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INTRODUCTION.

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Table des matières

Les départements du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, qui constituaient autrefois la province d’Alsace, peuvent être classés parmi les plus importants, les plus riches et les plus populeux.

Située sur le bord de l’un des grands fleuves de l’Europe, rattachée par lui à la Suisse, à la Prusse, à la Hollande, traversée par des routes nombreuses, la fertile plaine d’Alsace devait, par sa position exceptionnelle, jouer de bonne heure un certain rôle historique, commercial et agricole assez notable. Elle devait voir se succéder, à travers ses vertes campagnes, les flots de ces migrations qui, pendant vingt siècles, ont couvert la vieille Europe, et si, lors de ces grandes tourmentes, elle était ravagée jusque dans ses fondements, dans les longs intervalles, lorsqu’un courant régulier avait remplacé la trombe dévastatrice, elle reprenait aussitôt son aspect souriant.

La tradition la plus reculée nous la montre couverte d’un sombre manteau de forêts, abritant, sous son épais feuillage, des tribus de chasseurs adonnés à un culte barbare: le chant fatidique des druides annonce les ordres de sauvages divinités. Aussitôt que l’histoire nous éclaire, c’est-à-dire dès le premier siècle de l’ère chrétienne, le tableau est déjà tout autre.

En effet le peuple-roi ne devait pas laisser hors de sa domination un pays aussi admirablement placé que le territoire des Triboques, et quarante-trois ans après Jésus-Christ, l’influence de la civilisation romaine se faisait sentir dans cette contrée. Les gracieuses divinités de l’Olympe chassaient les dieux informes que révéraient les peuplades de la vallée rhénane: Teutatès cédait la place à Mercure; un temple consacré à Mars s’élevait à l’endroit même où, douze siècles plus tard, devait s’élancer vers les cieux l’un des plus merveilleux monuments que les hommes aient dédiés à la gloire du Christianisme. De larges voies de communication, qui, par leurs assises polygonales et leurs revêtements, semblaient établies pour l’éternité, conviaient les peuples à l’échange des produits d’une industrie naissante, car les forêts disparaissent de la plaine, et la culture, d’abord capricieuse et nomade, devenait plus régulière en se fixant; le soleil libre enfin de réchauffer la terre la révivifiait et adoucissait le climat; les fruits que Lucullus avait apportés de l’Asie Mineure purent atteindre toute leur délicatesse sur les derniers contre-forts des Vosges. Dès le règne de l’empereur Probus, la vigne vint y étaler ses grappes d’or, et la statue de Bacchus fut promenée au son des chants joyeux des vendangeurs, dans les mêmes lieux où, trois siècles auparavant, le druide avait, en murmurant des paroles magiques, détaché le gui sacré du tronc d’un de ces chênes aussi vieux que le monde.

Grâce à la merveilleuse fertilité de son sol et à une population vigoureuse et persévérante, comme le Titan de la Fable qui semblait puiser de nouvelles forces chaque fois qu’il touchait la terre, cette heureuse contrée a vu, chez elle, grandir le progrès malgré les fréquentes et désastreuses invasions dont elle a eu à souffrir. A chaque pas fait en avant par les Pays-Bas, à chaque demande nouvelle provoquée par l’accroissement de leur richesse et de leur bien-être, la culture alsacienne redoublait d’efforts. Ce n’était plus seulement du bois et des grains qu’elle avait à offrir: elle y joignait tour à tour le lin, le chanvre, le colza, le tabac, le pavot, la garance, le houblon; aussi avait-elle, depuis deux cents ans, acquis une grande renommée. Au commencement de ce siècle, un illustre agronome la citait comme un modèle dans un ouvrage demeuré célèbre. C’est près d’elle, et peut-être inspiré par elle, que Dombasle fonda Roville; c’est elle qui a produit cette pléiade d’industriels agronomes, dont les Schattenmann, les Lebel et les Rissler sont les dignes représentants; c’est de l’une de ses fermes que sont sortis ces travaux considérables qui sont venus ouvrir un nouvel horizon à l’économie rurale, et donner à l’agriculture un monument dont la France a droit d’être fière.

L’Alsace a-t-elle, dans les dix-huit ou vingt dernières années, poursuivi sa marche ascendante, ou son agriculture, sans cesser d’être prospère, est-elle menacée? Son essor s’est-il arrêté ou seulement ralenti au milieu de la période de paix et d’abondance que nous venons de traverser? Son avenir est-il compromis par les grandes réformes douanières accomplies récemment? C’est ce que l’Enquête agricole doit révéler. La tâche à remplir est multiple: il faut montrer la situation exacte de l’agriculture alsacienne, ce qu’elle a été, ce qu’elle est; il faut indiquer si elle marche dans une voie qui l’amène à ce qu’elle doit être, eu égard aux conditions actuelles de la société ; signaler quelles sont les améliorations à réaliser, quelle est la part qu’y doit prendre le Gouvernement; quels sont les obstacles à renverser pour atteindre le but: tel est l’objet des études qui vont suivre.

Étude sur l'économie rurale de l'Alsace

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