Читать книгу Les énigmes de l'Univers - Ernst Haeckel - Страница 6

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C. Gegenbaur.—Lehrbuch der Anatomie des Menschen. 1883.

R. Virchow.—Gesammelte Abhandlungen, z. wissenschaftl. Medizin. I. Die Einheits-Bestrebungen. 1856.

J. Ranke.—Der Mensch. 1887.

R. Wiedersheim.—Der Bau des Menschen als Zeugniss für seine Vergangenheit. 1893.

R. Hartmann.—Die menschenaehnlichen Affen und ihre Organisation im Vergleich z. menschlichen. 1883.

E. Haeckel.—Anthropogenie oder Entwickelungsgeschichte des Menschen IX, Die Wirbelthier-Natur des Menschen. 1874.

Th. Schwann.—Mikroskopische Untersuchungen über die Uebereinstimmung in der Struktur und dem Wachsthum der Thiere und Pflanzen. 1839.

A. Kölliker.—Handbuch der gewebelehre des Menschen. 1889.

Ph. Stöhr.—Lehrbuch der Histologie und der mikroskopischen Anatomie des Menschen. 1898.

O. Hertwig.—Die Zelle und die Gewebe. Grundzüge der allgem. Anatomie und Physiologie. 1896.

Toutes les recherches biologiques, toutes les études sur la forme et le fonctionnement des organismes, doivent avant tout s'arrêter à la considération du corps visible, sur lequel nous pouvons précisément observer ces phénomènes morphologiques et physiologiques. Ce principe vaut pour l'homme aussi bien que pour tous les autres corps animés de la nature. Cependant, les recherches ne doivent pas se borner à la considération de la forme extérieure, mais, pénétrant à l'intérieur de celle-ci, faire l'étude macroscopique et microscopique des éléments qui la constituent. La science qui a pour objet cette recherche fondamentale dans toute son étendue est l'anatomie.

Anatomie humaine.—La première incitation à l'étude de la structure du corps humain vint, comme c'était naturel, de la médecine. Celle-ci, chez les plus anciens peuples civilisés, étant d'ordinaire exercée par les prêtres, nous avons tout lieu de croire que dès le second siècle avant J.-C. ou plus tôt encore, ces représentants de la culture d'alors possédaient déjà des connaissances anatomiques. Mais quant à des connaissances plus précises, acquises par la dissection des mammifères et appliquées ensuite à l'homme,—nous n'en trouvons que chez les philosophes-naturalistes grecs des VIe et VIIe siècles avant J.-C., chez Empédocle (d'Agrigente) et Démocrite (d'Abdère), mais avant tout chez le plus célèbre médecin de l'antiquité classique, chez Hippocrate (de Cos). C'est dans leurs écrits et dans d'autres, que puisa, au IVe siècle avant J.-C. le grand Aristote, le si fameux «Père de l'histoire naturelle», aussi vaste génie dans la science que dans la philosophie. Après lui, nous ne trouvons plus qu'un anatomiste important dans l'antiquité, le médecin grec, Claude Galien (de Pergame); il eut, au IIe siècle après J.-C., à Rome, sous Marc-Aurèle, une clientèle des plus étendues. Tous ces anatomistes anciens acquéraient la plus grande partie de leurs connaissances, non par l'étude du corps humain lui-même—qui était encore à cette époque sévèrement interdite!—mais par celle des Mammifères les plus voisins de l'homme, surtout des singes; ils faisaient ainsi tous, à proprement parler, de l'anatomie comparée.

Le triomphe du Christianisme avec les doctrines mystiques qui s'y rattachent, fut, pour l'anatomie comme pour les autres sciences, le signal d'une période de décadence. Les papes romains, les plus grands charlatans de l'histoire universelle, cherchaient avant tout à entretenir l'humanité dans l'ignorance et regardaient avec raison la connaissance de l'organisme humain comme un dangereux moyen d'information sur notre véritable nature. Pendant le long espace de temps de treize siècles, les écrits de Galien demeurèrent presque l'unique source pour l'anatomie humaine, comme ceux d'Aristote l'étaient pour l'ensemble de l'histoire naturelle.

C'est seulement lorsqu'au XIVe siècle la Réforme vint renverser la suprématie intellectuelle du papisme,—tandis que le système du monde de Copernic renversait la conception géocentrique étroitement liée avec lui,—que commença, pour la connaissance du corps humain, une nouvelle période de relèvement. Les grands anatomistes, Vésale (de Bruxelles), Eustache et Fallope (de Modène), par leurs propres et savantes recherches, firent faire de tels progrès à la science exacte du corps humain, qu'ils ne laissèrent à leurs nombreux successeurs (en ce qui concerne les points essentiels) que des détails à ajouter à leur œuvre.

Le hardi autant que sagace et infatigable André Vésale (dont la famille, comme le nom l'indique, était originaire de Wesel), ouvrant aux autres la voie, les devança tous; dès l'âge de 28 ans il terminait sa grande œuvre, pleine d'unité, De humani corporis fabrica (1543); il donna à l'anatomie humaine tout entière une direction nouvelle, originale et une base certaine. C'est pourquoi, plus tard, à Madrid—où Vésale fut médecin de Charles-Quint et de Philippe II—il fut poursuivi par l'Inquisition comme sorcier et condamné à mort. Il n'échappa au supplice qu'en partant pour Jérusalem; au retour, il fit naufrage dans l'île de Zante et il y mourut misérable, malade et dénué de toute espèce de ressource.

Anatomie comparée.—Les mérites que notre XIXe siècle s'est acquis dans la connaissance de la structure du corps consistent surtout dans l'extension qu'ont prise deux études nouvelles, essentiellement importantes, l'anatomie comparée et l'histologie ou anatomie microscopique. En ce qui concerne la première, elle a été, dès le début, en rapport étroit avec l'anatomie humaine, elle a même suppléé celle-ci tant que la dissection des cadavres a été tenue pour un crime punissable de mort—et c'était encore le cas au XVe siècle! Mais les nombreux anatomistes des trois siècles suivants se contentèrent presque exclusivement d'une observation exacte de l'organisme humain. Cette discipline si développée, que nous appelons aujourd'hui anatomie comparée, n'est née qu'en 1803, lorsque le grand zoologiste français Georges Cuvier (originaire de Montbéliard) publia ses remarquables «Leçons sur l'anatomie comparée», essayant par là, pour la première fois, de poser des lois précises relativement à la structure du corps humain et animal. Tandis que ses prédécesseurs—parmi lesquels Goethe en 1790—s'étaient surtout attachés à la comparaison du squelette de l'homme avec celui des autres Mammifères, Cuvier, d'un regard plus ample, embrassa l'ensemble de l'organisation animale; il y distingua quatre formes principales ou Types, indépendants l'un de l'autre: les Vertébrés, les Articulés, les Mollusques et les Radiés. Par rapport à la «question des questions,» ce progrès faisait époque en ce sens qu'il ressortait clairement de là que l'homme appartenait au type des Vertébrés—et, de même, qu'il différait essentiellement de tous les autres types. Il est vrai que le pénétrant Linné, dans son premier Systema Naturae (1735) avait déjà fait faire à la science un progrès important en assignant d'une manière définitive à l'homme sa place dans la classe des mammifères; il réunissait même dans l'ordre des Primates les 3 groupes des Prosimiens, Singes et Homme. Mais il manquait encore à cette conquête hardie de la systématique, ce fondement empirique, plus profond, que Cuvier devait lui fournir par l'anatomie comparée. Celle-ci a achevé de se développer avec les grands anatomistes de notre siècle: F. Meckel (de Halle), J. Muller (de Berlin), R. Owen et Th. Huxley (en Angleterre), C. Gegenbaur (d'Iéna, plus tard à Heidelberg). Ce dernier, dans ses Principes d'anatomie comparée (1870) ayant pour la première fois appliqué à cette science la théorie de la descendance, posée peu avant par Darwin l'a élevée au premier rang des disciplines biologiques.

Les nombreux travaux d'anatomie comparée de Gegenbaur, de même que son Manuel d'anatomie humaine partout répandu, se distinguent par une profonde connaissance empirique étendue à un nombre inouï de faits, ainsi que par l'interprétation philosophique, dans le sens de la doctrine de l'évolution, que l'auteur a su en tirer. Son «Anatomie comparée des Vertébrés» parue récemment (1898) pose le fondement inébranlable sur lequel se peut appuyer notre certitude de l'identité absolue de nature entre l'homme et les Vertébrés.

Histologie et Cytologie.—Suivant une tout autre direction que celle prise par l'anatomie comparée, notre siècle a vu se développer également l'anatomie microscopique. Déjà en 1802, un médecin français, Bichat, avait essayé au moyen du microscope, de dissocier, dans les organes du corps humain, les éléments les plus ténus et de déterminer les rapports de ces divers tissus (hista ou tela). Mais ce premier essai n'aboutit pas à grand'chose, car l'élément commun aux nombreuses espèces de tissus différents demeurait inconnu. Il ne fut découvert qu'en 1838 pour les plantes dans la cellule, par Schleiden et aussitôt après également pour les animaux par Schwann, l'élève et le préparateur de Jean Muller. Deux autres célèbres élèves de ce grand maître, encore vivants à cette heure: A. Koelliker et R. Virchow, poursuivirent alors dans le détail, entre 1860 et 1870 à Würzbourg, la théorie cellulaire et, fondée sur elle, l'histologie de l'organisme humain à l'état normal et dans les états pathologiques. Ils démontrèrent que, chez l'homme comme chez tous les autres animaux, tous les tissus se composent d'éléments microscopiques identiques, les cellules et que ces «organismes élémentaires» sont les vrais citoyens autonomes qui, assemblés par milliards, constituent notre corps, la «république cellulaire.» Toutes ces cellules proviennent de la division répétée d'une cellule simple, unique, la cellule souche ou «ovule fécondé» (Cytula). La structure et la composition générale des tissus est la même chez l'homme que chez les autres Vertébrés. Parmi ceux-ci, les Mammifères, classe la dernière parue et parvenue au plus haut degré de perfectionnement, se distinguent par certaines particularités acquises tardivement. C'est ainsi, par exemple, que la formation microscopique des poils, des glandes cutanées, des glandes lactées, des globules sanguins, leur est tout à fait particulière et différente de ce qu'elle est chez les autres Vertébrés; l'homme, sous le rapport de toutes ces particularités histologiques, est un pur Mammifère.

Les recherches microscopiques d'A. Koelliker et de F. Leydig (à Wurzbourg) ont non seulement élargi en tous sens notre connaissance de la structure du corps humain et animal, mais en outre elles ont pris une importance particulière en s'alliant à l'histoire du développement de la cellule et des tissus; elles ont, entre autres, confirmé l'importante théorie de Theodore Siebold (1845) selon laquelle les animaux inférieurs, les Infusoires et les Rhizopodes étaient considérés comme des organismes monocellulaires.

Caractères des Vertébrés chez l'homme.—Notre corps tout entier présente, aussi bien dans l'ensemble que dans les particularités de sa constitution, le type caractéristique des Vertébrés. Ce groupe, le plus important et le plus perfectionné du règne animal, n'a été reconnu dans son unité naturelle qu'en 1801 parle grand Lamarck; celui-ci réunit sous ce terme les quatre classes supérieures de Linné: Mammifères, Oiseaux, Amphibies et Poissons. Il leur opposa comme Invertébrés les deux classes inférieures: Insectes et Vers. Cuvier (1812) confirma l'unité du type «Vertébré» et lui donna une base plus solide encore par son anatomie comparée. De fait, tous les caractères essentiels se retrouvent, identiques, chez tous les vertébrés depuis les poissons jusqu'à l'homme; ils possèdent tous un squelette interne solide, cartilagineux et osseux, composé partout d'une colonne vertébrale et d'un crâne; la complexité de celui-ci est, sans doute, très différente suivant les individus, mais elle se ramène toujours à la même forme primitive. De plus, chez tous les Vertébrés se trouve, du côté dorsal de ce squelette axial, l'«organe de l'âme», le système nerveux central, représenté par une moelle épinière et un cerveau; et nous pouvons dire de cet important cerveau—instrument de la conscience et de toutes les fonctions psychiques supérieures!—ce que nous avons dit de la capsule osseuse qui l'entoure, du crâne: suivant les individus, son développement et sa taille présentent les degrés les plus divers, mais, en somme, sa composition caractéristique reste la même.

Il en va de même si nous comparons les autres organes de notre corps avec ceux des autres Vertébrés: partout, par suite de l'hérédité, la disposition primitive et la position relative des organes restent les mêmes, bien que la taille et le développement de chaque partie diffèrent au plus haut degré en raison de l'adaptation à des conditions de vie très variables. C'est ainsi que nous voyons partout le sang circuler par deux vaisseaux principaux, dont l'un (l'aorte) passe au-dessus de l'intestin, l'autre (la veine principale) au-dessous, et que celui-ci, en se dilatant à un endroit précis, constitue le cœur; ce «cœur ventral» est aussi caractéristique des Vertébrés qu'inversement le «cœur dorsal» est typique chez les Articulés et les Mollusques. Un autre trait non moins spécial à tous les Vertébrés, c'est la précoce subdivision du tube digestif en un pharynx (ou «intestin branchial») servant à la respiration, et un intestin auquel se rattache le foie, (d'où le nom d'«intestin hépatique»); enfin la segmentation du système musculaire, la constitution spéciale des organes urinaires et génitaux, etc. Sous tous ces rapports anatomiques, l'homme est un véritable Vertébré.

Caractères des Tétrapodes chez l'homme.—Sous le nom de Quadrupèdes (Tétrapodes), Aristote désignait déjà tous les animaux supérieurs, à sang chaud, caractérisés par la possession de deux paires de pattes. Ce terme prit, plus tard, plus d'extension et fit place au mot latin «Quadrupèdes» après que Cuvier eût montré que les oiseaux et les hommes, qui ont deux «jambes», étaient de véritables Tétrapodes. Il démontra que le squelette interne osseux des quatre jambes chez tous les Vertébrés terrestres supérieurs, depuis les Amphibies jusqu'à l'homme, était constitué originairement de la même façon, par un nombre fixe de segments. De même, les «bras» de l'homme, les «ailes» de la chauve-souris et des oiseaux nous présentent le même squelette typique que les «membres antérieurs» des animaux coureurs, des Tétrapodes.

L'unité anatomique du squelette si compliqué, dans les quatre membres des Tétrapodes, est un fait très important. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer attentivement le squelette d'une salamandre ou d'une grenouille avec celui d'un singe ou d'un homme. On s'apercevra aussitôt que la ceinture scapulaire, en avant et la ceinture iliaque, en arrière, sont composées par les mêmes pièces principales qu'on retrouve chez les autres «Tétrapodes». Partout, nous voyons que le premier segment de la jambe proprement dite ne renferme qu'un gros os long (en avant, l'os du bras, humerus; en arrière, l'os de la cuisse, fémur); par contre, le deuxième segment est originairement soutenu par deux os (en avant, ulna et radius; en arrière, fibula et tibia). Considérons maintenant la structure complexe du pied proprement dit: nous serons surpris de voir que les nombreux petits os qui le constituent sont partout disposés dans le même ordre et partout en même nombre; dans toutes les classes de Tétrapodes, il y a homologie, en avant, entre les trois groupes d'os du pied antérieur (ou de la «main»): I. Carpus; II. Metacarpus et III. Digiti anteriores; de même, en arrière, entre les trois groupes d'os du pied postérieur: I. Tarsus; II. Metatarsus et III. Digiti posteriores. C'était une tâche très difficile que de ramener à la même forme primitive tous ces nombreux petits os, dont chacun peut présenter des aspects si divers, subir des transformations si variées, qui peuvent s'être en partie soudés ou avoir en partie disparu—et il n'était pas moins difficile d'établir partout l'équivalence (ou homologie) des diverses parties. Cette tâche n'a été pleinement résolue que par le plus grand des anatomistes contemporains, par C. Gegenbaur. Dans ses Etudes d'anatomie comparée chez les Vertébrés (1864), il a montré comment cette «jambe à cinq doigts», caractéristique des Tétrapodes terrestres, dérivait originairement (fait qui ne remonte pas au delà de la période carbonifère) de la «nageoire» aux nombreux rayons (nageoire pectorale ou ventrale) des anciens poissons marins. Le même auteur, dans ses célèbres Etudes sur le squelette céphalique des vertébrés, 1872, avait montré que le crâne des Tétrapodes actuels dérivait de la plus ancienne forme de crâne des poissons, celle des requins (Sélaciens).

Il est encore bien digne de remarque que le nombre primitif de cinq doigts à chacune des quatre pattes, la pentadactylie qui apparaît pour la première fois chez les Amphibies de l'époque carbonifère, se soit transmise, par suite d'une rigoureuse hérédité, jusqu'à l'homme actuel. En conséquence et tout naturellement, la disposition typique des articulations et des ligaments, des muscles et des nerfs, est restée dans ses grands traits, la même chez l'homme que chez les autres «Tétrapodes»; sous ces rapports importants, encore, l'homme est un véritable Tétrapode.

Caractères des Mammifères chez l'homme.—Les Mammifères constituent la classe la plus récente et celle ayant atteint le plus haut degré de perfectionnement parmi les Vertébrés. Ils dérivent, sans doute, comme les Oiseaux et les Reptiles, de la classe plus ancienne des Amphibies; mais ils se distinguent de tous les autres Tétrapodes par un certain nombre de caractères anatomiques très frappants. Les plus saillants sont, extérieurement, le revêtement de poils qui couvre la peau ainsi que la présence de deux sortes de glandes cutanées: des glandes sudoripares et des glandes sébacées. Par une transformation locale de ces glandes dans l'épiderme abdominal, s'est constitué (pendant la période triasique?) l'organe qui est spécialement caractéristique de la classe et lui a valu son nom, la mammelle. Ce facteur important de l'élevage des jeunes, comprend les glandes mammaires et les «poches mammaires» (replis de la peau dans la région abdominale) dont le développement ultérieur donnera les mamelons, par où le jeune mammifère têtera le lait de sa mère.

Dans l'organisation interne, un trait surtout caractéristique c'est la présence d'un diaphragme complet, cloison musculeuse qui, chez tous les Mammifères—et chez eux seuls!—sépare complètement la cavité thoracique de la cavité abdominale; chez tous les autres Vertébrés, cette séparation fait défaut. Le crâne des Mammifères se distingue aussi par un certain nombre de transformations curieuses, principalement en ce qui concerne la constitution de l'appareil maxillaire (mâchoires supérieure et inférieure, osselets de l'oreille). Mais on trouve, en outre, des particularités spéciales, d'ensemble et de détail, dans le cerveau, l'organe olfactif, le cœur, les poumons, les organes génitaux externes et internes, les reins et autres parties du corps des mammifères. Tout cela réuni témoigne indubitablement d'une séparation entre ces animaux et les groupes ancestraux plus anciens des Reptiles et des Amphibies, séparation qui se serait effectuée de bonne heure, au plus tard pendant la période triasique—il y a au moins douze millions d'années de cela!—Sous tous ces rapports importants, l'homme est un véritable Mammifère.

Caractères des Placentaliens chez l'homme.—Les nombreux ordres (de 12 à 33), que la zoologie systématique moderne distingue dans la classe des Mammifères, ont été répartis dès 1816, par Blainville, en trois grands groupes naturels qu'on regarde comme ayant la valeur de sous-classes: I. Monotrèmes; II. Marsupiaux; III. Placentaliens. Ces trois sous-classes, non seulement se distinguent l'une de l'autre par des caractères importants de structure et de développement, mais correspondent en outre à trois Stades historiques différents de l'évolution de la classe, ainsi que nous le verrons. Au groupe le plus ancien, celui des Monotrèmes de la période triasique, a fait suite celui des Marsupiaux de la période jurassique, suivi lui-même, dans la période calcaire seulement, par l'apparition des Placentaliens. A cette sous-classe la plus récente, appartient l'homme lui-même, car il présente dans son organisation toutes les particularités qui distinguent les Placentaliens en général, des Marsupiaux et des Monotrèmes, plus anciens encore.

Au nombre de ces particularités il faut citer en première ligne l'organe caractéristique qui a valu aux Placentaliens leur nom, le «gâteau maternel» ou Placenta. Celui-ci sert pendant longtemps à nourrir le jeune embryon encore enfermé dans le corps de la mère; il est constitué par des villosités qui conduiront le sang et qui, produites par le chorion de l'enveloppe embryonnaire, pénètrent dans des replis correspondants, dépendant de la muqueuse de l'utérus maternel; à cet endroit, la peau qui sépare les deux formations s'amincit à tel point que les matériaux nutritifs peuvent passer immédiatement à travers elle, du sang maternel dans le sang fœtal. Cet excellent mode de nutrition, qui n'est apparu que tardivement, permet au jeune de séjourner plus longtemps dans la matrice protectrice et d'y atteindre un degré plus complet de développement; il fait encore défaut chez les Implacentaliens, c'est-à-dire chez les deux sous-classes plus primitives des Marsupiaux et des Monotrèmes. Mais les Placentaliens dépassent encore leurs ancêtres implacentaliens par d'autres caractères anatomiques, en particulier par le développement plus grand du cerveau et la disparition de l'os marsupial. Sous tous ces rapports importants, l'homme est un véritable Placentalien.

Caractères des Primates chez l'homme.—La sous-classe des placentaliens présente une telle richesse de formes qu'elle se divise à son tour en un grand nombre d'ordres; on en admet généralement de 10 à 16; mais lorsqu'on considère, ainsi qu'il convient, les importantes formes disparues, découvertes en ces derniers temps, ce nombre s'élève au moins à 20 ou 26. Pour mieux passer en revue ces nombreux ordres et pour pénétrer plus avant dans leurs connexions, il importe de les réunir en grands groupes naturels dont j'ai fait des légions. Dans l'essai le plus récent[10] que j'ai proposé pour le classement phylogénétique du système placentalien, si compliqué, j'ai réparti les 26 ordres en 6 légions et montré que celles-ci se ramenaient à 4 groupes-souches. Ces derniers, à leur tour, se ramènent à un groupe ancestral commun à tous les Placentaliens, au Prochoriatidés de la période calcaire.

Ceux-ci se rattachent immédiatement aux ancêtres marsupiaux de la période jurassique. Comme représentants les plus importants de ces quatre groupes principaux, nous nous contenterons de citer, parmi les formes actuelles, les Rongeurs, les Ongulés, les Carnassiers et les Primates.

La légion des Primates comprend les trois ordres des prosimiens, simiens et des hommes. Tous les individus compris dans ces trois ordres ont en commun beaucoup de particularités importantes par où ils se distinguent des 23 autres ordres de Placentaliens. Ils sont caractérisés, surtout, par de longues jambes, primitivement adaptées au mode de vie qui consistait à grimper. Les mains et les pieds ont cinq doigts et ces longs doigts sont admirablement façonnés pour saisir et embrasser les branches d'arbres; ils portent, soit quelques-uns, soit tous, des ongles (jamais de griffes).

La dentition est complète, comprend les quatre groupes de dents (incisives, canines, prémolaires et molaires). Par des particularités importantes, spécialement par la constitution du crâne et du cerveau, les Primates se distinguent des autres Placentaliens—et cela d'une façon d'autant plus frappante qu'ils atteignent un plus haut degré de développement et sont apparus tard sur la terre.

Sous tous ces rapports anatomiques importants, notre organisme humain est identique à celui des autres Primates: L'homme est un véritable Primate.

Caractères simiesques chez l'homme.—Une comparaison approfondie et impartiale de la structure du corps chez les différents primates, permet de distinguer de suite deux ordres dans cette légion de Mammifères parvenus à un haut degré de perfectionnement: les Prosimiens (ou Hémipitheci) et les singes (Simiens ou Pitheci). Les premiers apparaissent, sous tous les rapports, comme inférieurs et plus anciens, les seconds comme constituant l'ordre supérieur et le dernier paru. L'utérus des Prosimiens est encore double ou bicorne, comme chez tous les autres Mammifères; chez les singes, au contraire, la corne droite et la gauche sont complètement fusionnées, elles forment un utérus piriforme comme celui que l'homme seul, en dehors du singe, nous présente. De même que chez celui-ci, le crâne des singes possède une cloison osseuse qui sépare complètement la capsule optique de la fosse temporale; chez les Prosimiens, cette cloison n'est pas du tout ou très imparfaitement développée. Enfin, chez les Prosimiens les hémisphères sont encore lisses ou n'ont que peu de circonvolutions et ils sont relativement peu développés; chez les singes ils le sont beaucoup plus, surtout l'écorce grise, l'organe des fonctions psychiques supérieures; sa surface présente les circonvolutions et les scissures caractéristiques, lesquelles sont d'autant plus nettes qu'on se rapproche davantage de l'homme. Sous ces rapports importants et sous d'autres encore, entr'autres dans la formation du visage et des mains, l'homme présente tous les caractères anatomiques du véritable singe.

Caractères des Catarrhiniens chez l'homme.—L'ordre des singes, si riche en formes variées, a été, dès 1812, subdivisé par Geoffroy en deux sous ordres naturels, division aujourd'hui encore généralement admise dans la zoologie systématique: les Singes de l'Occident (Platyrrhiniens) et ceux de l'Orient (Catarrhiniens); les premiers habitent exclusivement le nouveau Continent, les seconds l'ancien. Les singes d'Amérique sont appelés Platyrrhiniens (à nez plat) parce que leur nez est aplati, les narines dirigées latéralement et séparées par une large cloison. Par contre, les singes de l'Ancien Continent ont tous le «nez mince» (Catarrhiniens); leurs narines sont, comme chez l'homme, dirigées vers le bas, la cloison qui les sépare étant mince. Une autre différence entre les deux groupes consiste en ce que le tympan chez les Platyrrhiniens est situé superficiellement, tandis que chez les Catarrhiniens il est situé plus profondément dans l'os du rocher. Dans cette région s'est développé un conduit auditif osseux, long et étroit, tandis qu'il est encore court et large chez les singes d'Amérique, quand il ne fait pas complètement défaut. Enfin, ce qui constitue un contraste très frappant et très important entre les deux groupes, c'est que tous les Catarrhiniens ont la dentition de l'homme, à savoir 20 dents de lait et 32 dents définitives (pour chaque moitié de mâchoire 2 incisives, 1 canine, 2 prémolaires et 3 molaires)[11]. Les Platyrrhiniens, au contraire, ont une prémolaire de plus à chaque moitié de mâchoire, soit en tout 36 dents.

Ces différences anatomiques entre les deux groupes de singes étant absolument générales et tranchées, et correspondant à la répartition géographique dans deux hémisphères séparés, nous sommes autorisés à poser entre elles une division systématique très nette et à en tirer cette conséquence phylogénétique que depuis fort longtemps (plus d'un million d'années) les deux sous-ordres se sont développés indépendamment l'un de l'autre, l'un dans l'hémisphère oriental, l'autre dans l'hémisphère occidental. Cela est essentiellement important pour la genèse de notre race, car l'homme possède tous les caractères des véritables catarrhiniens; il descend de formes très anciennes et disparues de Catarrhiniens, lesquelles ont évolué dans l'ancien continent.

Groupe des Anthropomorphes.—Les nombreuses formes de Catarrhiniens, encore aujourd'hui existantes en Asie et en Afrique, ont été depuis longtemps groupées en deux sections naturelles: les singes à queue (Cynopitheca) et les singes sans queue (Anthropomorpha). Ces derniers se rapprochent beaucoup plus de l'homme que les premiers, non seulement par le manque de queue et la forme générale du corps (surtout de la tête), mais encore par certains caractères particuliers qui, insignifiants en eux-mêmes, sont importants par leur constance. Le sacrum, chez les singes anthropoïdes comme chez l'homme, est composé de cinq vertèbres soudées, tandis que chez les Cynopithèques il n'en comprend que trois, rarement quatre. Quant à la dentition, les prémolaires des Cynopithèques sont plus longues que larges, celles des Anthropomorphes, au contraire, plus larges que longues; en outre la première molaire présente chez ceux-là quatre, chez ceux-ci cinq crochets. Enfin à la mâchoire inférieure, de chaque côté, chez les singes anthropoïdes comme chez l'homme, l'incisive externe est plus large que l'interne, tandis que c'est l'inverse qui a lieu chez les Cynopithèques. Ajoutons ce fait, qui a une importance toute spéciale et n'a été établi qu'en 1890 par Selenka, à savoir que les singes anthropoïdes nous présentent les mêmes particularités de conformation que l'homme en ce qui concerne le placenta discoïde, la Decidin reflexe et le cordon ombilical (cf. chap. IV)[12]. D'ailleurs, un examen superficiel de la forme du corps chez les Anthropomorphes encore existants suffit déjà à faire voir que les représentants asiatiques de ce groupe (orang-outan et gibbon) aussi bien que les africains (gorille et chimpanzé) sont plus voisins de l'homme, par l'ensemble de leur structure, que tous les Cynopithèques en général. Parmi ceux-ci, les Papiomorphes à tête de chien, en particulier les papious et les chats de mer, n'atteignent qu'à un degré très inférieur de développement. Les différences anatomiques entre ces grossiers papious et les singes anthropoïdes parvenus à un si haut degré de perfectionnement, sont plus grandes sous tous les rapports—et quelqu'organe que l'on compare!—que celles qui existent entre les singes supérieurs et l'homme. Ce fait instructif a été démontré tout au long en 1883 par l'anatomiste Robert Hartmann, dans son travail sur Les singes anthropoïdes et leur organisation comparée à celle de l'homme. Ce savant a proposé, par suite, de subdiviser autrement l'ordre des singes, à savoir en deux groupes principaux: celui des Primaires (Singes et Anthropoïdes) et celui des Simiens proprement dits ou Pithèques (les autres Catarrhiniens et tous les Platyrrhiniens). En tous cas, des considérations précédentes nous pouvons conclure à la plus intime parenté entre l'homme et les singes anthropomorphes.

L'anatomie comparée amène ainsi le chercheur impartial, qui fait œuvre de critique, en face de ce fait important: à savoir que le corps de l'homme et celui des singes anthropoïdes non seulement se ressemblent au plus haut degré mais que, sur tous les points essentiels, la conformation est la même. Ce sont les mêmes 200 os, disposés dans le même ordre et associés de la même façon, qui composent notre squelette interne; les mêmes 300 muscles président à nos mouvements; les mêmes poils couvrent notre peau; les mêmes groupes de cellules ganglionnaires constituent le chef-d'œuvre artistique qu'est notre cerveau, le même cœur à quatre cavités sert de pompe centrale à la circulation de notre sang; les mêmes 32 dents, disposées suivant le même ordre, composent notre dentition; les mêmes glandes salivaires, hépatiques et intestinales servent à notre digestion; les mêmes organes de reproduction rendent possible la conservation de notre espèce.

Il est vrai, à un examen plus minutieux, nous découvrons quelques petites différences de grandeur et de forme dans la plupart des organes entre l'homme et les Anthropoïdes, mais les mêmes différences, ou d'autres analogues ressortent également d'une comparaison attentive entre les races humaines les plus élevées ou les plus inférieures; on les constate même en comparant très exactement entr'eux tous les individus de notre propre race. Nous n'y trouvons pas deux personnes qui aient tout à fait la même forme et la même grandeur de nez, d'oreilles ou d'yeux. Il suffit, dans une assemblée nombreuse, de porter son attention sur ces différentes parties du visage, pour se convaincre de l'étonnante variété des formes, de la très grande variabilité de l'espèce. Tout le monde sait que même des frères et sœurs sont souvent conformés si différemment qu'on a peine à les croire issus d'un même couple. Toutes ces différences individuelles ne restreignent cependant pas la portée de la loi d'identité fondamentale de conformation corporelle, car elles proviennent de petites divergences dans le développement individuel des parties.

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