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AVERTISSEMENT.

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Les bégueules, de l'un ou de l'autre sexe, feront bien de ne pas ouvrir ce livre; on les en prévient.

S'il leur plaisait, après cela, de passer outre, ces très-respectables personnes seraient malvenues à crier: Shocking!

L'esprit attique est, comme l'esprit gaulois, fort libre en ses propos,—principalement dans les comédies,—lesquelles faisaient partie des fêtes de Bacchus.

Or, si Bacchus a découvert la vigne, jamais, que je sache, il ne conseilla d'en mettre la moindre feuille à ses statues,—ni aux œuvres littéraires qui lui furent consacrées.—L'invention de la feuille de vigne est toute moderne. Quoiqu'ils n'aient pas de vigne en Angleterre, comme dit la chanson, je croirais volontiers que la feuille de vigne est originaire de ce pays-là,—tant est grotesque cette pudibonderie, tant cette décence est indécente!

Aristophane n'était pas prude. Aujourd'hui on l'est prodigieusement,—signe peut-être qu'on est plus corrompu.

Pour moi, Gaulois, je me suis amusé dans les vignes d'Aristophane; j'y ai fait vendange à loisir. Et voici le dessus des paniers.

Ces paniers sont ceux des Dionysies, où l'on se barbouillait de lie, et où l'on portait en procession le phallos, organe mâle de la génération, emblème de la fécondité.—C'est de là qu'est né le théâtre grec.

Avouons toutefois, sans être bégueule ni hypocrite, que, malgré la prodigieuse culture intellectuelle et l'esprit extrêmement raffiné des Athéniens, le sens moral, chez eux, comme chez tous les peuples du midi, n'était pas très-châtié. Les méridionaux sont trop gâtés par le climat: ils restent aisément sensuels,—et, en tout cas, insoucieux de la pudeur.

La pudeur est, apparemment, une vertu du Nord, plutôt que du Midi,—une vertu des pays où le froid nous rend laids en nous forçant de nous habiller:—les nations qui vivent demi-nues, sous un ciel plus clément, restent plus belles, parce qu'elles cultivent davantage le corps et prennent plus de souci de la beauté.

La philosophie morale des Athéniens était pour eux un art, comme tout le reste, un exercice, un jeu,—une sorte de gymnastique de l'esprit, complétant celle du corps;—mais il ne paraît pas qu'elle constituât un code, une certaine nécessité générale dans la manière d'être et dans la conduite de la vie. Voilà pourquoi l'idée de la décence publique ne trouve pas jour dans tout Aristophane.

Nous autres, au rebours, nous sommes tout confits en décence et en hypocrisie publique.

Au surplus, bien des choses qui paraissent grossières quand on les traduit du grec en français, sont exquises dans le grec. Quelque énormes qu'elles puissent sembler ici, où encore on n'en laisse voir qu'une faible partie, dans le texte c'est la grâce même. Voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue en lisant ces études sincères.

Elles parurent pour la première fois en 1849, dans la Liberté de penser. En les revoyant, après dix-huit ans, je les ai un peu modifiées; j'ai ajouté plus d'un détail, j'en ai retranché d'autres, qui faisaient allusion aux événements de ce temps-là, et qui aujourd'hui ne s'entendraient plus.

Quant aux citations assez nombreuses, qui donnent ici la fleur des comédies d'Aristophane, je les ai cueillies sur le texte même la plupart du temps,—sans négliger cependant de me servir parfois des deux remarquables traductions d'Artaud et Destainville, et de mon ancien élève Poyard, mais en essayant çà et là de serrer de plus près encore le poëte grec, et d'en saisir au vol le mouvement et la couleur.

Bref, on trouvera dans ces Études une sorte d'Aristophane écrémé, à l'usage des gens du monde qui ont de l'esprit et de l'honnêteté, et qui, par conséquent, ne sont pas prudes.

Etudes sur Aristophane

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