Читать книгу Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 2 - Constantin-François Volney - Страница 5

ÉTAT POLITIQUE DE LA SYRIE CHAPITRE V

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Du pachalic de Saide, dit aussi d’Acre

AU midi du pachalic de Tripoli, et sur le prolongement de la même côte maritime, s’étend un troisième pachalic, qui jusqu’à ce jour a porté le nom de la ville de Saide, sa capitale, mais qui maintenant pourra prendre celui d’Acre, où le pacha, depuis quelques années, a transféré sa résidence. La consistance de ce gouvernement a beaucoup varié dans ces derniers temps. Avant Dâher, il était composé du pays des Druzes et de toute la côte, depuis Nahr-el-kelb jusqu’au Carmel. A mesure que Dâher s’agrandit, il le resserra au point que le pacha ne posséda plus que la ville de Saide, dont il finit par être chassé; mais à la chute de Dâher, on a rétabli l’ancienne consistance. Djezzâr, qui a succédé à ce chaik en qualité de pacha, y a fait annexer le pays de Safad, de Tabarîé, de Balbek, ci-devant relevant de Damas, et le territoire de Qâïsarié (Césarée), occupé par les Arabes de Saqr. C’est aussi ce pacha qui, profitant des travaux de Dâher à Acre, a transféré sa résidence en cette ville; et de ce moment elle est devenue la capitale de la province.

Par ces divers accroissements, le pachalic d’Acre embrasse aujourd’hui tout le terrain compris depuis Nahr-el-kelb jusqu’au sud de Qâïsarié, entre la Méditerranée à l’ouest, l’Antiliban et le cours supérieur du Jourdain à l’est. Cette étendue lui donne d’autant plus d’importance, qu’il y joint des avantages précieux de position et de sol. Les plaines d’Acre, d’Ezdredon, de Sour, de Haoulé, et le bas-Beqââ, sont vantées avec raison pour leur fertilité. Le blé, l’orge, le maïs, le coton et le sésame y rendent, malgré l’imperfection de la culture, vingt et vingt-cinq pour un. Le pays de Qaïsarié possède une forêt de chênes, la seule de la Syrie. Le pays de Safad donne des cotons que leur blancheur fait estimer à l’égal de ceux de Cypre. Les montagnes voisines de Sour ont des tabacs aussi bons que ceux de Lataqîé, et l’on y trouve un canton où ils ont un parfum de girofle qui les fait réserver à l’usage exclusif du sultan et de ses femmes. Le pays des Druzes abonde en vins et en soies; enfin par la position de la côte et la quantité de ses anses, ce pachalic devient l’entrepôt nécessaire de Damas et de toute la Syrie intérieure.

Le pacha jouit de tous les droits de sa place; il est gouverneur despote, et fermier général. Il rend chaque année à la Porte une somme fixe de sept cent cinquante bourses; mais en outre, il est obligé, ainsi qu’à Tripoli, de fournir le djerdé ou convoi des pèlerins de la Mekke. On estime également sept cent cinquante bourses la quantité de riz, de blé, d’orge employés à ce convoi. Le bail de la ferme est pour un an seulement; mais il est souvent prorogé. Ses revenus sont: 1º le miri; 2º les sous-fermes des peuples tributaires, tels que les Druzes, les Motouâlis, et quelques tribus d’Arabes; 3º le casuel toujours abondant des successions et des avanies; 4º les produits des douanes, tant sur l’entrée que sur la sortie et le passage des marchandises. Cet article seul a été porté à mille bourses (1,250,000 liv.) dans la ferme que Djezzâr a passée, en 1784, de tous ses ports et anses. Enfin ce pacha, usant d’une industrie familière à ses pareils dans toute l’Asie, fait cultiver des terrains pour son compte, s’associe avec des marchands et des manufacturiers, et prête de l’argent à intérêt aux laboureurs et aux commerçants. La somme qui résulte de tous ces moyens, est évaluée entre neuf et dix millions de France. Si l’on y compare son tribut, qui n’est que de 1500 bourses, ou 1,875,000 liv., l’on pourra s’étonner que la Porte lui permette d’aussi gros bénéfices; mais ceci est encore un des principes du divan. Le tribut une fois déterminé, il ne varie plus. Seulement si le fermier s’enrichit, on le pressure par des demandes extraordinaires; souvent on le laisse thésauriser en paix; mais lorsqu’il s’est bien enrichi, il arrive toujours quelque accident qui amène à Constantinople son coffre fort ou sa tête. En ce moment, la Porte ménage Djezzâr, à raison, dit-elle, de ses services. En effet, il a contribué à la ruine de Dâher; il a détruit la famille de ce prince, réprimé les Bedouins de Saqr, abaissé les Druzes, et presque anéanti les Motouâlis. Ces succès lui ont valu des prorogations qui se continuent depuis dix ans. Récemment il a reçu les trois queues, et le titre de ouâzir (vizir) qui les accompagne20; mais, par un retour ordinaire, la Porte commence à prendre ombrage de sa fortune; elle s’alarme de son humeur entreprenante; lui, de son côté, redoute sa fourberie; en sorte qu’il règne de part et d’autre une défiance qui pourra avoir des suites. Il entretient des soldats en plus grand nombre et mieux tenus qu’aucun autre pacha; et il observe de n’enrôler que des gens venus de son pays; c’est-à-dire des Bochnâqs et des Arnautes; leur nombre se monte à environ neuf cents cavaliers. Il y joint environ mille Barbaresques à pied. Les portes de ses villes frontières ont des gardes régulières; ce qui est inusité dans le reste de la Syrie. Sur mer, il a une frégate, deux galiotes et un chébek qu’il a récemment pris sur les Maltais. Par ces précautions, dirigées en apparence contre l’étranger, il se met en garde contre les surprises du divan. L’on a déja tenté plus d’une fois la voie des capidjis; mais il les a fait veiller de si près, qu’ils n’ont rien pu exécuter; et les coliques subites qui en ont fait périr deux ou trois, ont beaucoup refroidi le zèle de ceux qui se chargent d’un si cauteleux emploi. D’ailleurs il soudoie des espions dans le séraï ou palais du sultan; et il y répand un argent qui lui assure des protecteurs. Ce moyen vient de lui procurer le pachalic de Damas, qu’il ambitionnait depuis long-temps, et qui en effet est le plus important de toute la Syrie. Il a cédé celui d’Acre à un mamlouk nommé Sélim, son ami et son compagnon de fortune; mais cet homme lui est si dévoué, que l’on peut regarder Djezzâr comme maître des deux gouvernements. L’on dit qu’il sollicite encore celui d’Alep. S’il l’obtient, il possédera presque toute la Syrie, et peut-être la Porte aura-t-elle trouvé un rebelle plus dangereux que Dâher; mais comme les conjectures en pareilles matières sont inutiles, et presque impossibles à asseoir, je vais passer, sans y insister, à quelques détails sur les lieux les plus remarquables de ce pachalic.

Le premier qui se présente en venant de Tripoli le long de la côte, est la ville de Béryte, que les Arabes prononcent comme les anciens Grecs, Baîrout21. Son local est une plaine qui du pied du Liban s’avance en pointe dans la mer, environ deux lieues hors la ligne commune du rivage: l’angle rentrant qui en résulte au nord, forme une assez grande rade, où débouche la rivière de Nahr-el-Salib, dite aussi Nahr-Baîrout. Cette rivière en hiver a des débordements qui ont forcé d’y construire un pont assez considérable; mais il est tellement ruiné, que l’on n’y peut plus passer: le fond de la rade est un roc qui coupe les câbles des ancres, et rend cette station peu sûre. De là, en allant à l’ouest vers la pointe, l’on trouve, après une heure de chemin, la ville de Baîrout. Jusqu’à ces derniers temps elle avait appartenu aux Druzes; mais Djezzâr a jugé à propos de la leur retirer, et d’y mettre une garnison turke. Elle n’en continue pas moins d’être l’entrepôt des Maronites et des Druzes: c’est par là qu’ils font sortir leurs cotons et leurs soies, destinées presque toutes pour le Kaire. Ils reçoivent en retour du riz, du tabac, du café et de l’argent, qu’ils échangent encore contre les blés de Beqâà et du Hauran: ce commerce entretient une population assez active, d’environ six mille ames. Le dialecte des habitants est renommé avec raison pour être le plus mauvais de tous; il réunit à lui seul les douze défauts d’élocution dont parlent les grammairiens arabes. Le port de Baîrout, formé comme tous ceux de la côte par une jetée, est comme eux comblé de sables et de ruines; la ville est enceinte d’un mur dont la pierre molle et sablonneuse cède au boulet de canon sans éclater; ce qui contraria beaucoup les Russes quand ils l’attaquèrent. D’ailleurs, ce mur et ses vieilles tours sont sans défense. Il s’y joint deux autres inconvénients qui condamnent Baîrout à n’être jamais qu’une mauvaise place; car d’une part elle est dominée par un cordon de collines qui courent à son sud-est, et de l’autre elle manque d’eau dans son intérieur. Les femmes sont obligées de l’aller puiser à un demi-quart de lieue, à une source où elle n’est pas trop bonne. Djezzâr a entrepris de construire une fontaine publique, comme il a fait à Acre; mais le canal que j’ai vu creuser sera de peu de durée. Les fouilles que l’on a faites en d’autres circonstances pour former des citernes, ont fait découvrir des ruines souterraines, d’après lesquelles il paraît que la ville moderne est bâtie sur l’ancienne. Lataqîé, Antioche, Tripoli, Saide, et la plupart des villes de la côte sont dans le même cas, par l’effet des tremblements de terre qui les ont renversées à diverses époques. On trouve aussi hors des murs à l’ouest, des décombres et quelques fûts de colonnes, qui indiquent que Baîrout a été autrefois beaucoup plus grande qu’aujourd’hui. La plaine qui forme son territoire est toute plantée en mûriers blancs, qui, au contraire de ceux de Tripoli, sont jeunes et vivaces, parce que sous la régie druze on les renouvelait impunément. Aussi la soie qu’ils fournissent est d’une très-belle qualité: c’est un coup d’œil vraiment agréable, lorsqu’on vient des montagnes, d’apercevoir, de leurs sommets ou de leurs pentes, le riche tapis de verdure que déploie au fond lointain de la vallée cette forêt d’arbres utiles: dans l’été, le séjour de Baîrout est incommode par sa chaleur et son eau tiède; cependant il n’est pas malsain: on dit qu’il le fut autrefois, mais qu’il cessa de l’être depuis que l’émir Fakr-el-dîn eut planté un bois de sapins qui subsiste encore à une lieue de la ville; les religieux de Mahr-Hanna, qui ne sont pas des physiciens à systèmes, citent la même observation pour divers couvents; ils assurent même que depuis que les sommets se sont couverts de sapins, les eaux de diverses sources sont devenues plus abondantes et plus saines: ce qui est d’accord avec d’autres faits déja connus.

Le pays des Druzes offre peu de lieux intéressants. Le plus remarquable est Dair-el Qamar ou Maison de la Lune, qui est la capitale et la résidence des émirs. Ce n’est point une cité, mais simplement un gros bourg mal bâti et fort sale. Il est assis sur le revers d’une montagne, au pied de laquelle coule une des branches de l’ancien fleuve Tamyras, aujourd’hui ruisseau de Dâmour. Sa population est formée de Grecs catholiques et schismatiques, de Maronites et de Druzes, au nombre de quinze à dix-huit cents ames. Le séraï ou palais du prince, n’est qu’une grande et mauvaise maison qui menace ruine.

Je citerai encore Zahlé, village au pied des montagnes, sur la vallée de Beqâà: depuis vingt ans ce lieu est devenu le centre des relations de Balbek, de Damas et de Baîrout, avec l’intérieur des montagnes. L’on prétend même qu’il s’y fabrique de la fausse monnaie; mais les ouvriers qui contrefont les piastres turkes, n’ont pu imiter la gravure plus fine des dahlers d’Allemagne.

J’oubliais d’observer que le pays des Druzes est divisé en qàtas ou sections, qui ont chacune un caractère principal qui les distingue. Le Matné qui est au nord, est le plus rocailleux et le plus riche en fer. Le Garb qui vient ensuite, a les plus beaux sapins. Le Sâhel, ou pays plat, qui est la lisière maritime, est riche en mûriers, et en vignes. Le Choûf, où se trouve Dair-el-Qamar, est le plus rempli d’oqqâls, et produit les plus belles soies. Le Tefâh, ou district des pommes, qui est au midi, abonde en ce genre de fruits. Le Chaqîf a les meilleurs tabacs; enfin l’on donne le nom de Djourd à toute la région la plus élevée et la plus froide des montagnes: c’est là que les pasteurs retirent dans l’été leurs troupeaux.

J’ai dit que les Druzes avaient accueilli chez eux des chrétiens grecs et maronites, et leur avaient concédé des terrains pour y bâtir des couvents. Les Grecs catholiques, usant de cette permission, en ont fondé douze depuis 70 ans. Le chef-lieu est Mar-hanna: ce monastère est situé en face du village de Chouair, sur une pente escarpée, au pied de laquelle coule en hiver un torrent qui va au Nahr-el-Kelb. La maison, bâtie au milieu de rochers et de blocs écroulés, n’est rien moins que magnifique. C’est un dortoir à deux rangs de petites cellules, sur lesquelles règne une terrasse solidement voûtée: l’on y compte 40 religieux. Son principal mérite est une imprimerie arabe, la seule qui ait réussi dans l’empire turk. Il y a environ 50 ans qu’elle est établie: le lecteur ne trouvera peut-être pas mauvais d’en apprendre en peu de mots l’histoire.

Dans les premières années de ce siècle, les jésuites, profitant de la considération que leur donnait la protection de la France, déployaient dans leur maison d’Alep le zèle d’instruction qu’ils ont porté partout. Ils avaient fondé dans cette ville une école où ils s’efforçaient d’élever les enfants des chrétiens dans la connaissance de la religion romaine, et dans la discussion des hérésies: ce dernier article est toujours le point capital des missionnaires; il en résulte une manie de controverse qui met sans cesse aux prises les partisans des différents rites de l’Orient. Les Latins d’Alep, excités par les jésuites, ne tardèrent pas de recommencer, comme autrefois, à argumenter contre les Grecs; mais comme la logique exige une connaissance méthodique de la langue, et que les chrétiens, exclus des écoles musulmanes, ne savaient que l’arabe vulgaire, ils ne pouvaient satisfaire par écrit leur goût de controverse. Pour y parvenir, les Latins résolurent de s’initier dans le scientifique de l’arabe. L’orgueil des docteurs musulmans répugnait à en ouvrir les sources à des infidèles; mais leur avarice fut encore plus forte que leurs scrupules; et moyennant quelques bourses, la science si vantée de la grammaire et du nahou fut introduite chez les chrétiens. Le sujet qui se distingua le plus par les progrès qu’il y fit, fut un nommé Abd-allah-zâker; il y joignit un zèle particulier à promulguer ses connaissances et ses opinions. On ne peut déterminer les suites qu’eût pu avoir cet esprit de prosélytisme dans Alep; mais un accident ordinaire en Turkie vint en déranger la marche. Les schismatiques, blessés des attaques d’Abd-allah, sollicitèrent sa perte à Constantinople. Le patriarche, excité par ses prêtres, le représenta au vizir comme un homme dangereux: le vizir, qui connaissait les usages, feignit d’abord de ne rien croire; mais le patriarche ayant appuyé ses raisons de quelques bourses, le vizir lui délivra un kat-chérîf, ou noble-seing du sultan, qui, selon la coutume, portait ordre de couper la tête à Abd-allah. Heureusement il fut prévenu assez à temps pour s’échapper; et il se sauva dans le Liban où sa vie était en sûreté; mais en quittant son pays, il ne perdit pas ses idées de réforme, et il résolut plus que jamais de répandre ses opinions. Il ne le pouvait plus que par des écrits: la voie des manuscrits lui parut insuffisante. Il connaissait les avantages de l’imprimerie: il eut le courage de former le triple projet d’écrire, de fondre et d’imprimer; et il parvint à l’exécuter par son esprit, sa fortune, et son talent de graveur, qu’il avait déja exercé dans la profession de joaillier. Il avait besoin d’un associé, et il eut le bonheur d’en trouver un qui partagea ses desseins: son frère, qui était supérieur à Mar-hanna, le détermina à choisir cette résidence; et dès lors, libre de tout autre soin, il se livra tout entier à l’exécution de son projet. Son zèle et son activité eurent tant de succès, que dès 1733 il fit paraître les Psaumes de David en un volume. Ses caractères furent trouvés si corrects et si beaux, que ses ennemis mêmes achetèrent son livre: depuis ce temps on en a renouvelé dix fois l’impression; l’on a fondu de nouveaux caractères, mais l’on n’a rien fait de supérieur aux siens. Ils imitent parfaitement l’écriture à la main; ils en observent les pleins et les déliés, et n’ont point l’air maigre et décousu des caractères arabes d’Europe. Il passa ainsi 20 années à imprimer divers ouvrages, qui furent la plupart des traductions de nos livres dévots. Ce n’est pas qu’il sût aucune de nos langues; mais les jésuites avaient déja traduit plusieurs livres; et comme leur arabe était tout-à-fait mauvais, il refondit leurs traductions, et leur substitua sa version, qui est un modèle de pureté et d’élégance. Sous sa plume, la langue a pris une marche soutenue, un style nombreux, clair et précis dont on ne l’eût pas crue capable, et qui indique que si jamais elle est maniée par un peuple savant, elle sera l’une des plus heureuses et des plus propres à tous les genres. Après la mort d’Abd-allah, arrivée vers 1755, son élève lui succéda; à celui-ci ont succédé des religieux de la maison même; ils ont continué d’imprimer et de fondre; mais l’établissement est languissant et menace de finir. Les livres se vendent peu, à l’exception des Psaumes, dont les chrétiens ont fait le livre classique de leurs enfants, et qu’il faut, par cette raison, renouveler sans cesse. Les frais sont considérables, attendu que le papier vient d’Europe, et que la main-d’œuvre est très-lente. Un peu d’art remédierait au premier de ces inconvénients; mais le second est radical. Les caractères arabes exigeant d’être liés entre eux, il faut, pour les bien joindre et les aligner, des soins d’un détail immense. En outre, la liaison des lettres variant de l’une à l’autre, selon qu’elles sont au commencement, au milieu ou à la fin d’un mot, il a fallu fondre beaucoup de lettres doubles; par-là les casses trop multipliées ne se trouvent plus rassemblées sous la main du compositeur; il est obligé de courir le long d’une table de dix-huit pieds de long, et de chercher ses lettres dans près de neuf cents cassetins: de là, une perte de temps qui ne permettra jamais aux imprimeries arabes d’atteindre à la perfection des nôtres. Quant au peu de débit des livres, il ne faut l’imputer qu’au mauvais choix que l’on en a fait; au lieu de traduire des ouvrages d’une utilité pratique, et qui fussent propres à éveiller le goût des arts chez tous les Arabes sans distinction, l’on n’a traduit que des livres mystiques exclusivement propres aux chrétiens, et qui, par leur morale misanthropique, ne sont faits que pour fomenter le dégoût de toute science et même de la vie. Le lecteur en pourra juger par le catalogue ci-joint.

Catalogue des livres imprimés au couvent de Mar-hanna-el-Chouir, dans la montagne des Druzes.

1. 22 Balance du temps, ou Différence du Temps et de l’Éternité, par le père Nieremberg, jésuite.

2. Vanité du monde, par Didaco Stella, jésuite.

3. Guide du Pécheur, par Louis de Grenade, jésuite.

4. Guide du Prêtre.

5. Guide du Chrétien.

6. Aliment de l’Ame.

7. Contemplation de la Semaine Sainte.

8. Doctrine Chrétienne.

9. Explication des sept Psaumes de la Pénitence.

10. Les Psaumes de David, traduits du grec.

11. Les Prophéties.

12. L’Évangile et les Épîtres.

13. Les Heures Chrétiennes, à quoi il faut joindre la Perfection Chrétienne de Rodriguez, et la Règle des Moines, imprimés tous les deux à Rome.

En manuscrits, ce couvent possède:

1. 23 Imitation de Jésus-Christ.

2. Jardin des Moines, ou la Vie des Saints Pères du Désert.

3. Théologie Morale, de Buzembaum.

4. Les Sermons de Segneri.

5. Théologie de saint Thomas, en 4 vol. in-fol., dont la transcription a coûté 1250 liv.

6. Sermons de saint Jean Chrysostôme.

7. Principes des Lois de Claude Virtieu.

8. *Dispute Théologique du moine George.

9. Logique traduite de l’italien, par un Maronite.

10. La lumière des Cœurs (Juifs), de Paul de Smyrne, juif converti.

11. *Demandes et Recherches sur la Grammaire et le Nahou, par l’évêque Germain, Maronite.

12. *Poésies du même, sur des sujets pieux.

13. *Poésies du Curé Nicolas, frère d’Abd-allah-Zâkèr.

14. Abrégé du Dictionnaire appelé l’Océan de la Langue arabe.

Tous ces ouvrages sont de la main des Chrétiens; ceux qui sont marqués d’étoiles sont de composition arabe; les suivants sont de la composition des Musulmans.

1. 24 Le Qôran, ou la Lecture de Mahomet.

2. L’Océan de la Langue arabe, traduit par Golius.

3. Les Mille Distiques d’Ebn-el-Malek, sur la Grammaire.

4. Explication des Mille Distiques.

5. Grammaire Adjeroumié.

6. Rhétorique de Taftazâni.

7. Séances, ou Histoires plaisantes de Hariri.

8. Poésies d’Omar Ebn-el-Fârdi, dans le genre érotique.

9. Science de la Langue arabe; petit livre dans le genre des Synonymes français de Girard.

10. Médecine d’Ebn-Sina (Avicenne).

11. Les Simples et les Drogues, traduit de Dioscoride par Ebn-el-Bitar.

12. Dispute des Médecins.

13. Fragmens Théologiques sur les sectes du monde.

14. Un livret de Contes (de peu de valeur). J’en ai l’extrait.

15. Histoire des Juifs, par Josèphe, traduction très-incorrecte.

Enfin, un petit livre d’astronomie dans les principes de Ptolomée, et quelques autres de nulle valeur.

Voilà en quoi consiste toute la bibliothèque du couvent de Mar-hanna, et l’on peut en prendre une idée de la littérature de toute la Syrie, puisque cette bibliothèque est, avec celle de Djezzâr, la seule qui y existe. Parmi les livres originaux, il n’y en a pas un seul qui, pour le fonds, mérite d’être traduit. Les séances même de Hariri n’ont d’intérêt qu’à raison du style; et il n’y a dans tout l’ordre qu’un seul religieux qui les entende: les autres ne sont pas mieux compris de la plupart des moines. Le régime de cette maison, et les mœurs des moines qui l’habitent, offrent quelques singularités qui méritent que j’en fasse mention.

La règle de leur ordre est celle de saint Basile, qui est pour les Orientaux ce que saint Benoît est pour les Occidentaux; seulement ils y ont fait quelques modifications relatives à leur position; la cour de Rome a sanctionné le code qu’ils en ont dressé il y a 30 ans. Ils peuvent prononcer les vœux dès l’âge de 16 ans, selon l’attention qu’ont eue tous les législateurs monastiques de captiver l’esprit de leurs prosélytes dès le plus jeune âge, pour le plier à leur institut; ces vœux sont, comme partout, ceux de pauvreté, d’obéissance, de dévouement et de chasteté; mais il faut avouer qu’ils sont plus strictement observés dans ce pays que dans le nôtre; en tout, la condition des moines d’Orient est bien plus dure que celle des moines d’Europe. On en pourra juger par le tableau de leur vie domestique. Chaque jour, ils ont 7 heures de prières à l’église, et personne n’en est dispensé. Ils se lèvent à 4 heures du matin, se couchent à 9 du soir, et ne font que deux repas, savoir, à 9 et à 5. Ils font perpétuellement maigre, et se permettent à peine la viande dans les plus grandes maladies; ils ont, comme les autres Grecs, trois grands carêmes par an, une foule de jeûnes, pendant lesquels ils ne mangent ni œufs, ni lait, ni beurre, ni même de fromage. Presque toute l’année ils vivent de lentilles à l’huile, de fèves, de riz au beurre, de lait caillé, d’olives et d’un peu de poisson salé. Leur pain est une petite galette grossière et mal levée, dure le second jour, et que l’on ne renouvelle qu’une fois par semaine. Avec cette nourriture, ils se prétendent moins sujets aux maladies que les paysans; mais il faut remarquer qu’ils portent tous des cautères au bras, et que plusieurs sont attaqués d’hernies, dues, je crois, à l’abus de l’huile. Chacun a pour logement une étroite cellule, et pour tout meuble une natte, un matelas, une couverture, et point de draps; ils n’en ont pas besoin, puisqu’ils dorment vêtus. Leur vêtement est une grosse chemise de coton rayée de bleu, un caleçon, une camisole, et une robe de bure brune si roide et si épaisse, qu’elle se tient debout sans faire un pli. Contre l’usage du pays, ils portent des cheveux de huit pouces de long; et au lieu de capuchon, un cylindre de feutre de dix pouces de hauteur, tel que celui des cavaliers turks. Enfin chacun d’eux, à l’exception du supérieur, du dépensier et du vicaire, exerce un métier d’un genre nécessaire ou utile à la maison; l’un est tisserand, et fabrique les étoffes; l’autre est tailleur, et coud les habits; celui-ci est cordonnier, et fait les souliers; celui-là est maçon, et dirige les constructions. Deux sont chargés de la cuisine, quatre travaillent à l’imprimerie, quatre à la reliure; et tous aident à la boulangerie, le jour que l’on fait le pain. La dépense de 40 à 45 bouches qui composent le couvent, n’excède pas chaque année la somme de 12 bourses, c’est-à-dire, 15,000 liv.; encore sur cette somme prend-on les frais de l’hospitalité de tous les passants, ce qui forme un article considérable. Il est vrai que la plupart de ces passants laissent des dons ou aumônes, qui font une partie du revenu de la maison; l’autre partie provient de la culture des terres. Ils en ont pris à rente une assez grande étendue, dont ils paient 400 piastres de redevance à deux émirs. Ces terres ont été défrichées par les premiers religieux; mais aujourd’hui, ils ont jugé à propos d’en remettre la culture à des paysans qui leur paient la moitié de tous les produits. Ces produits sont des soies blanches et jaunes que l’on vend à Baîrout; quelques grains et des vins25 qui, faute de débit, sont offerts en présent aux bienfaiteurs, ou consommés dans la maison. Ci-devant les religieux s’abstenaient d’en boire; mais, par une marche commune à toutes les sociétés, ils se sont déja relâchés de leur austérité première; ils commencent aussi à se tolérer la pipe et le café, malgré les réclamations des anciens, jaloux en tout pays de perpétuer les habitudes de leur jeunesse.

Le même régime a lieu pour toutes les maisons de l’ordre, qui, comme je l’ai dit, sont au nombre de 12. On porte à 150 sujets la totalité des religieux; il faut y ajouter 5 couvents de femmes qui en dépendent. Les premiers supérieurs qui les fondèrent, crurent avoir fait une bonne opération; mais aujourd’hui l’ordre s’en repent, parce que des religieuses en pays turk sont une chose dangereuse, et qu’en outre elles dépensent plus qu’elles ne rendent. L’on n’ose cependant les abolir, parce qu’elles tiennent aux plus riches maisons d’Alep, de Damas et du Kaire, qui se débarrassent de leurs filles dans ces couvents, moyennant une dot. C’est d’ailleurs pour un marchand un motif de verser des aumônes considérables. Plusieurs donnent chaque année cent pistoles, et même cent louis et mille écus, sans demander d’autre intérêt que des prières à Dieu, pour qu’il détourne d’eux le regard dévorant des pachas. Mais comme d’autre part ils le provoquent par le luxe fastueux de leurs habits et de leurs meubles, ces dons ne les empêchent point d’être rançonnés. Récemment l’un d’eux osa bâtir à Damas une maison de plus de 120,000 livres. Le pacha qui la vit, fit dire au maître qu’il était curieux de la visiter, et d’y prendre une tasse de café. Or, comme le pacha eût pu s’y plaire et y rester, il fallut, pour se débarrasser de sa politesse, lui faire un cadeau de 10,000 écus.

Après Mar-hanna, le couvent le plus remarquable est Dair-Mokallés, ou couvent de Saint-Sauveur. Il est situé à trois heures de chemin au nord-est de Saide. Les religieux avaient amassé dans ces derniers temps une assez grande quantité de livres arabes imprimés et manuscrits; mais il y a environ 8 ans que Djezzâr ayant porté la guerre dans ce canton, ses soldats pillèrent la maison et dispersèrent tous les livres.

En revenant à la côte, on doit remarquer d’abord Saîda, rejeton dégénéré de l’ancienne Sidon26. Cette ville, ci-devant résidence du pacha, est, comme toutes les villes turkes, mal bâtie, malpropre, et pleine de décombres modernes. Elle occupe, le long de la mer, un terrain d’environ 600 pas de long sur 150 de large. Dans la partie du sud, le terrain qui s’élève un peu, a reçu un fort construit par Degnîzlé. De là l’on domine la mer, la ville et la campagne; mais une volée de canon renverserait tout cet ouvrage, qui n’est qu’une grosse tour à un étage, déja à demi ruinée. A l’autre extrémité de la ville, c’est-à-dire au nord-ouest, est le château. Il est bâti dans la mer même, à 80 pas du continent, auquel il tient par des arches. A l’ouest de ce château, est un écueil de 15 pieds d’élévation au-dessus de la mer, et d’environ 200 pas de long. L’espace compris entre cet écueil et le château, sert de rade aux vaisseaux; mais ils n’y sont pas en sûreté contre le gros temps. Le rivage qui règne le long de la ville, est occupé par un bassin enclos d’un môle ruiné. C’était jadis le port; mais le sable l’a rempli au point qu’il n’y a que son embouchure près le château, qui reçoive des bateaux. C’est Fakr el Din, émir des Druzes, qui a commencé la ruine de tous ces petits ports, depuis Baîrout jusqu’à Acre, parce que craignant les vaisseaux turks, il y fit couler à fond des bateaux et des pierres. Le bassin de Saide, s’il était vidé, pourrait tenir 20 à 25 petits bâtiments. Du côté de la mer, la ville est absolument sans muraille; du côté de la terre, celle qui l’enceint n’est qu’un mur de prison. Toute l’artillerie réunie ne monte pas à six canons, qui n’ont ni affûts ni canonnier. A peine compte-t-on 100 hommes de garnison. L’eau vient de la rivière d’Aoula, par des canaux découverts où les femmes vont la puiser. Ces canaux servent aussi à abreuver des jardins d’un sol médiocre, où l’on cultive des mûriers et des limoniers.

Saide est une ville assez commerçante, parce qu’elle est le principal entrepôt de Damas et du pays intérieur. Les Français, les seuls Européens que l’on y trouve, y ont un consul et 5 ou 6 maisons de commerce. Leurs retraits consistent en soie, et surtout en cotons bruts ou filés. Le travail de ce coton est la principale branche d’industrie des habitants, dont le nombre peut se monter à cinq mille ames.

A 6 lieues au sud de Saide, en suivant le rivage, l’on arrive par un chemin de plaine très-coulant, au village de Sour. Nous avons peine à reconnaître dans ce nom celui de Tyr, que nous tenons des Latins; mais si l’on se rappelle que l’y fut jadis ou; si l’on observe que les Latins ont substitué le t au thêta des Grecs, et que ce thêta avait le son sifflant du th anglais dans think27, l’on sera moins étonné de l’altération. Elle n’a point eu lieu chez les Orientaux, qui, de tout temps, ont appelé Tsour et Sour le lieu dont nous parlons.

Le nom de Tyr tient à tant d’idées et de faits intéressants pour quiconque a lu l’histoire, que je crois faire une chose agréable à tout lecteur, en traçant un tableau fidèle des lieux qui furent jadis le théâtre d’un commerce et d’une navigation immenses, le berceau des arts et des sciences, et la patrie du peuple le plus industrieux peut-être et le plus actif qui ait jamais existé.

Le local actuel de Sour est une presqu’île qui saille du rivage en mer en forme de marteau à tête ovale. Cette tête est un fond de roc recouvert d’une terre brune cultivable, qui forme une petite plaine d’environ 800 pas de long sur 400 de large. L’isthme qui joint cette plaine au continent, est un pur sable de mer. Cette différence de sol rend très-sensible l’ancien état d’île qu’avait la tête de marteau avant qu’Alexandre la joignît au rivage par une jetée. La mer, en recouvrant de sable cette jetée, l’a élargie par des atterrissements successifs, et en a formé l’isthme actuel. Le village de Sour est assis sur la jonction de cet isthme à l’ancienne île, dont il ne couvre pas plus du tiers. La pointe que le terrain présente au nord, est occupée par un bassin qui fut un port creusé de main d’homme. Il est tellement comblé de sable, que les petits enfants le traversent sans se mouiller les reins. L’ouverture, qui est à la pointe même, est défendue par deux tours correspondantes, où jadis l’on attachait une chaîne de 50 à 60 pieds pour fermer entièrement le port. De ces tours part une ligne de murs qui, après avoir protégé le bassin du côté de la mer, enfermait l’île entière; mais aujourd’hui l’on n’en suit la trace que par les fondations qui bordent le rivage, excepté dans le voisinage du port, où les Motouâlis firent, il y a 20 ans, quelques réparations, déja en ruines. Plus loin en mer, au nord-ouest de la pointe, à la distance d’environ 300 pas, est une ligne de roches à fleur d’eau. L’espace qui les sépare du rivage du continent en face, forme une espèce de rade où les vaisseaux mouillent avec plus de sûreté qu’à Saide, sans cependant être hors de danger; car le vent du nord-ouest les bat fortement, et le fond fatigue les câbles. En rentrant dans l’île, l’on observe que le village en laisse libre la partie qui donne sur la pleine mer, c’est-à-dire à l’ouest. Cet espace sert de jardin aux habitants; mais telle est leur inertie, que l’on y trouve plus de ronces que de légumes. La partie du sud est sablonneuse et plus couverte de décombres. Toute la population du village consiste en 50 à 60 pauvres familles, qui vivent obscurément de quelques cultures de grain, et d’un peu de pêche. Les maisons qu’elles occupent ne sont plus, comme au temps de Strabon, des édifices à 3 et 4 étages, mais de chétives huttes prêtes à s’écrouler. Ci-devant elles étaient sans défense du côté de terre; mais les Motouâlis, qui s’en emparèrent en 1766, les fermèrent d’un mur de 20 pieds de haut qui subsiste encore. L’édifice le plus remarquable est une masure qui se trouve à l’angle du sud-est. Ce fut une église chrétienne, bâtie probablement par les Croisés; il n’en reste que la partie du chœur: tout auprès, parmi des monceaux de pierres, sont couchées deux belles colonnes à triple fût de granit rouge, d’une espèce inconnue en Syrie. Djezzâr, qui a dépouillé tous ces cantons pour orner sa mosquée d’Acre, a voulu les enlever; mais ses ingénieurs n’ont pas même pu les remuer.

En sortant du village sur l’isthme, on trouve à cent pas de la porte une tour ruinée, dans laquelle est un puits où les femmes viennent chercher l’eau: ce puits a quinze ou seize pieds de profondeur; mais l’eau n’en a pas plus de deux ou trois; l’on n’en boit pas de meilleure sur toute la côte. Par un phénomène dont on ignore la raison, elle se trouble en septembre, et elle devient, pendant quelques jours, pleine d’une argile rougeâtre. C’est l’occasion d’une grande fête pour les habitants; ils viennent alors en troupe à ce puits, et ils y versent un seau d’eau de mer qui, selon eux, a la vertu de rendre la limpidité à l’eau de la source. Si l’on continue de marcher sur l’isthme, vers le continent, l’on rencontre, de distance en distance, des ruines d’arcades qui conduisent en ligne droite à un monticule, le seul qu’il y ait dans la plaine. Ce monticule n’est point factice comme ceux du désert; c’est un rocher naturel d’environ 150 pas de circuit sur 40 à 50 pieds d’élévation; l’on n’y trouve qu’une maison en ruines et le tombeau d’un chaik ou santon28, remarquable par le dôme blanc qui le couvre. La distance de ce rocher à Sour est d’un quart d’heure de marche au pas du cheval. A mesure que l’on s’en rapproche, les arcades dont j’ai parlé deviennent plus fréquentes et plus basses; elles finissent par former une ligne continue, qui du pied du rocher tourne tout à coup par un angle droit au midi, et marche obliquement par la campagne vers la mer; on en suit la file pendant une grande heure de marche au pas du cheval. C’est dans cette route que l’on reconnaît, au canal qui règne sur les arches, cette construction pour un aqueduc. Ce canal a environ trois pieds de large sur deux et demi de profondeur; il est formé d’un ciment plus dur que les pierres mêmes; enfin l’on arrive à des puits où il aboutit, ou plutôt d’où il tire son origine. Ces puits sont ceux que quelques voyageurs ont appelés puits de Salomon; mais dans le pays, on ne les connaît que sous le nom de Ras-el-àên, c’est-à-dire, tête de la source. L’on en compte un principal, deux moindres, et plusieurs petits; tous forment un massif de maçonnerie qui n’est point en pierre taillée ou brute, mais en ciment mêlé de cailloux de mer. Du côté du sud, ce massif saille de terre d’environ 18 pieds, et de 15 du côté du nord. De ce même côté s’offre une pente assez large et assez douce, pour que des chariots puissent monter jusqu’au haut. Quand on y est monté, l’on trouve un spectacle bien étonnant; car au lieu d’être basse ou à niveau de terre, l’eau se présente au niveau des bords de l’esplanade, c’est-à-dire que sa colonne qui remplit le puits est élevée de 15 pieds plus haut que le sol. En outre, cette eau n’est point calme; mais elle ressemble à un torrent qui bouillonne, et elle se répand à flots par des canaux pratiqués à la surface du puits. Telle est son abondance, qu’elle peut faire marcher trois moulins qui sont auprès, et qu’elle forme un petit ruisseau dès avant la mer, qui en est distante de 400 pas. La bouche du puits principal est un octogone, dont chaque côté a 23 pieds 3 pouces de long, ce qui suppose 61 pieds au diamètre. L’on prétend que ce puits n’a point de fond; mais le voyageur Laroque assure que de son temps on le trouva à 36 brasses. Il est remarquable que le mouvement de l’eau à la surface a rongé les parois intérieures du puits, au point que le bord ne porte plus sur rien, et qu’il forme une demi-voûte suspendue sur l’eau. Parmi les canaux qui en partent, il en est un principal qui se joint à celui des arches dont j’ai parlé. Au moyen de ces arches, l’eau se portait jadis d’abord au rocher, puis du rocher par l’isthme, à la tour où l’on puise l’eau. Du reste, la campagne est une plaine d’environ deux lieues de large, ceinte d’une chaîne de montagnes assez hautes, qui règnent depuis la Qâsmié jusqu’au cap Blanc. Le sol est une terre grasse et noirâtre, où l’on cultive avec succès le peu de blé et de coton que l’on y sème.

Tel est le local de Tyr, sur lequel il se présente quelques observations relatives à l’état de l’ancienne ville. On sait que jusqu’au temps où Nabukodonosor en fit le siége, Tyr fut située dans le continent; l’on en désigne l’emplacement à palæ-Tyrus, c’est-à-dire, auprès des puits; mais dans ce cas, pourquoi cet aqueduc conduit-il à tant de frais29 des puits au rocher? Dira-t-on qu’il fut construit après que les Tyriens eurent passé l’île? Mais dès avant Salmanasar, c’est-à-dire 136 ans avant Nabukodonosor, leurs annales en font mention comme existant déja. «Du temps d’Eululæus, roi de Tyr, dit l’historien Ménandre, cité par Josèphe30, Salmanasar, roi d’Assyrie, ayant porté la guerre en Phénicie, plusieurs villes se soumirent à ses armes; les Tyriens lui résistèrent; mais bientôt abandonnés par Sidon, Acre et palæ-Tyrus, qui dépendaient d’eux, ils furent réduits à leurs forces. Cependant ils continuèrent de se défendre; et Salmanasar, rappelé à Ninive, laissa des corps-de-garde près des ruisseaux et de l’aqueduc pour en interdire l’eau. Cette gêne dura cinq ans, pendant lesquels les Tyriens s’abreuvèrent au moyen des puits qu’ils creusèrent.»

Si palæ-Tyrus fut un lieu dépendant de Tyr, Tyr était donc ailleurs; elle n’était point dans l’île, puisque les habitants n’y passèrent qu’après Nabukodonosor. Elle était donc au rocher, qui en a dû être le siége primitif. Le nom de cette ville en fait preuve; car tsour en phénicien signifie rocher et le lieu fort. C’est là que s’établit cette colonie de Sidoniens, chassés du leur patrie deux cent quarante ans avant le temple de Salomon. Ils choisirent cette position, parce qu’ils y trouvèrent l’avantage d’un lieu propre à la défense, et celui d’une rade très-voisine qui, sous la protection de l’île, pouvait couvrir beaucoup de vaisseaux. La population de cette colonie s’étant accrue par le laps des temps et par le commerce, les Tyriens eurent besoin de plus d’eau, et ils construisirent l’aqueduc. L’activité qu’on leur voit déployer au temps de Salomon engageait à l’attribuer à ce siècle. Dans tous les cas, il est très-ancien, puisque l’eau de l’aqueduc a eu le temps de former par ses filtrations des stalactites considérables. Plusieurs tombant des flancs du canal, ou de l’intérieur des voûtes, ont obstrué des arches entières. Pour s’assurer de l’aqueduc, l’on dut établir aux puits un corps-de-garde qui devint palæ-Tyrus. Doit-on supposer la source factice, et formée par un canal souterrain tiré des montagnes? Mais alors, pourquoi ne l’avoir pas amenée au rocher même? Il est plus simple de la croire naturelle, et de penser que l’on a profité d’un de ces accidens de rivières souterraines dont la Syrie offre plusieurs exemples. L’idée d’emprisonner cette eau pour la faire remonter et gagner du niveau est digne des Phéniciens. Les choses en étaient à ce point, quand le roi de Babylone, vainqueur de Jérusalem, vint pour anéantir la seule ville qui bravât sa puissance. Les Tyriens lui résistèrent pendant 13 ans; mais au bout de ce terme, las de leurs efforts, ils prirent le parti de mettre la mer entre eux et leur ennemi, et ils passèrent dans l’île qu’ils avaient en face, à la distance d’un quart de lieue. Jusqu’alors cette île n’avait dû porter que peu d’habitations, vu la disette d’eau31. La nécessité fit surmonter cet inconvénient; l’on tâcha d’y obvier par des citernes, dont on trouve encore des restes en forme de caves voûtées, pavées et murées avec le plus grand soin32. Alexandre parut, et, pour satisfaire son barbare orgueil, Tyr fut ruinée; mais bientôt rétablie, ses nouveaux habitants profitèrent de la jetée par laquelle les Macédoniens s’étaient avancés jusqu’à l’île, et ils amenèrent l’aqueduc jusqu’à la tour où l’on puise encore l’eau. Maintenant que les arcades ont manqué, comment l’y trouve-t-on encore? La raison en doit être, que l’on avait ménagé dans leurs fondements des conduits secrets qui continuent toujours de l’amener des puits. La preuve que l’eau de la tour vient de Ras-el-àên est qu’à cette source elle se trouble en octobre comme à la tour; qu’alors elle a la même couleur, et en tout temps le même goût. Ces conduits doivent être nombreux; car il est arrivé plusieurs voies d’eau près de la tour, sans que son puits ait cessé d’en fournir.

La puissance de Tyr sur la Méditerranée et dans l’Occident est assez connue; Carthage, Utique, Cadix, en sont des monuments célèbres. L’on sait que cette ville étendait sa navigation jusque dans l’Océan, et la portait au nord par delà l’Angleterre, et au sud par delà les Canaries. Ses relations à l’Orient, quoique moins connues, n’étaient pas moins considérables; les îles de Tyrus et Aradus (aujourd’hui Barhain), dans le golfe Persique, les villes de Faran et Phœnicum Oppidum, sur la mer Rouge, déja ruinées au temps des Grecs, prouvent que les Tyriens fréquentèrent dès long-temps les parages de l’Arabie et de la mer de l’Inde; mais il existe un fragment historique qui contient à ce sujet des détails d’autant plus précieux, qu’ils offrent dans des siècles reculés un tableau de mouvements analogues à ce qui se passe encore de nos jours. Je vais citer les paroles de l’écrivain, avec leur enthousiasme prophétique, en rectifiant des applications qui jusqu’ici ont été mal saisies.

«Ville superbe, qui reposes au bord des mers! Tyr! qui dis: Mon empire s’étend au sein de l’Océan; écoute l’oracle prononcé contre toi! Tu portes ton commerce dans des îles (lointaines) chez les habitants de côtes (inconnues). Sous ta main les sapins de Sanir33 deviennent des vaisseaux; les cèdres du Liban, des mâts; les peupliers de Bisan, des rames. Tes matelots s’asseyent sur le buis de Chypre34 orné d’une marqueterie d’ivoire. Tes voiles et tes pavillons sont tissus du beau lin de l’Égypte; tes vêtements sont teints de l’hyacinthe et de la pourpre de l’Hellas35 (l’Archipel). Sidon et Arouad t’envoient leurs rameurs; Djabal (Djebilé), ses habiles constructeurs: tes géomètres et tes sages guident eux-mêmes tes proues. Tous les vaisseaux de la mer sont employés à ton commerce. Tu tiens à ta solde le Perse, le Lydien, l’Égyptien; tes murailles sont parées de leurs boucliers et de leurs cuirasses. Les enfants d’Arouad bordent tes parapets; et tes tours, gardées par les Djimedéens (peuple phénicien), brillent de l’éclat de leurs carquois. Tous les pays s’empressent de négocier avec toi. Tarse envoie à tes marchés de l’argent, du fer, de l’étain, du plomb. L’Yonie36, le pays des Mosques et de Teblis37, t’approvisionnent d’esclaves et de vases d’airain. L’Arménie t’envoie des mules, des chevaux, des cavaliers. L’Arabe de Dedan (entre Alep et Damas) voiture tes marchandises. Des îles nombreuses échangent avec toi l’ivoire et l’ébène. L’Araméen (les Syriens)38 t’apporte le rubis, la pourpre, les étoffes piquées, le lin, le corail et le jaspe. Les enfants d’Israël et de Juda te vendent le froment, le baume, la myrrhe, le raisiné, la résine, l’huile; et Damas, le vin de Halboun (peut-être Halab, où il reste encore des vignes) et des laines fines. Les Arabes d’Oman offrent à tes marchands le fer poli, la cannelle, le roseau aromatique; et l’Arabe de Dedan des tapis pour s’asseoir. Les habitants du désert et les Kedar payent de leurs chevreaux et de leurs agneaux tes riches marchandises. Les Arabes de Saba et Ramé (dans l’Yémen) t’enrichissent par le commerce des aromates, des pierres précieuses et de l’or39. Les habitants de Haran, de Kalané (en Mésopotamie) et d’Adana (près de Tarse), facteurs de l’Arabe de Cheba (près de Dedan), de l’Assyrien et du Kaldéen, commercent aussi avec toi, et te vendent des châles, des manteaux artistement brodés, de l’argent, des mâtures, des cordages et des cédres; enfin les vaisseaux (vantés) de Tarse sont à tes gages. O Tyr, fière de tant de gloire et de richesses! bientôt les flots de la mer s’élèveront contre toi, et la tempête te précipitera au fond des eaux. Alors s’engloutiront avec toi tes richesses; avec toi périront en un jour ton commerce, tes négociants, tes correspondants, tes matelots, tes pilotes, tes artistes, tes soldats et le peuple immense qui remplit tes murailles. Tes rameurs déserteront tes vaisseaux; tes pilotes s’assiéront sur le rivage, l’œil morne contre terre. Les peuples que tu enrichissais, les rois que tu rassasiais, consternés de ta ruine, jetteront des cris de désespoir. Dans leur deuil, ils couperont leurs chevelures; ils jetteront la cendre sur leur front dénudé; ils se rouleront dans la poussière, et ils diront: Qui jamais égala Tyr, cette reine de la mer?»—Les révolutions du sort, ou plutôt la barbarie des Grecs du Bas-Empire et des Musulmans, ont accompli cet oracle. Au lieu de cette ancienne circulation si active et si vaste, Sour, réduit à l’état d’un misérable village, n’a plus pour tout commerce qu’une exportation de quelques sacs de grains et de coton en laine, et pour tout négociant qu’un facteur grec au service des Français de Saide, qui gagne à peine de quoi soutenir sa famille.—A neuf lieues au sud de Sour, est la ville d’Acre, en arabe Akka, connue dans les temps les plus reculés sous le nom d’Aco, et postérieurement sous celui de Ptolémaïs. Elle occupe l’angle nord d’une baie, qui s’étend, par un demi cercle de trois lieues, jusqu’à la pointe du Carmel. Depuis l’expulsion des Croisés, elle était restée presque déserte; mais de nos jours les travaux de Dâher l’ont ressuscitée; ceux que Djezzâr y a fait exécuter depuis dix ans la rendent aujourd’hui l’une des premières villes de la côte. On vante la mosquée de ce pacha comme un chef-d’œuvre de goût. Son bazar, ou marché couvert, ne le cède point à ceux d’Alep même; et sa fontaine publique surpasse en élégance celles de Damas. Ce dernier ouvrage est aussi le plus utile; car jusqu’alors Acre n’avait pour toute ressource qu’un assez mauvais puits; mais l’eau est restée, comme auparavant, de médiocre qualité. L’on doit savoir d’autant plus de gré au pacha de ces travaux, que lui-même en a été l’ingénieur et l’architecte: il fait ses plans, il trace ses dessins et conduit les ouvrages. Le port d’Acre est un des mieux situés de la côte, en ce qu’il est couvert du vent de nord et nord-ouest par la ville même; mais il est comblé depuis Fakr-el-Dîn. Djezzâr s’est contenté de pratiquer un abord pour les bateaux. La fortification, quoique plus soignée qu’aucune autre, n’est cependant d’aucune valeur; il n’y a que quelques mauvaises tours basses près du port qui aient des canons; encore ces pièces de fer rouillé sont-elles si mauvaises, qu’il en crève toujours quelques-unes à chaque fois qu’on les tire. L’enceinte du côté de la campagne n’est qu’un mur de jardin sans fossés.

Cette campagne est une plaine nue, plus profonde et moins large que celle de Sour; elle est entourée de petites montagnes qui s’étendent en tournant du cap Blanc au Carmel. Les ondulations du terrain y causent des bas-fonds où les pluies d’hiver forment des lagunes dangereuses en été par leurs vapeurs infectes. Du reste, le sol est fécond, et l’on y cultive avec le plus grand succès le blé et le coton. Ces denrées sont la base du commerce d’Acre, qui de jour en jour devient plus florissant. Dans ces derniers temps, le pacha, par un abus ordinaire en Turkie, l’avait tout concentré dans ses mains; l’on ne pouvait vendre de coton qu’à lui: l’on n’en pouvait acheter que de lui: les négociants européens ont eu beau réclamer les capitulations du sultan, Djezzâr a répondu qu’il était sultan dans son pays, et il a continué son monopole. Ces négociants sont surtout les Français, qui ont à Acre six comptoirs présidés par un consul: récemment il est survenu un agent impérial, et depuis un an un agent russe.

La partie de la baie d’Acre où les vaisseaux mouillent avec le plus de sûreté, est au nord du mont Carmel, au pied du village de Haifa (vulgo Caiffe). Le fond tient bien l’ancre et ne coupe pas les câbles; mais le lieu est ouvert au vent de nord-ouest, qui est violent sur toute cette côte. Le Carmel, qui domine au sud, est un pic écrasé et rocailleux, d’environ 350 toises d’élévation. On y trouve, parmi les broussailles, des oliviers et des vignes sauvages, qui prouvent que jadis l’industrie s’était portée jusque sur cet ingrat terrain; sur le sommet est une chapelle dédiée au prophète Élie, d’où la vue s’étend au loin sur la mer et sur la terre. Au midi, le pays offre une chaîne de montagnes raboteuses, couronnées de chênes et de sapins, où se retirent des sangliers et des onces. En tournant vers l’est, on aperçoit à six lieues le local de Nasra ou Nazareth, célèbre dans l’histoire du christianisme: c’est un village médiocre, peuplé d’un tiers de musulmans, et de deux tiers de Grecs catholiques. Les PP. de Terre-Sainte, dépendants du grand couvent de Jérusalem, y ont un hospice et une église. Ils sont ordinairement les fermiers du pays. Du temps de Dâher, ils étaient obligés de faire à ce chaik un cadeau de mille piastres à chaque femme qu’il épousait, et il avait soin de se marier presque toutes les semaines.

A environ deux lieues au sud-est de Nasra est le mont Tabor, d’où l’on a l’une des plus riches perspectives de la Syrie. Cette montagne est un cône tronqué de quatre à cinq cents toises de hauteur. Le sommet a deux tiers de lieue de circuit. Jadis il portait une citadelle; mais à peine en reste-t-il quelques pierres. De là l’on découvre au sud une suite de vallées et de montagnes qui s’étendent jusqu’à Jérusalem. A l’est, l’on voit comme sous ses pieds la vallée du Jourdain et le lac de Tabarîé, qui semble encaissé dans un cratère de volcan. Au delà, la vue se perd vers les plaines du Hauran; puis tournant au nord, elle revient, par les montagnes de Hasbêya et de la Qâsmié, se reposer sur les fertiles plaines de la Galilée, sans pouvoir atteindre à la mer.

La rive orientale du lac de Tabarîé n’a de remarquable que la ville dont elle porte le nom, et la fontaine d’eaux chaudes minérales qui en est voisine. Cette fontaine est située dans la campagne, à un quart de lieue de Tabarîé. Faute de soin, il s’y est entassé une boue noire, qui est un véritable éthiops martial. Les personnes attaquées de douleurs rhumatismales trouvent des soulagements et même la guérison dans les bains de cette boue. Quant à la ville, ce n’est qu’un monceau de décombres, habité tout au plus par 100 familles. A sept lieues au nord de Tabarîé, sur la croupe d’une montagne, est la ville ou le village de Safad

20

Tout pacha à trois queues est titré vizir.

21

C’est effectivement la prononciation du grec, Βηρυτ.

22

1. Mizân el Zâman.

2. Abâtil el Aâlam.

3. Morched el Kâti.

4. Morched el Kâhen.

5. Morched el Masihi.

6. Qoût el Nafs.

7. Taammol el Asboué.

8. Tââlim el Masihi.

9. Tafsir el Sabât.

10. El Mazâmir.

11. El Onbouât.

12. El Endjîl oua el Rasâiel.

13. El Souèïât.

23

1. Taqlîd el Masîh.

2. Bestân el Rohobân.

3. Elm el Niè l’Bouzembaoûm.

4. Maouâèz Sainari.

5. Lâhoût Mar Touma.

6. Maouâèz Fomm el Dahab.

7. Qaouâèd el Naouamis l’Qloud Firtiou.

8. Madjâdalat el Anba Djordji.

9. El Manteq.

10. Noûr el Albâb.

11. El Mataleb oua el Mebâhes.

12. Diouân Djermanôs.

13. Diouân Anqoula.

14. Moktasar el Qâmoûs.

24

1. El Qôran.

2. El Qâmous l’Firouz-àbâdi.

3. El Alf bait l’Ebn-el-malek.

4. Tafsïr el Alf bait.

5. El Adjroumîé.

6. Elm el Baïân l’Taftazâni.

7. Maqâmât el Hariri.

8. Diouân Omar Ebn el Fârdi.

9. Fapâh el Logat.

10. El tob l’Ebn Sina.

11. El Mofradât.

12. Dâouàt el Otobba.

13. Abârât el Motakallamin.

14. Nadim el Ouahid.

15. Târik el Yhoud, l’Yousefous.

25

Ces vins sont de trois espèces: savoir, le rouge, le blanc et le jaune: le blanc, qui est le plus rare, est amer à un point qui le rend désagréable. Par un excès contraire, les deux autres sont trop doux et trop sucrés. La raison en est qu’on les fait bouillir, en sorte qu’ils ressemblent au vin cuit de Provence. L’usage de tout le pays est de réduire le moût aux deux tiers de sa quantité. On ne peut en boire pendant le repas sans s’exposer à des aigreurs, parce qu’ils développent leur fermentation dans l’estomac. Cependant il y a quelques cantons où l’on ne cuit pas le rouge, et alors il acquiert une qualité presque égale au Bordeaux. Le vin jaune est célèbre chez nos négociants, sous le nom de vin d’or, qu’il doit à sa belle couleur de topaze. Le plus estimé se cueille sur les coteaux du Zoûq ou village de Masbeh près d’Antoura. Il n’est pas nécessaire de le cuire, mais il est trop sucré. Voilà ces vins du Liban vantés des anciens gourmets grecs et romains. C’est à nos Français à essayer s’ils seraient du même avis; mais ils doivent observer que dans le passage de la mer, les vins cuits fermentent une seconde fois, et font crever les tonneaux. Il est probable que les habitants du Liban n’ont rien changé à l’ancienne méthode de faire le vin, ni à la culture des vignes. Elles sont disposées par échalas de six à huit pieds de hauteur. On ne les taille point comme en France, ce qui nuit sûrement beaucoup à la quantité et à la qualité de la récolte. La vendange se fait sur la fin de septembre. Le couvent de Mar-hanna cueille environ cent cinquante kâbié ou jarres de terre, qui tiennent à peu près cent dix pintes. Le prix courant dans le pays peut s’évaluer à sept ou huit sous notre pinte.

26

Le nom de Sidon subsiste encore dans un petit village à une demi-lieue de Saide.

27

Et non le son du z, comme dans there.

28

Chez les Musulmans, le terme de chaik prend les sens divers de santon, d’ermite, d’idiot et de fou. Ils ont pour les imbéciles le même respect religieux qui existait au temps de David.

29

La largeur des piles des arches est de neuf pieds.

30

Antiq. Judaic. lib. 9, c. 14.

31

Josèphe est en erreur lorsqu’il parle de Tyr au temps d’Hiram comme étant bâtie dans l’île. Il confond, à son ordinaire, l’état ancien avec l’état postérieur. Voyez Antiq. Jud. lib. 8, c. 5.

32

L’on en a récemment découvert une considérable en dehors du mur de la ville. L’on n’y a rien trouvé, et le Motsallam l’a fait refermer.

33

Peut-être le mont Sannîne.

34

Buis de Katim. Divers passages confrontés prouvent que ce nom ne doit pas s’appliquer à la Grèce, mais à l’île de Chypre, et peut-être à la côte de Cilicie, où le buis abonde. Il convient surtout à Chypre par son analogie avec la ville de Kitium et le pays des Kitiens, à qui Eulalæus faisait la guerre du temps de Salmanasar.

35

En hébreu aliché, qui ne diffère en rien de Hellas, ancien nom de l’archipel conservé dans Hellespont.

36

Youn, plaisamment travesti en javan, quoique les anciens n’aient point connu notre ja.

37

Tobel ou Teblis s’écrit aussi Teflis, au nord de l’Arménie, sur la frontière de Géorgie. Ces mêmes cantons sont célèbres chez les Grecs pour les esclaves et pour le fer des Chalybes.

38

Ce nom s’étendait aux Cappadociens et aux habitants de la Haute-Mésopotamie.

39

Aussi Strabon dit-il, lib. 16, que les Sabéens avaient fourni tout l’or de la Syrie, avant que les habitants de Gerrha, près de l’embouchure de l’Euphrate, les eussent supplantés.

Voyage en Égypte et en Syrie - Tome 2

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