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LES PLUS
ANCIENNES GRAVURES CONNUES
AVEC DATE

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Table des matières

Autant qu’on peut le conjecturer aujourd’hui, en l’absence de documents assez positifs, l’impression des estampes et celle des livres paraissent se rattacher à une commune origine. Malgré toutes les recherches, cette origine reste encore très obscure.

En1465, au moment où la publication du Traité des offices de Cicéron venait de montrer que la typographie allait prendre le premier rang parmi les inventions les plus utiles et les plus usuelles de l’esprit humain, les estampes commencèrent à paraître en grand nombre. La perfection relative de ces œuvres force cependant à reconnaître que ce ne sont pas là les premiers essais d’un art tout à fait dans l’enfance, mais bien les produits d’un art déjà assez mûri pour que les artistes qui illustrèrent cette époque lui aient confié la reproduction de leurs inspirations. Trop longtemps on a regardé le maître E.S., dit de1466, ou même Martin Schongauer, comme inventeurs de la gravure, mais aujourd’hui personne ne peut douter qu’ils n’aient été précédés dans cette voie par de nombreux devanciers. Il ne paraît pas, au reste, que ce point de vue historique ait préoccupé les érudits avant le dernier quart du dix-huitième siècle. Les deux catalogues de Marolles, de 1666et1672, et même celui de Mariette, plus jeune de cent trois ans sont restés muets sur cette grave question. Il faut aller jusqu’aux travaux d’Heinecken pour rencontrer la mention du maître de1466, que cet auteur regarde comme l’inventeur de la gravure, en laissant toutefois entrevoir que l’époque de cette découverte pourrait bien être plus reculée. Il résultait cependant des manuscrits qui existent en Allemagne et même en France, notamment à la bibliothèque de Laon, que, dès le douzième siècle, on se servait d’estampilles pour produire les initiales des chapitres. Ces initiales se ressemblent jusque dans leurs plus petits détails, et souvent se trouvent hors de proportion avec le corps de l’écriture. On eût dû apporter plus d’attention à ces indications précieuses.

Depuis le commencement de ce siècle surtout, de nombreuses estampes du style le plus primitif ont été découvertes: une certaine partie était entrée dans la célèbre collection de M. Weigel. Il les a décrites dans un savant ouvrage enrichi de figures. Tout. en rendant justice à ce travail et au catalogue de la vente faite en1872, catalogue rédigé par le propriétaire, nous trouvons que M. Weigel s’est livré à un classement qui peut paraître quelque peu hasardé. Ainsi, parmi ses gravures sur métal, il en attribue treize à différentes dates comprises entre l’an1100et l’an1440, et douze à la période comprise entre cette dernière date et1450. De ses gravures sur bois, six, d’après lui, devraient se placer de1380à1430.

La première sur métal, dont M. Weigel plaçait l’exécution entre1100 et1150et que Passavant a décrite, a atteint, en vente publique, le prix de4,000francs. Mais M. Tross, libraire très instruit, mort en1875, qui assistait à la vente Weigel, a tenu en mains cette prétendue estampe et a déclaré à l’auteur de ce livre qu’il ne fallait y voir autre chose qu’une sorte de gaufrure. Le dessin semblait avoir été tracé sur un morceau de parchemin; puis avec une pointe de fer chaud on avait suivi les lignes, qui étaient restées dessinées en creux dans le vélin. Si cette appréciation est exacte, il faudrait renoncer à faire remonter la gravure au douzième siècle.

Il paraîtra plus sage à tout le monde de s’en tenir aux dates incon testables que l’on rencontre sur quelques estampes antérieures à l’année1466, et elles sont peu nombreuses.

Comme nous le verrons ultérieurement, à l’article de la Manière criblée, M. le vicomte Delaborde s’est efforcé de démontrer que deux

Manuel de L’amateur d’estampes par M. Eugene Dutuit. Tome I


gravures insérées dans un livre d’heures qui se trouve à la Biblio thèque nationale sont de l’année1406. Cependant, un doute est encore permis après la dissertation du savant conservateur.

Il existe au musée de Bruxelles une très belle estampe, gravée sur bois, de l’école de Van Eyck: la Vierge entourée de saintes. On y voit sur une barrière la date de1418(ainsi figurée: MoCCCCoOXoVIII) qui paraît généralement admise; mais Passavant la conteste et prétend que le signe qui précède le chiffre X a été mis à la place de la lettre L qu’on a grattée, de sorte que la véritable date serait1468, Nous devons dire tout de suite que le savant Renouvier et les honorables conservateurs du Cabinet des estampes de Paris sont en désaccord complet avec Passavant.

Une date qui, jusqu’à présent, n’a pas rencontré de contradicteurs, est celle de1423que l’on trouve au bas du Saint Christophe, estampe allemande sur bois, d’un travail très archaïque, qui fait partie du cabinet de lord Spencer.

On possède encore, à la bibliothèque impériale de Vienne, un Saint Sébastien avec le millésime de1437.

Les dates qui se voient sur des gravures en creux ne sont pas plus nombreuses.

Il y a une. vingtaine d’années, Renouvier, de Montpellier, eut la bonne fortune d’acquérir sept gravures au burin d’une suite de la Passion; l’une d’elles, la Flagellation, porte le millésime de MCCCCXLVI (1446). Il en a donné, dans le XXVe volume des Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, une description qui a été ensuite tirée à part et accompagnée de la photographie de la Flagellation dont nous venons de parler.

On découvrait aussi en Allemagne un autre maître dont la marque est un P. Une de ses estampes, représentant la Vierge immaculée, avait, outre l’initiale du maître, la date de1451. Cette gravure faisait partie de la collection Weigel; elle est, par le style de la composition et de l’exécution, bien supérieure à l’estampe marquée de l’année1446. L’écriture gothique des inscriptions est belle, fine et régulière; l’impression est d’une bonne encre noire: aussi cette estampe a-t-elle atteint le haut prix de16,000francs. Quoique nous n’ayons pas vu l’original, si nous en jugeons uniquement par la reproduction qui se trouve dans le catalogue de M. Weigel, nous devons faire quelques réserves sur la date de1451. Cette gravure nous paraît d’une époque plus récente: mais nous nous garderons d’aller plus loin, n’exprimant ici qu’un doute et non une opinion définitive.

Nous citerons ensuite le Saint Bernardin de1454, en manière criblée.

On voit en outre au British Museum une suite de vingt-sept gravures représentant différents sujets de la Passion. La Cène porte cette inscription: LVII jor; on croit y voir la date de1457. Le faire artistique de ces pièces rappelle celui de l’école de Cologne au commencement du quinzième siècle. L’exécution en est très sobre, ne consistant à peu près qu’en simples contours imprimés avec une encre pâle.

Passavant cite encore une estampe allemande au burin, de forme ronde, avec la date de1458. Elle représente la Décollation de sainte Catherine.

Sur une gravure du maître dit aux banderoles, on lit1464. Cette date se voit sur la lettre A d’un alphabet tracé par ce maître. On a trouvé la date de1461manuscrite sur une de ses estampes, la Sibylle, qui est à Brunswick. Nous parlerons plus longuement de ce maître lorsque nous décrirons son œuvre.

On avait cru jusqu’à nos jours que la découverte de l’impression de la gravure en creux remontait, sans pouvoir être contestée, au moins à l’année1451. L’honneur en était décerné à Maso Finiguerra, orfèvre florentin. En1797, l’abbé Zani avait trouvé au Cabinet des estampes de Paris, parmi les oeuvres de l’école italienne, une gravure provenant d’un nielle, connu sous le nom de l’Assomption ou le Couronnement de la Vierge. Cette découverte avait été acceptée avec enthousiasme et d’emblée par le monde savant et artistique. Si quelques voix s’étaient élevées timidement pour discuter cette affirmation nouvelle, elles avaient été immédiatement étouffées: elles étaient tombées sans écho.

Nous-même, nous avions admis ce fait avec la plus grande facilité. Le récit animé de Duchesne, la joie extraordinaire de l’abbé Zani, si bien décrite par le savant conservateur, nous avaient complètement séduit. Cependant, à force d’examiner cette matière, un doute s’empara de notre esprit. Nous fûmes involontairement frappé de ce que Mariette, qui avait cherché partout des estampes de Maso Finiguerra; lui qui, membre de l’Académie de Florence, avait vu dans cette ville l’Assomption de la Vierge; qui s’était fait envoyer, en1730, par Gaburri, un dessin de cette célèbre Paix, écrivait l’année suivante à ce même Gaburri:

«J’ai une pleine connaissance de la riche collection d’estampes du prince Eugène, puisque je l’ai mise en ordre, et que j’en ai fait un catalogue très ample; il n’y a certainement rien de Maso Finiguerra ni dans celle du roi, qui est très belle, surtout dans la classe des estampes gravées par les vieux maîtres.»

Ce dessin resta dans la collection de Mariette jusqu’à sa mort, et plus tard, nous le trouverons chez Alibert, marchand d’estampes. D’un autre côté, en1831, Robert-Dumesnil, auteur du Peintre-graveur français, avait découvert, disait-on, une seconde épreuve de l’Assomption à la bibliothèque de l’Arsenal. L’authenticité de cette pièce n’était pas plus mise en doute que celle de l’autre; Duchesne l’avait hautement reconnu dans l’article consacré à la gravure, au tome V du Moyen Age et Renaissance. Passavant était aussi du même avis.

Plus tard,–par suite d’échanges, cette seconde gravure passait au Cabinet des estampes, et l’on reconnaissait avec surprise que ce n’était qu’une copie bien éloignée de la pièce primitive. C’était un avertissement qui engageait à ne rien admettre sur cette matière sans un examen approfondi. J’eus instantanément la pensée que le nielle exposé au musée de Florence pouvait bien différer de la gravure trouvée par l’abbé Zani. J’écrivis à mon frère, qui réside habituellement à Rome, de faire faire une photographie de la plaque en question. Comme il est peintre, et qu’il a été admis à plusieurs salons, il était compétent pour surveiller une pareille opération.

Il s’adressa au chevalier Pini, conservateur des planches au musée des Offices, et celui-ci, avec la plus grande obligeance, exécuta la photographie. Il en livra quatre épreuves de tous points satisfaisantes, qui permirent de faire une comparaison régulière. Au premier abord, on put constater que l’estampe découverte par l’abbé Zani manquait de beaucoup de travaux, et qu’en même temps elle en offrait en plus quelques-uns qui ne se trouvaient pas dans la plaque originale. Nous déposâmes une de ces épreuves au Cabinet des estampes; elle fut signée par mon frère et par moi.

C’était déjà un premier point de constater ces différences que nous ferons connaître plus tard en détail, mais elles ne prouvaient rien, ou peu de chose, quant à l’authenticité de la gravure du Cabinet des estampes. On ne pouvait rien en conclure ni à l’égard de la date de1451 ni en ce qui concerne l’attribution de la pièce à Maso Finiguerra.

Nous résolûmes de vérifier enfin le nom de l’auteur et la fameuse date qui était la clef de voûte de tout l’édifice. En effet, la seule question, ou du moins la question capitale est de savoir si, en1451, Maso Finiguerra a imprimé l’estampe sur une planche en creux, si l’honneur de l’invention de ce genre de gravure peut lui être attribué, ou si même il est l’auteur de la plaque qui a pour sujet l’Assomption ou le Couronnement de la Vierge.

Deux auteurs anciens, nous ne dirons pas contemporains, mais vivant à une époque relativement peu éloignée, ont parlé du nielleur fiorentin: Vasari etBenvenuto Cellini. Le premier, né à Arezzo en1512, mourut en1574; le second, né à Florence en1500, termina ses jours dans la même ville en1570.

Comme il est probable que Maso Finiguerra, né vers1410(Passavant dit1426, d’après Gaye), mourut dans les années qui s’écoulèrent de1460à1477, nos deux artistes, surtout Benvenuto Cellini, ont pu rencontrer, dans leur jeunesse, des vieillards qui avaient connu Finiguerra.

Vasari a parlé, à plusieurs reprises, de Mazo Finiguerra. Dans la Vie d’Antoine et de Pierre Pollajuolo (t. Ier), il s’exprime ainsi:

«Il y avait aussi, dans le même temps, un autre orfèvre, appelé Maso Finiguerra, qui avait une réputation extraordinaire et méritée. Il n’avait pas son pareil dans le maniement du burin et dans l’exécution des nielles, pour faire, dans un petit ou grand espace, un aussi grand nombre de figures, comme le montrent encore certaines Paix exécutées par lui qui se trouvent à Saint-Jean, à Florence, et représentent, en très petit, des scènes de la Passion

On trouve dans la Vie de Marc-Antoine (t. II) le passage suivant:

«L’invention de graver les estampes vient de Maso Finiguerra, Florentin, vers l’an1460de N:-S. Il grava sur argent toutes ses pièces. Avant de les remplir de nielle, il en faisait une empreinte avec de la terre, sur laquelle il coulait du soufre fondu, qui restait empreint et couvert des traces du noir de fumée; ensuite, y passant une couche d’huile, il lui donnait la teinte de l’argent; il fit encore cela avec du papier humide et avec la même teinte, appuyant ensuite dessus avec un cylindre bien uni, qui non seulement faisait paraître la planche imprimée, mais donnait à l’épreuve l’apparence d’un dessin à la plume.»

Dans tout ceci, comme on le remarque, il n’est pas question de l’Assomption de la Vierge, mais seulement de petites scènes de la Passion. La date de l’invention de la gravure n’est pas1451; Vasari dit vers 1460.

Puisqu’on citait Vasari, on n’aurait pas mal fait de relater ce que l’on trouve dans la vie de Pollajuolo. On y lit que ce dernier a fait en concurrence avec Maso Finiguerra quelques sujets (alcune istorie) où il égala celui-ci par la promptitude, et où il le surpassa dans le dessin (et superollo nel disegno).

Lorsque Duchesne traduisait, dans son Essai sur les Nielles, publié en1826, le chapitre de Benvenuto Cellini décrivant les procédés de la niellure, il ne connaissait pas encore le texte suivant qui émane de Benvenuto Cellini lui-même. On le trouve dans l’ouvrage intitulé: Racconti del Cellini, pubblicati nel1828dal erudito sig. Bartholomeo Gamba, estratti dal Trattato dell’orificeria del Cellini che serbasi manoscritto nella Marciana in Venezia, récits réimprimés dans la Vita di Benvenuto Cellini, publiée par Tassi; Firenze, 1829, tome III,

Ricordi e documenti, pages273et274.

Voici comment s’exprime Cellini: «Martin (c’est de Martin Schongauer qu’il parle) fut orfèvre; il était né au delà de l’Italie, dans une

ville allemande; ce fut un homme d’un grand mérite tant comme dessinateur que comme graveur, dans la manière de ce pays. En même temps, s’était répandue dans le monde la renommée de Maso Finiguerra qui a si admirablement exécuté des nielles. On voit de sa main une Paix représentant le Christ en croix entre les deux larrons, avec beaucoup d’ornements de chevaux et d’autres choses. Elle fut gravée et niellée de la main de notre Finiguérra, d’après le dessin d’Antoine Pollajuolo dont nous avons parlé plus haut. Elle est d’argent; et on la voit dans notre belle église de Saint-Jean, à Florence.»

En1831, le comte Cicognara, qui connaissait ce passage de Cellini, publiait une brochure intitulée: Dell’ Origine, composizione, decomposizione ed esercitazione dell’arte dei nielli. Parte prima.

On y lit ce qui suit (p.51): «Il est douloureux d’avoir à se convaincre bien des fois de la perte de tant de choses précieuses. On ne peut douter que cette Paix citée par Cellini, connaisseur hors ligne, ne soit l’œuvre de Maso Finiguerra. Nous l’avons vainement cherchée à Florence. Elle fut peut-être perdue en1527, quand les pièces d’argenterie de l’église Saint-Jean furent remises à la République, pour battre monnaie pendant le siège de la ville, comme le dit Gori. Nous croyons qu’elle a pu avoir le sort de tant d’autres ouvrages précieux qui furent brisés et fondus.»

A l’occasion de ce Crucifiement, Cicognara écrivit au cavalier Antonio Ramirez de Montalvo, alors directeur de la galerie de Florence. Il semble résulter de sa réponse que Gori n’ayant pas parlé d’une manière particulière du Christ en croix de Finiguerra, il était probable que cette Paix n’existait plus de son temps, puisqu’il avait fait une mention spéciale de tous les obj ets précieux qui appartenaient à la basilique; qu’il ne pense pas que ce monument soit resté caché, et que probablement il n’existe plus à Florence.

Il est donc certain que ce directeur ne regardait pas comme appartenant à Maso Finiguerra une Paix qui fait partie de la galerie de Florence et qui est attribuée à Matteo Dei. (Voir Duchesne, no96.)

Nous aurons plus tard l’occasion de parler de cette plaque d’argent.

La lettre du directeur Ramirez de Montalvo nous amène naturellement à nous occuper de Gori. C’est sur son opinion que repose l’attribution à Maso Finiguerra de la Paix nommée Assomption de la Vierge, et de l’invention de la gravure en creux. Antoine-François Gori, archéologue, naquit à Florence le9décembre1691, au moins deux cent quinze ou deux cent vingt ans après la mort de Maso Finiguerra; il termina sa carrière dans la même ville le20janvier1757.

Millin, qui a rédigé la vie de ce savant dans la Biographie universelle, tout en lui prodiguant beaucoup d’éloges, ajoute comme correctif: «On ne peut se dissimuler que Gori a souvent manqué de critique.» La Biographie générale publiée par MM. Didot dit également: «Un reproche plus grave qu’on peut lui faire, c’est qu’il n’a pas toujours examiné avec assez de critique les monuments qu’il recueillait.»

Maintenant voici comment s’exprime Gori, au sujet des nielles qui nous occupent, dans son Thesaurus veterum diptychorum; Florentiæ, 1759, in-folio, tome III (extrait de Duchesne):

«Auprès de ces précieux monuments, sont exposées deux plaques d’argent dont on fait usage pour donner et recevoir le baiser de paix; leur poids est d’environ20livres. (Duchesne dit: «La livre de Florence est de moins de12onces: c’est donc un poids d’environ14livres de France).» Elles sont ornées, continue Gori, de figures de vermeil du plus beau travail, et, par derrière, il y a des poignées d’argent: l’une, gravée et peinte en monochrome avec du nielle, fut faite avec un soin et un travail incroyables par le célèbre Thomas, fils de Finiguerra, et puisque l’occasion s’en présente, je vais m’étendre un peu sur ce suj et.

«Cette Paix est d’autant plus remarquable qu’elle a donné naissance à l’art admirable de graver au burin sur des planches de cuivre.

«L’habile orfèvre grava, sur une plaque d’argent, des figures représentant le Triomphe et le Couronnement de la bienheureuse Vierge Marie, enlevée au ciel et entourée d’anges, ainsi que d’un grand nombre de saints placés sur le devant de la composition. Son ouvrage n’étant pas terminé et avant qu’il fût chargé de la couverte noire, dite nielle, il lui arriva, par hasard, de vouloir en prendre une empreinte en employant le plâtre et le soufre, ce dont j’ai un exemple dans un vieux tabernacle de ce temps, et se servant d’une teinte obtenue par la fumée grasse d’une chandelle. Il voulut essayer aussi ce que produiraient les figures gravées, en appuyant dessus un papier humide. Lors donc qu’il eut vu que le papier appliqué sur la planche rendait fidèlement le sujet qui y était tracé, il arriva, par ce procédé, le premier de tous, à l’art de graver sur cuivre, et à celui d’en tirer des épreuves sur papier, au moyen d’une couleur quelconque mêlée avec de l’huile.»

Gori fait ensuite de Finiguerra le maître d’Alexandre Botticelli et d’Antoine Pollajuolo; il attribue à ce dernier les vignettes du Dante de1481, ce qui est une erreur.

Il ajoute plus loin: «Je dis et j’affirme que la première invention et la plus grande gloire doivent en être attribuées à Thomas le Florentin. Son ouvrage étant achevé en1452, le même Thomas, fils de Finiguerra, orfèvre florentin, reçut des syndics du corps de commerce, pour son travail et pour la valeur de l’argent, en florins d’or, 66florins1livre 6deniers, ainsi qu’on en trouve la preuve dans le grand registre coté AA, de la même année; il est conservé dans les archives de ce syndicat, où je l’ai vu.»

Il termine en disant qu’il a voulu faire dessiner et graver cette superbe Paix chrétienne, mais qu’un ouvrage aussi difficile, rempli d’un aussi grand nombre de figures, couvert d’un émail noir, et surtout dans un tel état de vétusté, aurait nécessité des dépenses au-dessus de ses moyens.

Sur ce dernier point, il nous suffit de dire que cette Paix, malgré son émail noir et sa prétendue vétusté, a permis, cent vingt ans au moins après l’époque à laquelle écrivait Gori, de se procurer des photographies très satisfaisantes et qui reproduisent tous les détails de l’ouvrage.

Gori, en qualité d’ecclésiastique et de prieur du baptistère de Saint-Jean, a eu toute facilité pour bien étudier les Paix dont il parle.

Il résulterait de l’examen fait par Gori des deux Paix, qu’elles sont ornées de figures de vermeil du plus beau travail, que par derrière il y a des poignées d’argent, que leur poids est d’environ20livres, et qu’enfin Gori a vu le registre coté AA de1452.

Sur le premier point, faisons remarquer tout de suite que Gori suppose, évidemment, que les montures qui entourent les deux Paix étant du plus beau travail, celle de l’Assomption, naturellement, doit être aussi l’œuvre de Maso Finiguerra, tandis que la simple inspection démontre que les montures des deux pièces exposées au musée de Florence sont de la fin du seizième siècle ou du commencement du dix-septième. Ces deux montures sont presque absolument semblables, et la plaque qui représente un Crucifiement est des plus médiocres; elle ne peut être que l’oeuvre d’un artiste très inférieur et non celle livrée en1455.

Quant au poids de10livres environ pour chacune, nous allons être bien loin de compte. Nous avons fait peser, avec le plus grand soin, la Paix attribuée à Maso Finiguerra; elle pèse: 1o la plaque niellée, 107grammes; 2o la monture en vermeil qui l’entoure, 1kilog. 73gr.; en tout1kilog. 180gr., qui, réduits en onces florentines, donnent un total de 41onces16deniers23grains et quelque fraction. Si l’on suivait l’évaluation de Gori, cette Paix devrait peser de117à118onces. C’est une erreur assez grosse, mais passons. S’il avait bien lu le fameux registre AA qu’il affirme avoir vu, il aurait constaté que le poids livré par Maso Finiguerra était de55onces11deniers, c’est-à-dire plus de moitié moins de celui qu’il assigne à cette Paix, et, d’un autre côté, si la Paix des Offices est la même que celle qui était à Saint-Jean, c’est près de quatorze en moins. Ces différences valaient cependant bien la peine d’être examinées.


Extrait du Registre des Marchands. Archives de Florence. (Voir p.18).

Il aurait dû également citer le texte entier du registre, mais cela lui eût été sans doute fort difficile, attendu qu’il y a tout lieu de croire que, lorsque Gori écrivait, ce prétendu registre était perdu depuis longtemps. En attendant, nous allons donner la traduction du texte relaté dans l’ouvrage de Gaye (Carteggio inedito; Firenze, 1839-40; t. Ier, p.112):

«Pour que tous les doutes cessent sur ce point que cette Paix était déjà commencée en1450, il me suffit de rapporter le passage suivant d’un DÉPOUILLEMENT (spoglio) du grand livre de l’art des marchands (dell’ arte de mercatanti) portant la date de1450z: une Paix d’argent dorée, émaillée (smaltata) et niellée, du poids de o. 55d. 11(55onces 11deniers) qui fut faite pour l’église de Saint-Jean par Thomas Finiguerra. Elle fut payée à raison de fior1largo loncia; elle coûta en tout66florins.

En1455, on donna à faire à Matteo, fils de Jean Dei (Matteo di Giovanni Dei), orfèvre, une autre Paix pour l’église de Saint-Jean; on lui paya28florins pour la gravure, la niellure, la dorure, l’émaillerie; elle coûta en tout, avec l’argent, 68florins6deniers12gros.»

Malgré les premières lignes de la citation ci-dessus qui appartiennent à Gaye, toujours sous l’impression de Gori et de Zani, il nous semble que la question est résolue par ces textes. Que disent-ils? C’est qu’en1450(plutôt1452) Maso Finiguerra a fait une Paix, et Matteo Dei une Paix en1455. Où se trouve la désignation du sujet? Quelque chose dans ces textes peut-il autoriser à conclure que la première est l’Assomption et la seconde le Crucifiement? Mais nous avons voulu aller plus loin, pour qu’on ne prétende pas que Gori a vu d’autres registres que ceux cités par Gaye.

Mon frère a fait d’actives recherches à Florence pour trouver les registres de cette époque, mais inutilement. Voilà ce que lui a dit le chevalier Pini, conservateur des planches au musée des Offices: Le sénateur Strozzi, qui vivait dans les premières années du dix-septième siècle, a fait un dépouillement desdits registres. A la suite de ce travail, ils ont été égarés et ne se retrouvent plus. Il n’est pas vrai, a-t-il ajouté, que Gori qui vivait un siècle après Strozzi, ait pu examiner les livres originaux des consuls de Calimala ou des marchands, parce que dans son temps ces livres étaient déjà perdus. Il n’a donc pu voir que les notes et le dépouillement faits par le susdit sénateur Strozzi.

Le conservateur actuel des archives centrales de l’État, où sont déposés les manuscrits de Strozzi, a assuré à mon frère qu’on avait fait faire de nombreuses recherches là où l’on croyait pouvoir découvrir ces livres des marchands: qu’on en avait retrouvé quelques-uns, mais aucun ayant rapport à la question actuelle.

Gori dit en outre: «Une autre Paix, enrichie de damasquinure, représente au milieu le Crucifiement de Jésus-Christ, avec un grand nombre de figures gravées sur une petite plaque d’argent, couverte ensuite d’une peinture noire, dite nielle. Elle fut faite par Mathieu, fils de Jean Dei, citoyen et très habile orfèvre de Florence. Celui-ci ajouta aussi beaucoup d’ornements très beaux, pour lesquels, son ouvrage achevé et livré en1455, il reçut68florins d’or, en considération de la dépense

On voit avec quelle amplification Gori a cité le texte de Strozzi qu’il avait sous les yeux, mais ce qu’il a encore oublié de dire, quoiqu’il le sût parfaitement, c’est que: «En1529, Florence devant soutenir une guerre très périlleuse pour conserver sa liberté, des emprunts forcés furent à plusieurs reprises exigés de ceux que des commissaires nommés à cet effet désignaient comme les cinquante, les cent, les deux cents plus riches citoyens de la République. Toute l’argenterie des églises, aussi bien .que celle des particuliers, fut portée à la Monnaie; toutes les pierres précieuses qui ornaient les reliques furent mises en gage; le tiers des possessions ecclésiastiques fut vendu en même temps que les immeubles des corporations d’arts et métiers et les biens des rebelles.»(Simonde de Sismondi, Histoire des Républiques italiennes du moyen âge; Paris, 1840; t. X, ch. III).

Ce fait est d’ailleurs confirmé par Vasari. Dans la vie de Pollajuolo, après avoir parlé des scènes de la Passion de Maso Finiguerra et d’une foule d’autres ouvrages de Pollajuolo, cet écrivain ajoute: Ma di queste et di quelle di Pollajuolo molte, per i bisogni della città nel tempo della guerra, sono state dal fuoco distrutte, et guaste.

Le premier mot queste signifie évidemment que non seulement les ouvrages de Pollajuolo, mais ceux de Maso Finiguerra, ont été détruits dans les temps calamiteux dont parle Vasari. En effet, ces petites scènes de la Passion ne se retrouvent plus aujourd’hui. Maintenant persistera-t-on à soutenir que les deux Paix qui sont au musée de Florence sont bien les Paix originales dues à Finiguerra et à Matteo Dei? Est-il si difficile de croire qu’elles ont péri avec tant d’autres chefs-d’œuvre?

Si l’on veut toujours qu’elles soient les originales, Gori certainement n’a pu en voir d’autres que celles-là; alors comment expliquer le poids de10livres donné par Gori à l’Assomption de la Vierge, ou même les55onces11deniers portés sur le registre, puisque la Paix actuelle ne pèse que41onces16deniers23grains et quelque fraction?

Comment expliquer en outre que le Crucifiement, inférieur comme .art et peut-être comme poids, ait été payé plus cher que l’Assomption? Cette difficulté a occupé Gori, qui s’en est tiré en insérant ce membre de phrase qui n’est pas dans le registre: en considération de la dépense.

Duchesne aussi a été frappé de cette circonstance, et il l’a expliquée à peu près de la même manière. Il dit dans une note, page107de son livre: «Quoique cette pièce ait été payée plus cher que celle du Couronnement de la Vierge, il n’en faut pas conclure qu’on ait pensé à cette époque que le talent de Mathieu Dei dût être payé plus que celui de Thomas Finiguerra; mais il faut seulement réfléchir que dans le prix se trouve compris le poids du métal, et que celle du Crucifiement pesait probablement plus que l’autre.»

Malgré tous ces raisonnements, ce qu’il y a de certain c’est que cette dernière Paix exposée au musée des Offices, celle-là même qu’a vue Gori, ne peut en aucune manière être regardée comme l’original de

1455. Le travail est trop médiocre pour être attribué à Matteo Dei, et la monture est postérieure de plus d’un siècle.

Quant à lAssomption, on voudra peut-être soutenir que l’on a sauvé la plaque et que l’on n’a livré seulement que la monture, mais cette assertion ne pourra être appuyée d’aucune preuve.

On supposera peut-être encore que le travail original de Matteo Dei est un Crucifiement que l’on voit au musée de Florence et qui n’a d’autre bordure qu’un cadre de bois, celui-là même que Duchesne, dans son livre, attribue à Matteo Dei. Nous allons en donner le poids pour que les curieux puissent bien apprécier ce point.

Cette plaque du Crucifiement pèse seulement77grammes, tandis que celle de l’Assomption en pèse107, un peu plus de3onces de Florence.

Maintenant, une dernière réflexion: le poids de55onces11deniers étant indiscutable pour l’Assomption de la Vierge, on est obligé d’admettre que la monture originaire devait peser52onces, ou 1kilog. 665gr.

Quant à l’autre Paix qui ne pèse que77grammes, outre30grammes en plus, il faudrait, pour que le poids fût en rapport avec le prix qu’on a payé, le porter pour cette dernière à59ou60onces. La monture originaire aurait dû peser1kilog. 865gr.

Dans un temps de suprême élégance, où toutes les proportions taient si exactement observées, aurait-on fait des montures d’un poids semblable pour des plaques de cette dimension? L’Assomption de la Vierge a129millimètres de hauteur sur86de largeur; le Crucifiement a124millimètres de hauteur sur une largeur de79. C’est là une simple observation que nous livrons à l’appréciation des lecteurs.

Dans tous les cas, il résulte de notre examen qu’aucun document sérieux n’attribue à Maso Finiguerra l’Assomption de la Vierge et que rien ne prouve qu’en1452Maso Finiguerra ait remis ce nielle au corps des marchands. Il est probable que le nom de Finiguerra, cité par Vasari et Benvenuto Cellini, a seul surnagé dans la suite des temps, et qu’on lui aura facilement attribué la plus belle des deux Paix. C’est quelque récit de sacristie auquel G.ori a ajouté confiance sans l’avoir sévèrement contrôlé; on sait que son défaut de critique lui a été justement reproché, et qu’il n’y a pas de dissentiment sur ce point.

Passons maintenant à l’examen matériel de la plaque exposée au musée des Offices et de l’estampe de la Bibliothèque nationale. Nous ne reparlerons pas ici du dessin que Gaburri avait envoyé à Mariette; nous aurons l’occasion d’y revenir.

Outre la plaque de Florence, on connaît de l’Assomption de la Vierge deux soufres et l’estampe qui fait l’objet de la discussion. Un des deux soufres n’est qu’une ébauche assez légère, où les fonds ne

Manuel de l’amateur d’estampes par M. Eugene


Manuel de l’amateur d’estampe par M. Eugene


sont couverts de tailles croisées que dans la partie du haut seulement. L’autre soufre offre la totalité du travail qui est sur la planche en argent. La première empreinte est sortie du cabinet Durazzo pour entrer dans celui de M. de Rothschild; la seconde, après avoir appartenu au marquis Seratti et au duc de Buckingham, est aujourd’hui au British Museum. L’estampe semblerait au contraire provenir d’un tirage intermédiaire.

Elle présente, en la comparant à la plaque du musée des Offices, de nombreuses différences; les unes ne sont qu’apparentes, les autres sont réelles. L’estampe manque de beaucoup de travaux, mais elle en a quelques-uns en plus. Il faut cependant la considérer avec beaucoup de soin et ne pas s’arrêter, sans un examen approfondi, aux différences que l’on remarque. La comparaison n’en est pas facile: l’estampe est perdue dans un cadre lourd, peu commode à manier; le verre qui la couvre occasionne aussi un miroitage trompeur.

L’aspect général de l’estampe est celui d’une vignette argentine et légère; les traits sont grêles et comme épinglés; elle forme un contraste avec la photographie dont les contours et les travaux sont beaucoup plus mâles et plus accentués. Ce que l’on explique en disant que l’une est une ébauche plus ou moins avancée, et l’autre, une planche complètement terminée.

La première différence qui frappe est celle-ci: dans l’inscription de la plaque et des deux soufres, on lit à rebours: GAVDET EXERCITUS. Dans l’estampe, il y a, selon Bartsch, AVI; selon Duchesne, AVE au lieu de GAVDET. La gravure de Pauquet faite pour le livre de l’abbé Zani dit AVI, celle de Girardet qu’on voit dans l’Essai sur les nielles porte AVE. Ce point a une telle importance qu’il semble que Zani, Bartsch et Duchesne eussent dû tout de suite s’y arrêter; ils n’y ont même pas songé. Nous avons, le premier, soupçonné qu’à la place d’AVI ou d’AVE, il pourrait bien y avoir GAVDET. Quoique nous n’ayons pu rétablir ce mot, à force d’employer la loupe, nous avons cru apercevoir d’abord les traces d’un G, après les trois lettres visibles AVE. les traces d’une N, et enfin, un petit T qui touche l’E d’EXERCITVS.

Ensuite, en regardant l’estampe très attentivement, on n’aperçoit pas la double croix sur la couronne de la Vierge, ni le fleuron qui est sur le front du Christ. Ces ornements imperceptibles deviennent visibles à l’aide d’une ou deux loupes. On ne voit pas non plus de croix dans le milieu de la volute de la crosse que tient saint Augustin; au moyen d’une loupe, on finit par apercevoir cette croix. Derrière saint Jean, il y a un saint qui paraît avoir beaucoup de cheveux; –en se servant de la loupe, on s’assure qu’il est presque chauve. Saint Jean semble avoir le front partagé par une grosse mèche de cheveux seulement; la loupe permet de reconnaître que, vers la droite, il a encore des cheveux qui couvrent son front. Pauquet et Girardet n’ont pas vu tout cela. Ceci montre avec quelle circonspection il faut procéder. Un peu plus haut que saint Jean, contre le bord de la planche, un saint porte une grosse croix sur la poitrine. On la voit en totalité dans l’estampe; elle est couverte en grande partie par le vêtement, dans la plaque du musée des Offices. La plaque offre beaucoup plus de travaux dans les plis des vêtements et dans toutes les parties que dans l’estampe. Par contre, on voit dans l’estampe, le long du bord du vêtement du Christ, en partant de l’épaule, deux barres qui descendent vers le ventre et au milieu desquelles il y a une série de points; cet ornement n’est pas dans la plaque. Il y a en outre, sur la jambe gauche de saint Jean-Baptiste, deux traits horizontaux, près des bords de son vêtement, qui paraissent indiquer une espèce de pantalon; la plaque de Florence n’a rien en cet endroit. Ce sont les seules différences que nous puissions établir, par suite de la difficulté de pouvoir faire une comparaison plus sérieuse et plus approfondie.

Dans toute autre circonstance, nous serions amené naturellement à discuter la question de savoir si l’estampe de la Bibliothèque nationale a été tirée sur une planche gravée ou sur un soufre. Il semble résulter des termes employés par Vasari que c’était sur un soufre que Maso Finiguerra tirait ses estampes. Pour ôter ce sens aux expressions de Vasari, on est obligé de mettre un point là où il y a un point et une virgule, et de changer une petite lettre en majuscule.

Baldinucci, savant écrivain, né à Florence vers1624, dit positivement dans son ouvrage: Notizie de’ Professori di disegno, tome IV, pages3et4: «Lorsque Finiguerra avait gravé un sujet quelconque sur argent pour le couvrir de nielle, il avait l’habitude d’en tirer un moule en terre, sur lequel il coulait du soufre fondu: il obtenait ainsi une empreinte de son travail; remplissant alors le creux de cette empreinte avec une certaine teinte mêlée d’huile, il appliquait dessus un papier mouillé, et, par la pression d’un rouleau de bois, il se procurait une épreuve semblable à celle qu’eût donné la planche d’argent, et ses épreuves sur papier avaient l’apparence d’un dessin à la plume.»

Bartsch, en prêtant à Maso Finiguerra l’usage de ce même procédé, a pensé qu’il ne l’avait employé que dans le but de nettoyer un soufre, et qu’il avait ainsi dû sa découverte à un pur effet du hasard.

Si cette discussion n’était pas oiseuse en ce moment, nous examinerions si le noir de fumée mêlé avec de l’huile, ou simplement avec de l’eau, est cause des défectuosités et des lacunes qui sont dans l’estampe de la Bibliothèque; ensuite pourquoi l’on ne rencontre qu’une épreuve de l’Assomption, et postérieurement un second soufre, ouvrage difficile et long, tandis que le graveur pouvait tirer sur papier autant d’épreuves qu’il le voulait. En outre, Duchesne soutient, page128de l’Essai sur les Nielles, qu’on ne peut obtenir des estampes d’un soufre, substance trop fragile pour supporter la pression d’un rouleau, mais M. Schuchardt, de Weimar, dans Kunsblatt de1846, pages49-99, et encore plus amplement dans les Archives de Naumann, affirme avoir fait des essais qui lui ont réussi, et cela dans le but de prouver la possibilité d’imprimer des estampes sur un soufre. Enfin, Passavant reconnaît dans l’épreuve du Cabinet de Paris des traces des bords de la planche. A quoi servirait de se prononcer sur ces opinions diverses? Il faudrait toujours ramener la question à son point de départ: Maso Finiguerra a-t-il ou non remis l’Assomption de la Vierge au corps des marchands, en1452?

Outre les textes et les documents que nous avons déjà cités, nous devons faire connaître certaines opinions qui ont contribué à détruire en Italie la créance qu’on avait d’abord apportée à la découverte de l’abbé Zani. Dans l’ouvrage de Cicognara que nous avons cité plus haut: Dell’Origine, composizione, decomposizione ed esercitazione dei nielli, on trouve le passage suivant: «On a soigneusement gardé la mémoire de la fameuse Paix de Finiguerra. Elle a donné lieu à de longues discussions et dissertations. La galerie royale de Florence conserve la plaque niellée et originale; deux soufres tirés sur cette Paix existent encore: l’un dans la collection du marquis Durazzo à Gènes, l’autre dans celle du duc de Buckingham à Londres: Cette dernière pièce avait appartenu au marquis Serait, dont Duchesne a rapporté la dissertation, après, l’avoir traduite. Finalement, de ce très rare nielle, on allègue qu’il existe une épreuve sur papier dans la Bibliothèque royale de Paris, et qu’elle y fut trouvée par l’abbé Zani. Contre cette découverte, il y a une dissertation encore inédite qui sera prochainement publiée par le professeur Vitali de Parme, lequel espère, avec d’excellents arguments, donner la preuve de l’erreur dans laquelle sont tombés aussi bien le connaisseur italien que les conservateurs du Cabinet des estampes de France.»

Ce passage prouverait déjà que Cicognara était assez incrédule à cet endroit.

A ceci doit se joindre la lettre de Vitali au bibliothécaire Angelo Pizzana. C’est ainsi que s’exprime Vitali: «J’ai en ma possession le fameux dessin de la Paix de Maso Finiguerra qui a été possédé par Mariette, sur lequel celui-ci a écrit quelque chose de sa main. Ce dessin est précieux pour moi: il sert à prouver merveilleusement que l’estampe de Paris dont Zani a donné un fac-similé n’est pas vraie (non è verace) et ne peut venir de la Paix originale, comme je l’ai démontré dans la troisième partie de mes Raisonnements encore inédits.» –«Il faut ajouter, dit Cicognara, que Vitali a acheté ce dessin des héritiers de Zani, lequel, d’après Vitali lui-même, avait eu, avant de mourir, beaucoup de doutes sur sa propre découverte...» Ces lignes sont extraites du livre de Cicognara mentionné plus haut.

Pour terminer il ne nous reste rien de plus concluant que de citer le texte exact du registre des marchands:

Libro Grande dell’ Arte de Mercatanti. Sto. A A. 1452.

Pace d’Ariento dorata smaltata e nielata di peso di õ. 55d. 11 si fàp la Chiesa di S. Gio. p TOM80, DI FINIGUERRA Orafo e se gli paga à ragione di f. 1. largo dell’ oncia200costò in tutto f. 66. 71.5–d: 6.

Le chiffre200est le numéro de la page de l’ancien registre: cette explication a été donnée par M. le cav. Guasti, conservateur des manuscrits.

Libro Grande dell’ Arte de Mercatanti S.to B. 1455.

Pace si dà à fare p la Chiesa di S. Gio. à MATHIO DI GIO. DEI Orafo è se gli paga f. 28p. intaglio niello doratura e smalto, e costò in tutto con l’Argento f. 68.6.1.2213.

Ce dernier numéro est celui de la page de l’ancien registre.

Qu’on rapproche aujourd’hui tous ces documents de la précipitation avec laquelle cette affaire a été enlevée à Paris, la conclusion ne sera pas douteuse. Zani a fait connaître sa découverte après avoir vu le dessin envoyé en1730à Mariette, mais il ne l’a communiqué ni à M. de Joly, conservateur du Cabinet des estampes, ni à M. Denon. Ceux-ci non plus ne l’ont pas réclamé. Zani s’est bien gardé de le montrer, surtout s’il y avait une note de Mariette qui pouvait contredire son opinion, et enfin si, comme le prétend Vitali, acquéreur du dessin après la mort de Zani, cette pièce était de nature à prouver que l’estampe n’avait pu être tirée sur la plaque du musée des Offices, nous nous expliquons très bien que l’abbé Zani, qui, pour illustrer son livre, devait désirer une grande découverte, se soit hâté d’acheter le dessin qui était chez Alibert. Peut-être alors, croyant que sa patrie avait le mérite de l’invention de la gravure en taille-douce, a-t-il cédé à un enthousiasme de bonne foi, en n’y regardant pas de trop près, mais plus tard, la réflexion étant parvenue à le calmer, il n’est pas impossible qu’il ait eu des doutes avant sa mort.

En présence des textes si nets de Vasari et de Benvenuto Cellini, en présence surtout des assertions erronées et si peu justifiées de l’abbé Gori, nous ne devrions pas hésiter à formuler une déclaration contraire et positive; mais, par condescendance pour une opinion depuis longtemps accréditée, nous demandons que la découverte réelle ou prétendue de l’abbé Zani, qui attribue à Maso Finiguerra l’invention de la gravure en creux, en s’appuyant sur l’Assomption du Cabinet des estampes de Paris, soit sérieusement examinée en elle-même et dans les documents qui s’y rapportent. Nous insistons pour qu’une investigation approfondie, et qui ne puisse plus laisser de doutes, fasse éclater la vérité dans une affaire qui, nous le répétons, a été jugée, nous ne voulons pas dire avec une grande légèreté, mais du moins avec une trop grande précipitation.

Estampe de notre collection.

L’Annonciation, deuxième quart du quinzième siècle. 1425-1435; estampe anonyme que nous avons acquise à la vente Weigel.

A gauche, Marie devant un pupitre; à droite, l’ange Gabriel; il est courbé, ses ailes sont en l’air. Dans le milieu, un vase avec deux tiges de lis, au-dessus desquels oh voit une colombe. Le caractère et le travail indiquent une origine allemande, et dénotent l’école d’Ulm. La pose et le costume des figures rappellent le deuxième quart du quinzième siècle.

Cuivre.

Dimensions prises les deux traits en dedans; haut., 189millim.; larg., 284. Weigel, no23.

Très belle épreuve avec une grande marge. Cette estampe paraît offrir le même faire que celui de la Vierge avec l’enfant Jésus placée dans une niche, estampe que l’on voit au Cabinet des estampes de Paris, et dont un fac-similé se trouve dans le Moyen Age et la Renaissance, tome V.

PIÈCES JUSTIFICATIVES

VASARI. Vita d’Antonio et Pietro Pollajuoli, tome Ier.

Era in questo tempo medesimo un altro orefice chiamato Maso Finiguerra, il quale ebbe nome straordinario, e meritamente; che per lavorare di bulino, e fare di niello, non si era veduto mai, chi in piccoli o grandi spazj facesse tanto numero di figure, qnante ne faceva egli; siccome lo dimostrano ancora certe Paci, lavorate da lui in san Giovanni di Fiorenza con istorie minutissime della passione di Crísto.

VASARI. Vita di Marco Antonio, tome II.

Il principio dunque dell’ intagliare le stampe venne da Maso Finiguerra Fiorentino, circa gli anni di nostra salute1460, perche costui tutte le cose che intaglio in argento, per empierle di niello, le improntò con terra, e gittatovi sopra solfo liquefatto, vennero improntate e ripiene di fumo; onde a olio mostravano il medesimo, che l’argento; e ciò fece ancora con carta umida, e con la medesima tinta, aggravandovi sopra con un rullo tondo, ma piano pertutto, il che non solo le faceva apparire stampate, ma venivano come disegnate di penna.

B. CELLINI, Racconti, dans la Vita di B. Cellini, publiée par Tassi Firenze, 1829, tome III, pages273et274.

Martino fu orefice et fu oltramontano di quellé Citta Tedesche: questo fu un gran ualent’ uomo, si di disegno et dintaglio di quella lor maniera, et per ché gia é si era sparso la fama per il Mondo di quel nostro Maso Finiguerra, ché tanto mirabil’menté intagliaua di niello, e si uedé di sua mano una pacé con un Crocifisso dentroui insiemé con i duo Ladroni, e con molti ornamenti di cauagli e di altré cose, fatta sotto il disegno di Antonio del pollaiuolo, gia nominato di sopra, e dé intagliata e niellata di mano del detto Maso questa é d’Argento in el nostro bel san giouanni di Firenze.

CICOGNARA, Dell’ Origine, composizione, decomposizione ed esercita

zione dell’ arte dei nielli; Venise, 1831, page51.

E fatale il dover convincersi spesse volte dello smarrimento di tante preziosità; poichè non è da dubitare che questa Pace citata dal Cellini, sommo conoscitore, appartenere posse mai ad altro intagliatore che al Finiguerra: ma questa celossi alle nostre ricerche in Firenze; poichè forse dispersa nel1527, quando furono consegnate molte argenterie del S. Giovanni alla Republica per batter moneta, in occasione dell’ assedio di Firenze, comme accennò il Gori, e credemmo aver corso la sorte infelice di tanti preziosi lavori fusi e coniati.

Réponse du chevalier Antonio Ramirez da Montalvo, directeur de la galerie de Florence, au comte Cicognara.

Fa maraviglia che dal Gori, il quale scartabellò i registri di spese del magistrato dell’ Arte di Calimala, ove trovò gli appunti del costo delle due Paci ancora esistenti, oltre quella notissima di Matteo Dei, non si trovasse notata anche questa altra Pace della Crocifissione del Finiguerra, non essendo da supporsi che, per non esistere più a suo tempo, egli non avesse a farne menzione particolare, come fece di tante altre preziosità attenenti a quella basilica ch’ egli illustrava; e che più non erano quand’egli scrisse. È certo che questo monumento o non existe, o trovasi nascosto in parte remota, e indubitamente più non si vede in Firenze.

CICOGNARA, Dell’ Origine, etc. (voir plus haut); p.42-43.

Da ognuno si è scritto, e la memoria si è diligentemente conservata della famosa pace del Finiguerra, la quale ha dato luogo a lunghe discussioni e dissertazioni. Di essa la reale galleria di Firenze conserva la piastra niellata ed originale; due zolfi ricavati in antico stanno deposti l’uno nella collezione del marchese Durazzo a Genova; l’altro in quella del duca di Buckingham a Londra; e quest’ ultimo è appunto lo zolfo che apparteneva al marchese Seratti (di cui vien recata nelle note del Duchesne una dissertazione illustrativa da luitradotta); e finalmente di questo rarissimo Niello si allega esistere una prova in carta nella bibliotheca reale di Francia, per una scoperta che dice si fatta dal Abate Zani in Parigi, contra la quale è ancora inedita una dissertazione, che sarà fra più molto pubblicata dal professore Vitali da Parma, il quale spera produrre con buoni argomenti le prove di uno sbaglio od inganno, da cui sono stati sospresi tanto il conoscitore italiano, quanto gli esperti custodi del gabinetto francese.

Extrait de la lettre de Vitali.

Tengo il famoso disegno della pace di Maso Finiguerra, che fu posseduto dal Mariette; sul quale ha egli scritto alcuna cosa di propria mano. Prezioso mi è questo riescito, poichè serve mirabilmente a comprovare che la stampa di Parigi pubblicata da lo Zani non è verace, nè può provenire dall’ originale Pace, come ho dimostrato nel terzo de’miei ragionamenti inediti.–(Si aggiunge che il Sig. Vitali ha acquisto questo disegno dall’ erede dello Zani, al quale, secondo le osservazioni dello stesso Vitali, prima di morire, erano entrati molti dubbj sulla propria scoperta.)

Manuel de l'amateur d'estampes

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