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DIOTIME.

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Eh bien, soit! Lorsque Dante ou Durante des Allighieri (la coutume florentine voulait qu'on s'appelât tantôt d'un sobriquet, tantôt d'un diminutif: Dante pour Durante; Bice pour Béatrice) naissait à Florence, au mois de mai de l'année 1265, les peuples italiens, comme vous savez, devançaient en culture tous les autres peuples.

Ils vivaient d'une vie pleine de trouble, mais forte et passionnée, où leur génie inventif s'essayait, sous les formes les plus variées, aux arts de la guerre et de la paix, aux institutions civiles et politiques. L'Italie était alors le centre et comme la force motrice de la civilisation. Il y avait à Rome un pape et un peuple qui tenaient de leur antique et noble origine le droit de faire des empereurs, et qui avaient restauré ce grand nom d'empire romain, le plus grand, dit Fauriel, qui eût été donné à des choses humaines; dans les Deux-Siciles, un royaume féodal, une dynastie florissante qui cherchait la gloire et la gaieté des lettres; à Venise, une oligarchie opulente, et profonde déjà dans sa politique; à Milan, une seigneurie nouvelle, tyrannique, mais remplie d'habileté; à Florence enfin, une démocratie vive et hardie, exercée aux affaires par un gouvernement électif et de courte durée, et chez qui s'éveillaient ces nobles curiosités dont la satisfaction allait prendre dans l'histoire le nom de Renaissance; partout, sous l'action opposée des ambitions papales et impériales, des soulèvements, des ligues, des conjurations, des guerres civiles où se trempait dans le sang italien le tempérament italien; des chocs violents d'où jaillissait la flamme d'un patriotisme exalté; des haines sauvages, des vertus héroïques, tous les excès, tous les emportements d'une société sans règle et sans frein, où se produisaient aussi, par contraste, chez un grand nombre d'âmes, le dégoût des choses d'ici-bas, l'amour contemplatif, mystique et visionnaire des choses éternelles.

Les dissensions civiles ne faisaient pas de trêves sur les bords de l'Arno. Au dire des chroniqueurs, le sang étrusque de Fiesole et le sang romain de Florence n'avaient jamais pu ni se mêler ni s'accommoder. Fondée sous l'invocation du dieu Mars, qui devait à jamais la rendre inexpugnable, l'antique cité païenne n'avait subi qu'en frémissant la loi tardive de saint Jean-Baptiste, et l'idole offensée du dieu, chassé de son temple, se vengeait en soufflant au cœur des Florentins le feu des discordes. Sur les rives d'un fleuve tranquille, entre des collines charmantes où l'abeille faisait son plus doux miel, sous un ciel d'une incomparable sérénité, Florence, retranchée derrière ses murs épais, toute hérissée de tours, de châteaux crénelés qui se défiaient l'un l'autre et provoquaient l'ennemi du dehors, apparaissait au loin dans la campagne, fière et dominatrice.

Après une longue suite de fortunes diverses, favorable un jour au parti guelfe, un jour au parti gibelin, la cité, vers cette époque, restait aux guelfes. Ils y avaient établi le gouvernement populaire. La commune, organisée en corporations armées, souveraine en ses délibérations, mais ombrageuse à l'excès et pleine de ressentiments, avait exclu les grands de presque toutes les magistratures. Elle infligeait, comme un châtiment, la noblesse aux familles qui encouraient sa disgrâce. On devenait noble ou Magnat, Sopra Grande, comme on disait, pour cause d'empoisonnement, de vol, d'inceste. Toute personne noble, si elle voulait se rendre apte au gouvernement de la chose publique, devait renier son ordre en se faisant inscrire dans les corporations sur les registres des arts.

C'est là, sur un registre des arts majeurs (celui des médecins et des apothicaires), que se lisait, de 1297 à 1300, le nom patricien de Dante d'Aldighiero degli Aldighieri, poeta fiorentino.

Dante et Goethe: dialogues

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