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LETTRE PREMIÈRE

Table des matières

L’HOTEL DE CLUNY. — LE PALAIS DES THERMES PARIS A SON ORIGINE.

Je suis inquiet en moi-même si cette capitale de la France, remplira les grandes idées que j’en ai conçues, tant par le rapport de ceux qui l’ont vûe, que par les détails qu’on nous en a donnés par écrit. Quelques heures après mon arrivée à Paris, je brûlois déjà d’en voir les curiosités; et je suis tombé, je ne sçais comment, sur un objet qui m’a donné beaucoup de satisfaction, quoique je ne me ressouvienne pas d’en avoir jamais entendu parler. Je voulois aller dans le quartier de Saint-Germain; celui qui me conduisoit me montra, en passant, l’hôtel de Cluni, maison appartenante à l’Ordre de Cluni, bâtie à peu près du tems de Louis XIII (). Mon œil fut frappé à l’endroit qu’il m’avoit montré, par les restes d’un édifice vénérable. Toutes les fois que je rencontre pareille chose, mille pensées se présentent en foule à mon esprit. Je ne m’étois pas attendu de trouver ici de ces vestiges: mon conducteur que je questionnai, me répondit froidement que c’étoit un vieux bâtiment, le Palais des Thermes. Il ne put m’en dire davantage, et ses regards m’annoncèrent qu’il me trouvoit singulier de croire que cela valût la peine d’être remarqué.

Je suis choqué que dans un quartier si célèbre, que l’on a consacré à l’étude des sciences et des arts polis, on ait si peu d’égards pour ce morceau précieux d’antiquité, et qu’il soit si indignement employé aux plus vils usages (). J’entrai dans un appartement vaste, la seule pièce encore existante d’un édifice, qui, à en juger par cet échantillon, devoit être très-grand et très-magnifique. La chambre est exhaussée et spacieuse, et on est frappé en y entrant de cette admiration respectueuse, qu’il est naturel de sentir quand on entre dans quelque temple gothique. L’architecture en est pourtant d’un goût bien différent. Au lieu de cette profusion d’ornemens mal placés, qui règne dans tous ces édifices, on ne voit dans celui-ci qu’une simplicité toute unie qui le caractérise pour un édifice romain. Les murs en sont épais, fort élevés et remplis de niches. Le plafond qui est haut, est d’une simplicité noble et auguste; c’est une arcade construite à la manière des Romains; elle forme une portion de cercle parfait, qui quoique d’un diamètre fort grand, n’a pour la soutenir ni pilliers ni rien autre chose que les murailles. Quand on y porte la vûe, on seroit tenté de croire qu’elle va tomber; mais quoiqu’elle porte encore une augmentation de fardeau, par les terres qu’on y a transportées et qui forment une espèce de jardin en terrasse pour l’hôtel de Cluni, qui en est voisin, il y a tant de siècles que cette voûte subsiste en cet état, qu’il n’y a pas lieu de craindre cet accident. Les murailles sont bâties en partie de briques et en partie d’une espèce de plâtre particulier et fort dur (). La brique est vraiment romaine; on la reconnaît à ses dimensions, aussi-bien qu’à la couleur et à la consistance: le plâtre est beaucoup plus dur: il ressemble beaucoup à celui qu’on voit actuellement dans quelques cantons d’Italie et qui est fait avec la poudre de Pouzole (Pulvis Puteolamis) des anciens (). On se sert de cette composition pour les digues qu’on fabrique dans la mer; et nous avons le secret de le rendre aussi dur que le marbre et aussi durable.

Il n’est pas difficile de fixer l’époque de la construction de cet édifice. Paris est une ville dont on connoit les différens progrès par des mémoires authentiques, et comment, de fort peu de chose qu’il étoit dans son origine, il est parvenu à la magnificence que nous lui voyons. Si l’on peut déterminer les dates de tous ses édifices, on peut aussi acquérir des lumières sûres au sujet de ce fameux antique si négligé. Dès les premiers tems, dont les histoires font mention, Paris existoit; mais c’étoit une place de peu d’importance, avant qu’il eût été réduit par les Romains et même beaucoup plus tard. On ne voit point que du tems des Celtes, il ait eu aucune prérogative de plus que les autres villes de la Gaule, qui étoient capitales chacune de leurs provinces respectives. César dit dans ses Commentaires, qu’après la défaite de Cavustogènes (), il transféra dans cette petite ville l’assemblée des États, qu’on avoit coutume de tenir auparavant à Chartres. Il paroît que ç’a été le premier pas vers l’aggrandissement de Paris, qui est à présent si étendu et si magnifique. César prit cette ville en affection; mais ceux qui lui succédèrent quelque tems après dans le gouvernement des Gaules, eurent moins de goût pour elle: car leurs propres histoires fixent la résidence des Préteurs, et par conséquent le lieu où se rassembloient les grands, non dans la Gaule Chevelue et dans la division Celtique, dont Paris faisoit partie, mais dans la Gaule Braccata () ou Narbonnoise; et nous sçavons que c’étoit à Lyon et à Vienne: enfin il se passa un tems considérable avant qu’on donnât à Paris la même préférence qu’elle avoit du tems de cet empereur.

Paris, quoique pendant un tems moins considéré, recouvra ensuite sa première réputation. Julien, qu’on n’avait pas encore qualifié du titre d’apostat, étant Vice roi de la Gaule sous l’empire de Constance, prit cette ville en amitié. Nous voyons que dans ses ouvrages, il l’appelle sa chère et bien-aimée Lutèce; il en parle avec de grands éloges en beaucoup d’endroits; il est évident qu’il y faisoit presque entièrement sa résidence. Il y bâtit un palais, qui est ce palais des Thermes, où non-seulement lui, mais encore plusieurs monarques de la race mérovingienne firent leur séjour ().

Les restes du Palais des Thermes se réduisent à fort peu de chose; je vous ai déjà dit en quoi ils consistent; mais ce monument incontestable suffit pour nous montrer combien doit avoir été auguste l’édifice dont il n’étoit qu’une partie. Dans un tems où on avoit plus de goût qu’à présent pour les antiquités (), on a formé bien des conjectures sur l’usage auquel étoit destiné ce fragment de l’édifice de Julien. La plupart de ceux qui l’ont examiné, et même tous, à ce qu’on m’a assuré, ont prétendu que c’étoit un temple, et que les niches des murailles étoient destinées pour autant d’autels. Pour moi, toute la structure me fait croire que c’étoit plutôt une salle de bains, d’autant plus que les Romains étoient jaloux de ces sortes de commodités; sans compter que son ancien nom, Palatium Thermarum, l’annonce d’une manière à pouvoir difficilement s’y refuser: j’ai pris la peine de suivre les traces, obscures à la vérité, de quelques autres bâtimens à peu près du même tems, qui me confirment dans cette opinion. Je les ai suivies jusqu’à la fontaine d’Arcueil, à trois milles de Paris, où j’ai trouvé les restes de certaines arcades qui, lorsqu’elles étoient entières, servoient, à coup sûr, à y conduire l’eau. Elles sont de même construction et de même matière que la salle qui est le seul reste du palais, et ont été bâties évidemment dans le même siècle. Les Romains épargnoient-ils quelque chose pour leurs commodités ou leurs plaisirs? Leur magnificence dans des tems si reculés, n’a-t-elle pas étonné tous ceux qui ont vécu depuis? Combien leur ostentation et leur extravagance n’ont-elles pas laissé de monumens de leurs conquêtes et de leur grandeur dans tout cet univers qu’ils ont subjugué ? Quand je considère d’où ce peuple a tiré son origine, combien il s’est soutenu long-tems dans le plus haut dégré de puissance et de gloire, et en quel état il a été réduit ensuite; quelles bornes peut-on mettre à l’imagination, et que ne peut-on pas supposer de la position future des autres États? Quelle est la principauté si petite, qui ne puisse un jour, aidée des entreprises de quelque prince ambitieux, aspirer à la conquête de tout le monde?

Paris artistique et monumental en 1750

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