Читать книгу Le vignole des architectes et des élèves en architecture - Charles Normand - Страница 6
ОглавлениеAVERTISSEMENT.
LA nouvelle traduction des Cinq Ordres d’Architecture de J. BAROZZIO DE VIGNOLE, que je présente aux Architectes et aux Élèves même dans ce bel art, méritera, je l’espère, leur confiance, par les soins que j’ai apportés à la rendre aussi fidèle que possible. Tout en suivant avec exactitude cet immortel auteur, si je me suis permis, dans la disposition des planches, quelques changemens, ou plutôt quelques déplacemens de choses, comme les impostes et les archivoltes, comme aussi quelques additions de plans de bases et de chapiteaux, ou autres détails que j’ai crus nécessaires pour plus d’intelligence et de régularité, ce n’est pas, je crois, une licence dont on puisse me blâmer, non plus que d’avoir ajouté des cotes pour les petites saillies à celles qu’il ne donne souvent qu’en grande masse, de même que l’addition de lignes ponctuées correspondant des plans aux profils, etc.; toutes choses enfin dont j’ai moi-même autrefois éprouvé le besoin, qui rendront l’ouvrage plus élémentaire .
Les remarques que j’ai placées au dessous du texte de Vignole , pour chaque partie de ses Ordres, ne sauraient être prises pour des commentaires, qu’ici je ne me serais pas permis, mais seulement comme des explications nécessaires, ou pour éclaircir le texte même de l’auteur, quelquefois sinon obscur, souvent du moins trop succinct.
Le module de cette nouvelle traduction est réduit, sur celui de l’original, de deux septièmes, pour mettre le volume au format in-quarto, d’un usage plus commode. Le cadre, sur la hauteur, est exact dans sa proportion réduite, au moins pour la plupart des planches, qui varient elles-mêmes dans leur hauteur; le mien est pour toutes le même; j’ai pris un peu plus sur la largeur.
Quoique j’aie donné les Cinq Ordres d’Architecture du même auteur en cinq feuilles dans mon Parallèle, et sur une échelle commune aux autres Ordres qu’il renferme, et qu’à quelques petits détails près ils soient exacts, je n’ai pas cru devoir hésiter de reproduire de nouveau, dans tout son ensemble et dans ses mesures naturelles, un Ouvrage aussi recommandable et si fort altéré dans le grand nombre d’éditions qui portent son titre, et qui ne sont faites, pour la plupart, que par spéculation, et avec lesquelles souvent, loin d’avancer dans leurs études, ceux qui les possèdent ne peuvent faire que des progrès lents, aucun des caractères particuliers à chaque Ordre n’y étant exprimé ou même indiqué que très-imparfaitement, puisqu’ils sont souvent inconnus à ceux qui se sont chargés de les reproduire. Je ne crains pas d’être taxé d’exagération dans ce que j’avance; car, excepté une traduction en quatre langues, avec gravures du même format que l’original, celle de Daviler, et deux ou trois autres ouvrages chers, usés ou rares, je ne pense pas que le reste mérite la moindre confiance, soit à cause de la petitesse des formats, soit à cause de l’inexactitude ou de l’incorrection du dessin, et tous se ressentent plus ou moins du tems qui les a vus naître. Ainsi, ils substituent au chapiteau ionique de cet Ordre, par Vignole, celui de Scamozzi, et beaucoup d’autres détails étrangers à l’œuvre même, que je ne rapporterai pas ici.
Cependant, pour appuyer ce que j’avance, je citerai Laugier, ce grand commentateur, qui, sous le-titre modeste s’Essai sur l’Architecture, a dit éloquemment sans doute, de bonnes choses sur cet art, mais qui n’ont rien prouvé, sinon seulement qu’il avait le don de s’exprimer avec une sorte d’élégance entraînante, et peut-être persuasive pour beaucoup de lecteurs. Il s’est montré grand critique, mais nullement architecte, quand il a présenté ses Ordres d’architecture, ses plans et ses moyens d’exécution , ses colonnes accouplées, engagées même, quoiqu’il les repoussât. Il a prouvé enfin qu’il ne suffit pas de raisonner sur cet art, mais qu’il faut l’avoir exercé pour en parler sciemment, car, de tous les arts, celui de l’Architecture est peut-être le plus difficile, comme il est aussi le plus magique, le plus imposant, quand le génie et le goût sont en harmonie pour le diriger. Pourtant il faut rendre à Laugier cette justice, c’est qu’au moins ses remarques ont contribué à faire changer le goût des colifichets qui, de son tems, avaient une sorte de vogue en architecture. Cet art, depuis, a pris une physionomie plus mâle, plus rapprochée des modèles antiques qu’on connaissait à peine, et qu’on recherchait peu. Des artistes, qui ensuite ont parcouru la Grèce et l’Italie avec des yeux observateurs, en ont rapporté un faisceau de lumières qu’ils ont répandues avec un tel éclat, qu’il a servi à relever ce bel art, qui, sans eux, serait encore resté long-tems dans le chaos.
Quelques innovations aujourd’hui ont une sorte de tendance rétrograde, et, quoique dirigées par des mains habiles, elles ne sauraient passer en principe. On ne peut prendre la maigreur pour de l’élégance, ni adopter toutes ces grandes ouvertures ou baies, qui, bien qu’imitées d’antiquités nouvellement découvertes, parce qu’elles convenaient à ces climats, ne sauraient convenir au notre. Ces ouvertures, dans peu, seront murées et réduites en petites croisées, et l’effet qu’on s’était proposé sera par conséquent détruit. Il faut donc laisser tout cet assemblage de grec, de romain et d’arabe mêlés ensemble, et prendre le style convenable au pays. Quelques artistes l’ont senti; aussi les édifices ou les maisons qui s’élèvent par leurs soins ont-ils l’assentiment général: pureté dans les profils, proportion dans les ouvertures, grandiose dans les masses, et harmonie dans l’ensemble.
C’est à vous, jeunes Elèves, à relever ce bel art, en suivant les préceptes et les exemples de quelques-uns de vos maîtres. Qu’on reconnaisse dans vos travaux la main habile , l’œil exercé ; songez à la considération qui vous attend: car il ne suffit pas de bâtir une maison pour se croire ou se dire architecte, comme beaucoup le pensent et le font; il faut à l’œuvre prouver qu’on l’est réellement. Agréez ces conseils; ils vous sont donnés par un ami de l’art. Comme architecte, il est vrai que je n’ai presque rien fait qui m’ait mérité ce nom; cependant mes essais dans son étude, qui ont été couronnés plusieurs fois dans ma jeunesse, pouvaient me faire espérer de sortir de l’oubli. Mais les circonstances ne me furent point favorables, et me forcèrent à prendre une autre direction, que m’offrait quelque facilité et quelque habitude du dessin. La gravure au trait , que je n’avais regardée jusque là que comme un délassement, devint alors un état pour moi, et mon bonheur voulut que ce que j’ai fait dans ce genre fût souvent accueilli. C’est la confiance dans cet encouragement bienveillant qui m’a enhardi à mettre à profit, pour l’étude des autres, ce que j’avais acquis par mes travaux, ayant pu juger ce qui manquait pour les faciliter. Si ce dernier Ouvrage avait quelque succès, tout en rendant hommage à l’auteur que j’ai traduit, ce serait pour moi la récompense la plus douce.