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INTRODUCTION.

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Table des matières

Tous les êtres vivants sont susceptibles de subir certaines modifications vitales, par l’influence de certains agents qui leur sont extérieurs. Les physiologistes ont donné le nom de sensibilité à la faculté, à la propriété vitale, en vertu de laquelle a lieu cette influence des causes extérieures sur l’être vivant. Ce que nous appelons sentir ne se peut guère définir; chacun sait ce que c’est par sa propre expérience. Ce sont nos sensations qui nous donnent la conscience de l’existence, qui font que nous avons un moi. Toutes les fois que nous observerons, dans un être vivant, des preuves bien certaines qu’il possède la conscience de l’existence, nous pourrons affirmer, par cela même, qu’il possède la sensibilité ; nous serons autorisés à lui refuser cette faculté lorsqu’au contraire il nous sera bien démontré qu’il ne possède point la conscience de son existence individuelle. Les végétaux sont dans ce dernier cas: personne, je pense, ne sera tenté de leur accorder un moi, et par conséquent des sensations; cependant ils manifestent souvent, par les mouvements qu’ils exécutent à l’occasion de l’influence de certaines causes extérieures, qu’il se passe chez eux un phénomène analogue, à celui que l’on appelle sensation chez les animaux. Les physiologistes de l’école de Bichat considèrent ce phénomène comme appartenant à la sensibilité que cet auteur nomme organique; sensibilité d’une nature particulière, qui n’est point une source de sensations, et qui existe de même dans les organes intérieurs des animaux. Chacun connaît la distinction que Bichat a établie de deux vies, l’une animale, l’autre organique, chez les animaux. Selon ce physiologiste, ces deux vies possèdent chacune une sensibilité particulière: la sensibilité animale est la seule qui soit une source de sensations; la sensibilité organique n’en procure aucune. Or, si l’on prétend que, dans l’exercice de la sensibilité organique, la sensation est bornée à la partie sur laquelle agit la cause qui la met en jeu, on est conduit par cela même à admettre dans cette partie des sensations individuelles et un moi particulier. Le corps d’un animal devient de cette manière un assemblage d’êtres qui ont tous leurs sensations, leurs appétences, leurs aversions particulières. Cette théorie entraîne nécessairement l’idée d’un moi particulier, d’une volonté particulière dans chaque organe. Cette hypothèse est évidemment inadmissible. On ne peut véritablement point dire que les organes qui ne procurent jamais de sensations aient de la sensibilité ; cependant les organes intérieurs des animaux exécutent des mouvements sous l’influence de certaines causes qui leur sont extérieures; ils ont donc une propriété vitale analogue à la sensibilité. Ces conséquences contradictoires prouvent que c’est à tort que l’on se sert en physiologie du mot sensibilité. Que l’on supprime ce mot, lequel ne réveille que des idées, purement morales, et qu’on le remplace par une expression qui représente la nature matérielle du phénomène en question, et toutes les difficultés disparaîtront-à cet égard. Nous pouvons trouver cette expression nouvelle dans l’étude de la manière dont nos sensations sont produites. Les agents extérieurs, lorsqu’ils nous font éprouver des sensations, produisent une modification d’une nature quelconque dans les sens sur lesquels ils agissent; il y a par conséquent production d’un mouvement particulier; l’organe est remué. Nous ignorons quelle est la nature de ce mouvement, mais, son existence n’en est pas moins incontestable. Ce mouvement est transmis, par le canal des nerfs, au cerveau, siége unique du moi, et par conséquent des sensations. Je donne à ce phénomène de mouvement, produit dans les sens par les agents du dehors et transmis par les nerfs, le nom de nervimotion, et à la propriété vitale en vertu de laquelle il a lieu, le nom de nervimotilité ; je donne aux agents extérieurs qui sont susceptibles de produire la nervimotion, le nom d’agents nervimoteurs. La nervimotion est un phénomène purement physique; il précède constamment le phénomène moral de la sensation, mais il n’en est pas toujours suivi: ainsi nos organes intérieurs possèdent la nervimotilité, ils éprouvent la nervimotion; mais il n’en résulte point de sensation, comme cela a lieu pour nos organes extérieurs; ceci tient à des secrets particuliers de la vie. Cette distinction étant une fois bien établie entre les phénomènes moraux et les phénomènes physiques, la science de la vie devient plus simple et plus facile; elle peut même devenir une science exacte. Il était impossible d’appliquer des mesures à la sensibilité et à la sensation, tandis que la nervimotilité et la nervimotion sont susceptibles de mesures, comme tous les phénomènes physiques. Je le répète, ce n’est qu’en bannissant de la physiologie toutes les expressions qui n’éveillent que des idées morales, qu’on se mettra sur la voie de lui faire faire de nouveaux progrès. La nature de la sensibilité, comme celle de la sensation, est totalement inaccessible à notre investigation. Notre faculté de sentir est celle à l’aide de laquelle nous connaissons, il nous est par conséquent impossible de la connaître elle-même. Il est donc contraire à la saine raison, à la bonne philosophie, de placer dans une science d’observation, telle que la physiologie, celui de tous les phénomènes de la nature qui est le plus nécessairement soustrait à nos recherches; l’étude de la sensibilité et de la sensation appartient exclusivement à la psychologie.

La vie, considérée dans l’ordre physique, n’est autre chose qu’un mouvement: la mort est la cessation de ce mouvement. Les êtres vivants nous offrent diverses facultés de mouvement; à leur tête est la nervimotilité, faculté d’éprouver certaines modifications, certains changements dans leur être, par l’influence de certains agents du dehors, ou des agents nervimoteurs. Ce premier mouvement, qui est invisible, est la source des mouvements visibles qu’exécutent les parties vivantes. La faculté d’exécuter ces mouvements qui déplacent les parties peut recevoir le nom de locomotilité : elle offre deux mouvements opposés, la contraction et la turgescence. Toutes ces facultés de mouvements se rattachent à une seule faculté générale, que je désigne sous le nom de motilité vitale: c’est la vie elle-même.

La motilité vitale nous offre, chez tous les êtres vivants, les mêmes phénomènes principaux. Partout il y a nervimotilité, et par conséquent nervimotion sous l’influence des agents nervimoteurs; partout aussi il y a locomotilité ou faculté de changer la position des parties. Les végétaux offrent, comme les animaux, ces deux facultés de mouvement; mais elles sont, chez eux, bien moins énergiques, bien moins développées. Il est fort peu de végétaux dont les parties soient susceptibles d’exécuter ces mouvements brusques, rapides qui, tels que ceux que l’on observe chez la sensitive, frappent d’étonnement par leur ressemblance avec les mouvements des animaux; mais tous les végétaux ont la faculté de donner une direction spéciale à leurs diverses parties, et cette faculté se rattache aux lois générales de la motilité vitale, ainsi que cela sera démontré dans le cours de cet ouvrage. L’étude des fois qui président à la motilité vitale est, chez les animaux, d’une difficulté peut-être insurmontable, à raison de l’extrême complication des causes, tant intérieures qu’extérieures, qui peuvent influer sur l’état de cette motilité. L’étude, à cet égard, se simplifie beaucoup chez les végétaux, et c’est probablement à eux seuls que l’on devra la solution des principaux problèmes de la science de la vie. Les secrets de cette science sont disséminés dans tout le règne organique; aucun être en particulier et même aucune classe d’êtres ne fournit les moyens faciles d’apercevoir tous ces secrets. Le physiologiste doit donc interroger tous les êtres vivants sans exception: chacun d’eux lui dira son mot; chacun d’eux soulèvera à ses yeux une portion particulière du voile dont la nature couvre ses mystères; et c’est de l’universalité de ces recherches que sortira la connaissance complète des phénomènes de la vie.

La structure intime des animaux et des végétaux et leur mobilité

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