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Tout le monde saura gré aux éditeurs des Romans champêtres d’avoir pensé à rassembler sous un même titre et dans un même format ces chastes et beaux livres. Ils forment tout naturellement une œuvre à part, et dans l’œuvre même de leur auteur, et dans notre littérature contemporaine. Le goût public avait depuis longtemps indiqué, et, en quelque sorte, demandé une édition qui fît, de toutes ces fleurs, un bouquet. La faveur exceptionnelle et constante avec laquelle il avait accueilli ces charmantes églogues séparées, disséminées dans les diverses éditions des œuvres complètes de George Sand, était une garantie de la façon dont il les accueillerait réunies. Le nombre est si rare des livres que tous peuvent lire avec fruit et avec joie, des livres qui méritent le doux nom de livres de famille et qu’on peut accepter comme classiques du vivant même de leur auteur, que présenter ainsi aux lecteurs délicats le bon grain sans l’ivraie ne pouvait être qu’une entreprise heureuse et méritoire.

Les Romans champêtres sont les premiers d’une bibliothèque de Livres et de Romans moraux que préparent leurs éditeurs. Ils méritaient de tenir ce premier rang dans une collection destinée à prendre place dans toutes les maisons où l’on sait que l’amour du beau ne se sépare pas de l’amour du bon et de l’honnête.

Les Romans champêtres de George Sand resteront, de l’aveu de nos critiques les plus difficiles et de l’aveu du vrai prince des critiques, de l’aveu du public tout entier, comme les modèles accomplis du genre qu’ils ont révélé. Paul et Virginie lui-même, le livre type de la candeur, est d’un souffle cependant moins pur et moins ferme. Le roman de Bernardin de Saint-Pierre n’est que le roman de l’innocence; le récit touchant qui nous apprend à connaître et à aimer la petite Marie et le laboureur Pierre en est l’histoire même. C’est la réalité champêtre dans sa plus noble et sa plus simple image.

Ces pages touchantes n’ont pu éclore qu’à la saine clarté du soleil. Elles se détachent sur tout ce qu’on a lu comme un rayon de pure lumière. C’est véritablement un bain d’air et de rafraîchissante rosée pour l’âme, que la calme et sereine lecture de ces récits, tout parfumés de la vraie senteur des champs. On y sent, non pas l’éphémère empire de cette fantasque et maladive passion de la campagne qui pousse parfois le Parisien surmené à fuir dans le silence des forêts le tumulte de ses rues, mais la fortifiante influence de cet amour sincère, profond et respectueux des choses de la nature que connaissent seules les âmes à qui toutes les grandeurs de la terre et des cieux ont été de bonne heure familières, et qui ont su dès l’enfance le prix des libres horizons.

On comprend que la main qui a peint ces pendants aux antiques Bucoliques appartient tout entière aux tableaux qu’elle reproduit, que la sérénité de la campagne a ému le cœur et gagné l’âme de l’artiste, qu’il a tout oublié hormis les paisibles scènes qui se déroulent sous son regard charmé, qu’il a le culte de l’ouvrage de Dieu, qu’il chérit les mœurs naïves qu’il décrit, et que, si des influences extérieures ne l’en eussent éloigné, il eût pu vivre tous les jours de sa vie dans ces lieux que son âme n’a jamais sans doute quittés tout à fait.

Romans champêtres

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