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POÉSIES, TRADITIONS POPULAIRES.

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Il est curieux de rapprocher des invectives des poëtes de la décadence contre les chats, quelques fragments de nos poésies populaires de campagne.

Le chat, animal préféré par la nourrice, est le premier être animé qui frappe les oreilles de l'enfance. A des mélodies d'un rhythme particulier le chat est associé; c'est avec un petit drame naïf où l'animal joue le rôle principal qu'on berce l'enfant. L'enfant s'endort avec un profil fantastique de chat fixé dans le cerveau.

Ce qu'ayant observé, les poëtes populaires introduisirent l'animal dans leurs couplets, comme le témoigne particulièrement la chanson sur les chats & les souris, recueillie en bas Poitou.

Une société de souris étant allée au bal & à la comédie,

Le chat sauta sur les souris,

Il les croqua toute la nuit.

Gentil coquiqui,

Coco des moustaches, mirlo joli,

Gentil coquiqui.

Ces onomatopées du refrain encadrent le chat & les souris d'une façon si plaisante, qu'il est impossible que l'enfant les oublie.

Avec les poules & les loups, le chat fait partie de l'histoire naturelle enseignée par les nourrices à leurs poupons. L'animal appartient à la classe des objets remuants qui, comme les cloches, vibrent dans leurs tendres cerveaux.

La présence du chat dans les plus pauvres intérieurs, sa silhouette visible qui se profile à tout instant, la brièveté de son unique syllabe, facile à retenir, expliquent pourquoi l'animal joue un si grand rôle dans les impressions du jeune âge.

On remplirait un volume des chansons de nourrices sur les chats:

A B C,

Le chat est allé

Dans la neige; en retournant

Il avait les souliers tout blancs.

Les Allemands particulièrement s'intéressent à ces naïvetés; toutefois dans quelques provinces de France on a recueilli des poésies semblables, témoin celle citée par Jérôme Bujeaud dans ses Chants & chansons populaires des provinces de l'Ouest[14]:

[14] Niort, Clouzot, 2 vol. Gr. in-8. 1836.

Le chat à Jeannette

Est une jolie bête.

Quand il veut se faire beau,

Il se lèche le museau;

Avecque sa salive

Il fait la lessive.

Couplet enfantin qui pourtant forme croquis & dessine le mouvement de l'animal comme avec un crayon.

Chats & souris forment d'habitude une association que les poëtes & les peintres se sont plu à représenter pour l'enseignement de l'enfance, qui, sans raisonner cet antagonisme, est tout de suite appelée à être témoin des luttes entre la force & la faiblesse.

De mon extrême jeunesse je me rappelle une vieille toile servant de devant de cheminée qui représentait en face d'un pupitre de musique une douzaine de chats de toute nature & de toute couleur, gros, allongés, noirs, blancs, angoras & matous de gouttières. Sur le pupitre était ouvert, dans son développement oblong, le vénérable Solfége d'Italie. Les notes étaient remplacées par de petits rats qui imitaient à s'y méprendre les noires & les blanches; leurs queues indiquaient également les croches & les doubles croches. En avant de ses confrères, un beau chat battait la mesure avec la dignité qu'on est en droit d'attendre d'un chef d'orchestre; mais sa patte posée sur le cahier de musique semblait prendre plaisir à égratigner les rongeurs emprisonnés dans les portées; &, malgré les agréments de la clef de sol, je crois que les rats auraient préféré la clef des champs.

Breughel & les peintres flamands de la même époque se sont plu à répéter ce motif.

Les enfants avaient le cerveau meublé de thèmes ayant rapport au chat; le peuple conserva la même religion pour l'animal. D'où le fond sur lequel ont brodé Perrault, les conteurs norwégiens, allemands & anglais: le Chat botté, Maître Pierre & son Chat, le Chat de Wittington, &c.

Tous ces contes ont leurs racines dans les traditions populaires, qui fourniraient nombre de pages, si je ne m'en tenais à quelques lignes vraiment fantastiques des Mémoires de Chateaubriand:

«Les gens étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, & qu'on l'avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle. Sa jambe de bois se promenait aussi seule avec un chat noir.»

Ainsi voilà un conte murmuré à l'oreille de l'enfant par une servante. L'enfant grandira, traversera les orages de la vie, sera appelé aux plus hautes fonctions, deviendra illustre entre tous, & un jour, quand le grand homme évoquera ses triomphes, ses luttes, ses amours, sa fortune politique, sur un fond lumineux se décalquera le Chat noir, accompagné d'une jambe de bois, tous deux grimpant l'escalier de la tourelle.

Un souvenir d'enfance est plus doux au cœur des esprits d'élite que les titres & les honneurs. Sous les couches de science entassées dans le cerveau des grands travailleurs se détache une chanson de nourrice, car tel est le caractère propre aux intelligences de rester enfants par quelque coin & de ressentir dans la maturité les impressions de l'enfance.

C'est ce qui explique pourquoi tant d'hommes considérables ont conservé une si vive affection pour les chats.

Les chats: Histoire; Moeurs; Observations; Anecdotes

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