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DIOTIME.

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Il ne faut pas rendre la démocratie responsable des circonstances dans

lesquelles elle se produit, et qui font qu'elle ne saurait avoir à

Paris, au XIXe siècle, le goût et la passion du beau qu'elle avait à

Florence au temps de Dante…

Nous l'avons laissé comme accablé sous la puissance de ce Dieu plus fort, de cet amour de nature divine qui s'est emparé de lui dès avant l'éveil des sens et de la raison. Mais il ne s'abandonne pas long-temps lui-même dans ce ravissement de tout son être; bien au contraire. Comme il arrive dans les grandes âmes, la passion exalte en lui le sentiment de la personnalité, avec le besoin de l'excellence en toutes choses et le vertueux désir d'une vie glorieuse. Il souhaite la gloire ardemment; et non pas seulement cette gloire abstraite, telle que nous la concevons dans nos sociétés vieillies, et dont le froid éclat ne resplendit que sur les tombeaux; il en veut sentir à son front le rayon vivant. Avec la naïveté de ces jours de florissante jeunesse où l'esprit se confondait encore avec l'imagination, où toute pensée prenait figure, Dante ambitionnait de ceindre, dans ce beau temple de Saint-Jean où il avait reçu les eaux du baptême, la couronne de lauriers, «l'honneur des empereurs et des poëtes,» comme parle Pétrarque. Pour l'obtenir, il s'efforce de tout apprendre: il veut se mêler à tout, être le premier partout. Dans l'intervalle qui s'écoule entre sa première rencontre avec Béatrice et son exil, on le voit s'attacher à Brunetto Latini qui lui enseigne la science et la philosophie; visiter les universités; fréquenter l'atelier des peintres; rechercher les sociétés élégantes, celle des femmes surtout, la conversation des poëtes et des artistes; combattre «vigoureusement à cheval, nous dit Léonard Arétin, à la bataille de Campaldino, dans les rangs des guelfes, ses amis et ses proches; se signaler au siége de Caprona; participer activement aux affaires de la commune; s'acquitter avec honneur d'importantes ambassades; exercer les fonctions de Prieur de la république: poëte, soldat, citoyen, ami, amant passionné, homme enfin dans le sens le plus élevé et le plus complet du mot, dans le sens qu'y attachait le poëte antique.

Mais s'il nous importe assez peu de connaître avec détail, selon un ordre chronologique, d'ailleurs très-contesté, les faits dont se compose la carrière extérieure de Dante, il convient de nous arrêter à l'événement qui imprime à l'ensemble de sa vie un caractère religieux; à ce profond et douloureux ébranlement de son âme d'où devait sortir un jour la Comédie, que ses contemporains, et après eux la postérité, ont déclaré divine: il nous faut rappeler la mort de Béatrice.

Dante avait alors vingt-cinq ans. Il rentrait dans Florence, après la victoire de Campaldino, où il avait eu tour à tour, et selon les hasards de la journée, c'est lui-même qui l'écrit avec une simplicité antique, «beaucoup de peur et beaucoup d'allégresse.» Il allait déposer ses armes heureuses dans le temple de Saint-Jean, lorsqu'il apprit inopinément la mort de Béatrice Portinari.

Dante et Goethe: dialogues

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