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PASCAL ET MARGUERITE
X
ОглавлениеDéjà, le matin même, le juge de paix avait pu voir de quelle virile énergie le malheur avait trempé Mlle Marguerite, cette belle jeune fille si timide et si fière.
Il n’en fut pas moins surpris de l’explosion soudaine de sa haine.
Car elle haïssait. Le seul frémissement de sa voix, en prononçant le nom d’Anaïs de Rochecote, disait bien qu’elle était de ces âmes altières qui ne sauraient oublier une offense.
Nulle trace ne restait de sa fatigue si grande: elle s’était redressée, et le souvenir de l’odieux et lâche affront dont elle avait été victime, empourprait sa joue et allumait des éclairs au fond de ses grands yeux noirs.
– Cette atroce humiliation n’a guère plus d’un an de date, monsieur, reprit-elle, et maintenant il me reste peu de chose à vous apprendre.
Mon expulsion de Sainte-Marthe transporta d’indignation M. de Chalusse. Il savait une chose que j’ignorais, c’est que Mme de Rochecote, cette femme si sévère et si intraitable, était absolument décriée pour ses mœurs…
La première inspiration du comte fut de lutter et de se venger, car, avec ses apparences glaciales, il était la violence même. J’eus toutes les peines du monde à l’empêcher d’aller provoquer le général de Rochecote, qui vivait encore à cette époque.
Cependant il importait de prendre un parti pour moi.
M. de Chalusse me proposa de me chercher une autre maison d’éducation, me promettant, instruit qu’il était par une désolante expérience, de prendre assez de précautions pour assurer mon repos.
Mais je l’interrompis, dès les premiers mots, pour lui dire que je rentrerais à mon atelier de reliure plutôt que de hasarder une nouvelle épreuve.
Et ce que je disais, je le pensais.
Un subterfuge indigne de moi – une supposition de nom, par exemple – pouvait seul me mettre à l’abri des avanies de Sainte-Marthe. Or, je me savais incapable de soutenir un mensonge… je sentais qu’au premier soupçon je confesserais tout.
Ma fermeté eut cet avantage de rendre quelque résolution à M. de Chalusse.
Il s’écria, en jurant – ce qui ne lui arrivait presque jamais – que j’avais mille fois raison, qu’il était las, à la fin, de trembler et de se cacher, et qu’il allait prendre ses mesures pour me garder près de lui.
– Ainsi, conclut-il en m’embrassant, le sort en est jeté, et il arrivera ce qui pourra!..
Mais ces mesures dont il parlait exigeaient un certain délai, et en attendant il décida qu’il m’établirait à Paris, la seule ville où on puisse échapper aux indiscrétions.
Il acheta donc pour moi, non loin du Luxembourg, une maison petite et commode, avec un jardinet sur le devant, et il m’y installa avec deux vieilles bonnes et un domestique de confiance.
Comme il me fallait, en outre, un chaperon, il se mit en quête et m’amena Mme Léon.
Le juge de paix, à ce nom, releva un peu la tête, enveloppant Mlle Marguerite d’un regard perspicace.
Il espérait que quelque chose en elle lui apprendrait ce qu’elle pensait au juste de la femme de charge, et quel degré de confiance elle lui accordait.
Mais elle fut impénétrable.
– Après tant de traverses, poursuivit-elle, j’ai pu croire un instant que la destinée se lassait.