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A MONSIEUR LE DOCTEUR BURGGRAEVE,
ОглавлениеOfficier de l’Ordre de Léopold, Commandeur de l’Ordre du Christ de Portugal et de l’Ordre de Charles III d’Espagne, professeur émérite de l’Université de Gand (Belgique), membre titulaire de l’Académie royale de médecine de Belgique, membre honoraire et correspondant de nombreuses Sociétés savantes de tous les pays, etc., auteur de la Nouvelle méthode dosimétrique.
Cher et très-vénéré maître,
La médecine pratique voguait dans les épais brouillards de la routine, comme une barque sans pilote, comme un navire désemparé et sans boussole. Au lieu d’être une science positive, elle était une science d’augures. Elle était notoirement impuissante aux yeux du public sensé et intelligent, et, dans ces derniers temps, les plaintes étaient devenues générales. Le scepticisme avait envahi tout le corps médical et partout l’on ne rencontrait que:
«D’incrédules enfants de ce siècle sans foi»
qui se plaignaient de l’infidélité des drogues introduites dans l’organisme malade comme agents thérapeutiques. Déjà bon nombre de doctrines médicales ont essayé de réformer la thérapeutique; après avoir joui de la vogue du moment, elles ont sombré avec la mort de leurs créateurs, pourquoi? Parce qu’elles n’ont pas été sanctionnées par les faits, ces juges inflexibles des théories spéculatives, car, de même qu’on juge un arbre par les fruits qu’il donne, de même on juge de la vitalité d’une doctrine, par les résultats qu’elle fournit à la pratique.
A votre tour, vous avez cru devoir quitter votre paisible retraite pour arborer l’étendard de la foi scientifique et du progrès médical, dans l’intérêt de l’humanité et de l’agriculture. Et bien que votre grand âge, de longs services rendus à l’enseignement et des travaux importants sur la médecine, vous permettaient de jouir d’un repos justement mérité, vous avez été, en quelque sorte, sollicité d’engager la lutte pour faire triompher votre méthode dosimétrique, c’est-à-dire l’alcaloïdo-thérapie. L’utilité et la nécessité de la réforme de la thérapeutique et de la pharmacie vous étaient d’ailleurs suggérés par une longue expérience. Bien que défenseur d’une noble cause, vous avez trouvé de la résistance et de l’opposition là où vous auriez dû trouver un appui. Vous avez demandé la discussion au grand jour; votre ennemi se contentait de vous faire la guerre du silence, en prétextant que votre système était de la b.....! de l’homœopathie déguisée, du charlatanisme enfin. Il cherchait même à discréditer votre éminente personnalité. Mais vous vous attendiez à ces déboires, à ces tristesses, et, au lieu de vous laisser abattre par les intrigues de la conspiration, votre ardeur juvénile renaissait. Sans vous soucier des fatigues et des sacrifices imposés par la vie militante, vous avez continué votre œuvre de propagande, par la parole, par la plume, par le livre et par le journal, par des conférences et des congrès, et cela dans presque tous les pays. Et votre réforme a gagné du terrain; et votre œuvre a grandi, au grand désappointement des sceptiques, des incrédules et des indifférents qui, redoutant la lumière, condamnent sans lire, sans voir, sans expérimenter, et qui par erreur croient qu’il faut laisser les maladies suivre leur évolution naturelle. C’est que la vérité est lente à se faire accepter et votre réforme troublait les habitudes routinières du plus grand nombre.
Vous avez recruté toute une armée de disciples bien convaincus de la supériorité de votre méthode et qui, en alimentant votre Répertoire avec des faits et toujours des faits, n’ont qu’un but: revendiquer ce qui est l’expression de la vérité médicale et concourir, dans la mesure de leurs faibles forces, à la consolidation du grand monument scientifique que vous avez élevé à la postérité.
Si des chimistes distingués ont doté la thérapeutique d’une classe de médicaments précieux, vous avez d’abord su tirer ces prétendus poisons des bocaux où on les avait renfermés; ensuite, en étudiant l’action physiologique de ces puissants agents, vous avez fait connaître les immenses services que ces simples peuvent rendre à l’art de guérir, tant dans la médecine de l’homme que dans celle des animaux. En présentant sous la forme granulaire ces médicaments, qui sans cela seraient restés des curiosités scientifiques, vous avez mis entre les mains des médecins de véritables armes de précision, ce qui leur permet de combattre efficacement le grand ennemi de tout ce qui a vie: la maladie.
Vous avez enfin su créer la vraie thérapeutique, c’est-à-dire cette partie de la médecine qui a pour but de prévenir et de guérir.
«Principiis obsta, sero medicina paratur
Cum mala per longas invaluere moras»
Et
«Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci»
ont dit Ovide et Horace, et ils avaient bien raison.
Nous admirons l’étendue de votre savoir, l’énergie de vos convictions et votre persévérance de chef d’École. Aussi permettez-nous, cher et très-vénéré maître, de vous dédier ces pages, qui sont l’expression d’une sincère estime et d’une vive reconnaissance. Que votre enfant (la dosimétrie) prospère et grandisse, qu’il sème des germes féconds aux quatre coins de l’univers: c’est là notre souhait.
Puisse ce petit livre rallier à votre saine doctrine ceux de nos confrères qui par crainte n’ont pas encore osé toucher aux alcaloïdes!
Puissiez-vous le recommander aux praticiens dans l’exercice de leur art!
Si les médecines humaine et vétérinaire ont le même but: guérir, il y a cependant de notables différences entre elles. Car, tandis que dans l’une il s’agit de conserver la vie à n’importe quel prix, voire même au sacrifice d’une mutilation quelconque, dans l’autre, il faut guérir complètement ou sacrifier. En effet, à quoi bon de conserver à la vie un animal estropié pour la fin de ses jours et incapable de rendre aucun service? En outre, une maladie qui traîne en longueur rend improductif le capital représenté par l’animal malade, qui, pendant tout ce laps de temps, dépense de toutes manières. Enfin, un traitement trop long, en devenant dispendieux, peut aussi absorber la valeur de la bête, et le propriétaire le mieux disposé, a raison de reculer, en pareil cas, devant les frais et une guérison incertaine. Il faut aussi éviter, autant que possible, les lésions apparentes, les tares indélébiles, qui déprécient plus ou moins la marchandise animale.
Voilà des considérations qui, de tout temps, ont été imposées à la thérapeutique vétérinaire et qui ont engagé les praticiens de rechercher les moyens permettant de guérir rapidement, sûrement et économiquement. Si donc votre méthode a trouvé parmi les vétérinaires de France d’enthousiastes partisans, c’est qu’elle répondait à tous les desiderata de notre profession.
Notre petit livre sera surtout utile aux jeunes praticiens qui, à peine descendus des degrés de l’amphithéâtre, sont encore imbus des doctrines officielles, dont ils ont subi le long enseignement. Il leur servira de vade mecum et leur facilitera leur pénible métier.
Bien que nous n’ayons point la prétention d’instruire nos confrères, nous souhaitons que notre travail puisse contribuer à faire ouvrir les yeux aux maîtres distingués de nos Ecoles vétérinaires. Qu’ils fassent l’essai loyal des médicaments dosimétriques, ils pourront alors juger de quel côté est la vérité. Si le père de la médecine (Hippocrate) et le grand réformateur de la vétérinaire (Bourgelat), qui était aussi des Officiels, qui ont tant honoré la profession par leurs travaux et leur exemple, n’ont pas pu faire tout le bien qu’ils espéraient, c’est qu’il leur manquait des armes perfectionnées et assez puissantes pour juguler les maladies dès leur début.
Mais l’enseignement officiel, dont la nature propre est l’immobilité, ne saurait être qu’un obstacle temporaire au progrès. S’il repousse systématiquement les idées nouvelles et les hypothèses hardies avec une sorte d’horreur instinctive, la vérité, sanctionnée par l’expérimentation et le temps, finit peu à peu par le pénétrer, comme à son insu, et alors, ce qui, à l’origine, paraissait être une sorte d’hérésie dangereuse et damnable, finit par être inscrit au credo de la science officielle.
De tous côtés nous entendons des plaintes relatives aux difficultés croissantes des études médicales vétérinaires et au long temps qu’il faut y consacrer avant de pouvoir emporter le diplôme et s’établir. Eh bien! l’enseignement officiel, au lieu de consacrer tant de temps à dessiner et à classer les maladies, à étudier les lésions organiques; au lieu d’apprendre aux élèves une inutile histoire naturelle (Amédée Latour), ne serait-il pas plutôt de son devoir, dans l’intérêt général, de consacrer le plus de temps possible à la médecine clinique. Il convient d’apprendre aux étudiants, non à faire des autopsies, mais la science de la vie, c’est-à-dire les moyens à l’aide desquels on peut régulariser les troubles physiologiques qui impressionnent si fâcheusement le principe vital. D’ailleurs, que demande le public au vétérinaire? sinon de veiller à la santé des animaux et à la conservation de l’énorme capital représenté par ses animaux utiles à l’homme, lequel est sans cesse rançonné par des maladies ordinaires et épizootiques.
On conçoit, d’après cela, que grand doit être le rôle joué par le modeste vétérinaire dans la société, rôle dont l’importance ne fera qu’augmenter avec les années, lorsque notamment notre situation professionnelle sera améliorée par une bonne, une sage, une prévoyante et une indispensable réglementation().
Malheureusement le praticien de la campagne, en lutte constante avec les empiriques, avec ces parasites inutiles ou nuisibles qui vivent aux dépens de la société, n’est le plus souvent appelé qu’en dernier ressort, après l’intervention restée sans succès des guérisseurs; il s’ensuit naturellement que l’occasion d’enrayer la marche d’une affection aiguë ne lui est pas souvent fournie. C’est que les gens de la campagne, en général peu disposés à accepter le progrès, fut-il même économique pour eux, préfèrent se laisser exploiter par des individus complètement ignorants dans les choses de la médecine, plutôt que de croire des hommes de mérite et désintéressés. Et cette mauvaise habitude, fondée sur un motif d’économie fort mal comprise, sur l’ignorance, la routine et la superstition, n’est pas près de disparaître parmi nos populations rurales. Si les vétérinaires de la campagne végètent, si beaucoup d’entre eux tombent dans la pauvreté et même la misère, c’est qu’ils n’ont pas pu pourvoir aux besoins résultant d’infirmités précoces ou de la vieillesse, c’est qu’ils n’ont pas été à même de rendre à l’agriculture les services que celle-ci ne devrait demander qu’à leur science et à leur pratique raisonnée. Depuis fort longtemps ces déshérités de la fortune, ces victimes du devoir et du dévouement professionnels réclament, non pas un privilége, mais une protection légale, à laquelle ils ont droit de par le diplôme. Et à quoi ont servi leurs légitimes plaintes? Ils ont beau attendre le progrès; cette terre promise du bien-être semble toujours fuir devant eux et leur situation ne change pas.
Si les gouvernements ont toujours fait de l’agriculture un des principaux objets de leur sollicitude, c’est que ceux qui président aux destinées des États savent bien que la prospérité de ceux-ci dépend de la prospérité de leur agriculture. Or la terre et les animaux, c’est-à-dire l’agriculture, et la médecine vétérinaire y étant intimement liées, pourquoi le gouvernement de la République française, à l’exemple de la Belgique, de l’Angleterre, de l’Italie et de certains États allemands, refuse-t-il à celle-ci la protection et les satisfactions qu’il accorde à celle-là ; pourquoi ne veut-il pas sévir contre un fléau qui compromet les intérêts de l’agriculture et partant la fortune publique? Il faut avouer que c’est là une honte pour notre époque. C’est au Parlement qu’incombe le devoir de la faire disparaître, en portant remède au mal que nous lui signalons; nous avons la ferme espérance qu’il ne faillira pas à cette tâche. Et la vétérinaire saura bien prouver, par les travaux de ses membres, que, loin d’être un état d’abaissement et un art grossier pouvant être exercé par le premier venu, elle est digne d’occuper une place honorable dans la série des sciences.
Pardonnez-nous, cher maître, d’être entré dans ces considérations; mais nous avions à cœur d’exprimer ici les justes revendications de notre Corps professionnel.
Veuiller agréer, cher et très-vénéré maître, l’expression de notre respectueuse considération et de notre dévouement.
P. RENIER.
G. GSELL.