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IV

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Eh quoi! c'était là Carmelita!

Quelle différence entre la réalité et ce qu'il savait ou plutôt ce qu'il croyait savoir d'elle!

Que de fois lui avait-on répété le mot de la fable: «Belle tête, mais point de cervelle!»

Assurément ceux qui parlaient ainsi ne la connaissaient point, ou bien c'était la jalousie et l'envie qui les inspiraient.

Non seulement il y avait quelque chose dans cette cervelle, mais encore il y avait de nobles sentiments dans ce coeur.

Si l'on s'était trompé sur son intelligence, ne pouvait-on pas aussi s'être trompé de même sur son caractère?

Pour lui, qui venait d'éprouver combien cette intelligence était différente de ce qu'il avait cru tout d'abord et de ce qu'on lui avait dit, il était tout porté à ne pas admettre un jugement plus que l'autre.

En raisonnant ainsi, il marchait derrière Carmelita, et, depuis qu'ils avaient quitté la place où ils avaient déjeuné, il ne lui avait pas adressé d'autres paroles que quelques mots insignifiants pour la guider.

Tout à coup il la rejoignit et lui prenant la main il la posa sur son bras.

Ce mouvement s'était fait si vite et d'une façon si brusque, si imprévue, qu'elle s'arrêta et le regarda avec stupéfaction.

—Le chemin devient difficile, vous pourriez glisser. Appuyez-vous sur moi.

Elle fit ce qu'il demandait et doucement elle se serra contre lui, mais sans bien comprendre à quel sentiment il avait obéi.

Bien entendu, il ne lui donna pas d'explications, car il était assez difficile de dire que quelques instants auparavant, il était en défiance contre elle, tandis que maintenant il était rassuré.

Artiste, elle ne lui inspirait que de la sympathie.

Jeune fille à marier, elle lui faisait peur.

Désormais il pouvait, pendant le temps qu'elle passerait au Glion, vivre librement près d'elle.

Il n'avait plus besoin d'abréger son séjour en Suisse.

Pendant tout le reste de la journée et tant que dura leur promenade, c'est-à-dire jusqu'au soir, Carmelita fut frappée du changement qui s'était fait en lui, dans son humeur, dans ses manières, comme dans ses paroles.

Jamais elle ne l'avait vu si aimable, en prenant ce mot dans le bon sens.

Il parlait de toutes choses, au hasard, librement, sans éviter certains sujets et sans réticences.

Lorsque leurs regards se croisaient, il ne détournait point la tête, mais il restait les yeux levés sur elle.

En tout il la traitait comme une amie, comme une camarade.

Ce fut seulement quand la nuit commença à monter le long des montagnes qu'ils pensèrent à rentrer. Peu à peu ils s'étaient rapprochés de l'hôtel; mais sans souci de l'heure du dîner, ils étaient restés assis dans un bois de sapins, causant, devisant, jouissant à deux du spectacle du soleil couchant.

Jusque-là il y avait un mot qui s'était présenté plusieurs fois sur ses lèvres et qu'il avait toujours retenu, mais qu'il se décida alors à risquer.

Comme l'ombre avait commencé à brouiller les choses et à rendre le sentier qu'ils suivaient incertain, il lui avait de nouveau pris la main, et de nouveau elle avait marché près de lui en s'appuyant sur son bras.

—Et quand voulez-vous mettre votre projet à exécution? demanda-t-il.

—Je ne sais trop. Tout est bien arrêté dans mon esprit, la date seule de mon départ n'est point fixée; car vous pensez bien que je n'ai pas d'engagement signé qui me réclame, et puis la saison n'est pas bonne pour les théâtres, qui, la plupart, sont fermés. Enfin il m'en coûte de me dire: Tel jour, à telle heure, je ne verrai plus ma mère ni mon oncle.

A ce mot, elle s'arrêta, la voix troublée par l'émotion.

Et il la sentit frémissante contre lui.

Mais bientôt elle reprit:

—Je balancerai peut-être assez longtemps encore ce départ; en tout cas, il aura lieu certainement avant celui de mon oncle. Quand je verrai ma mère rétablie,—car j'espère qu'ici elle va se rétablir promptement,—quand on parlera de rentrer à Paris, alors je partirai, et bien entendu, on ne rentrera pas à Paris. C'était pour moi, pour mon mariage, que mon oncle et ma mère habitaient Paris; quand ils n'auront plus le souci de ce mariage, ils retourneront à Belmonte, et j'aurai la satisfaction de penser que ma fuite a, de ce côté, ce bon résultat encore d'assurer la santé de ma mère. Seulement, pour que tout cela s'arrange dans la réalité, comme je le dispose en imagination, il faut que vous soyez au Glion vous-même, au moment où je me séparerai de mes parents. En me demandant quand je partirai, vous devez donc commencer par me dire, quand vous comptez partir vous-même.

—Mais je n'en sais rien.

—Alors je ne sais moi-même qu'une chose, c'est que mon départ précédera le vôtre de quelques jours. Prévenez-moi donc quand vous serez prêt.

—Et d'ici là?

—Quoi! d'ici là?

—Je veux dire: ne continuerons-nous pas ces promenades commencées aujourd'hui?

—Oh! avec bonheur; avec bonheur pour moi, je veux dire. Seulement ne vont-elles pas vous ennuyer? Je vous ai demandé déjà un assez grand service pour ne pas abuser de vous. Mon oncle prétend que vous aimez la solitude; est-ce vrai?

—Cela dépend.

—De quoi?

—Du moment, et surtout de ceux qui rompent cette solitude. Il y a des heures où j'aime mieux être avec moi-même qu'avec certaines personnes, et il y en a d'autres où j'aime mieux être avec certaines personnes que seul avec moi-même.

—Alors nous sommes dans une de ces heures!

—Vous êtes de celles qui....

—Comment! s'écria-t-elle en riant, vous me feriez un compliment, vous?

Ils arrivaient à l'hôtel.

—Vous plaît-il que demain nous fassions l'ascension de la dent de Naye? dit-il.

—Mais volontiers, puisque je suis une de ces personnes qui... et que nous sommes dans une de ces heures où....

—Alors à demain.

—C'est entendu, seulement demandez-moi à mon oncle.

Quand le prince Mazzazoli entendit parler de cette nouvelle promenade, il poussa les hauts cris et s'indigna contre sa nièce.

—Mais cette enfant est l'indiscrétion même; je vous en prie, mon cher ami, ne cédez pas à ses caprices.

Puis tout à coup s'interrompant:

—Quand quittez-vous le Glion?

—Mais je ne sais trop.

—Alors je refuse mon consentement à cette promenade je ne veux pas que ma nièce vous gâte vos derniers jours passés au Glion et arrive ainsi à abréger votre séjour, ce qu'elle ferait assurément.

La discussion continua; mais, comme la première fois, le prince finit par se rendre aux raisons du colonel ou plutôt par céder à ses instances.

La promenade du lendemain eut lieu.

Puis après celle-là ils en firent une troisième, après cette troisième, une quatrième, une cinquième, et il devint de règle que chaque jour ils sortaient tous deux pour aller faire une excursion dans la montagne tantôt avant le déjeuner, tantôt après.

Ida et Carmelita

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