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TROISIÈME VISITE

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16 janvier 1864.

M. FONTAINE (EDME-ADOLPHE),

NÉ A NOISY-LE-GRAND (SEINE-ET-OISE), ÉLÈVE DE M. L. COGNIET.

MÉDAILLE DE 3e CLASSE (PORTRAITS) 1852, PROFESSEUR DE PAYSAGE A L’ÉCOLE SPÉCIALE MILITAIRE DE SAINT-CYR.

A l’époque où M. Fontaine suivait les cours de M. Léon Cogniet, il régnait chez le maître une activité prodigieuse. Plus de quatre-vingts disciples se pressaient dans son atelier et formaient une phalange serrée, contre laquelle bien des lances se rompirent et bien des rivalités s’émoussèrent. Ce n’est pas d’aujourd’ hui que date l’antagonisme de l’Institut contre les artistes non privilégiés. Or, au temps dont nous parlons, c’est-à-dire en 1837, M. Cogniet n’appartenait pas à l’Institut, et ses élèves étaient souvent maltraités par un corps tout-puissant qui avait entre ses mains le monopole des concours et des expositions. Cependant l’opposition faisait bonne contenance; la fièvre embrasait toutes les têtes dans le monde des arts comme dans le monde des lettres; on discutait les méthodes avec une effervescence dont notre placide époque nous conserve à peine un faible souvenir; on se battait pour sa doctrine; et si les esprits enflammés par la lutte s’égaraient quelquefois, du moins ils déployaient une énergie, une initiative qui servaient toujours la grande cause de la renaissance! Souvent victimée par le jury, l’école de M. Cogniet redoublait d’ardeur et faisait sa large trouée au milieu de cette mêlée générale que l’opinion publique jugeait en dernier ressort. Solidaires les uns des autres, les citoyens de la petite république se prêtaient mutuellement la main, et emportaient le respect de leurs rivaux. Au sortir de la salle d’étude, la même confraternité les unissait encore; ils faisaient loi dans la Cité, où leur atelier était alors établi, et savaient imposer silence à la tapageuse population qui les entourait. Mais s’ils se réunissaient tous en face de l’adversaire commun, et s’ils opposaient à l’attaque l’invincible rempart de leur association intime, entre eux ils se montraient sévères et rigides. Sous la direction du maître, dont les principes étaient inflexibles, ils travaillaient à devenir de bons praticiens en même temps que de bons artistes, et plus tard ils tenaient dignement leur rang.

C’est à cette famille de quatre-vingts membres qu’appartient M. Fontaine. Il suivit les cours de l’École des Beaux-Arts (1838-1844) avec assez d’avantage pour y obtenir des récompenses signalées. Dès l’année 1838, sa composition de perspective lui valait une mention honorable; il obtenait une troisième médaille en 1839, et une première en 1841. En 1841, 1842 et 1843, son esquisse peinte était admise à concourir pour le grand prix; peut-être M. Fontaine aurait-il été à Rome si M. Léon Cogniet eût alors siégé à l’Institut.

Une fois sorti des bancs de l’école, notre artiste poursuivit sa carrière avec une persévérance que le public ne doit pas ignorer. En 1845, une place de professeur de paysage vacante à Saint-Cyr fut mise au concours, et M. Fontaine, dont cependant n’était pas la spécialité, l’emportasur tous les candidats. Depuis, ses occupations à Saint-Cyr, en absorbant la moitié de son temps, ne l’empêchèrent pas de continuer ses travaux. De 1847 à 1863, il fit cent dix portraits, et figura à toutes les expositions. M. Léon Cogniet avait déjà rendu justice à son mérite en le désignant pour le seconder dans la décoration de la Magdeleine, et M. Fontaine avait, avec lui, exécuté les Saintes Femmes au tombeau, remarquable peinture murale que tout le monde connaît. Veut-on savoir maintenant la destination des principales œuvres de M. Fontaine: c’est un excellent moyen de contrôler la réputation d’un artiste. Sa création de Jocelyn (Salon de 1848), fut acquise par M. de Lamartine; sa Visite de l’Empereur à Saint-Gyr (Salon de 1853) est actuellement au palais de Saint-Cloud. Le gouvernement acheta, pour le Musée de Versailles, son portrait du maréchal Masséna, d’après Gros, et son Affaire des ouvrages blancs (guerre de Crimée), Salon de 1859. Enfin, le Musée de Dijon possède sa Sainte-Marie de Chantal.

Dans l’atelier de M. Fontaine, nous avons vu les esquisses de ses principaux tableaux et d’un grand nombre de ses portraits.

L’épisode de Jocelyn, par exemple:

Il jeta sur la voûte

Un regard où semblait exister quelque doute,

Puis reportant sur moi l’œil fixe de la mort,

Et recueillant ses sens en un dernier effort:

«Je meurs, murmura-t-il, et le Ciel vous confie

Ce fils mon seul regret, ce fils mon autre vie;

veillez sur ce destin que j’abandonne à Dieu!

Soyez Pour lui, suyez un père, un frère! Adieu!

Le proscrit, étendu au fond de la grotte, expire; Laurence, en larmes, repose la tête sur son épaule; Jocelyn est à ses pieds, écoutant religieusement la prière du moribond. Les personnages ont été pris dans le poëme avec leur physionomie, leurs costumes et l’attitude même de leur caractère.

L’observation et la connaissance de la nature sont les qualités dominantes de M. Fontaine. Avant d’en treprendre un sujet, il en sonde tous les détails et les rend avec précision. Nous citerons une œuvre importante: César et sa fortune, qui, malheureuse ment, était fort mal placée à la dernière exposition, et que le public n’a pu connaître comme elle le méritait. César, debout sur une barque secouée par la mer furieuse, se tourne vers les matelots épouvantés et s’écrie, en s’adressant au pilote: «Tu portes César et sa fortune.» On sait le fait historique! M. Fontaine, pour l’interpréter, n’a reculé devant aucune recherche; il a consulté les médailles, visité les bibliothèques et les musées d’antiques; enfin, il n’a dessiné son héros qu’après s’en être pénétré et lui avoir restitué son véritable type.

Nommerons-nous encore l’Affaire des ouvragé blancs, la Haute Cour de justice à Versailles, la Visite d’Ibrahim Pacha à l’École de Saint-Cyr, où tous les personnages sont autant de portraits ressemblants?

M. Fontaine n’est pas un fantaisiste, c’est un observateur, et un observateur sérieux. Tous les ans, aux vacances, il s’en va explorer des pays nouveaux, d’où il rapporte toujours un bagage de curieux souvenirs. Nous avons examiné ses cartons, et nous y avons, avec lui, visité l’Italie, le Dauphiné, la Bretagne etc. Plusieurs sujets nous ont paru devoir intéresser le Plusieurs sujets nous ont paru devoir in-château le public, entre autres: les Mendiantes au château de Kernuz (Finistère). Près de la porte du manoir les châtelaines distribuent des secours à toute Une réunion de Bretonnes aux courtes jupes, aux bonnets découpés en rond derrière la nuque, et laissant à découvert leurs cheveux rattachés sous la coiffe; quelques paysannes roides et guindées se tiennent debout les autres et c’est le plus grand nombre, sont couchées par terre, suivant l’habitude du pays.

Pour faire pendant à une scène de genre qu’il a exposée en 1857 la Lettre, M Fontaine achève une Petite toile militaire qui représente un soldat assis dans son camp et réparant ses effets d’équipement. L’expression du visage nous a frappé par sa mâle bonhomie. Deux autres toiles sont encore sur le chevalet: l’une, la Maîtrise de Montreuil, l’autre: Souvenir du camp de Satory.

Nous formulerons sur les dernières œuvres de l’artiste la même opinion que sur les précédentes M. Fontaine n’est pas un romantique, ce n’est pas non plus un idéaliste; il se contente de rester l’interprète de la nature, et l’on retrouve dans toutes ses compositions l’exactitude calculée du physionomiste-Cela n’est pas une critique, car M. Fontaine a produit de forts beaux portraits, témoins ceux du général Alexandre, de l’amiral Duval d’Ailly et de madame Bazaine, charmante étude d’intérieur, où la femme du général est représentée causant avec son beau-frère au milieu d’un élégant salon. Le tableau de famille, d’une vérité parlante, fut envoyé au Mexique et ne quitta plus le général Bazaine.

Ennemi de toute réclame dans sa vie privée comme dans son style, M. Fontaine ne cherche ni le bruit ni les faveurs; il vit paisiblement au fond de son atelier, où nous avons dû plusieurs fois aller le trouver avant de livrer ces quelques détails au lecteur, qui nous saura certainement gré de nos démarches.

Les Ateliers de peinture en 1864

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