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J’ai entendu tout récemment émettre, au Conseil, une thèse fort séduisante, par le point de vue généreux qu’on a su lui prêter: je tiens à y répondre, parce quelle va droit au cœur de la profession. Il s’agissait de décider si un avocat stagiaire, prenant la qualité de délégué d’une compagnie industrielle et étant chargé à ce titre, mais sans procuration spéciale, de défendre ses intérêts près de l’administration, devait être réputé avoir accepté un mandat incompatible avec notre profession. Il est si difficile, disait-on, de définir le mandat qui n’est pas constaté par une procuration écrite, la conséquence disciplinaire qui en résulte contre l’avocat est si grave, que le Conseil ne doit apprécier le fait qu’avec une grande circonspection. Mais il faut aller plus loin, et se demander si le principe d’autrefois peut se soutenir encore. L’industrie et le commerce ont pris un essor immense depuis cinquante ans. Aujourd’hui l’industrie commerciale s’applique à tout, aux capitaux, aux marchandises, aux fruits de la terre, à la terre elle-même, aux entreprises de tout genre, aux canaux, aux chemins de fer. Elle s’établit, elle s’agite sous mille formes. Ses intérêts individuels et plus souvent collectifs amènent des discussions multipliées, judiciaires, administratives, politiques. Resterons-nous en arrière de ce mouvement universel? Comment refuser à l’avocat, à celui-là surtout qui s’est créé une spécialité nouvelle par l’étude de l’économie politique, le droit de prêter à l’industrie et au commerce ses conseils, son patronage, son appui! Et parce qu’il ne plaidera pas au Palais, ou ne signera pas dans son cabinet des consultations, pour l’exercice de ces actes, on viendra prétendre qu’il sort de la profession, qu’il fait l’office d’un proxénète ou même d’un agent d’affaires! D’ailleurs, lorsque les avenues du Palais sont encombrées et qu’il n’est pas toujours donné au talent de les franchir, est-il juste, est-il prudent de rejeter de l’ordre l’homme habile qui aura su se frayer une voie utile, en restant fidèle aux principes de l’honneur et de la probité ! Le Conseil n’a pas voulu trancher au vif cette question par un arrêté de principe; il s’est borné à transmettre au stagiaire un avis confraternel sur la ligne qu’il devait suivre. Quant à moi, voici ma réponse: que l’application du principe puisse être plus large, dans la situation actuelle des choses, je l’accorde volontiers; que le principe ait changé, je le conteste formellement. Le système contraire ouvrirait la porte à une foule d’abus, il serait mortel pour la profession. A l’aide d’une théorie spécieuse et sous des semblants honorables, on parviendrait à déguiser les mandats les plus directs, les plus subalternes. On rendrait impossible la surveillance du Conseil, qui n’est que trop souvent mise en défaut. Je pense qu’aujourd’hui, comme autrefois, il est indispensable de maintenir que la profession est incompatible avec tout ce qui n’est pas conseil ou plaidoirie. Dans une affaire judiciaire, une démarche chez un ministre, ou même dans un bureau, n’excèdera pas la règle, soit; mais des démarches habituelles et obligées près de l’administration, moyennant rétribution, sont en dehors de la règle, parce que ce sont des actes d’une sollicitation véritable. Et puis, n’est-il pas souverainement contraire à l’indépendance et à la dignité de la profession, que l’avocat promène sa personne et son nom dans les antichambres ministérielles, dans les bureaux ministériels, aux douanes, aux préfectures, que sais-je? épiant les jours, les heures d’entrée, subissant les consignes ou les caprices des plus humbles employés! Dans l’espèce, le stagiaire, ne recevant pas de fonds et ne signant pas d’actes pour ses clients, n’était ni comptable ni responsable envers eux, je le reconnais. Mais son mandat ou sa mission, comme on voudra l’appeler, consistait à faire toutes les démarches nécessaires dans leur intérêt, et moyennant une rémunération déterminée à l’avance: or, c’est ce que nos principes ne doivent pas tolérer.

Règles sur la profession d'avocat explicatives

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