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PREMIÈRE PARTIE
IV

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Le château de Chavry, qui appartient au général de Bressier, date du premier Empire. Il a été bâti, en 1803 par le fameux Ledret, sur l'ordre de Napoléon, qui en fit don à sa sœur Pauline, lorsqu'elle épousa le prince Borghèse. Cette énorme propriété porte bien la marque de son époque: un corps de bâtiment assez lourd, au milieu, et flanqué de deux ailes trop légères. Tout d'abord, le regard est désagréablement heurté par le manque d'harmonie de l'ensemble. Le plan primitif existe encore dans les cartons du cadastre de Versailles. D'abord, le château s'élevait au milieu d'un jardin anglais médiocrement dessiné, où le mauvais goût d'un jardinier amoureux d'Ossian avait semé quelques ruines et une demi-douzaine de cavernes. C'était d'un ridicule achevé. Heureusement, au début de la Restauration, la propriété passa entre les mains d'un homme d'esprit, M. de La Robertie, qui s'empressa de détruire les cavernes et les ruines. Épris d'arboriculture, il essaya de corriger la laideur des bâtiments en les entourant d'un parc qui leur prêterait un aspect plus grave. M. de La Robertie mourut très vieux, après le coup d'État. Les arbres avaient poussé, et toujours surveillé par un maître habile, le parc devenait grandiose. On retrouvait bien encore, çà et là, les traces de l'ancien jardin anglais; mais la beauté des allées silencieuses et profondes ravissait le promeneur qui croyait errer dans une forêt. Des arbres énormes, tantôt espacés comme les chevaliers d'un conte héroïque qui restent immobiles et la lance en arrêt, tantôt serrés et rapprochés par l'insouciant caprice de la nature. Un bois de platanes conduisait sur un plateau étroit, d'où les yeux ravis contemplaient un paysage merveilleux. Toute la plaine rieuse où la Seine se plie et se replie sur elle-même. Au fond, à droite, Paris couché dans les vapeurs grises de l'horizon. Et, nonchalamment posés, les villages coquets qui montent en étages jusqu'à Saint-Cloud.

Au début de la guerre civile le général voulait que sa fille retournât en Auvergne où elle s'était déjà réfugiée pendant l'Invasion. Elle s'y refusait nettement. M. de Bressier n'insistait pas. Il savait que, situé sous la protection du Mont-Valérien, Chavry resterait en dehors des mouvements militaires et ne serait jamais menacé. Depuis la mort de sa mère, qu'elle avait à peine connue, Faustine habitait ce château; d'abord seule, plus tard avec Nelly. Toutes deux s'y plaisaient plus qu'à Paris, dans l'hôtel de la rue de Lille, occupé seulement pendant les rares congés du chef de la famille. Elles recevaient là une éducation solide, dirigée par une institutrice de premier ordre, Mlle Vaudois. La semence idéale germa différemment dans ces terres dissemblables. Nelly, paresseuse et indolente, travaillait parce que c'était le seul moyen de pouvoir s'amuser ensuite; Faustine, au contraire, aimait l'étude par goût, pour elle-même, pour les joies qu'elle en tirait. De très bonne heure, on fut frappé, autour d'elle, de son aptitude à saisir la plastique des êtres et des choses. Son goût pour le dessin se révéla, tout de suite, d'instinct, et se développa si rapidement que le général voulut qu'à dix ans elle eût un maître sérieux. Par une heureuse fortune, on lui recommanda un ancien prix de Rome, d'une grande habileté de main, d'une instruction solide, et chez lequel l'enseignement de l'École n'avait pu tuer l'originalité première. Quoiqu'il fût absolument dénué d'imagination, Joseph Cayron aurait fait sa trouée comme les autres, s'il n'eût été paralysé par une timidité invincible. L'artiste qui doute souvent de lui-même est fort; l'artiste qui ne croit jamais en lui est perdu. Il est voué à l'infécondité. Joseph Cayron était de ceux-là. Il admirait tellement son art qu'il en avait peur. Peut-être aussi manquait-il de cette vaillance d'esprit qui permet à un homme de n'apercevoir les obstacles que pour s'efforcer de les vaincre. Le peintre vit tant de médiocrités hissées sur le pavois, tant de vrais talents foulés aux pieds, qu'à sa timidité naturelle se joignit bien vite un incurable scepticisme.

S'il ne pouvait créer des œuvres personnelles, il restait du moins un merveilleux initiateur aux œuvres des autres. Faustine crut en lui. Elle accepta docilement ses conseils impérieux. Car cet homme craintif n'admettait pas qu'on discutât l'Art. Il prononçait ce mot d'une voix légèrement emphatique, en clignant à demi le regard, comme un dévot qui parle de la Sainte Vierge. Pendant quatre ans, il ne permit pas à son élève de peindre. Il voulait la rompre à la gymnastique du dessin, lui donner une grande sûreté de main. Ensuite on verrait. Jamais le général n'éprouva une plus grande stupeur que le jour où Joseph Cayron lui démontra que Faustine devait étudier l'anatomie. L'anatomie! une enfant de seize ans! Est-ce que ce peintre raté devenait fou? Mais le peintre raté mit une telle ardeur dans son insistance que M. de Bressier céda. Avec mauvaise humeur, par exemple. Pendant trois jours, il dit, comme se parlant à lui-même: «L'anatomie! l'anatomie!» Et il affectait de n'appeler sa fille que Mlle Carabin.

Cette instruction solide développa rapidement les dons naturels de Faustine. Elle était trop intelligente pour ne pas savoir que le talent n'existe pas sans la maturité. Elle voulait travailler longtemps, travailler beaucoup, avant que personne, en dehors des siens, se doutât de ses goûts et de sa vocation. Elle était artiste dans le grand sens de ce mot sublime, c'est-à-dire rebelle par nature aux sensations banales. Certes elle eût mieux aimé crever ses toiles et jeter ses brosses par la fenêtre que de rester un amateur.

Son atelier se dressait à deux cents mètres du château, le long de la route, en plein air. Le jour y arrivait par de larges baies vitrées; un écran de soie verte cachait le plafond, tendu sur un châssis, et permettait de distribuer à volonté la lumière. Jamais on ne se serait cru dans un atelier de jeune fille. Des boiseries sombres, appliquées contre les murailles, donnaient un aspect sévère à cette pièce vaste qui semblait être le cabinet de travail d'un philosophe. On n'y trouvait aucune de ces fantaisies gracieuses que le caprice de quelques peintres célèbres ont mises à la mode. Des bibelots de grand prix, et d'un goût exquis; mais pas de japonaiseries grêles, pas de peluches chatoyantes ni de porcelaines délicates. Rien de ce désordre affecté qui rassemble avec soin les objets les plus disparates, et colle un violon XVIe siècle à côté d'un cheval en carton, caparaçonné d'étoffes voyantes. En revanche, cinq ou six toiles rares. Un Hobbema d'une incomparable fraîcheur, près d'études signées des noms les plus retentissants de l'école moderne; la première esquisse que Delacroix ait faite de l'Entrée des Croisés; plus loin, de gracieuses terres cuites, un merveilleux groupe en marbre d'Antonin Mercié, une aiguière d'argent de Froment-Meurice. Et, dans le fond de l'atelier, occupant la moitié d'un immense panneau, une merveille découverte par Faustine, deux mois avant la guerre, au fond d'un palais génois: un tableau du Titien.

Quand il fallut fuir devant l'invasion, c'était l'unique trésor que Mlle de Bressier eût emporté avec elle. La toile miraculeuse, soigneusement roulée, resta cachée en Auvergne, comme un de ces mystérieux coffrets que surveillent des nains jaloux. Un sujet d'une grande simplicité. Une femme rousse, au visage altier, joue avec une bague d'émeraudes qu'elle regarde fixement de ses yeux noirs; elle est vêtue d'une robe de satin marron brodée de jais. Pas un bijou: pas même un collier. Une rose rouge saigne dans la splendeur fauve de sa chevelure. Jamais le vieux Titien ne modela des chairs plus fermes; jamais il ne trouva des tons plus satinés et plus fulgurants. Faustine appelait cette toile: la Dame à la bague. Le général, plus pratique, prétendait que sa fille aimait tant son tableau parce qu'elle s'y retrouvait, de brune changée en rousse. Et en réalité, par un hasard curieux, l'héroïne du Titien et Faustine se ressemblaient, comme une femme de vingt-cinq ans peut ressembler à une jeune fille de dix-sept.

Mlle de Bressier passait là le meilleur de ses journées. Quand elle voulait se délasser, elle ouvrait son piano, et Nelly sortait de sa paresse pour l'accompagner. Quelques heures après le départ de Françoise, les deux amies se trouvaient dans l'atelier comme d'habitude. Nelly, allongée sur une pile de coussins, regardait Mlle de Bressier, debout devant une toile blanche. Elle esquissait au charbon la scène du matin. Un coin de parc; Odin immobile et le poil hérissé au milieu des grandes herbes; et les jeunes filles, avec une allure craintive, avançant curieusement la tête pour mieux voir la pauvre femme étendue toute raide dans le fossé.

– J'avais bien raison, en te conseillant de te remettre au travail, s'écria gaîment Nelly. Seulement je ne me doutais pas que tu trouverais un drame dans ta propre maison. Maintenant que nous sommes seules, échangeons un peu nos confidences. T'es-tu demandé par suite de quelles circonstances l'inconnue s'est évanouie à la porte du château?

– Mon Dieu, non.

– Tu n'es pas curieuse. Moi j'ai deviné.

– Oh! tu inventes très facilement, dit Faustine avec un sourire.

– Méchante! Je suis sûre qu'elle a un amoureux dans l'armée de Versailles. Elle est jolie, sais-tu? Quel âge peut-elle bien avoir? Trente-cinq ans, puisque son fils en a seize… Bravo! Faustine. En deux traits tu as rendu l'expression douloureuse du visage.

Faustine n'écoutait plus son amie. Le démon du travail la possédait tout entière. Sous ses doigts agiles, la scène prenait une intensité particulière. Elle avait vu le drame, et elle le rendait dans toute sa simplicité poignante. Soudain, un bruit de voix éclata dans le parc. Curieuse, Nelly courut à la baie vitrée, et jeta un cri.

– Qu'y a-t-il donc? demanda Mlle de Bressier avec une nuance d'inquiétude.

– Monsieur ton frère qui daigne nous rendre visite.

– Étienne!

– Lui-même.

Un véritable officier, dans toute son élégance guerrière. De haute taille, mais bien pris dans ses formes athlétiques, Étienne de Bressier avait vingt-quatre ans. Il ressemblait à sa mère qu'on citait naguère pour sa beauté rayonnante et douce. Les cheveux très blonds, coupés en brosse, découvraient un front noble et plein de pensées. Le jeune homme portait une moustache fine et soyeuse qui laissait voir un sourire charmant. C'était vraiment un beau soldat, à l'allure crâne et décidée, qui regardait bien en face, de ses yeux gris et pleins de flammes.

– Oui, c'est moi, mes chers enfants! Embrasse-moi encore, Faustine, et toi aussi, Nelly. Mon Dieu, que je suis content de vous voir!

– On ne s'en douterait pas, murmura Nelly en faisant la moue.

– Je sais ce que vous voulez dire, mademoiselle Grondeuse. Vous me boudez, parce que je ne suis pas venu ces jours-ci. Comme les meilleurs sentiments sont travestis! Tu n'as pas de nouvelles du général, n'est-il pas vrai, Faustine?

– Non. Cela m'inquiète.

– Eh! bien, je t'en apporte!

Le visage de la jeune fille s'éclaira de nouveau. Elle n'était plus la même depuis l'arrivée de son frère. L'expression grave de sa physionomie disparaissait. Une joie profonde luisait dans ses grands yeux pers, qu'elle fixait sur son frère avec une adoration concentrée. Elle le trouvait beau; elle le savait intelligent et bon. Son père, son frère et Nelly se partageaient toutes les tendresses de son cœur.

– Oui, oui, vous m'accusiez toutes les deux, continua le capitaine. Les absents ont toujours tort. On les blâme, sans savoir. On dit: «Ils pourraient venir, et ils ne viennent pas.» D'abord, j'ai un service très dur. Les généraux manquent d'aides de camp. C'est nous autres, officiers de cavalerie, qui les remplaçons. Ensuite, dès que j'ai eu un moment de liberté, j'ai couru au pont de Courbevoie. Oui! vous commencez à comprendre, mademoiselle Faustine! Je voulais voir le général, et apporter ici des nouvelles toutes fraîches. En superbe santé, le général! Je crois, ma parole, que ça le rajeunit de faire campagne.

– Il ne t'a rien dit pour moi? pour Nelly?

– Comment donc! Mon père est un trop parfait galant homme pour ne pas envoyer un souvenir à deux jolies filles telles que vous, Mesdemoiselles. Et je vais avoir l'honneur de vous le remettre…

Moitié sérieux, moitié riant, il s'approcha des deux amies. Ensuite, les réunissant entre ses bras, il les baisa l'une au front, l'autre sur les joues, malgré leurs éclats de rire. Maintenant il examinait la grande toile blanche, où Faustine esquissait la scène du matin.

– Très bien, mon amie! Voilà qui est dramatique et vivant! Mais c'est le parc… Oui, c'est l'aile droite du château, dans le fond…

Il fallut raconter au capitaine toute l'histoire. Nelly, d'un ton très larmoyant, expliqua son idée. Elle construisait tout un roman! Une pauvre femme, éprise d'un brillant officier de l'armée de Versailles, bravait le danger et la fatigue pour aller voir celui qu'elle aimait. Étienne accueillit cette hypothèse par un joyeux éclat de rire. Et comme les jeunes filles lui demandaient la cause de son hilarité, il leur expliqua que, seule, une héroïne de la Commune pouvait risquer une telle aventure. Le raisonnement du capitaine ne manquait pas de vraisemblance. Évidemment, l'inconnue espérait trouver à Versailles son fiancé, son mari ou son amant. L'objection d'Étienne détruisait de fond en comble le petit roman inventé par Nelly. La jeune fille le sacrifia sans aucun amour-propre! L'arrivée de Marius, qui revenait de sa course aux environs de Paris, acheva de la convaincre. Ne laissait-il pas la jeune femme à quelques mètres des fortifications? Il avait vu les gardes nationaux s'approcher d'elle, et entendu le lieutenant de la compagnie lui parler.

Qu'importait à Faustine? Elle ne regrettait rien de sa bonne action. La charité ne connaît point d'opinion politique. Et puis, elle était si heureuse de sentir Étienne auprès d'elle, d'avoir des nouvelles de son père! La journée s'achevait gaiement! Le capitaine se plaisait dans cette atmosphère familiale, entre ces deux tendresses vigilantes, qui lui rappelaient les meilleures et les plus heureuses années de sa vie.

Vers le soir, il ordonna de seller son cheval. Marius hochait la tête. Il commençait une longue histoire pour détourner le jeune homme de partir à la nuit close. Étienne s'étonnait, riant, demandant au vieux soldat d'où lui venait cette prudence inaccoutumée. Marius ne voulait pas répondre d'abord. Il connaissait le capitaine et son amour des périlleuses aventures. Nelly et Faustine insistaient, elles aussi: mais pour le seul plaisir de conserver plus longtemps auprès d'elles celui qu'elles considéraient toutes les deux comme un frère.

– Voyons, Marius, dit Étienne. Tu as un motif pour m'empêcher de rentrer ce soir à l'État-major?

– Eh bien, oui, mon capitaine.

– Un motif… grave!

– Très grave.

– Lequel? Parle.

Bon gré, mal gré, il fallut que Marius s'exécutât. Il avait recueilli quelques mots de la causerie échangée entre le lieutenant et Françoise. Une centaine de gardes nationaux occupaient les bois, cachés dans les environs. Pour regagner Versailles, le jeune officier passerait forcément au milieu de ces guérillas attentives; ce serait s'exposer inutilement et par vaine bravade. Étienne se mit à rire.

– Tu es fou, mon pauvre Marius. Alors, moi, un officier français, je reculerais devant une poignée de pantouflards? Ces gens-là ne sont point des soldats. Ils n'ont de courage que pour fusiller les prisonniers. Mon chemin traverse les bois où ils se cachent; j'y passerai coûte que coûte. Et malheur à ceux que je rencontrerai!

Faustine était brave. Son frère le savait. La fille, la sœur d'hommes qui risquent tous les jours leur vie, s'accoutume insensiblement au danger. Elle a de bonne heure appris à le regarder en face. Cependant son cœur se serra. Les craintes de Marius la pénétraient. Elle s'effrayait à l'idée qu'Étienne franchirait seul, sans escorte, la nuit, ces grands bois sombres, qui se dressaient à l'horizon comme de mystérieux géants.

– Pourquoi ne restes-tu pas avec nous? dit-elle, d'une voix suppliante. Tu m'as dit que ton devoir ne te rappelait pas. Reste… je t'en prie!

– Mais, mon amie, on peut se battre demain: ce serait beau si j'étais absent! Puis, ne sens-tu pas que les craintes de Marius m'ont mis en goût? Morbleu! j'ai l'espoir de sabrer une douzaine de communards, et je reculerais? Allons donc! Regarde, Œdipe piaffe de joie. Je n'ai qu'à sauter en selle. En un temps de galop j'arriverai à Versailles!

Faustine n'insista plus. Elle connaissait la bravoure de son frère; cette bravoure aventureuse et légendaire qui l'entraînait toujours au plus épais du danger. Il était si vaillant et si beau, ce hardi jeune homme, souriant au péril offert, comme au rendez-vous d'une jolie femme! Nelly essaya de joindre ses prières à celles de son amie. Mais quand le capitaine voulait la condamner au silence, il la traitait de petite fille; dépitée, elle se taisait, s'enfermant dans sa dignité blessée.

Œdipe, un vigoureux cheval anglais, avait fait toute la campagne du second siège. Faustine essaya de se rassurer, en voyant la vie de son frère confiée à l'ardent animal. Seul, Marius continuait à hocher la tête, avec mécontentement. Il grommelait entre ses dents, à la grande gaieté d'Étienne, qui se moquait de ses enfantines frayeurs.

– Mesdemoiselles, je vous salue! s'écria le capitaine.

Il partit au petit galop de chasse, à travers les allées du parc. Faustine le regardait, les sourcils froncés, cherchant vainement à chasser l'inquiétude qui la poignait.

– Que crains-tu? lui demanda Nelly, en passant ses bras autour du cou de son amie.

– Je ne sais pas…

– Et toi, Marius? Qu'est-ce que tu as à grommeler d'un air mécontent?

– Je dis… je dis que la guerre est une mauvaise bête. Quand on la griffe pour s'amuser, elle se venge.

Mademoiselle de Bressier

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