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LA GÉNÉROSITÉ ET CE QUI LUI RESSEMBLE. — Les phénomènes paradoxaux, tels que la froideur soudaine dans l’attitude d’un homme sentimental ; tels que l’humour du mélancolique, tels que, avant tout, la générosité, en tant que renoncement soudain à la vengeance ou à la satisfaction de l’envie — se présentent chez les hommes qui possèdent une puissante force centrifuge, chez les hommes qui sont pris d’une soudaine satiété et d’un dégoût subit. Leurs satisfactions sont si rapides et si violentes qu’elles sont immédiatement suivies d’antipathie, de répugnance et de fuite dans le goût opposé : dans ces contrastes se résolvent les crises du sentiment, chez l’un par une froideur subite, chez l’autre par un accès d’hilarité, chez un troisième par les larmes et le sacrifice de soi. L’homme généreux — du moins l’espèce d’hommes généreux qui a toujours fait le plus d’impression — me paraît être l’homme d’une extrême soif de vengeance qui voit, tout proche de lui, la possibilité d’un assouvissement et qui, vidant la coupe jusqu’à sa dernière goutte, se satisfait déjà en imagination, de sorte qu’un énorme et rapide dégoût suit cette débauche ; — il s’élève alors « au-dessus de lui-même », comme on dit, il pardonne à son ennemi, il le bénit même et le vénère. Avec cette violation de son moi, avec cette raillerie de son instinct de vengeance, tout à l’heure encore si puissant, il ne fait que céder à un nouvel instinct qui vient de se manifester puissamment en lui (le dégoût), et cela avec la même débauche impatiente qu’il avait mise tout à l’heure à prélever dans son imagination, à épuiser, en quelque sorte, la joie de la vengeance. Il y a dans la générosité le même degré d’égoïsme que dans la vengeance, mais cet égoïsme est d’une autre qualité.

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