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2 La nature des concepts: y-a-t-il des concepts contre nature?

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Le souci de scientificité dans les Sciences Humaines, en général, et dans la DL, en particulier, a souvent poursuivi le rêve de se voir bâtir un sens unique pour leurs concepts, en tant que signe de rigueur et d’indépendance par rapport aux disciplines affines (Holtzer 1995). Toutefois, comme nous le rappelle G. Kleiber (1990), ces sens uniques mènent assez souvent à des impasses, puisqu’ils restent fréquemment en marge des problématiques qu’ils cherchent à cerner. C’est dans ce cadre, et parce que la nature des problématiques didactiques couvertes par le concept « Intercompréhension » a évoluée, que le concept lui-même s’est vu attribuer de nouvelles ou complémentaires acceptions (Gueidão et al. 2009; Jamet 2009; Melo & Santos 2008). Comme l’affirme G. Holtzer, « le lien entre la vie des mots et l’histoire de la société est un fait reconnu » (1995, 7). Ainsi, nous pouvons conclure que l’IC est, à chaque reprise dans le discours des chercheurs, à différentes époques, un terme qui contient à la fois de l’ancien et du nouveau (ceci ne mettant pas fin à l’ancien), pouvant être un concept auquel il semble prometteur d’additionner de nouveaux glissements sémantiques, pour augmenter ses possibilités heuristiques.

L’IC est à présent étudiée sous plusieurs perspectives (en tant que compétence ou compétence partielle, en tant que stratégie,…), dans plusieurs contextes (compréhension orale et écrite, interaction verbale, dans et dehors de familles linguistiques) et comme étant capable de développer de multiples sphères attachées à l’éducation linguistique (l’éveil aux langues et « language awareness », la compétence plurilingue et interculturelle, l’autonomie dans l’enseignement-apprentissage, la motivation, …). Cette richesse et variété, où l’on peut voir, en quelque sorte, une « auberge espagnole » (Tost 2009, 20), peuvent être analysées sous deux perspectives:

 l’une plutôt pessimiste, ancrée sur une vision mono- des concepts et des conceptions, que l’on pourrait résumer comme suit: « If our concepts become too general, they may be subject to ‹theoretical vaporization›. They may suffer from ‹defective denotation›, in that they cease to offer productive empirical differentiation » (Collier & Gerring 2009, 3, sur la pensée de G. Sartori sur les concepts et la méthodologie);

 l’autre plus constructive, qui envisage l’ambiguïté en tant qu’opportunité de développement conceptuel et empirique, à la lumière d’un paradigme de la complexité et d’une perspective écologiste des concepts: « l’histoire à venir de ce concept, au service de la DL, implique l’acceptation de sa richesse et l’exploitation de ses subtilités et des parcours qu’il intègre » (Gueidão et al. 2009, 62).

Il est possible de reconnaître l’IC en tant que concept « équivoque » et « flottant », si nous suivons une perspective immanente du langage reposant sur les sens uniques et la chimère de l’objectivité, qui semblent être à la base des déclarations suivantes:

« The lower the discrimination power of a conceptual container, the more facts are misgathered, i.e., the greater the misinformation » (Sartori 1970; republié 2009, 20);

« Concepts are not only elements of a theoretical system, but equally tools for fact-gathering, serving as data containers » (idem, 36).

Prenant appui sur ces mots, nous pourrions nous interroger: si les concepts sont peu clairs, s’ils sont toujours soumis à « conceptual stretching1 » (idem, 16), comment peuvent les chercheurs sélectionner leurs objets d’étude et leurs méthodologies de travail ? Comment peuvent-ils comparer et évaluer leurs travaux? Comment peut-on légitimer leurs résultats ?

Plusieurs de ces questions, que l’on reconnaît comme valides au sein d’un paradigme de recherche précis et issu des Sciences (dites) Exactes, peuvent cependant être surmontées à l’aide d’une perspective émique appliquée à la recherche et aux chercheurs. Cette perspective, qui a été conceptualisée en tant que choix méthodologique permettant la prise en compte des sujets étudiés, montre

« the importance of taking into account [not the view of the researcher defining competence from above, but] the local operations of the participants toward their definition of mutual competence, of locally available resources, of actually possible choices, of situated and emerging categorizations of speakers, situations, troubles and tasks » (Mondada 2004, 19).

Si nous appliquons cette perspective aux chercheurs eux-même (comme l’ont fait Gueidão et al. 2009), compris en tant que participants actives à la recherche, cela signifie que tous les chercheurs portent en soi des intuitions « informées » sur leurs objets et concepts de recherche et sur leurs potentialités et limitations. En conséquence, pour apprécier la façon dont ils comprennent l’IC en DL et leurs façons de travailler avec elle, il faut reconnaître que les représentations des chercheurs, leurs instincts avisés, ainsi qu’un certain sens d’opportunité (faut-il rappeler, notamment, les conditions qui cadrent la recherche en Europe ?), influencent les cheminements de recherche (Gueidão et al. 2009). Dans ce sens, la fluidité des frontières conceptuelles de l’IC serait à la base même de la diversité de points de vue et de l’évolution de la DL et aurait un effet démultiplicateur d’objets d’étude et de méthodologies de travail.

Dans ce sens, l’IC a un sens, mais il est multiple (Kleiber 2008). Nous pouvons, en effet, dire que le concept d’IC a, actuellement, une « carrière » et une « valeur sociale » (Gentilhomme 1997; Holtzer 1995, 6) et scientifique et qu’il s’est installé au sein d’une communauté de recherche, à l’aide de la politique linguistique de l’UE, et qu’il façonne, de nos jours, l’« imagination scientifique » des chercheurs (Kuhn 1995, 25) et leurs « habitus » de recherche (Bourdieu 1982). Dans ce sens, l’évolution et la complexification du concept sont marquées par « l’horizon scientifique » de ses chercheurs (la Didactique des Langues et du plurilinguisme) et elles participent au changement de la biographie épistémologique de la discipline (Pinho et al. 2009). Le fait même que le mot « intercompréhension » existait déjà et qu’il s’est vu accéder au statut de « signe idéologique et épistémologique », nous montre comment le contexte politique et linguistique était prêt à le recevoir (Holtzer 1995).

Pour conclure et prenant appui sur cette argumentation à propos de la nature des concepts en DL, nous affirmons que l’IC n’est pas un concept contre-nature : il se situe dans un paradigme scientifique non-positiviste, qui reconnaît, d’un côté, la subjectivité dans la compréhension des phénomènes sociaux, et, de l’autre, l’instabilité des sens attribués aux réalités à travers de concepts situés et modelés par théories, modèles et paradigmes. Et si les concepts sont instables, quoi dire de ceux-ci ?

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