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AVANT-PROPOS

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Table des matières

La nouvelle du désastre de Waterloo s’était abattue sur Paris consterné, et avait mis le deuil dans tous les cœurs français.

Le 21 juin 1815, M. le comte Carnot, ministre de l’intérieur, fit à la Chambre des pairs la communication suivante:

«L’Empereur est arrivé à onze heures. Il a convoqué

«le conseil des ministres; il a annoncé que

«l’armée, après une victoire signalée dans les

«plaines de Fleurus, où l’élite de l’armée prussienne

«a été écrasée, a livré une grande bataille deux

«jours après, à quatre heures de Bruxelles: l’armée

«anglaise a été battue toute la journée et obligée de

«céder son champ de bataille.

«On avait pris six drapeaux anglais, et la journée

«était décidée, lorsqu’à la nuit, des malveillants ont

«répandu l’alarme et occasionné un désordre que

«la présence de Sa Majesté n’a pu rétablir à cause

«de la nuit.

«La suite a été des désastres qu’on n’a pu arrêter.

«L’armée se rallie sous les murs d’Avesnes et de

«Philippeville. Sa Majesté a passé à Laon. Elle y a

«donné des ordres pour que la levée en masse des

«gardes nationales du département arrête les

«fuyards.

«Elle est venue à Paris, pour conférer avec les

«ministres sur les moyens de rétablir le matériel de

«l’armée.

«L’intention de Sa Majesté est de se concerter

«aussi avec les Chambres sur les mesures législatives

«qu’exigent les circonstances.

«Sa Majesté s’occupe en ce moment des propositions

«à porter aux Chambres.»

Quelques heures plus tard, le PRINCE LUCIEN BONAPARTE et les ministres étaient introduits dans la salle des séances de la Chambre des représentants.

«— Messieurs les représentants, dit le Prince,

«nommé commissaire extraordinaire de Sa Majesté

«Impériale pour me rendre dans votre sein,

«afin de concerter avec vous des mesures de prudence,

«je dépose sur le bureau le message de Sa

«Majesté et je demande que vous veuilliez bien

«vous former en comité secret pour entendre les

«ministres.»

A huit heures et demie, le Prince se rendait à la Chambre des pairs pour y porter le message de Sa Majesté.

Dans les deux Chambres, une commission était immédiatement nommée pour conférer avec le conseil des ministres, recueillir les renseignements sur l’état de la France et proposer tout moyen de salut public.

Le lendemain, le Moniteur universel (n° 174, vendredi 23 juin 1815) publiait la déclaration suivante:

INTÉRIEUR

Paris, 22 juin.

DÉCLARATION AU PEUPLE FRANÇAIS.

«FRANÇAIS,

«En commençant la guerre pour soutenir l’indépendance

«nationale, je comptais sur la réunion de

«tous les efforts, de toutes les volontés, et le concours

«de toutes les autorités nationales; j’étais

«fondé à en espérer le succès et j’avais bravé toutes

«les déclarations des puissances contre moi.

«Les circonstances me paraissent changées. Je

«m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la

«France. Puissent-ils être sincères dans leurs déclarations

«et n’en avoir réellement voulu qu’à ma

«personne! Ma vie politique est terminée, et je proclame

«mon fils sous le titre de Napoléon II, Empereur

«des Français.

«Les ministres actuels formeront provisoirement

«le conseil du gouvernement. L’intérêt que je porte

«à mon fils m’engage à inviter les Chambres à organiser

«sans délai la régence par une loi.

«Unissez-vous tous pour le salut public et pour

«rester une nation indépendante.

«Signé : NAPOLÉON.»

Cette déclaration, ajoute le Moniteur, a été portée à une heure aux deux Chambres, savoir: à la Chambre des pairs par M. le comte Carnot; à la Chambre des représentants par M. le duc d’Otrante.

Les délibérations prises par ces Assemblées sur cette communication ont été présentées dans l’après-midi à Sa Majesté, par des députations composées des membres du bureau de chacune des Chambres.

Sa Majesté a répondu à l’une et à l’autre de ces députations à peu près en ces termes:

«Monsieur le Président, je vous remercie des

«sentiments que vous m’exprimez. Je recommande

«à la Chambre de renforcer les armées et de les

«mettre dans le meilleur état de défense: qui veut

«la paix doit se préparer à la guerre. Ne mettez pas

«cette grande nation à la merci de l’étranger, de

«peur d’être déçus dans vos espérances. Dans

«quelque position que je me trouve, je serai heureux

«si la France est libre et indépendante. Si j’ai

«remis le droit qu’elle m’a donné à mon fils, de mon

«vivant, ce grand sacrifice, je ne l’ai fait que pour

«le bien de la nation et l’intérêt de mon fils, que

«j’ai en conséquence proclamé Empereur.»

De retour à neuf heures et demie du soir à la séance permanente de la Chambre des pairs, le président de la députation rendit compte en ces termes de sa mission:

«Nous nous sommes, le bureau et moi, rendus chez l’Empereur, et lui avons remis la déclaration de la Chambre. Il nous a répondu qu’il acceptait avec plaisir nos sentiments; «mais, nous a-t-il dit,

«je vous répète ce que j’ai dit au président de la

«Chambre des représentants: Je n’ai abdiqué que

«pour mon fils.»

LE PRINCE LUCIEN prend la parole:

— Il s’agit, dit-il, d’éviter la guerre civile; de savoir si la France est une nation indépendante, une nation libre. L’Empereur est mort,, vive l’Empereur! L’Empereur a abdiqué, vive l’Empereur! Il ne peut y avoir d’interruption entre l’Empereur qui meurt ou qui abdique, et son successeur. Telle est la maxime sur laquelle repose une monarchie constitutionnelle. Toute interruption est anarchie.

Je demande qu’en conformité de l’acte additionnel qui vient d’être sanctionné pour la seconde fois par le vœu de la Chambre des pairs et de celle des représentants, la Chambre des pairs qui a juré fidélité à l’Empereur et aux constitutions, qui, naguère, dans le Champ de Mai, à la face de la France et de l’Europe entière, les a proclamés, la Chambre des pairs sans délibération, par un mouvement spontané et unanime, déclare devant le peuple français et les étrangers qu’elle reconnaît Napoléon II comme Empereur des Français. J’en donne le premier l’exemple, et lui jure fidélité : si une minorité factieuse voulait attenter à la dynastie et à la constitution, ce n’est pas dans la Chambre des pairs que l’on trouverait des traîtres; ce n’est pas dans la Chambre des pairs, qui a donné l’exemple du dévouement, que les factieux trouveraient un appui.

Plusieurs voix. — Appuyé.

M. LE COMTE DE PONTÉCOULANT. — Il m’est pénible, Messieurs, d’avoir à proposer une opinion contraire à celle du préopinant.

Ce que je n’aurais pas dit dans la prospérité de l’Empereur, je le dis aujourd’hui que l’adversité l’a frappé. Napoléon est mon bienfaiteur, je lui dois tout. Je lui suis resté fidèle jusqu’au moment où il me délie de mes serments, et ma reconnaissance de ses bienfaits m’y (sic) tiendra toujours lié jusqu’à mon dernier soupir.

Mais on nous propose le contraire de ce qui est l’usage d’une Assemblée délibérante. Si j’ai bien entendu, on veut nous faire adopter une proposition sans délibération.

Mais, je le demande au Prince, à quel titre parle-t-il dans cette Chambre? Est-il Français? Je ne le reconnais pas comme tel. Sans doute, je le trouve Français par ses sentiments, ses talents, par les services qu’il a rendus à la liberté, à l’indépendance nationale. Je veux bien l’adopter pour Français; mais lui qui invoque la Constitution n’a point de titre constitutionnel. Il est prince romain, et Rome ne fait plus partie du territoire français.

LE PRINCE LUCIEN. — Je vais répondre à ce qui m’est personnel.

LE COMTE DE PONTÉCOULANT. — Vous répondrez après, Prince; respectez l’égalité dont vous avez donné tant de fois l’exemple.

Le préopinant a demandé une chose inadmissible. Nous ne pouvons l’adopter sans renoncer à l’estime publique, sans trahir nos devoirs et la patrie, dont le salut est entre nos mains.

On doit d’abord délibérer. La question qui se présente est de savoir si, lorsqu’une résolution a été prise par une Chambre et adoptée par l’autre, elle peut être changée par une des fractions de la puissance législative, lorsqu’il s’agit seulement de l’exécuter.

La délibération que nous avons prise ce matin est conforme aux lois, à la déclaration de l’Empereur, à l’intérêt du peuple français. Que veut-il? Qu’on proclame Napoléon II? Je suis loin de me déclarer contre ce parti, mais je déclare fermement, quels que soient mon respect et mon dévouement pour l’Empereur, que je ne reconnaîtrai jamais pour Roi un enfant, pour mon souverain celui qui ne résiderait pas en France. On irait bientôt retrouver je ne sais quel sénatus-consulte. On nous dirait que l’Empereur doit être considéré comme étranger ou captif, et que la régence est étrangère ou captive, et l’on nous donnerait une autre régence qui nous amènerait la guerre civile. Je demande que l’on délibère sur cette question, si elle n’est pas de nature à être écartée par l’ordre du jour, qui ne préjuge rien.

On nous parle de minorité factieuse. Où est-elle, cette minorité factieuse? Sommes-nous des factieux, nous qui voulons la paix? Je suis loin de croire que ce serait une minorité qui repousserait une résolution qui fermerait la porte à toute négociation, et qui tendrait à nous faire reconnaître pour souverain un individu qui ne réside pas en France.

Je demande la discussion ou l’ordre du jour.

M. LE PRINCE LUCIEN. — Si je ne suis pas Français à vos yeux, je le suis aux yeux de la nation entière.

Du moment où Napoléon a abdiqué, son fils lui a succédé.

Il n’y a pas de délibération à prendre, mais une simple déclaration à faire. L’Empereur a abdiqué en faveur de son fils. Nous avons accepté son sacrifice. Faut-il aujourd’hui lui en faire perdre le fruit? Nous ne demandons pas l’avis des étrangers. En reconnaissant Napoléon II, nous faisons ce que nous devons faire, nous appelons au trône celui que la Constitution et la volonté du peuple y appellent.

Dans une très belle étude sur deux romans de Lucien Bonaparte, publiée par M. Frédéric Masson dans la splendide revue illustrée les Lettres et les arts (août 1887), étude où l’auteur rend, du reste, pleine justice au caractère et aux qualités d’esprit et de cœur du frère de l’Empereur, nous lisons les lignes suivantes:

«Ne méritait-il point d’être, en ses grandes lignes

«au moins, tiré de l’oubli, ce roman1 qui, en la vie «de Lucien, met une unité, qui explique pourquoi, «seul de tous les Bonaparte, celui-ci, le président «des Cinq-Cents, l’agent principal du 18 Brumaire, «le ministre de l’intérieur du Consulat, est demeuré «sans titre et sans couronne; qui montre à «quel sentiment a obéi cet homme, qui a préféré «à des trônes l’amour d’Alexandrine de Bles« champ?»

Ainsi, aux jours de malheur, à l’heure douloureuse où la fortune du plus grand héros de l’histoire moderne s’écroulait, foudroyée par la tempête, en 1 La Tribu indienne. pleine Chambre des pairs, dans cette Chambre qui avait acclamé avec tant d’enthousiasme, au Champ de Mai, l’Empereur reconquérant son trône, un homme qui, — il l’avouait lui-même, — devait tout au souverain, qui avait été le courtisan de sa fortune, accablé de ses bienfaits, un homme se levait pour combattre l’hérédité dynastique, suite naturelle de l’abdication volontaire, et ne craignait pas de contester le droit constitutionnel du prince Lucien à recommander à la Chambre le respect dû à la dernière volonté du souverain et la fidélité au serment juré, avec de telles protestations de dévouement, aux Constitutions de l’Empire. Et, dans l’allocution la plus diffuse, la plus ridiculement contradictoire, la plus «prudhommesque», dirait-on aujourd’hui, cet orateur en délicatesse avec l’éloquence ne trouvait rien de mieux que de dénier la qualité de Français au frère de l’Empereur, au Prince que Napoléon lui-même envoyait, comme son commissaire extraordinaire, porter son message aux Chambres, à l’homme qui, plus soucieux de la dignité de son caractère qu’avide d’honneurs, et plus fidèle à ses affections domestiques qu’ambitieux d’une couronne, s’était tenu éloigné de la majesté triomphante pendant toute la période de gloire et de prospérité, et revenait prendre sa place auprès du chef et du frère à l’heure des dangers.

«A quel titre parle-t-il dans cette Chambre? Est-il Français? Je ne le reconnais pas comme tel!!...»

Nous avons relevé également, dans l’étude essentiellement littéraire et, d’ailleurs, inspirée d’un sentiment très sympathique, de M. Frédéric Masson, cette assertion que le prince Lucien est demeuré sans titre, assertion dont nous nous proposons de démontrer l’inexactitude.

Ce n’est pas là seulement que pareille opinion a été émise, même sans compter les écrits dictés par l’esprit de parti et qui n’épargnent ni l’injure ni la calomnie.

C’est pourquoi nous publions cette notice, espérant prouver à tous ceux qui, par intérêt ou par passion, ont prétendu séparer Lucien Bonaparte de la famille impériale et le tiennent pour un simple particulier sans attache avec le trône, que si, par les motifs les plus honorables de fierté personnelle et de fidélité à des êtres chers, il crut devoir se soustraire pendant de longues années à la domination de son frère tout-puissant, il revint à lui dès qu’il vit Forage s’amonceler sur sa tête; que la réconciliation se fit, sincère de part et d’autre, qu’il rentra dès lors dans le concert de la famille et fut aussitôt pourvu des titres et honneurs auxquels lui donnait droit sa parenté.

LA PRINCESSE ALEXANDRINE BONAPARTE


Le prince Lucien Bonaparte et sa famille

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