ville et la sous-préfecture; la restauration du Minage; l’établissement de religieuses pour le soin des malades, en attendant la fondation d’un hôpital; les réparations à faire à l’église qui «menaçait ruine» ; tout cela avait fait simultanément pendant un demi-siècle l’objet de la sollicitude de la municipalité. On ne lit pas sans émotion ses délibérations constatant avec amertume la multiplicité des besoins et l’insuffisance des ressources.
Il fallait une intervention providentielle pour atteindre le but désiré. Elle se produisit par un legs testamentaire fait à la commune et à la Fabrique! Le 29 avril 1820, étaient acceptés les 20.000 francs légués à la ville par Mme Ve Pelligneau née Blancfontenille, et les 10.000 francs donnés à l’église. Les conditions étaient de contribuer à la fondation d’un hôpital, à l’entretien de deux sœurs «grises» pour le soin des malades et aux réparations de l’église.
Ce fut l’amorce nécessaire. Cette idée va se poursuivre; mais dans la petite ville on procède avec une sage lenteur: il faudra un quart de siècle pour qu’elle soit mise à exécution!
Il est curieux d’en suivre le développement:
Le 6 février 1818, le conseil municipal constate que l’église «menace ruine», la voûte (le tillis) surtout. Le devis des travaux urgents à exécuter, demandé déjà à l’architecte, le 14 avril 1817, s’élève à 8.462 francs. Il est approuvé et accepté ; mais ce n’est que le 11 juillet 1821 qu’un impôt extraordinaire est voté pour le paiement de l’entrepreneur, M. Rousselet.
Entre temps, l’idée de la construction du clocher se précise: un devis de 15.000 francs est présenté au conseil municipal, le 18 mai 1825, par la Fabrique qui a voté quelques fonds et offre le legs Pelligneau. Mais tout en en reconnaissant la nécessité, la municipalité rejette cette demande, faute de ressources.
Heureux atermoiements!
Le temps a fait son œuvre!
Ce n’est plus maintenant un clocher qu’il faut bâtir, c’est une réparation complète de l’église qui s’impose; car ce qui a été fait jusque là n’a servi de rien. Et cette réparation générale, à plusieurs reprises entrevue, l’action du temps la rend de jour en jour plus nécessaire. Il faut donc absolument se mettre à l’œuvre; tout le monde le comprend... Mais vingt ans vont s’écouler encore avant que le projet soit exécuté.
Le 15 février 1844, lecture est faite du testament Pelligneau; la fabrique abandonne à la commune les dix mille francs qui lui ont été légués; et, enfin, le 2 avril suivant, le conseil décide qu’un clocher en pierre sera bâti et l’église réparée! En conséquence, on fait appel au talent de M. Fontorbe, architecte à Rochefort, qui présente un devis de 59.150 francs!
Faut-il attendre encore? Impossible! on lui fait retrancher quelques milliers de francs pour des détails qui ne sont pas jugés indispensables et il est statué que pour l’exécution de ces travaux il sera affecté : un emprunt de 36.000 francs; les fonds libres de la commune s’élevant à 22.000 francs, les 10.000 francs de la fabrique et le secours de 10.000 francs obtenu du gouvernement, en tout 78.000 francs.
On est en 1849. Le clocher s’élève et l’église sort de ses ruines. On en fait un monument digne du culte. L’architecte, M. Fontorbe, de Rochefort et l’entrepreneur des travaux, M. Elie Coudin, sont des hommes consciencieux; aussi, à la grande satisfaction de tous, le devis primitif n’est pas dépassé et on peut exécuter des travaux supplémentaires! Dans sa séance du 9 février 1851, la somme de 5.252 francs est votée à cet effet et l’on répare le chœur; le mur du fond est remplacé par un parpaing et la fenêtre par la rosace que nous voyons aujourd’hui. Malgré tous ces travaux, il reste encore, — chose étrange! — une somme de 1.257 francs, et, sur les indications de l’architecte, on décide de l’employer à réparer la façade.
On ne s’en tient pas là. On complète l’Œuvre en allouant à la fabrique une somme de mille francs pour l’aider à acheter le maître-autel!
Rendons un hommage reconnaissant à ces amis de la cité qui, soit au Conseil de fabrique, soit au conseil municipal, ont su pendant près d’un demi-siècle poursuivre la même idée et en assurer la réalisation!
Le clocher contient actuellement une horloge et trois cloches dont il est parlé ci-après:
HORLOGE
L’horloge date de 1852. Dans sa délibération du 13 mai 185, le Conseil municipal constate que l’ancienne horloge était irréparable, il donne mandat au maire de faire des démarches à Paris pour en acquérir une nouvelle, et, à cet effet, est votée une somme de 1.400 francs. Au mois de septembre suivant, l’horloge était placée dans le clocher.
CLOCHES
Lorsque P. D. Ranguet publiait en 1864, son étude sur l’arrondissement de Jonzac, il pouvait écrire en toute vérité : «le clocher récèle deux cloches, l’une de 750 kilogrammes est moderne; l’autre du poids de 350 kilogrammes seulement est ancienne et porte l’inscription suivante en caractères gothiques:
«L’an mil cinq cent dix-huit fut fait ce présent. St Denis de Pille.
Est-ce cette vieille cloche qui fut refondue en 1810? En tout cas, en 1896, on fit refondre la plus ancienne de celles que recélait alors le clocher; de sorte que des trois cloches qui s’y trouvent actuellement, la plus ancienne est de 1835.
Voici les inscriptions de chacune de ces cloches:
1re Cloche. — J’ai été bénite en 1835 par M. Victor Fournier, vicaire de Jonzac. J’ai eu pour parrain M. Jacques Julien Blancfontenille, ainé, avocat, maire de Jonzac, et pour marraine Dame Marie Marguerite Athanase Emond, épouse de M. Geneuil docteur médecin; MM. Jean-Baptiste Bascle et Vaquier, adjoints au maire.
Augustin Martin; son fils Auguste, fondeurs.
Ce que nous lisons au registre des délibérations du Conseil municipal complète cette inscription:
La vieille cloche de l’église de Jonzac a été refondue le mardi 26 mai 1835 dans le jardin de la maison curiale. Elle pesait 1.045 livres. Par suite de l’addition de matière, la cloche neuve pèse 1.653 livres.
Il s’était présenté pour cette opération trois fondeurs: un de La Rochelle, un de Barbezieux, un troisième de Bréval (Haute-Saône). Ce dernier fut agréé par le Conseil municipal.
Il fut donc payé aux frères Martin, fondeurs à Bréval (Haute-Saône), savoir:
Au comptant: 521 fr. 55.
Au 1er juin 1 836: 521 fr. 55.
Au 1er juin 1837: 512 fr. 55.
2e Cloche. — J’ai été bénite le 19 avril 1896, Léon XIII étant Pape, Mgr Bonnefoy, évêque de La Rochelle et M. l’abbé Trébuchet, chanoine honoraire, archiprêtre-curé de Jonzac, MM. Bardet et Arnauld, vicaires.J’ai eu pour parrain, M. André Estignard et pour marraine Mme Lucile Gabrielle Fernande Larquier-Gauron. — Je me nomme Gabrielle. Saint Gervais et Saint Protais, patrons de la paroisse. — (G. Bollée, fondeur à Orléans 1896).
3e Cloche. — J’ai été bénite le 19 avril 1896 Léon XII étant Pape, Mgr Bonnefoy, évêque de La Rochelle, M. Trébuchet, chanoine honoraire, archiprêtre-curé de Jonzac, MM. Bardet et Arnauld vicaires.
J’ai eu pour parrain, M. Henri Marie Alexandre Cormelié et pour marraine Mme Jeanne Françoise Nelly Ménard-Bernard.
Je me nomme Blanche-Marie.
Gabrielle pèse 500 kilogrammes; Blanche-Marie, 308 kilogrammes. Les trois cloches donnent ensemble l’accord mi-sol-si.
Une bénédiction de cloche a toujours pour les foules un puissant attrait. Il ne faut donc pas s’étonner si la cérémonie du dimanche 19 avril 1896 a donné lieu à une magnifique manifestation. La foule, dit le Bulletin religieux du diocèse, remplissait l’église et débordait sur la place. Les cloches furent bénites par M. le vicaire général Jourdan et, la messe célébrée par M. le chanoine Eyssautier supérieur de l’Institution de Pons, vicaire général honoraire, assisté de MM. Bobrie et Baillet, enfants de la paroisse.
Voici ce qu’ajoute au point de vue historique le Bulletin religieux:
«La population s’est montrée digne de sa vieille réputation de générosité et a compris l’appel du pasteur de la paroisse et la municipalité a voulu aussi concourir pour sa part à l’exécution du projet formé par M. l’abbé Trébuchet, archiprêtre de Jonzac. Les noms gravés sur les cloches en disent long; mais nous devons ajouter que c’est d’abord et surtout la famille Larquier qui, sur le désir de feu Madame Gauron, a, par sa libéralité, permis à M. le curé de doter la paroisse d’une si belle sonnerie.»