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LES CHATS CHEZ LES GRECS ET LES ROMAINS.

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Il est singulier qu'après le culte & l'adoration des Égyptiens pour les chats, cet animal soit tout à fait délaissé chez les Grecs & les Romains.

Qu'en Grèce le chat ne fût pas représenté par les sculpteurs voués aux grandes lignes, cela est presque admissible, quoique les artistes égyptiens aient su trouver de solennels profils à travers le pelage de l'animal; mais on s'explique difficilement que les Romains, qui se plaisaient à peindre des scènes domestiques ainsi que les objets qui frappaient leurs yeux, aient négligé la représentation des chats.

Cet animal semble avoir subi à Athènes & à Rome le contre-coup de sa popularité en Égypte, car s'il en est question dans les poëtes, ce n'est que dans ceux de la décadence. Aussi, en songeant au long intervalle qui sépare la représentation des chats sur les monuments égyptiens & les monuments romains du Bas-Empire, j'agirai avec la prudence qui fait hésiter l'historien Wilkinson à voir des animaux domestiques semblables aux nôtres dans les chats se jetant à l'eau pour aller chercher au milieu des roseaux les oiseaux blessés par le bâton des Égyptiens. Les naturalistes modernes crurent d'abord que le chat égyptien momifié était le même que notre chat domestique; ensuite ils lui reconnurent des variantes tout à fait particulières. (Voir aux Appendices.)

Le chat dont les Égyptiens se servaient à la chasse semble une sorte de guépard; sa robe offre quelque analogie avec celle de ces carnassiers.

Les Grecs & les Romains ne se soucièrent pas de faire entrer dans les maisons des animaux sans doute utiles pour la chasse, mais d'une nature trop sauvage pour des intérieurs tranquilles. Cependant Théocrite, faisant gourmander une esclave par sa maîtresse dans le dialogue des Syracusaines:

«Eunoa, de l'eau! s'écrie Praxinoé. Qu'elle est lente! Le chat veut se reposer mollement. Remue-toi donc. Vite, de l'eau! &c.[8]

[8] Lyriques grecs, 1 vol. in-18. Lefèvre & Charpentier, 1842. «Le chat veut se reposer mollement,» ou plutôt, comme me le font remarquer de savants philologues auxquels Théocrite inspire une religion: «C'est affaire aux chattes de dormir mollement (αἱ γαλέαι μαλακῶϛ χρήσδοντι καθεύδῃν).»

Par cette comparaison des chattes avec une esclave paresseuse, Théocrite donne l'idée de l'animal tel qu'il nous est parvenu. C'était le chat domestique déjà assez commun dans les intérieurs pour que le poëte l'introduisît à l'état d'image dans son dialogue.

Entre les artistes égyptiens de la XVIIIe dynastie (1638 avant J.-C.), qui décoraient les tombeaux de représentations de chats, & le poëte Théocrite, qui naquit 260 ans avant l'ère chrétienne, on ne trouve pas, à proprement parler, de chat domestique autre que celui du charmant dialogue des Syracusaines.

Sans se lancer dans de hasardeuses hypothèses, ne peut-on dire que l'acclimatation du chat, dédaignée à Athènes & à Rome, fut produite sans doute par hasard dans le Bas-Empire; qu'un couple de ces chats égyptiens aurait été recueilli curieusement, comme nos officiers d'Afrique ont élevé des lionceaux depuis la conquête d'Alger, qu'il y eut lente domestication & abâtardissement du chat par la perte de sa liberté, qu'on le jugea utile pour la destruction des rats, & que, quoique méconnu par les poëtes, l'effigie de l'animal fut conservée par les peintres mosaïstes.

Les petits poëtes de la décadence méprisent tout à fait le chat, n'accusent que ses défauts & se répandent en imprécations sur sa voracité.

Agathias, épigrammatiste du Bas-Empire, avocat ou scholasticus à Constantinople, qui vécut de 527 à 565, sous le règne de Justinien, a laissé deux épigrammes funéraires dans lesquelles le chat ne joue pas le beau rôle:

«Pauvre exilée des rocailles & des bruyères, ô ma perdrix, ta légère maison d'osier ne te possède plus! Au lever de la tiède aurore, tu ne secoues plus tes ailes par elle réchauffées. Un chat t'a tranché la tête. Je me suis emparé du reste de ton corps & il n'a pu assouvir son odieuse voracité. Que la terre ne te soit pas légère, mais qu'elle recouvre pesamment tes restes, afin que ton ennemi ne puisse les déterrer.»


Ainsi rime Agathias s'abandonnant à la douleur. Après avoir versé quelques pleurs, le poëte songe à la vengeance, sujet de sa seconde épigramme:

«Le chat domestique qui a mangé ma perdrix se flatte de vivre encore sous mon toit. Non, chère perdrix, je ne te laisserai pas sans vengeance, &, sur ta tombe, je tuerai ton meurtrier. Car ton ombre qui s'agite & se tourmente ne peut être calmée que lorsque j'aurai fait ce que fit Pyrrhus sur la tombe d'Achille.»

Pour avoir croqué une perdrix, le malheureux chat sera immolé à ses mânes.

Un disciple d'Agathias, Damocharis, que ses contemporains appellent la Colonne sacrée de la grammaire, touché de la douleur de son maître, crut sans doute lui prouver sa sympathie en accablant à son tour de ses invectives le même chat:

«Rival des chiens homicides, chat détestable, tu es un des dogues d'Actéon. En mangeant la perdrix de ton maître Agathias, c'était ton maître lui-même que tu dévorais. Et toi, tu ne penses plus qu'aux perdrix, & aussi les souris dansent en se délectant de la friande pâtée que tu dédaignes.»

A regarder l'exagération des invectives de Damocharis, on se demande si le disciple ne s'est pas moqué du maître. Voilà bien du tapage pour une perdrix, & les imprécations adressées au chat rival des chiens homicides, assimilé aux dogues d'Actéon, semblent un peu énormes.

Toutefois, quel que soit le motif qui ait fait rimer Damocharis, on voit par ces rares fragments du Bas-Empire que les chats étaient loin du culte que leur rendait l'Égypte.

J'ai parcouru plus d'un musée antique, compulsé de nombreuses publications, interrogé divers archéologues; il semble que le chat ne soit représenté ni sur un vase, ni sur une médaille, ni sur une fresque.

On trouve au Cabinet des Médailles une cornaline gravée représentant un sceptre[9] & un épi séparé par l'inscription:

LVCCONIAE

FELICVLAE.

[9] Caylus dit, & c'est également aujourd'hui l'avis du Directeur du Cabinet des Médailles, que le sceptre représente plutôt une aiguille de tête.

«L'inscription qui paraît sur le cachet, écrit M. Chabouillet dans son catalogue, nous donne les noms de son possesseur, qui fut une femme nommée Lucconia Felicula. Felicula signifie petite chatte. Le travail annonce une époque assez basse.»

Tel est le rare monument, consacré aux chats sous la décadence, qu'on peut voir dans nos musées. En province & en Italie les preuves de l'acclimatation des chats sont plus nombreuses.

Millin[10] vit à Orange une mosaïque représentant un chat qui vient d'attraper une souris; mais la partie où se trouvait l'animal avait été détruite.

[10] Voyage dans le midi de la France, t. II, p. 153. 1807-1811, 4 vol. in-8º.

La mosaïque de Pompéi (dessin page 27) est plus significative; le chat croquant un oiseau peut servir d'illustration aux épigrammes de l'Anthologie, qui sont presque de la même époque[11].

[11] Suivant Pline, l'art de la mosaïque date du règne de Sylla, à peu près cent ans avant l'ère chrétienne.

On voit au Musée des antiques de Bordeaux, sur un tombeau de l'époque gallo-romaine, la représentation d'une jeune fille tenant un chat dans ses bras. Un coq est à ses pieds. De même qu'à cette époque on enterrait avec le corps des enfants leurs jouets, de même on représentait les animaux familiers au milieu desquels ils avaient vécu. Malheureusement la partie principale de ce précieux monument du IVe siècle, le chat, qui m'intéresse particulièrement, a été détruite au point de ne plus laisser de l'animal qu'une forme vague[12].

[12] On lit à la gauche de la tête:

DM

LAFTVS

PAT.

L'autre côté de la niche étant détruit, on ne sait le nom de la jeune fille; le père s'appelait vraisemblablement LAPITVS ou LAFITVS.


Les anciens auteurs d'ouvrages sur les blasons donnent également quelques renseignements tirés d'auteurs latins.

Suivant Palliot[13], les Romains faisaient entrer leurs chats fréquemment en «leurs Targues & Pavois.»

[13] La Vraye & parfaicte science des armoiries. Paris, MDCLXIV. In-4º.

«La compagnie des soldats, Ordines Augustei, qui marchoient sous le colonel de l'infanterie, sub Magistro peditum, portoient en leur escu blanc ou d'argent, un Chat de couleur de prasine, qui est de sinople ou à mieux dire de vert de mer, comme qui diroit couleur de gueules, le Chat courant & contournant sa teste sur son dos. Vne autre compagnie du même régiment, appelée les heureux Viellards, Felices seniores, portoit vn demy Chat ou Chat naissant de couleur rouge sur vn Bouclier de vermeil ou de gueules: In parma punicea diluciore, qui sembloit se ioüer avec ses pieds, comme s'il eut voulu flatter quelqu'un. Sous le mesme Chef, vn troisième Chat de gueules passant avec vn œil & vne oreille, qui est en vne rondelle de sinople à la Bordure d'argent, estoit portée par les soldats, qui Alpini vocabantur


Je donne ici, d'après Palliot, le dessin d'un de ces étendards, tel que cet auteur s'imaginait qu'il existait chez les Romains.

On pourrait multiplier ces exemples en compulsant d'anciens ouvrages sur le blason; mais des monuments imaginaires seraient d'une médiocre utilité pour les curieux.


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