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ACTE PREMIER
SCÈNE VI

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ÉDITH, CÉSARINE

CÉSARINE

Et maintenant, à nous deux, ma belle… Viens t'asseoir là, sur mes genoux. Comment trouves-tu M. de Montjoie?

ÉDITH, souriant

Je ne le trouve pas.

CÉSARINE

Tu l'as vu souvent, cependant!

ÉDITH

Oui, mais je ne l'ai jamais regardé.

CÉSARINE

Cette petite a des réponses qui me confondent. Mais il est très bien; et puis si romanesque! Je t'ai fait lire Ipsiboë. Tu ne trouves pas qu'il ressemble à Almaric?

ÉDITH

Ma chère tante, tu es la meilleure femme du monde, mais ton idéal n'est pas le mien. Je me suis promis de n'épouser jamais qu'un homme que j'aimerais… et je ne l'aime pas.

CÉSARINE

Ah! le pauvre homme! Et moi qui le protège!

ÉDITH, embrassant sa tante

Tu ne le protégeras plus, voilà tout.

CÉSARINE

Comme tu vas! comme tu vas! Tu changeras peut-être d'idée.

ÉDITH

Cela m'étonnerait.

CÉSARINE

Voyons, prends-moi pour confidente. Pour ne pas aimer M. de Montjoie, il faut que tu en aimes un autre.

ÉDITH

Oui.

CÉSARINE, se frappant le front

Le capitaine Daniel!

ÉDITH

Oui.

CÉSARINE

Et je ne le savais pas!

ÉDITH

Tu ne me l'as jamais demandé.

CÉSARINE

Pouvais-je me douter d'une telle aberration! Un homme froid, hautain, qui n'a rien de romanesque? Ah! ce n'est pas celui-là qui a eu la moindre aventure!

ÉDITH

Tant mieux, si je suis la première de sa vie.

CÉSARINE

Et puis, c'est un artilleur. Que feras-tu d'un pareil homme?

ÉDITH

J'en ferai mon bonheur.

CÉSARINE

Compare-le seulement à son rival!

ÉDITH

Oh! je ne compare pas Daniel… je le sépare.

CÉSARINE

Toi que j'avais si bien élevée! Je vois que je m'étais méprise sur ton caractère. Je ne te connaissais pas.

ÉDITH

C'est bien possible, je ne me connaissais pas moi-même.

CÉSARINE

Un homme que tu as vu pour la première fois il y a deux mois!

ÉDITH, l'embrassant

Alors, tu ne me parleras plus de M. de Montjoie?

CÉSARINE

Soit, mais je ne m'engage pas à soutenir l'artilleur.

ÉDITH

Je ne te demande que la neutralité.

CÉSARINE, dramatiquement

Malheureuse enfant! (Curieusement.) T'a-t-il dit qu'il t'aimait?

ÉDITH

Jamais!

CÉSARINE

Tu vois bien!

ÉDITH

Mais je suis sûre qu'il m'aime.

CÉSARINE

Pourquoi?

ÉDITH

Précisément parce qu'il ne me l'a pas dit.

CÉSARINE

Tu es folle!

ÉDITH, souriant

Tu crois?

CÉSARINE

On ne l'a pas vu depuis huit jours.

ÉDITH

Je sais pourquoi.

CÉSARINE

Comment le sais-tu?

ÉDITH

Je l'ai deviné. Écoute bien. Il est allé chez sa tante, madame Dubois, qui habite le bourg de Vic-sur-Cère, dans le Cantal. Il y a passé la semaine. Tu comprends qu'il ne pouvait pas lui-même demander ma main. C'est la raison de son voyage. Il ne m'a pas écrit une seule fois, mais je suis certaine qu'il reviendra aujourd'hui ou demain avec sa tante, et aussitôt il priera mon père de lui fixer un rendez-vous.

CÉSARINE

De quelle façon t'y es-tu prise pour deviner cela?

ÉDITH

Je me suis demandé ce que j'aurais fait, si j'avais été à sa place.

CÉSARINE

Imaginations!

ÉDITH

Nous verrons bien!

Godefroy paraît à gauche, accompagné de Bonchamp, et suivi d'un soldat

Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose

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