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TOPOGRAPHIE

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Gemozac est un bourg de Saintonge, ou, dans le langage actuel, une petite ville du département de la Charente-Inférieure, un des sept chefs-lieux de canton de l’arrondissement da Saintes, à 20 kilomètres de cette ville, 10 de Pons, 30 de Royan, 15 de Mortagne-sur-Gironde.

La position astronomique est juste entre le 45e et le 46e parallèle, très peu à l’ouest du méridien de Bordeaux. On a donc midi, à Gemozac, onze minutes après Paris, et on y voit les phénomènes astronomiques onze minutes plus tôt que l’heure annoncée pour la capitale de la France.

La situation géographique est entre Charente et Seudre, sur le versant nord de ce dernier petit fleuve, au sommet d’un plateau élevé de 42 mètres au-dessus du niveau de la mer.

La nature géologique du sol est le calcaire à caprinelles, recouvert d’une couche légère tantôt de terrain tertiaire, tantôt de glaise rougeâtre, parfois de bri, aux endroits qui en ont pris le nom de brisards, comme, par exemple, sur la route de Pons.

Cette terre, à peu près varenne, ne promet pas une excessive abondance, mais si fait bien une très-grande variété de produits: bois, vignes, froment, maïs, légumes, fleurs, betteraves, pommes de terre, chanvre, arbres fruitiers, tout y vient avec une culture facile et lucrative. Le noyer y enfonce très-bien son pivot. La charmille y forme des bosquets délicieux. Le figuier et le mûrier y gèlent très-rarement. L’alcool de raisins, l’eau-de-vie, dite de bocage, est la production favorite, la plus recherchée.

Une quasi-spécialité, c’est la pierre à bâtir les murs de clôture, qui se délite par petites pièces plates, de cinq à dix centimètres d’épaisseur, et qui peut très-bien se passer de ciment; quoique les habitants exploitent aussi de très-bonnes pierres à chaux, qu’ils vendent, une fois cuites, de cinq à six francs la barrique. On l’emploie maintenant avec avantage pour amender les terres.

Deux ruisseaux arrosent la commune et y prennent leur source, un de chaque côté du bourg. Le premier, qui se pourrait appeler la Gémoze, naît à un kilomètre au sud-est, près les moulins à vent des Papillons (vulgairement Parpaillons). Il entretient un carré de viviers autour du frais jardin Ollivaud, passe non loin de l’ancien temple protestant, encore existant aujourd’hui (1858), fournit plusieurs abreuvoirs, arrose les mottes ou chenevières qui touchent immédiatement les jardins méridionaux de Gemozac, se promène dans les prés de M. de la Porte, à présent à M. Beauvais, y entretient un beau vivier, reçoit les sources des Chelleries, à l’ouest du bourg, coule au bas de l’Enclave et de la Coquerie, entre les prés des Barbinais et de l’Essert, entre Chez-Grenon et Montravail, longe la mare et les bois de ce domaine, les laisse au midi, laisse au nord ceux du Rha et de Bernessard, les plus beaux de la contrée, décrivant là, vu sur la carte, le gracieux contour d’une lyre; il s’y alimente de quelques sources cachées, entretient les viviers de Bernessard, traverse la route de Royan sous le pont de la Ridoire, passe au pied du moulin à vent de l’Anglade, et enfin au village de Chaucrou; c’est là qu’il reçoit l’autre ruisseau dont nous allons parler, après avoir un peu plus complété notre hommage légitime à la Gémoze. Rien de plus frais, toute prévention à part, que les sites arrosés par ce petit ruisseau. Les arbres les plus variés, les plantes les plus élégantes, Salicaire, Eupatoire, Epilobe, Beccabunga, décorent et tapissent son cours. Des villages fort proprets l’accompagnent à distance. Au Rha, de véritables charmilles antiques ombragent des pelouses primitives; le vallon de Bernessard est an digne échantillon de Fontainebleau: futaies majestueuses, garennes en colonnades, troncs capricieux, souches caverneuses, roches moussues même, et mouvements de terrain, rien n’y manque. Oh! oui, ces bois de MAILLÉ et de Bernessard sont dignes d’être peuplés d’oiseaux chanteurs et visités par des poètes et des peintres. Je leur dois, pour ma part, une bonne mesure de mon développement moral et littéraire: que d’excellentes écoles buissonnières j’y ai faites! que d’oiseaux étudiés au bout de mon fusil, en les pipant avec une feuille de lierre! que d’oronges et de strophes. que de chanterelles (fesiques) et de couplets j’y ai recueillis, que de rêveries en y entendant le grondement lointain de l’Océan à Maumusson, lequel, concentré dans les grands bois, y fait plus d’effet que plus près de la côte! Vrai Gaulois, élève des Bardes et des Chênes, je ne paierai jamais, quoique je l’aie essayé quelquefois, mon tribut de reconnaissance à cette forêt quasi natale, qui appartenait alors à M. de la Garde, aujourd’hui à sa fille, mariée avec M. Repéré. Ces nouveaux Druides paraissent, comme l’ancien, vouloir respecter leur temple; je leur en suis vraiment reconnaissant. Si je voyais tomber ces arbres, mes fidèles amis, mes discrets confidents, je pleurerais douloureusement sur leurs ruines.

Le second ruisseau est fort gentil aussi et peut-être plus sain en breuvage, roulant une eau moins chargée de sels calcaires, se privant du luxe des incrustations. Il sourd au village des Chassières, à un kilomètre au nord-ouest de Gemozac; il arrose les prés de Font-à-Jars (Fontaine aux oies), le village des Pelissons, fait tourner à l’Anglade le seul moulin à eau de la commune, se jette à Chaucrou dans la Gémoze, et bientôt Gémoze et Chassenel unis se confient, un peu au-dessous de Chadenier, au petit fleuve de la Seudre, qui. les emporte à l’Océan, à travers les piles de sel, les parcs à huîtres et les dunes verdoyantes.

Il y a bien dans la commune quelques autres fontaines, ou fonts, comme on dit sur les lieux, la Font de Savinier, celle du Puits de l’Oumade, etc., mais elles ne sont pas pérennes ou continues; elles ne revivent ou ne revîlent que l’hiver, et même pas tous les hivers. Elles marquent seulement de petites combes ou vallons, appelés par erreur coulines, ou du moins par équivoque; car on ne veut pas dire col, colline, mais pente où l’eau coule, quand elle doit couler. Tout le sol de la commune est un plateau peu accidenté, mais cependant assez ondulé pour être gracieux.

Le vallon du Puits de l’Oúmade (lieu planté d’ormes, aujourd’hui de peupliers) a plus bas des sources, fournissant un ruisseau qui sépare la commune de Gemozac de celle de Virolet, passant aux Maisonnettes, à Font-Neuve et se perdant aussi dans la Seudre.

Enfin, la Seudre elle-même traverse le coin occidental de la commune, l’espace de 1,500 mètres, arrose le village de la Maire et le village, autrefois bourg, de Chadenier. Ce n’était guère, il y a quelques années, qu’un marais; aujourd’hui, la course est creusée en canal de desséchement.

La Seudre coule en cet endroit du sud au nord, et les affluents mentionnés de l’est à l’ouest. C’est la pente générale du plateau.

Les puits, dans l’étendue de la commune, ont une profondeur moyenne de 10 à 15 mètres. Quelques-uns donnent de très-bonne eau; plusieurs, même à peu de distance des autres, la donnent séléniteuse ou chargée de sels.

Il y a de grandes pièces de bois dans la commune, outre ceux de Bernessard; le bois Giraud, le bois des Filées, le bois du Sud, la forêt des Lignes, les bois du Chaillau, tous au midi de la route de Pons & Royan. On ne trouve guère, au nord de cette route, que les bois des Chassards, du Chaillou et ceux des Pelissons, où s’élève un des tertres culminants de la commune, le terrier des Berlézeau, sur les limites de celle de Cravans.

On a défriché beaucoup de bois pour planter des vignes, et abattu considérablement de gros arbres, chênes et ormeaux, sur les bordures des pièces de terres et dans l’intérieur des bois encore debout. Tout le parc du château de la Salle est à bas. Tous ces beaux arbres n’ont guère été remplacés que par des peupliers d’Italie, qui croissent vite, la jouissance personnelle et immédiate étant le stimulant et le vice des hommes de nos jours. Quelques propriétaires ont cependant semé des pins maritimes et établi des châtaigneraies pour faire des cercles ou de la frète, comme on dit chez nous.

Les essences qui peuplent les bois actuels sont principalement le chêne et le charme. Le chêne offre plusieurs variétés; nos habitants se contentent de distinguer le chêne blanc et le chêne noir. Ce dernier, le meilleur pour le foyer et pour beaucoup d’ouvrages, a l’inconvénient pour les yeux de garder ses feuilles sèches et rouillées après l’hiver et tout le printemps. Hais aussi sa pousse tardive est d’un aspect fort tendre et colorée de pourpre et de rose; c’est dans les taillis un deuxième printemps après le premier. Le hêtre, l’érable, le frêne, le peuplier-tremble, l’alisier, le coudrier, le chêne-vert, le cormier, le cerisier sauvage ont encore dans nos bois d’assez nombreux échantillons. Le viorne et la bourdène s’y cachent. On va y recueillir des plants d’aubépine semés par les oiseaux et dont on fait ces belles haies si blanches de fleurs au mois de mai, si rouges de senelles au mois de septembre. En un mot, la commune de Gemozac peut offrir, je crois, sauf les plantes et les animaux marins, des spécimens de toute la Flore et de toute la Faune du département.

Elle a, en fait d’insectes, le charanson gris, de la grosseur d’un fort pepin de raisin, connu dans la science sous le nom de charanson de Saintonge (curculio Santonensis); ce n’est pas celui-là qui fait beaucoup de mal. Il y a encore quelques couleuvres et même des vipères. Je me souviens très-bien de m’être une fois botté à l’écuyère pour donner la chasse à une assez grosse qui m’avait menacé dans le bois et que je n’ai jamais revue: En cherchant bien, on trouverait peut-être encore quelques tortues d’eau douce. Les orvets, appelés niœils (n’ayant œil) et les salamandres, qualifiées de sourds, demeurent assez communs et supportent très-patiemment la terrible réputation que leur a faite à peu de frais un proverbe local: «Si le niœil voyoit et que le sourd entendisse, il n’y auroit homme qui se sauvisse.»

Quant aux bêtes plus fantastiques et bien plus redoutées autrefois, telles que ganipotes, loups-garoux, chassegalerites et autres visions, je crains bien, hélas! qu’elles n’aient disparu pour toujours. Qui les a enfin chassées et qui aurait pu le faire plus tôt, sans certaines influences du moyen-âge encore persistantes? Les instituteurs primaires, le bon vieux M. Chauvin, au Maine Bouquet, et ses successeurs, au chef-lieu.

Quant aux animaux quadrupèdes, il y avait jadis dans la commune quelques loups, beaucoup de renards, des blaireaux, même des sangliers de passage; à peine existe-t-il aujourd’hui des lièvres et des lapins. Si MM. les louvetiers veulent chasser un loup dans tout le canton, il faut qu’ils aient la bonté de le fournir. L’instinct de la chasse va être obligé de se rabattre sur les fouines, belettes, putois, rats et mulots, et il sera fort utile encore.

Les oiseaux ont un moyen de plus d’échapper au grand destructeur de toutes choses et de lui-même, à l’homme. Et cependant quelle diminution dans l’affluence de ces hôtes volages de l’été, de l’automne et de l’hiver! Le déchet est sensible d’une année à l’autre, et la solitude attriste peu à peu les sites les mieux faits pour être animés par les jeux, les amours, les habitudes, les combats, les ramages des oiseaux, ces gracieuses et intelligentes créatures. Si je me reporte seulement à un tiers de siècle en arrière, où sont ces perdrix qui venaient quelquefois manger avec les poules de ma mère; les bécasses, si communes qu’elles se prenaient aux lacets ou collets, et que le village de Maillé, par exemple, en devait une de rente annuelle à la seigneurie? Où sont, en automne, ces volées de grives, de draines, de merles, de gros-becs, de proyers (ou trrris) sur lesquels on faisait son apprentissage de tireur? Ces nuées de becs-figues, grassets, rouges-queues, etc., que nous étions si heureux de prendre, avec l’appât d’une fourmi volante, aux reginglettes ou arquets, et aux coustilles, sorte de léger traquenard? En été, ces compagnies de cailles à plein filet? En hiver, tant de bécassines que nous avons manquées sur la Seudre, tant de rales, de judelles, de poules d’eau et de pluviers que nous y avons vus! Si les chantres du printemps, le rossignol, la fauvette, l’hirondelle reviennent toujours, c’est qu’ils sont dédaignés par la gastronomie, encore la barbare rabale en fait-elle au passage d’amples destructions, ainsi que d’alouettes, de linottes et de chardonnerets. Mais ce reproche s’adresserait à nos voisins de Saint-Seurin, de Mortagne et de toute la côte de Gironde. Ce même dédain culinaire laisse vivre et crier dans nos bois le geai, la pie, la pie-grièche, et aussi la jolie famille des pics, le pivert, l’épeiche, la gentille sittelle, le vif grimpereau; mais le doux roucoulement de la tourterelle et le doux sifflet du loriot y deviennent rares, ainsi que le chant si musical et si forestier tout ensemble du tourd ou mauvis, perché, le soir, sur une cime élevée et célébrant un beau coucher de soleil.

Presquo plus de ces passagers distingués par leur élégance ou leur beauté, des chevaliers, des pluviers, des outardes, des hérons, des cygnes. Lorsque la Charente était, selon le proverbe, «pavée d’anguilles, lardée de truites et bordée de cygnes,» la Seudre et ses affluents s’en ressentaient: je me rappelle que, du temps de mon enfance, tuer un cygne n’était pas un événement à publier dans les journaux. A présent, c’est à peine si nos rivages sont visités par quelques canards et habités par le brillant martin-pêcheur, que des ignorants pourchassent encore pour l’empailler et le pendre à leur plancher, où il fait fonction de girouette, à ce qu’ils prétendent.

Cette déperdition du gibier, portion du paysage d’une contrée et une des ressources de la subsistance, tient évidemment au mauvais régime de la chasse. Le renchérissement excessif du permis ne fera qu’exciter la vanité et l’instinct de destruction: on voudra tuer pour son argent, tant qu’il restera de quoi tuer, ce qui ne durera guère. Il y en a déjà très-certainement, les cinq sixièmes de disparus depuis trente et quelques années. Peut-être, aujourd’ hui que les instincts de vraie conservation, d’amélioration même, semblent parfois prendre le dessus, peut-être en viendra-t-on enfin à déclarer le gibier propriété de la commune, comme il l’est en effet, et à permettre gratis à chacun de chasser à son tour, en saison convenable, et avec consentement des propriétaires. Sur une population de 2,700 âmes, je suppose, que peut-il y avoir d’hommes en âge de chasser? Au plus environ 360. Eh bien! comme la chasse peut rester ouverte six mois de l’année, chaque amateur aurait sa demi-journée, sauf les cessions de tour, les démissions, les trafics; mais on lui permettrait d’inviter ses amis, et l’on Continuerait de prohiber sévèrement les appeaux, les piéges destructeurs, le braconnage, la recherche des nids. La commune de Gemozac deviendrait promptement sous ce régime une des communes les plus giboyeuses.

Il est une autre chasse, plus instructive et qui ne passionne pas moins certains curieux, c’est la recherche des antiquités et des phénomènes un peu extraordinaires. Oh! j’avoue que cet exercice serait peu fructueux dans la commune de Gemozac: pas la moindre pierre druidique, le moindre dolmen, pas même de ruines du moyen-âge. L’ancien château seigneurial, dent j’ai eu l’honneur de voir les tourelles écroulées et les cachots éventrés, est devenu depuis plusieurs années une jolie maison bourgeoise; à peine si le clos, déféodé par la charrue plébéienne, conserve encore quelques pans de murs. La nature, de son côté, n’offre rien d’excentrique, pas même un de ces entonnoirs appelés soucis (sucis) qui absorbent les eaux de pluie, comme à Chadène, à Valleret, et sur tant d’autres points de notre pays à sous-sol calcaire, que le bon Dieu a eu l’obligeance de drainer lui-même. Seulement, en cherchant bien sur le roc mis à nu par les vieux chemins, on découvrirait çà et là, vis-à-vis de l’Ozignac, par exemple, quelques-uns de ces moules creux de cornes d’Ammon, qui ressemblent à l’empreinte d’un fer à cheval gigantesque, et qu’ailleurs le peuple ne manque pas d’appeler le pas de la mule (du Pape, ou de Gargantua?) ou les pas du cheval Bayard; les Grecs auraient chanté les pas du cheval Pégase.

Le midi de la commune est bien traversé en écharpe, de Chadenier au village de la Sicardière, par un chemin boine, ou baine, considéré par quelques érudits comme une voie romaine, et que son nom pourrait môme faire remonter sans trop d’efforts jusques aux Grecs, déjà cités, chez lesquels bainein signifiait marcher (nous en avons gardé je vais); mais ce qu’il y a da plus sûr, c’est qu’avant les routes modernes, le chemin boine était celui des poissonniers, ou sardiniers, comme nous disons, portant à dos de mulet ou d’âne leur marchandise de Ribeyrou (la rivière), à Jonzac et dans le bas Angoumois. C’est toujours une antiquité.

Nous pourrions en citer deux autres: un inévitabla camp de César, dans les bois du Chaillau, en tirant vers Tanzac. C’est un tertre carré ou pyramide tronquée, en terre, au moins à l’extérieur, aujourd’hui revêtu de broussailles, d’environ 30 mètres de côté et entouré de fossés qui paraissent avoir fourni l’exhaussement. Etait-ce un fortin ou un tumulus (tombeau)? Peu soluble question.

L’autre vieux monument... mais, pardon! nous serions obligés de l’emprunter à la petite commune limitrophe de Virollet, qui, à la fin du siècle dernier, aurait bien pu nous prêter autre chose, l’esprit de son bon curé Vanderquand, un Rabelais saintongeois, moins la grossièreté... Je voulais parler de l’abbaye de Madion (mas divin?), recueillie naguère dans la succession d’un calviniste, le vieux M. Bascle, des Chassières, et qu’une ferme moderne a presque entièrement et avantageusement remplacée. Il en reste néanmoins une porte sur le fronton do laquelle se lit encore très-bien, en 1858, l’inscription ci-après:

HANG ABBATIAM REGIÈ OLIM EXSTRUCTAM

FURORE POSTEA HÆRETICORUM PENITUS DESTRUCTAM

SUMMA OPE AC INVICTO PRORSUS ANIMO

INSTAURARE COEPIT SUIS SUMPTIBUS ANNO DOMINI MDCLXXVIII

DOMINUS MARTINUS DE MARCHAIS PARISIENSIS

REGIÆ HUJUS ABBATIÆ ABBAS DIGNISSIMUS

C’est-à-dire:

«Cette Abbaye, d’ancienne fondation royale,

«entièrement détruite par la fureur des hérétiques,

«commença d’être rétablie, l’an du Seigneur 1678,

«aux frais, et grâce au zèle et au grand cœur

«de Dom Martin de Marchais parisien,

«de cette royale Abbaye le très digne Abbé.»

Tel est, à rapide vol d’oiseau, l’aspect topographique de la commune de Gemozac. Dans une étendue de huit kilomètres de long, du nord au sud, sur six kilomètres de large, elle renferme une centaine de villages ou hameaux dont nous donnerons la liste (deux par kilomètre carré), et un chef-lieu assez considérabe, qui nous reste à décrire.

Le bourg de GEMOZAC est situé au centre de la commune, sur la pente septentrionale et fort douce de son ruisseau ou de la Gémoze, qui se recourbe un peu pour l’entourer au tiers à peu près. Lorsqu’on y arrive par ce côté, venant, par exemple, de Saint-Genis, Champagnoile, Mortagne ou Virollet, les maisons ne paraissent qu’à demi derrière des rideaux de peupliers de diverses espèces, de saules et de marronniers d’Inde, que le clocher surmonte, ce qui présente un paysage complet, de la plus grande fraîcheur. Les autres côtés auront un jour le même avantage, grâce aux frênes et ormeaux que l’on vient de planter sur les bords des routes qui formeront de belles avenues. Ces routes sont les deux voies départementales de Saintes à Mortagne-sur-Gironde et de Pons à Royan. Elles se coupent à angle droit presque au centre de la petite ville et en fournissent les deux rues principales, dites Royale (route de Pons) où l’on remarque les jolies maisons Seureau, Généraud, etc., et rue du Commerce (route de Saintes), où s’élève et se prolonge le magnifique hôtel Maurice-Renou. L’on vient d’y bâtir une mairie, une école, une halle ; sur la place centrale, dite le Canton, ou place Saint-Pierre, la vieille église, réparée à neuf, se présente, dégagée enfin du cimetière qui l’entourait encore il y a Une trentaine d’années. Il y avait plus d’urgence qu’en d’autres bourgs à écarter ce foyer d’insalubrité, parce que les habitations gemozacaises sont groupées, serrées comme dans les villes même, sans interruption de façades, quoique plusieurs aient un jardin. Une autre rue très ancienne et moins alignée part du canton et se dirige au sud-est, entre l’antique église et un couvent très-moderne, vers l’ancien château, disparu, et vers l’ancien temple protestant, rebâti plus à l’intérieur, sur la route de Pons; c’est la rue Eschasseriaux, appelée autrefois de la nécessité ; les conditions y sont heureusement changées, comme dans toute la commune, comme dans tout le pays. On y remarque une gentille petite place ombragée de tilleuls, meublée de bancs de pierre et qui sert de marché aux moutons. C’est cette même rue qui, traversant le canton, se prolonge au nord-ouest, sous le nom de rue du champ-de-foire, et qui pourrait s’appeler rue des champs-de-foire, car elle longe celui d’hiver sur sa droite, et plus loin, celui d’été, sur sa gauche. Ce dernier est vraiment beau et vient tout récemment d’être encore embelli. C’est, sous le nom de Grands Prés, une vaste prairie communale, bornée au nord par la route de Cozes (ou de Royan) et au midi par la Gémoze. C’est là que tous les mois, le 3e vendredi, se tient une foire aux bestiaux assez renommée; que tous les automnes la partie basse se tapisse de fleurs de colchique, et que tous les jours de Saint-Jean-Baptiste une frairie ou assemblée réunit les domestiques cherchant place, avec le rameau vert à la main des filles, au chapeau des garçons, et les maîtres cherchant serviteurs. D’autres garçons et d’autres filles y accourent dans des vues différentes, et tout au moins dans l’intention de danser. Le violonaire ou le joueur de hautbois et de cornemuse est monté sur son tonneau et frappe du talon la mesure rapide du bal, bourrée saintongeoise, ou le mol bercement de la courante; et peut-être du haut de cet observatoire saisit-il entre les danseurs d’autres accords que ceux des pas et des sons. Mais ce sera plus tard l’affaire de M. le maire. En attendant, voyez ces restaurants improvisés, ces tentes ornées de drapeaux et de feuillage, et sous lesquelles, relativement, Gamache fait fumer, mais non pas gratis, ses marmites, ses grils et ses poëlons. La paroisse est bien sous l’invocation de saint Pierre; mais ne trouvez-vous pas que le bon saint Jean, avec son antique et impérissable fête du solstice d’été, vaut à lui seul tous les apôtres?

Quand vous serez fatigué des notes trop aiguës du petit hautbois ou des écarts de sensible du violon, nous passerons le gentil ruisseau et nous irons à l’ombre dans le bois du Son, ainsi nommé peut-être pour quelque conversation qu’il aura trahie; ou bien nous irons au bord du vivier de M. De La Porte voir les dorins et les carpes venir prendre le pain que nous nous plairons à leur jeter... Mais, cher lecteur, je vous abuse, en me berçant moi-même de trop anciens souvenirs: les Grands-Prés, quoique récemment élargis par un échange, ne sont plus le rustique théâtre d’une fête pastorale ou au moins villageoise; il n’y a plus de villageois, plus de musette, plus de bal de Saintonge, plus de danse sous l’ormeau. Tout se fait monsieur et demoiselle, et ne danse plus que la nuit, en grande toilette, à l’hôtel du Commerce, aux harmonies d’un orchestre en règle, des valses, des contredanses, des scottish, des mazourkes, des redowas, des varsoviennes, que sais-je?... Et le savent-ils eux-mêmes, grognait un vieux ménétrier jaloux, qui appelait les scottish des sottises?...Tout cela serait à peu près indifférent, si la grande coëffe des Saintongeaises, dont plus tard je ne vous ferai pas grâce, ne disparaissait pas avec les anciennes moeurs; elle méritait l’immortalité !

Le bourg attire ainsi la campagne, de même que la ville attire les bourgs. Rentrons donc dans celui de Gemozac et songeons à en achever la topographie.

La longue rue dont nous avons parlé en dernier lieu sous deux noms différents (Echasseriaux et du champ de foire), et qui n’est autre chose que le chemin de Saint-Genis à Saujon par Gemozac, se, perdant à l’ouest dans la route de Cozes, fait de tout le centre du bourg un grand triangle qui a pour base à l’est une rue de jonction, et dont le milieu est coupé par la rue du Commerce, et la pointe par une rue plus courte et parallèle, nommée très-anciennement rue Marot et contenant un puits du même nom. Le poète huguenot et délicieux Clément Marot s’est bien réfugié en Saintonge dans le temps de ses persécutions; mais serait-il venu à Gemozac et se serait-il caché justement dans la rue où depuis longtemps la cure est bâtie? (et d’où elle a pris le nom de rue du Prieuré, changé en 1830 pour celui de rue d’Orléans).

Tel est, par aperça, ce chef-lieu de canton, composé de feux et contenant âmes de population agglomérée. La commune en compte 2,800, et augmente graduellement ce nombre, moins par ses villages que par le bourg lui-même; il s’étend et se ramifie peu à peu sur les deux routes et sur les nombreux chemins de grande communication qui rayonnent de ce centre vinicole et industriel: c’est au nord-ouest le chemin de Cravans, au nord celui de Saint-Simon-de-Pelouaille, au nord-est celui de Villars, au sud-est celui de Saint-Genis, au sud celui de Saint-Germain-du-Seudre, au sud-ouest celui de Virollet, parure utile de rubans civilisateurs, qui serpentent et ondoient à travers les campagnes. En vérité, enthousiasme de jeunesse à part, ce coin de terre me parait toujours digne, et plus que digne, de ce que j’essayais déjà d’en dire en vers, étant au collége de Saintes, il y a bien longtemps (1815):

Non loin des bords qu’arrose la Charente,

Plus près de ceux où la Seudre serpente,

Un bourg illustre élève à trois cents piés

De son clocher les sommets foudroyés:

C’est GEMOZAC; terre que la Nature

De ses faveurs enrichit sans mesure;

Dans ces beaux lieux partout on voit florir

La douce aisance à côté du plaisir.

Cérès laissa les rives du Pactole,

„ Le dieu du vin, les riches plants du Tmole,

Pour habiter les plaines, les coteaux

Que la Gémoze abreuve de ses eaux.

Tâchons de voir dans le chapitre suivant si l’homme. de ce pays y a bien secondé la nature.

Notice historique sur la commune de Gemozac

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