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§ 3.

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Table des matières

11. — Ce qui tout d’abord nous a frappé dans le système que nous combattons, c’est la conséquence à laquelle il arrive: Une femme française ou étrangère épouse un étranger; elle reste ou devient étrangère; son mari postérieurement devient Français, elle demeure étrangère! Une femme étrangère ou française épouse un Français, elle reste ou devient Française; postérieurement son mari devient étranger, elle demeure Française! De sorte que, dans la même maison, au même foyer, dans l’union la plus intime qui puisse exister, apparaît, pour ainsi dire, une rivalité de nation à nation: des intérêts opposés entre personnes unies, des affections différentes pour des patries diverses, des vœux ennemis pour des pays peut-être en guerre, et cela entre personnes qui ont juré de s’aimer, entre lesquelles tout est commun() et qui ne doivent jamais se quitter()! Les personnes qui se marient, disait Pothier(), contractent par le mariage, réciproquement l’une envers l’autre, l’obligation de vivre ensemble dans une union perpétuelle et inviolable. M. Boulay, lors de la discussion(), en faisant allusion aux. paroles de l’Ecriture(), disait: Le mariage est une institution qui de deux êtres n’en fait qu’un().

Comment donc comprendre la différence de nationalité qui est en général un obstacle à la réunion des individus avec l’état du mariage(): Cette Conjunctio individuam vitæ consuetudinem continens, comme disent les Institutes().

Que devient donc l’intimité, l’indivisibilité() du mariage, si la femme peut ainsi se séparer de nationalité (si l’on peut ainsi parler) de son mari()?

Que devient la puissance maritale() si la femme peut dire à son mari: Vous avez votre loi et moi la mienne? Que deviennent le droit de protection du mari et le devoir d’obéissance de la femme?

Comme l’a fait remarquer M. Paul Fabre à la Cour de cassation, on arrive à des conséquences inadmissibles et immorales. Que le mari français, en effet, se fasse naturaliser suisse, qu’il obtienne son divorce en Suisse et qu’il s’y remarie, si la première femme reste française, il se trouvera que, de ce côté de la frontière, il y aura une femme légitime qui ne pourra rejoindre son mari sans commettre un adultère aux yeux de la loi du pays de son mari, de l’autre côté de la frontière il y aura une femme légitime qui ne pourra se réunir en France à son mari sans commettre un adultère aux yeux de notre loi. En passant d’un pays dans l’autre, le mari aurait une femme ou l’autre, chaque femme serait ou légitime ou concubine, les enfants seraient ou légitimes ou adultérins()!

Que devient enfin l’ordre public() si l’ordre particulier de la famille, qui en est la base, n’est pas assuré ?

12. — Que si, à côté ces considérations, on place ce principe que chacun est régi quant à son état et sa capacité par sa loi personnelle. on comprendra encore moins la doctrine de la majorité des auteurs. Deux lois dans le même ménage! Deux lois qui peuvent être contradictoires, opposées et régissant deux êtres qui se confondent par l’effet du lien qui les unit en un seul être().

M. Demangeat a parfaitement compris cette objection: «La doctrine de M. Fœlix, dit-il,

«d’après laquelle la femme aurait toujours et

«nécessairement la même nationalité que le

«mari paraît présenter cet avantage qu’elle préviendrait

«des difficultés sérieuses, des conflits

«embarrassants entre les lois personnelles des

«deux époux.»

Cependant le savant professeur, s’appuyant sur l’autorité de MM. Delvincourt, Duranton, Demante et Valette, persiste dans l’opinion contraire, il fait remarquer: «que les difficultés résultant du

«conflit entre la loi du mari et la loi de la femme

«ne se présentent pas nécessairement; en effet,

«si le mari ne peut pas faire perdre à la femme

«sa nationalité, il peut au contraire lui faire

«perdre son domicile. Donc si l’on admet avec

«nous que la loi personnelle dépend du domicile

«et non de la nationalité, il en résultera que les

«époux, bien que n’étant plus les membres d’une

«même nation, seront soumis à une même loi

«personnelle.»

13. — On pourrait tout d’abord combattre cette assertion: la loi personnelle dépend du domicile et non de la nationalité(), et alors resterait notre objection; mais on peut aussi sans discuter cette question préalable, répondre par d’autres considérations.

14. — Nous sommes en effet d’avis que la loi personnelle dépend du domicile.

Supposons donc qu’il s’agisse d’un Prussien, par exemple, qui a épousé une Française, et qui, pendant le mariage, se fait naturaliser Français. La femme, qui est Prussienne malgré la naturalisation de son mari (dans le. système de nos adversaires), a accompagné son mari en France et y réside avec lui(), sans avoir fait, bien entendu, aucun autre acte qui prouve ou duquel on puisse induire qu’elle a renoncé à sa qualité antérieure.

Pour appliquer à cette femme sa loi personnelle (qui dépend de son domicile), la première chose à rechercher est évidemment de savoir où est son domicile(). Et ici, la doctrine qui refuse dans ce cas à la femme la nationalité de son mari, nous amène logiquement à demander: s’il faut, dans notre hypothèse, appliquer l’art. 13 C. c. sans tenir compte de l’art. 108 C. c., ou si, au contraire, l’art. 108 suffit()? en d’autres termes, si la femme(), pour acquérir un domicile (légal) en France, a besoin de demander et d’obtenir l’autorisation du Gouvernement, ou si, au contraire, l’art. 108 l’en dispense()?

15. — De sorte qu’une première distinction est nécessaire: ou l’on admet l’application pure et simple de l’article 108 et alors il est évident que la femme a son domicile légal en France. C’est ce qu’admet M. Demangeat avec raison. Ou il faut appliquer l’article 13 et alors il convient de faire une sous-distinction, car la femme peut avoir demandé et obtenu l’autorisation du gouvernement et alors elle a évidemment son domicile en France, ou elle n’a ni demandé, ni obtenu cette autorisation, et alors suivant l’opinion généralement admise elle n’a en France qu’un domicile de fait.

16. — Quoi qu’il en soit voici notre argument: de deux choses l’une: ou on admet que la femme a en France son domicile légal et alors la loi qui la régit est la loi française; ou la femme n’a en France qu’un domicile de fait, et alors, suivant l’opinion reçue(), son état et sa capacité restent soumis à loi prussienne.

Dans ce dernier cas, notre objection reste tout entière; il y a conflit entre les deux lois personnelles des époux.

Dans le premier cas, nous arrivons à ce résultat: nous nous trouvons en présence d’une femme qui est Prussienne et qui, pour tout ce qui regarde son état, sa capacité, son statut personnel, est régie par la loi française! Alors nous demanderons quelle différence il y a entre cette femme prussienne et une femme française?() Notre question n’est donc plus qu’une question de mots, puérile et sans utilité ? Au fond tout le monde est d’accord; on reconnaît que cette femme sera complètement soumise à la loi française, seulement on l’appelle Prussienne, quand nous, nous l’appelons Française; or, à quoi lui sert sa qualité de Prussienne? à quoi lui sert une nationalité qui ne consiste que dans un mot vide d’effets et de résultats? Puisqu’au fond on reconnaît que cette femme est Française pourquoi ne pas le dire?

En somme, comme on le voit, les considérations qui sont présentées pour atténuer l’effet de la doctrine qu’on nous oppose, amènent ce résultat que loin de combattre notre système, elles le confirment.

Nationalité de la femme mariée

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