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SAINT-JEAN-D’ANGÉLY

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PRÉFACE

L’histoire est une grande éducatrice. Quand elle évoque, quand elle ressuscite les hommes, les actes, les mœurs, les croyances, les guerres, les accords, toute la vie du passé, ce n’est pas seulement pour le plaisir de ces récits, pour l’attrait de ces souvenirs, pour l’enrichissement de la mémoire qui, par leur moyen, remonte aux sources des générations dont nous sommes issus. Son grand intérêt vient surtout des leçons utiles qu’elle comporte et dont l’enseignement se dégage, sans soupçon de pédantisme, comme un arome subtil qui nous pénètre presque à notre insu.

Bossuet qui s’intéressait, par état, à l’éducation des princes, s’en était convaincu. Il qualifiait l’histoire: «la maîtresse de la vie humaine et de la politique» et disait au Dauphin: «Il serait honteux à un prince de l’ignorer» . Or, depuis la grande Révolution de 1789 et, plus particulièrement, depuis la République de 1848, qui a institué, avec le suffrage universel, le régime de la souveraineté populaire, tous les petits Français, futurs citoyens de notre démocratie, sont des «princes du sang» et doivent se préparer, comme tels, à exercer un jour, intelligemment et pour le plus grand bien de la patrie commune, les devoirs de leur souveraineté partielle. Que s’il y a gloire promise aux cités et aux citoyens qui s’en acquittent dignement, le mépris de la postérité et les sévérités des historiens futurs attendent ceux qui y manqueraient. Plus que jamais, d’ailleurs, ces devoirs s’imposent à nous et à nos enfants, en présence des compétitions et de l’ascension constante des peuples civilisés, — autant dire: du monde entier, puisque aujourd’hui tous les peuples restés barbares ont été soumis et dominés, et que l’Extrême Orient lui-même nous a rejoints, à pas de géant, dans les voies de la civilisation la plus avancée. Dans cette concurrence universelle, dans cette lutte générale pour la vie et pour la défense des trésors que nous ont légués nos pères, et dont le bien le plus précieux est notre indépendance et notre grandeur nationale, il faut que nos successeurs soient fortement et virilement munis de toutes les connaissances qui font l’homme et le citoyen digne de ce nom. Plus que jamais donc, il est nécessaire que tous les fils de la France, futurs gérants de cette grande cité qu’est la nation française, se retrempent aux sources même du génie de leur race et s’instruisent auprès de cette grande maîtresse de patriotisme qu’est notre histoire nationale.

Mais l’histoire générale et même l’histoire nationale — si leur étude est indispensable — ont le désavantage de présenter les hommes qui y ont fait figure sur une scène si haute que leurs personnages nous paraissent lointains, étrangers, inaccessibles, excluant les termes de comparaison dans le milieu qui nous est familier, incapables par conséquent de provoquer l’émulation du grand nombre.

L’avantage des histoires particulières, locales , c’est qu’en rapprochant de nous la scène des événements qu’elles racontent et les personnes qui y ont joué un rôle, en les situant dans notre horizon coutumier, en évoquant le souvenir d’hommes de notre race et de notre sang qui ont été, de plus près, nos ancêtres ou nos proches — d’hommes qui ont joué, comme maires ou échevins, bourgeois ou miliciens de leur petite ville, le rôle que nous pouvons prétendre à jouer nous-mêmes, comme électeurs ou élus de notre commune, de notre canton ou de notre arrondissement — elles nous offrent des exemples qui sont plus à notre portée que ceux des grands chanceliers, ministres d’Etat ou chefs d’armée, qui sont, avec les rois, presque les seuls personnages qui soient jugés dignes de figurer dans les histoires générales.

Par là même, elles nous incitent davantage à fuir la voie de ceux que la postérité a condamnés comme indignes et à imiter ceux qui se sont noblement ou héroïquement conduits dans le passé, pour tâcher de laisser chez nos successeurs un renom qui égale le leur.

Un de nos compatriotes, René Caillié, de Mauzé qui, le premier des voyageurs européens, visita Tombouctou, Jenné et le Maroc, raconte, dans l’introduction de son Journal de voyage, comment le goût des aventures et des découvertes lui est venu des lectures qu’il avait pu faire dans son enfance, au sortir de l’école primaire de son village: «La lecture des voyages occupait tous mes moments de loisir. L’histoire de Robinson surtout enflammait ma jeune tête; je brûlais d’avoir comme lui des aventures; déjà même je sentais naître en mon cœur l’ambition de me signaler par quelque découverte importante. On me prêta des livres de géographie et des cartes... Enfin ce goût devint une passion pour laquelle je renonçai à tout...»

Parmi les hommes publics de notre temps comme des temps antérieurs, parmi ceux qui servent la patrie, soit dans les conseils de son gouvernement et de ses Chambres, ou dans les assemblées des départements ou des communes, soit sur les champs des luttes guerrières ou pacifiques que la civilisation livre incessamment autour de nous, nombreux sont ceux qui pourraient dire que c’est à l’étude de l’histoire qu’ils ont dû l’inspiration de leurs plus généreux désirs de servir la France et de propager les idées auxquelles le souci de sa grandeur et de son avenir les ont attachés.

Pour mon compte (si l’on veut bien me pardonner ce témoignage personnel), — devant à l’histoire, pour une grande part, ma formation morale et intellectuelle, et je dirai: patriotique, et en étant resté toujours un fervent zélateur, — j’ai été heureux de lui rendre, comme historien, un peu de ce que j’en ai reçu comme étudiant. «Historien», le titre, je l’avoue, est assez présomptueux. Compilateur, vulgarisateur, serait plus juste. Quoi qu’il en soit, ce m’a été un très grand plaisir de pouvoir payer, en quelque mesure, mon tribut de reconnaissance à l’Histoire en écrivant, après mon Histoire du Canada et des Canadiens français , et après le Précis historique qui ouvre mon livre plus récent sur la Séparation des Eglises et de l’Etat , cette Histoire de la Ville, Commune et Sénéchaussée de Saint-Jean-d’Angély, qui, dans ma pensée, avec les cartes et illustrations dont elle est ornée, s’adresse surtout à la jeunesse de nos écoles publiques.

Je dois aussi un mot de gratitude à mon éditeur. Peut-être cet ouvrage, dont je ne serai pas le dernier à reconnaître les imperfections et les lacunes , ne serait-il jamais sorti de mes cartons si je n’avais été mis en rapport avec M. Jouve, à qui j’aime à rendre hommage pour l’idée féconde qu’il a eue de provoquer la publication des histoires ou monographies de toutes les communes de France.

Au premier plan d’exécution de cette entreprise monumentale, il convenait qu’un rang d’honneur fût assigné aux villes qui, comme La Rochelle et Saint-Jean-d’Angély dans notre région, furent, dès le moyen âge, des villes de franchises communales et qui ont eu, de ce fait, une vie propre et municipale intense, mêlées à tous les grands mouvements d’idées, à toutes les luttes nationales, politiques et religieuses du temps passé.

Sans doute, ce qu’on a dit des peuples qui n’ont pas d’histoire, on pourra le répéter des localités qui n’ont pas cette riche documentation historique que possède la nôtre: Heureuses sont-elles de n’avoir pas passé par toutes les secousses, les traverses, les guerres, les sièges, les ruines qui ont laissé, dans notre histoire à nous, tant de traces et comme des cicatrices profondes!

D’accord. Mais aussi avons-nous, sur ces localités moins troublées, le privilège de pouvoir, mieux qu’elles, apprécier, par comparaison, les résultats des efforts faits par nos devanciers, les progrès obtenus par leurs luttes et par leurs souffrances. Ainsi la reconnaissance pour leur mémoire se mêle au sentiment de bonheur que nous fait éprouver la constatation des circonstances heureusement plus paisibles, plus prospères et plus libres des temps où nous vivons.

J’éprouvai très délicieusement ce sentiment complexe, le 3 mai de cette année 1908, dans une heure de repos et de recueillement passée dans ce ravissant clos dit de «la Folie» (appartenant à M. Ferdinand Daunas), sis au nord-ouest de Saint-Jean-d’Angély et qu’arrose le ruisseau du Coi, à sa sortie de l’aqueduc gallo-romain qui amenait vers les villas de l’ancien Angeriacum les eaux d’une source pure captée vers les hauteurs voisines. La journée était douce et amène autant qu’une journée de printemps peut l’être. Les bosquets en fleurs vibraient des chants des rossignols. Des canards lissaient leurs plumes et plongeaient leur col dans les eaux moirées d’un étang. Tout était paix, joie, harmonie aux champs d’alentour; et je savais que les opérations des élections municipales qui amenaient, ce jour-là, à l’Hôtel-de-ville les habitants de la cité, se faisaient avec le calme, la régularité et la sérénité qui marquent chez nous toutes les manifestations du suffrage populaire.

Or, j’avais sous les yeux, ou du moins dans l’esprit, la vieille gravure, qu’on trouvera reproduite en ce volume, du siège de Saint-Jean-d’Angély sous Charles IX, représentant la ville investie, les canons braqués sur elle, ses remparts démantelés, partiellement éventrés, les assiégés opérant une sortie par la porte de Niort, et les caques de poudre prenant feu, et les hommes s’entre-tuant sur cette colline voisine où se trouve maintenant le champ de repos par excellence: le cimetière, mais où alors s’élevaient les bois de justice, la potence toujours dressée.

Telles étaient les fureurs tragiques du temps de jadis: et combien donc, à son avantage, en diffère le temps d’aujourd’hui! Qui niera les progrès, les conquêtes de l’esprit de paix, de concorde et de liberté ? Oui, cet Esprit, vraiment divin, est incessamment à l’œuvre, inspirant l’humanité, dégageant l’ordre du chaos, le bien du mal, la lumière des ténèbres, la science de l’ignorance, l’altruisme de l’égoïsme, la vie de la mort. Soyons donc reconnaissants et que notre reconnaissance nous incite au travail et à la bonté ! Car, sans l’application des fils à continuer le labeur des pères, les aqueducs bâtis par eux et qui conduisent dans les champs du progrès les eaux fertilisantes de la civilisation se désagrégeraient bientôt, sous l’action des mêmes causes qui ont amené la ruine des grandes cités et des puissants empires de l’antiquité. Ils sont tombés et leur ruine a été grande, parce que les éléments qui avaient constitué leur grandeur se sont ensuite disassociés. Pour les cités et les Républiques de tous les temps, les lois du développement et de la vie sont celles de la justice, de la moralité, de l’idéal et de cette solidarité fraternelle qui se résume dans la belle devise de la Confédération suisse, qui était aussi celle des bourgeois de nos vieilles communes jurées:

«UN POUR TOUS, TOUS POUR UN...»

Histoire de la ville, commune et sénéchaussée de Saint-Jean-d'Angély

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