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ACTE PREMIER
PREMIER TABLEAU
SCÈNE XIV
ОглавлениеLes Mêmes, DIETHER D'YSSEMBOURG
Diether est précédé de soldats, qui font reculer le peuple à droite et à gauche, et restent au fond.15
DIETHER D'YSSEMBOURG
Quel est ce tumulte? Pourquoi ces cris?… Silence, bourgeois et manants! C'est moi, votre chef, votre souverain, votre père, qui ai seul ici le droit d'accuser, de punir ou d'absoudre. Si Gutenberg est coupable, il sera condamné; s'il est innocent, pourquoi ces menaces? Justice sera faite. Retirez-vous un moment (Le peuple se retire au fond du théâtre. Friélo s'approche de Zum, et revient près de Conrad et Dritzen, qui le rassurent. Il baise le bas de la robe de Diether. Sur un mouvement menaçant de Zum, il s'écarte.—À Gutenberg.) Je sais, jeune homme, que tu es un bon et loyal ouvrier. Je sais, que tu n'as jamais fait aucune œuvre de sorcellerie, et qu'en te livrant à des essais nouveaux, tu obéis à une noble ambition. Il m'a été facile de te préserver tout à l'heure de l'émeute populaire; mais la bourgeoisie de Mayence, jalouse du rang qu'a su jadis conquérir ton père et de ton mérite personnel, ne te pardonnera pas de sitôt une découverte appelée à illustrer ton nom… Je ne te dirai pas de renoncer à une idée, que je tiens, moi, pour excellente; mais comme mon devoir est de faire régner l'ordre et la bonne harmonie dans la ville, je t'ordonne de partir, de quitter Mayence, sur l'heure. Ton absence peut seule calmer la surexcitation du peuple. (Mouvement de Gutenberg.) Pars pour la Hollande. Tu trouveras à Harlem l'imagier Laurent Coster; ses lumières et ses conseils te seront utiles. C'est l'homme le plus propre à comprendre et à encourager tes travaux. Présente-toi à lui de ma part. Sois toujours laborieux et honnête, et lorsque tu reviendras, la ville, apaisée, te fera bon accueil, je te le promets.
GUTENBERG
Mon intention était de partir, pour aller perfectionner mon invention loin de Mayence, loin des ennemis et des jaloux. Je l'ai annoncé ce matin à ma sœur, à mes amis; mais je n'avais pas encore de résidence déterminée. Vous me donnez, monseigneur, un excellent avis en m'engageant à me rendre chez Laurent Coster. Je travaillerai sous ses yeux, et je reviendrai un jour, pour rendre à mon pays l'art merveilleux dont j'emporte le germe.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Compte toujours sur ma protection et mon appui.
Conrad va remercier Diether; Diether remonte près de Conrad.
GUTENBERG, à Diether
Merci, mille fois, monseigneur. (À Hébèle.) Ne pleure pas, Hébèle. La prière et le travail sont deux amis qui se retrouvent toujours: nous nous reverrons. (À Annette.) Ne veux-tu pas me serrer la main, Annette?
ANNETTE
Ah! Jean! ce n'est plus avec les larmes que je te dis adieu… c'est avec orgueil!
HÉBÈLE
Cher frère!
GUTENBERG, à Conrad Hummer et à André Dritzen, et saluant Diether
Adieu! Conrad. Adieu, André. Pensez un peu à l'ami absent, qui ne vous oubliera jamais.
Fausse sortie.
FRIÉLO, courant après Gutenberg, d'une voix piteuse
Vous oubliez quelqu'un, maître!
GUTENBERG, revenant
C'est vrai: je ne t'ai rien dit, mon pauvre Friélo. (Il lui tend la main.) Que la providence veille sur toi!
FRIÉLO
Ce n'est pas ça, mon cher maître; vos adieux ne me feront pas le cœur plus content. Ce que je désire, c'est aller avec vous chez Laurent Coster, l'imagier de Harlem. Comment avez-vous pu songer à partir seul? Croyez-vous que je me soucie de rester sans vous à Mayence!
GUTENBERG
Toi, Friélo, si casanier, si poltron et si amoureux des belles filles de ton pays, tu consentirais à aller jusqu'en Hollande?
FRIÉLO
Oui, car au-dessus de mes aises, de ma poltronnerie et de mes amourettes, il y a mon frère de lait, il y a mon maître. Me conduiriez-vous en enfer? (À part.) je sais bien qu'il n'ira jamais de ce vilain côté. (Haut.) je vous suivrais partout!
GUTENBERG
Eh bien, mon garçon, tu me suivras, puisque tu le veux.
LE PETIT ZUM, sortant de la foule restée au fond, à Diether
Monseigneur, les amis m'envoient vous demander ce que vous avez décidé contre ce mécréant.
DIETHER D'YSSEMBOURG
Je lui ai ordonné de partir, de quitter Mayence.
ZUM, s'avançant
Et de n'y jamais rentrer, nous l'espérons! (La foule vient se ranger autour de Gutenberg, de Diether et des autres personnes, avec un air menaçant.) Qu'il parte à l'instant, s'il ne veut pas tomber sous nos coups.
LE PEUPLE
À mort! à mort!
GUTENBERG
Malheur à qui oserait porter la main sur moi, ou sur cet enfant. (Écartant de la main le peuple qui se range aux deux côtés du théâtre.) Place, bourgeois ingrats et félons! Je méprise vos injures et brave vos menaces.... Viens, Friélo!
Il pose son bras sur l'épaule de Friélo, traverse la scène, et sort, entre la double rangée du peuple et des bourgeois.
TOUS
Vive monseigneur! monseigneur Diether d'Yssembourg!
15
Annette, Hébèle, Dritzen, Conrad, Friélo, Gutenberg, Diether, Petit Zum, Zum, Soldats, Peuple, Bourgeois, au fond.