Читать книгу Anie - Hector Malot - Страница 8

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Après un moment de silence il tendit la main à sa fille :

— J'aurais voulu ne pas t'attrister, dit-il, mais c'est plus fort que moi ; je ne peux pas ne pas penser à cette mort sans une sorte d'anéantissement, comme je ne peux pas me voir condamné à rester ici sans révolte ; et pourtant, tu sais si je suis un révolté. Depuis vingt ans j'ai terriblement souffert de la pauvreté, mais jamais à coup sûr autant qu'en cette soirée, en t'entendant parler de ton mariage, comme tu l'as fait tout à l'heure, et maintenant en restant là impuissant… Ah ! ma chère enfant, qu'on est malheureux, humilié dans sa dignité, atteint au plus profond de sa tendresse de ne pouvoir rien pour ceux qu'on aime ! Et c'est là mon cas : à la même heure je te vois prête à te jeter dans le mariage comme dans le suicide parce que, misérables que nous sommes, tu désespères de l'avenir ; et d'autre part je ne peux pas davantage donner à mon frère un dernier témoignage d'affection. Ah ! misère, que tu es dure à ceux que tu accables !

Il s'arrêta, et, attirant sa fille, il l'embrassa :

— Comprends-tu qu'il n'y a rien à me dire, et que, si mes yeux sont attristés, ce n'est pas ma faute ?

Un bruit de voix se fit entendre dans la salle.

— Va recevoir tes invités, dit-il, moi je monte m'habiller.

Anie

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