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OBSERVATIONS SUR L’ANATOMIE DES VÉGÉTAUX, ET SPÉCIALEMENT SUR L’ANATOMIE DE LA SENSITIVE ( mimosa pudica. L.).

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L’anatomie végétale, étudiée avec le plus grand soin par les observateurs les plus exercés, est certainement arrivée au dernier degré de perfection auquel il soit possible de la conduire par les moyens mis en usage pour cette étude. Que pourrait-on, en effet, attendre de nouveau de l’observation microscopique des organes des végétaux, après les recherches de Leuwenhoeck, de Grew, de Malpighi, d’Hedwig; après les travaux récents de messieurs Mirbel, Link, Tréviranus, Sprengel, etc.? On doit penser qu’après de pareils observateurs il y a bien peu de chose à faire, à moins que l’on ne trouve de nouveaux moyens d’investigation. Bien persuadé de cette vérité, j’ai cherché, par des essais nombreux, à rendre plus facile qu’elle ne l’a été jusqu’à ce jour l’étude de l’anatomie végétale, et j’y suis parvenu au moyen d’un procédé bien simple. Le plus grand obstacle que la nature ait mis à l’étude des organes intérieurs des végétaux n’est pas leur extrême petitesse; c’est la difficulté d’isoler ces petits organes les uns des autres pour les étudier séparément. Leur forte adhérence mutuelle rend cet isolement presque impossible; de plus, ces organes sont opaques pour la plupart, ce qui augmente la difficulté de leur observation, qu’on ne peut faire qu’avec le secours du microscope. J’ai essayé divers moyens pour remédier à ce double inconvénient, et j’en ai trouvé un qui a parfaitement rempli le but que je me proposais. Je place un fragment du végétal que je veux étudier dans une petite fiole remplie d’acide nitrique, et je plonge cette fiole dans l’eau bouillante. Par cette opération, les parties qui composent le tissu végétal perdent leur agrégation et deviennent transparentes, ce qui facilite singulièrement leur étude. En même temps les trachées et les autres vaisseaux se remplissent d’un fluide aériforme, ce qui leur donne au microscope un aspect tout particulier, et fournit un nouveau moyen pour les observer. On sent qu’il ne faut pas que cette opération soit poussée trop loin, car le tissu végétal serait tout-à-fait désorganisé : c’est à l’observateur à limiter le temps que le végétal doit rester dans l’acide nitrique, et cela selon la délicatesse plus ou moins grande de son tissu. Moins l’ébullition est prolongée, mieux cela vaut: en général, il ne faut pas attendre que le tissu végétal soit devenu tout-à-fait transparent, et qu’il se divise spontanément. Avant cette époque de dissolution, il est déjà devenu facile à déchirer dans l’eau avec des pinces, et ses éléments organiques dissociés sont devenus très faciles à étudier. Pour faire cette observation, je place dans l’eau, contenue dans un cristal de montre, des fragments aussi petits qu’il est possible de se les procurer par la division mécanique, et je les soumets au microscope.

C’est le désir de connaître l’anatomie particulière de la sensitive ( mimosa pudica L.) qui m’a engagé dans ces recherches, que j’ai étendues ensuite à beaucoup d’autres végétaux. Ce sera donc l’anatomie de cette plante qui me servira de texte. J’y rattacherai des considérations sur l’organisation des autres végétaux, lorsque cela me paraîtra nécessaire pour éclaicir des points obscurs, et résoudre certaines questions.

Je commencerai l’étude anatomique de la sensitive par l’examen de la moelle. Elle est, comme celle de tous les végétaux, entièrement composée de tissu cellulaire. Les cellules qui la composent offrent une forme hexagonale assez régulière dans quelques endroits, et, dans d’autres, leur forme est tout-à-fait irrégulière; en général, elles sont disposées en séries longitudinales. Grew a comparé le tissu cellulaire à l’écume d’une liqueur en fermentation, et M. Mirbel adopte cette comparaison, qui s’accorde parfaitement avec la manière dont il considère le tissu cellulaire. En effet, il admet que les cellules ont une paroi commune là où elles se touchent, en sorte qu’elles seraient pratiquées dans un tissu membraneux continu; mais l’observation infirme cette assertion. En effet, lorsqu’on soumet à l’ébullition dans l’acide nitrique la moelle de la sensitive ou celle de tout autre végétal, on voit toutes les cellules se séparer les unes des autres, et se présenter comme autant de vésicules complètes qui conservent leur forme, laquelle leur avait été donnée par la compression que les cellules voisines exerçaient sur elles: ainsi, partout où deux cellules se touchent, la paroi qui les sépare offre une double membrane. On voit d’après cela que la comparaison du tissu cellulaire à l’écume manque tout-à-fait de justesse. /

Dans la moelle de la sensitive, chaque cellule porte plusieurs corpuscules arrondis, opaques dans leurs bords, et transparents dans leur milieu. (Fig. 1.) Ces petits corps à demi opaques, et percés, en’apparence, dans leur milieu, ont été observés dans le tissu cellulaire de beaucoup de végétaux par M. Mirbel: il les considère comme des pores environnés d’un bourrelet opaque et saillant. L’observation de la moelle de la sensitive ne me permettait guère d’admettre cette assertion; en effet, le tissu cellulaire dont elle est composée est incolore et d’une transparence parfaite, tandis que le trou prétendu qui est au centre des petits corps dont il est ici question transmet à l’œil une lumière verdâtre. Il me parut que ces petits corps n’étaient autre chose que des petites cellules globuleuses, remplies d’une matière verdâtre transparente, lesquelles, en leur qualité de corps sphériques transparents, rassemblaient les rayons lumineux dans un foyer central, et devaient, par conséquent, paraître opaques dans leur pourtour. Chacun sait que tel est l’effet de la réfraction des rayons lumineux par les corps transparents sphériques ou lenticulaires. Ce soupçon s’est changé en certitude par l’observation de l’effet que produit l’acide nitrique sur ces corpuscules transparents: en effet, lorsqu’on fait chauffer la moelle de la sensitive dans cet acide, les cellules acquièrent une grande transparence, et les corpuscules dont il est ici question deviennent complètement opaques; leur centre ne transmet plus aucun rayon de lumière. Cette observation prouve d’une manière incontestable que les petits corps qui sont situés sur les parois des cellules ne sont pas des pores environnés d’un bourrelet opaque, comme le pense M. Mirbel, mais que ce sont véritablement des petites cellules globuleuses, remplies d’un fluide qui est concrété et rendu opaque par l’acide nitrique. On sait que les fluides qui ont été concrétés par les acides sont ordinairement dissous et fluidifiés de nouveau par les alkalis. Il était important de savoir si ce phénomène chimique se manifesterait par rapport aux corpuscules concrétés de la moelle de la sensitive. J’ai donc placé sur une lame de verre quelques fragments de cette moelle dont les corpuscules étaient devenus opaques par l’action de l’acide nitrique; je les ai couverts d’une grosse goutte de solution aqueuse de potasse caustique, et j’ai présenté la lame de verre avec précaution à la flamme d’une lampe à esprit de vin, afin que la chaleur favorisât la dissolution. Au bout de quelques minutes, ayant examiné ce tissu cellulaire au microscope, j’ai trouvé tous les corpuscules transparents dans leur milieu, avec une teinte verdâtre, comme cela avait lieu dans l’état naturel: ainsi il est évident que l’alkali avait dissous et rendu transparent le fluide que l’acide avait concrété et rendu opaque. Cette double expérience, qui sera répétée souvent dans la suite de cet ouvrage, ne permet donc plus de douter que les corpuscules arrondis dont il est ici question ne soient, comme je l’ai dit plus haut, de petites cellules globuleuses remplies d’un fluide concrescible par les acides et soluble dans les alkalis. Il n’y a point de végétal dont le tissu cellulaire ne soit muni avec plus ou moins d’abondance de ces petites cellules globuleuses, qui sont situées dans l’épaisseur des parois des grandes cellules; nous verrons plus bas qu’on les trouve aussi à la surface de certains tubes végétaux. Quelle est la nature, quels sont les usages de ces corpuscules globuleux vésiculaires? c’est ce qu’il est impossible de déterminer par l’étude des seuls végétaux. Ce n’est que l’étude comparée de la structure intime des animaux qui peut ici nous fournir des lumières. Les recherches microscopiques de plusieurs observateurs, recherches qui seront exposées plus bas, ont appris que tous les organes des animaux sont composés de corpuscules globuleux agglomérés. Il est évident que ces corpuscules sont les analogues de ceux que nous venons d’observer dans le tissu organique des végétaux, chez lesquels ils sont infiniment moins nombreux qu’ils ne le sont chez les animaux. Cette observation nous montre une certaine analogie de structure organique entre les végétaux et les animaux, mais elle ne nous éclaire point sur les fonctions de ces petits organes globuleux. Comme ils composent tous les organes des animaux, cela prouve que ce n’est point de leur forme qu’il faut tirer des inductions pour déterminer leurs fonctions; mais, chez les animaux, la nature chimique de ces corpuscules globuleux n’est point partout la même. Ainsi, ceux qui composent les muscles sont solubles dans les acides, tandis que ceux qui composent le système nerveux sont insolubles dans ces mêmes acides, mais seulement solubles dans les alkalis. Or, telle est aussi la nature chimique des corpuscules globuleux que l’on observe dans les végétaux, ainsi que nous venons de l’exposer. Ceci peut donc autoriser à penser que ces corpuscules globuleux sont des organes nerveux, ou plutôt que ce sont les éléments épars d’un système nerveux diffus, ou qui n’est point réuni en masses, comme il l’est chez les animaux. Cette considération, appuyée sur l’analogie de la nature chimique des corpuscules globuleux, est encore fortifiée par l’observation de la structure intime du système nerveux de certains animaux: ainsi, chez les mollusques gastéropodes, la substance médullaire du cerveau est composée de cellules globuleuses agglomérées, sur les parois desquelles il existe une grande quantité de corpuscules globuleux ou ovoïdes, comme on le voit dans la figure 20. Ces corpuscules, de couleur blanche, sont évidemment de très petites cellules remplies de substance médullaire nerveuse; elles sont situées sur les parois des grandes cellules qui contiennent une substance demi-transparente. La similitude de cette organisation avec celle du tissu cellulaire médullaire des végétaux est évidente: nous voyons ici de même de petites cellules globuleuses, remplies de substance concrescible par les acides, et situées sur les parois des grandes cellules. Cette analogie très remarquable de structure qui existe entre le tissu cellulaire médullaire des végétaux et la substance du cerveau des mollusques est donc une analogie de plus, qui sert à étayer l’opinion que nous venons d’émettre sur la nature et sur les fonctions des corpuscules végétaux que nous considérerons comme des molécules nerveuses éparses sur les parois des cellules; et, en effet, les phénomènes singuliers que présentent les végétaux irritables ne permettent guère de douter qu’il n’y ait chez eux quelque chose d’analogue aux fonctions que remplit le système nerveux chez les animaux. Ces phénomènes tendent, par conséquent, à prouver qu’il y a chez les plantes, sinon un système nerveux, au moins quelques éléments de ce système. On sent qu’il serait impossible de trouver un plus grand nombre de preuves tirées de l’analogie entre les animaux et les végétaux, pour établir, chez ces derniers, l’existence des éléments du système nerveux. L’immense distance qui sépare ces deux classes d’êtres ne laisse subsister entre elles aucune de ces analogies empruntées de la forme générale et de la position des masses qui nous servent, dans l’anatomie comparée des animaux, à déterminer la nature des organes. Déjà ces analogies ont disparu graduellement chez les zoophytes; il ne reste, chez les végétaux, lorsqu’on veut les comparer aux animaux, que les analogies empruntées de la forme, de la position, et de la nature chimique des particules qui composent le tissu organique. Lors donc que nous avons saisi ces analogies des particules, nous avons saisi tout ce qu’il y a de comparable dans la structure organique des végétaux et des animaux. Fondé sur les observations qui viennent d’être exposées, je n’hésiterai donc point à considérer les corpuscules globuleux de nature concrescible qui sont situés dans les parois des cellules des végétaux, comme des corpuscules nerveux; je les désignerai dorénavant sous ce nom, que l’on devra considérer comme une expression abrégée qui signifie une cellule globuleuse microscopique, remplie de substance nerveuse.

Les cellules de la moelle ne contiennent que de l’air dans les tiges de la sensitive un peu âgées; mais lorsque ces tiges sont naissantes, comme elles le sont aux extrémités des rameaux, les cellules de la moelle contiennent un fluide diaphane concrescible par la chaleur et par les acides, et soluble cependant dans ces derniers. Pour voir cela, il faut couper une tranche de moelle extrêmement mince, et la mettre dans un peu d’eau. Cette tranche transparente, observée au microscope, ne fait apercevoir que des cellules diaphanes dans les parois desquelles on distingue une grande quantité de corpuscules nerveux; mais si l’on trempe cette tranche dans l’acide nitrique froid pendant une ou deux minutes, on voit que plusieurs de ces cellules deviennent opaques, tandis que les autres conservent leur transparence, comme on le voit dans la figure 2. C’est spécialement auprès de l’étui médullaire que ces, cellules opaques sont nombreuses. Cette observation prouve que ces cellules contiennent, dans l’état naturel, un fluide diaphane qui est concrété par l’action à froid de l’acide nitrique. Si l’on fait chauffer dans cet acide la petite tranche dont il vient d’être question, toutes les cellules qui étaient devenues opaques reprennent leur transparence; il y a dissolution complète de la substance concrétée qu’elles contenaient.

L’étui médullaire de la sensitive est composé d’une assez grande quantité de trachées qui, dans l’état naturel, ne se déroulent point; elles sont extrêmement petites. Lorsqu’on fait bouillir la lige de cette plante dans l’acide nitrique, les trachées se remplissent d’air; on les voit alors très facilement, d’autant plus que le tissu végétal environnant a acquis de la transparence. La propriété de l’acide nitrique à chaud étant de détruire l’agrégation des organes qui composent les végétaux, il en résulte que par ce moyen les trachées s’isolent tout-à-fait, du tissu végétal environnant, et qu’elles deviennent plus faciles à dérouler qu’elles ne l’étaient auparavant. J’espérais, par ce moyen, obtenir le déroulement des trachées de la sensiitve; cependant, quoique je leur eusse fait subir une ébullition de dix minutes, elles refusèrent de se dérouler: on pourrait penser, d’après cela, que ce ne sont point des trachées. On sait que M. Mirbel a admis chez les végétaux des fausses trachées, c’est-à-dire des tubes qui, par leur aspect, ressemblent extérieurement aux trachées, mais qui en diffèrent parce qu’ils ne se déroulent point comme elles: mais tels ne sont point les vaisseaux de la sensitive dont il vient d’être question; car, en les faisant bouillir pendant long-temps dans l’acide nitrique, ils finissent par devenir susceptibles de se dérouler. Ainsi, l’impossibilité qu’il y avait de dérouler ces trachées dans l’état naturel provenait de l’adhérence mutuelle de leurs spires qui était plus forte que la ténacité du fil spiral, en sorte que celui-ci se rompait plutôt que de quitter l’adhérence qui l’unissait aux spires voisines. Une longue ébullition dans l’acide nitrique détruit cette adhérence, et alors les apparentes fausses trachées se trouvent être des trachées véritables. M. Link, dans ses Recherches sur l’anatomie des plantes , a fait mention de ces trachées qui ne se déroulent point; il les nomme vaisseaux en spirale soudée. Au reste, j’ai observé que les spires des trachées sont unies entre elles par une membrane transparente qui se déchire lorsqu’on déroule le fil spiral; cela se voit avec facilité lorsque, par l’ébullition dans l’acide nitrique, on a complètement isolé des trachées qui se trouvent remplies d’air, et dont les spires sont un peu éloignées les unes des autres. L’un des végétaux qui se prête le mieux à ce genre d’observations est le solanum tuberosum. Les pétioles des feuilles de cette plante contiennent des trachées très grosses et plongées dans un tissu très délicat, ce qui rend leur observation très facile, surtout à l’aide de l’acide nitrique. On peut, sur ce végétal, voir avec facilité la membrane qui unit entre elles les spires des cachées. M. Mirbel a fait mention de cette membrane dans son Traité d’anatomie et de physiologie végétale; car il dit positivement que la trachée, en se déroulant, présente quelquefois deux filets réunis par une membrane intermédiaire. Il dit un peu plus bas: On peut conjecturer avec quelque apparence de raison que, dans beaucoup de cas, les trachées ne se déroulent que parce qu’on déchire les membranes qui unissent les spires entre elles Mais, quittant bientôt cette manière de voir, qui ne s’accordait pas avec sa théorie, M. Mirbel considère les trachées comme formées d’une lame roulée en spirale, bordée souvent de petits bourrelets calleux; à l’appui de cette opinion, il donne la figure très grossie d’une portion de trachée, figure dont je reproduis ici l’analogue (fig. 3, a). Dans l’explication que M. Mirbel donne de cette figure, il considère la trachée comme ayant des fentes transversales bordées en dessus et en dessous par le bourrelet ou cordon saillant que l’on voit ici de chaque côté de la lame qu’a formée la trachée en se déroulant. D’abord je dois faire observer que la forme de trachée représentée ici est assez rare; je ne l’ai observée que dans quelques trachées du sureau (sambucus nigra). Ici la trachée est composée de deux fils spiraux juxtaposés et formant une lame opaque par leur réunion; cette lame est roulée en spirale dont les spires sont écartées les unes des autres, et leurs intervalles sont remplis par une membrane transparente c. Lorsqu’ on essaie de dérouler cette trachée, le déroulement s’opère par la séparation des deux fils qui forment la lame opaque, en sorte que la membrane transparente qui remplissait les intervalles des spires se trouve rester intacte et bordée de chaque côté par un fil opaque, qui est la moitié de la lame opaque qui composait la spire de la trachée avant son déroulement. J’ai représenté la continuation de cette trachée non déroulée en b. Cette figure fera voir, mieux que l’explication que j’en pourrais donner, l’erreur où est tombé M. Mirbel, en prenant pour une lame spirale de trachée ce qui n’est dans le fait que la membrane intermédiaire aux spires, bordée de chaque côté par un des deux fils spiraux qui forment cette lame par leur réunion. L’adhérence mutuelle de ces deux fils étant moins forte que ne l’est la résistance de la membrane intermédiaire aux spires, il en résulte que le déroulement de la trachée s’opère seulement par la séparation de ces deux fils qui, dans l’état naturel, ne sont point séparés par une fente comme l’admet M. Mirbel. Au reste, on sait que les trachées, qui souvent n’ont qu’un seul fil spiral, en possèdent quelquefois deux, trois et quatre, ainsi que je l’ai observé moi-même; M. Link en a compté jusqu’à sept. Ces fils spiraux, qui se suivent parallèlement, forment, par leur assemblage, une lame en spirale plus ou moins large; et la réunion de ces fils, opérée par une membrane intermédiaire quelquefois apercevable, ne laisse point subsister de fentes entre eux. Ainsi les trachées n’ont point de fentes transversales en spirale, comme le pense M. Mirbel, qui trouve dans ces fentes et dans les bourrelets prétendus qui les bordent, une transition heureuse pour passer des trachées aux fausses trachées, dans lesquelles il a cru reconnaître des fentes transversales bordées de bourrelets, tentes qui, selon lui, ne diffèrent que par leur forme alongée, des pores, également bordés d’un bourrelet. Nous avons prouvé plus haut que ces prétendus pores n’existent point dans le tissa cellulaire; nous verrons tout à l’heure qu’ils n’existent point non plus sur les tubes que M. Mirbel appelle poreux. Nous venons de voir que les trachées n’ont point de fentes transversales en spirale; nous verrons dans un instant que les fausses trachées ne sont point non plus fendues transversalement.

Les trachées sont, en général, des tubes dont la longueur est considérable; la manière dont ils se terminent n’a point encore été observée. M. Mirbel prétend que ces tubes se métamorphosent vers leurs extrémités en tissu cellulaire, et qu’il en est de même des autres tubes végétaux. Cette assertion est encore infirmée par l’observation. J’ai vu dans les pétioles des feuilles du noyer (juglans regia ), et dans l’étui médullaire du sureau ( sambucus nigra ), que les trachées se terminent en devenant des spirales coniques dont la pointe devient très aiguë, comme on le voit dans la figure 4; j’ai vu que cette terminaison des trachées étai; la même en haut et en bas, c’est-à-dire à la base et au sommet de ces tubes spiraux.

Les trachées sont très souvent munies extérieurement de corpuscules nerveux plus ou moins nombreux. On peut faire cette observation avec facilité dans les tiges du solanum tuberosum et du cucurbita pepo, en dissociant leurs parties constituantes par le moyen de l’ébullition dans l’acide nitrique, qui rend opaques les corpuscules nerveux, lesquels, dans l’état naturel, ne sont point apercevables, à cause de leur transparence. On voit, dans ces deux végétaux, les trachées accompagnées souvent de deux rangées de corpuscules nerveux qui restent adhérents à leurs spires lorsqu’on les déroule, comme on le voit dans la figure 5. Ces corpuscules concrétés par l’acide nitrique, étant mis dans la solution acqueuse de potasse caustique, y deviennent fluides et transparents: ainsi il n’y a pas de doute qu’ils ne soient tout-à-fait semblables à ceux qui sont situés dans les parois du tissu cellulaire. Quelquefois les trachées sont couvertes de rangées transversales de corpuscules nerveux, comme on le voit dans la figure 6, qui représente une trachée du clematis vitalba. Une portion de cette trachée se trouve dépourvue de corpuscules nerveux, et cela ne provient évidemment que de ce que ces corpuscules ont été enlevés par la manière dont s’est opérée la déchirure du tissu végétal, car ils n’adhèrent que faiblement aux trachées sur lesquelles ils sont appliqués; ils ne font point partie essentielle de leur organisation. Il n’en est pas de même des corpuscules que l’on observe à la surface des tubes que M. Mirbel a nommés tubes poreux ( fig. 7 ), parce qu’il prend les corpuscules nerveux qui les couvrent pour des pores environnés d’un bourrelet opaque et saillant. Le tube que je représente est emprunté au sureau ( sambucus nigra ). Ces corpuscules sont ici contenus dans les parois mêmes du tube qui les porte; ils ne peuvent jamais en être séparés. J’ai démontré plus haut que M. Mirbel était tombé dans l’erreur en prenant les corpuscules nerveux du tissu cellulaire pour des pores; les mêmes preuves me serviront ici pour démontrer la véritable nature des prétendus pores de ses tubes poreux. Dans un grand nombre d’observations et d’expériences que j’ai faites sur les vaisseaux corpusculifères de beaucoup de végétaux, j’ai toujours vu que les corpuscules qu’ils offraient se comportaient exactement comme ceux du tissu cellulaire, lorsqu’on les soumettait à l’action de l’acide nitrique ou de la potasse caustique. Le premier les rend opaques et paraît les concréter; la seconde les rend transparents et les dissout. Ainsi il ne peut rester aucun doute sur leur nature; ce sont des corpuscules nerveux fixés dans les parois des vaisseaux, comme ils sont situés dans les parois des cellules. Il n’y a donc point de vaisseaux poreux, suivant l’acception que M. Mirbel donne à cette expression. Déjà M. Link avait émis l’opinion que les points obscurs que l’on remarque dans le tissu cellulaire et à la surface des vaisseaux ne sont pas des pores entourés d’un bourrelet saillant, mais que ce sont des petits grains transparents au milieu ; il pense qu’il en est de même des lignes transversales obscures et interrompues qu’on observe dans les vaisseaux, auxquels cet observateur donne, avec M. Mirbel, le nom de fausses trachées. On sait que ce dernier naturaliste considère ces lignes transversales interrompues comme des lentes bordées d’un bourrelet. Si l’on veut observer ces vaisseaux avec facilité, il faut soumettre à l’ébullition dans l’acide nitrique un morceau de bois de vigne (vitis vinifera ), et cela pendant un espace de temps suffisant pour que l’agrégation de ses parties constituantes soit presque complètement détruite; alors on observe avec la plus grande facilité tous les organes qui entrent dans sa composition. Lorsque l’on coupe transversalement le bois de la vigne, on découvre, à l’œil nu, les ouvertures d’une grande quantité de gros tubes: ce sont des fausses trachées de M. Mirbel. Ces tubes, que l’ébullition dans l’acide nitrique remplit d’air, sont articulés et chacun des articles dont ils sont composés est environ trois à quatre fois plus long qu’il n’est large. Les cavités de ces articles ne communiquent point entre elles; cela se voit facilement, parceque l’air qui les remplit forme autant de bulles alongées et séparées les unes des autres qu’il y a d’articles; cela prouve bien évidemment qu’il y a une cloison intérieure à chaque articulation. Je donne ( fig. 8 ) la figure de l’un de ces articles; on voit qu’il est couvert de lignes transversales interrompues. Ces lignes, que leur opacité fait paraître noires, ressemblent assez bien à des spires de trachées qui seraient interrompues de distance en distance: je ne sais si ce sont ces lignes ou bien leurs intervalles demi-transparents que M. Mirbel considère comme des fentes transversales. Pour savoir à quoi m’en tenir sur la nature de ces lignes opaques, j’ai eu recours au moyen dont j’ai déjà fait mention; j’ai fait chauffer dans une forte solution acqueuse de potasse caustique le tissu de la vigne déjà préparé, comme il a été dit ci-dessus, par le moyen de l’acide nitrique. Ce second réactif a complètement fait disparaître les lignes opaques dont il vient d’être question; et les articles des gros vaisseaux, sur lesquels on les observait auparavant, n’ont plus présenté qu’un aspect et une demi-transparence uniformes. Nous avons vu plus haut que tel était constamment l’effet produit sur les corpuscules nerveux par la potasse caustique; elle les rend transparents, et les fait ainsi disparaître quand ils ne possèdent aucune coloration. La potasse caustique ne produit point le même effet sur les fils spiraux des trachées: malgré l’action prolongée de cet alkali, ils conservent constamment leur opacité ; ainsi, il n’y a aucune analogie entre ces fils spiraux et les lignes opaques dont il vient d’être fait mention; ces dernières sont évidemment des corpuscules nerveux alongés et linéaires. Peut-être ces lignes sont-elles formées par des séries de corpuscules globuleux placés à la file et qui se touchent; nous verrons bientôt un exemple qui pourra fortifier ce soupçon. Le clematis vitalba contient, comme la vigne, une grande quantité de ces gros tubes articulés, dont les orifices sont visibles à l’œil nu; leurs articles sont très courts, et ils sont couverts de corpuscules nerveux qui représentent des lignes transversales extrêmement courtes, comme on le voit dans la figure 9. C’est en vain que je cherche ici ce qui a pu induire M. Mirbel en erreur, en lui faisant voir, dans les tubes qu’il appelle des fausses trachées, des fentes transversales bordées d’un bourrelet. On pourrait croire que ce naturaliste a vu cela sur d’autres végétaux que ceux que j’ai observés. A cela je répondrai que M. Mirbel a donné spécialement la figure du gros vaisseau de la vigne dont je viens d’exposer la structure, et qu’il y dessine les fentes ouvertes à jour qui constituent ses fausses trachées. Il est donc certain que M. Mirbel s’est laissé induire en erreur par quelque illusion d’optique; et, dans le fait, il n’est pas étonnant qu’ayant pris des corpuscules nerveux semblables à des points pour des pores, il ait pris des corpuscules nerveux linéaires pour des fentes. Ainsi il n’y a point de fausses trachées, dans le sens que M. Mirbel attache à cette expression; il y a des trachées qui ne se déroulent point, parceque leurs spires sont fortement soudées; il y a des tubes couverts de corpuscules nerveux linéaires dont la direction est transversale: voilà les deux sortes de vaisseaux que M. Mirbel a pris pour des fausses trachées. Ces organes n’existent pas plus que les tubes poreux, pas plus que le tissu cellulaire poreux, dans le sens que M. Mirbel attache à ces dénominations. J’en dirai autant des tubes que ce naturaliste appelle mixtes, et qui, véritables trachées dans une portion de leur longueur, seraient, dans les portions suivantes, successivement fausses trachées et tubes poreux, en sorte que le même tube offrirait une organisation différente dans les diverses portions de son étendue. La source de cette erreur est facile à découvrir. Les trachées sont quelquefois couvertes de corpuscules nerveux qui masquent leurs spires en partie, comme nous venons de le voir ( figure 6 ); M. Mirbel, considérant ces corpuscules comme des pores, et voyant les lignes transversales de la trachée interrompues par les corpuscules nerveux qui les masquent, a été conduit par là à penser que la trachée qu’il observait avait quitté sa structure en spirale, pour devenir un tube muni de pores et de petites fentes transversales. Pour moi, j’ai toujours vu les trachées conserver l’organisation qui les caractérise dans toute leur étendue; cependant le moyen d’analyse que j’emploie m’a souvent permis de suivre ces tubes dans une portion considérable de leur longueur. Mes observations à cet égard ont été tellement multipliées et tellement précises, que je ne crains point d’affirmer que jamais un même tube végétal ne présente successivement l’organisation en spirale des trachées et la structure particulière aux tubes corpusculifères que M. Mirbel désigne sous les noms de tubes poreux et défausses trachées. Ainsi, il n’existe point de tubes mixtes, à moins qu’on ne veuille appliquer ce nom aux tubes dont la surface présente simultanément des lignes transversales obscures et des points obscurs, c’est-à-dire des corpuscules nerveux linéaires dirigés transversalement, et des corpuscules nerveux globuleux. On trouve cette réunion, par exemple, sur les gros tubes dont on voit les orifices à l’œil nu dans le bois du chêne ( quercus robur ). La figure 10 représente l’un de ces tubes, que l’on pourrait appeler mixtes, si la forme des corpuscules nerveux qui les couvrent leur donnait un caractère particulier d’organisation, ce que je ne pense pas. En effet, quand on considère la forme et la position des gros tubes corpusculifères, on ne peut se dispenser de reconnaître que tous ces tubes sont identiques, bien qu’ils diffèrent souvent par la forme et par la position des corpuscules nerveux qui sont situés dans l’épaisseur de leurs parois. S’il fallait reconnaître autant de sortes de tubes qu’il y a de formes particulières dans les corpuscules nerveux qui les couvrent, on multiplierait d’une manière indéfinie les distinctions et les dénominations; car il est probable qu’il y a beaucoup de diversité à cet égard. La sensitive, à elle seule, nous offre deux variétés toutes nouvelles dans la configuration des corpuscules nerveux de ces gros tubes; en effet, dans l’étui médullaire de celte plante, à côté des trachées, on trouve des tubes dont le diamètre est environ le double de celui de ces dernières, et dont les parois offrent des corpuscules nerveux disposés en losanges irrégulières, comme on le voit dans la figure 11. Lorsqu’on observe ces tubes encore adhérents aux organes qui les environnent, on les prendrait volontiers pour un faisceau de trachées à moitié déroulées; tel est, en effet, l’aspect que présentent, au premier coup d’œil, les lignes en losanges qui parcourent ces tubes dans le sens longitudinal. J’avoue que j’ai moi-même douté si cette apparence n’était point produite par des trachées fort petites, collées sur le tube dont il est ici question; mais ayant plusieurs fois obtenu ce tube parfaitement isolé, j’ai pu l’examiner dans tous les sens, et me convaincre que les lignes en losanges que présente sa surface sont bien réellement des corpuscules nerveux contenus dans l’épaisseur de ses parois. Dans les pétioles des feuilles de la sensitive, on trouve des tubes dont les corpuscules nerveux offrent une autre configuration; ils présentent des lignes longitudinales disposées symétriquement, comme on le voit dans la figure 12.

Quelles sont les fonctions de ces tubes corpusculifères? quelles sont les fonctions des trachées qui leur sont associées dans l’étui médullaire? Voilà des questions auxquelles il est impossible de répondre d’une manière satisfaisante dans l’état actuel de nos connaissances. Nous ne pouvons offrir ici sur cet objet que des conjectures plus ou moins probables. Je pense que les gros tubes corpusculifères sont les canaux par lesquels la sève opère son ascension dans le végétal. Ces tubes n’occupent pas seulement l’étui médullaire, ils existent dans tout le système central du végétal, et se remarquent spécialement chez les végétaux ligneux dans les intervalles des couches annuelles du bois; ils sont très nombreux dans le bois de la vigne, et il m’a paru que c’était par leurs orifices que sortait la sève qui coule si abondamment au printemps des rameaux tronqués de ce végétal. Une force considérable préside à ce mouvement d’ascension de la sève, ainsi que l’a expérimenté Hales; cette force n’est pas le seul résultat de la capillarité, puisque l’ascension de la sève n’a plus lieu dans les branches mortes qui tiennent encore au végétal vivant, branches dont la capillarité est cependant toujours la même.

Les fonctions des trachées ont été l’objet de bien des discussions. Les premiers naturalistes qui les découvrirent, séduits par leur analogie avec les trachées des insectes, n’hésitèrent pas à les considérer comme des organes respiratoires; d’autres observateurs affirmèrent que ces tubes ne contiennent jamais d’air, mais bien de la sève; mes observations m’ont prouvé la vérité de celle dernière opinion. Les trachées conduisent bien certainement un liquide diaphane, et jamais on ne trouve une seule bulle d’air dans leur intérieur. Le moyen d’analyse que j’emploie, l’ébullition dans l’acide nitrique, remplit les trachées, comme tous les autres tubes, d’un fluide aériforme; elles offrent alors un aspect tout particulier et très différent de celui qu’elles présentent dans l’état naturel. Ainsi il est bien certain que, dans ce dernier état, elles ne contiennent jamais d’air. Quelles sont donc leurs fonctions? Admettra-t-on, avec M. Mirbel, qu’elles servent, comme les tubes corpusculifères, à conduire la sève dans son ascension? mais il répugne à croire que la nature ait attribué des fonctions semblables à des tubes aussi différents dans leur organisation, surtout lorsqu’on voit ces tubes placés les uns à coté des autres dans l’étui médullaire; car on concevrait peut-être qu’une position très différente d’un même organe entraînât une modification dans son organisation. Ce qu’il y a de certain, c’est que les fonctions des trachées ont un rapport nécessaire et immédiat avec les fonctions des feuilles; on ne les trouve que dans les feuilles et dans l’étui médullaire, parties qui, dans les jeunes tiges, ont une correspondance intime et immédiate. Les fonctions des feuilles ne sont pas encore bien connues; il est certain cependant que la lumière exerce spécialement sur les feuilles une action vivifiante, soit par elle-même, soit en déterminant certaines combinaisons chimiques dans les fluides que contiennent leurs vaisseaux. Ceci est un objet important de physiologie végétale qui n’est point encore suffisamment éclairé, malgré les recherches d’Ingenhouz et de Sennebier, malgré les travaux encore plus étendus de M. Théodore de Saussure. Quoi qu’il en soit, il me paraît probable que les trachées sont destinées à transmettre dans le corps du végétal un liquide modifié dans les feuilles par les agents du dehors, et propre à propager l’action vivifiante dont nous avons parlé plus haut; ainsi elles seraient comparables, jusqu’à un certain point, aux trachées des insectes qui transportent dans toutes les parties de l’animal l’air atmosphérique qui doit y produire une influence vivifiante. Considérées sous ce point de vue, les trachées des végétaux seraient des organes respiratoires qui conduiraient un liquide vivifiant.

Après avoir étudié les organes qui composent l’étui médullaire, nous arrivons naturellement à l’examen de la couche ligneuse qui le recouvre. En effet, la sensitive, plante frutiqueuse, possède des fibres ligneuses tout-à-fait semblables à celles qui composent le bois des arbres. Ce mot fibre ligneuse, employé par quelques naturalistes, doit être banni de la science comme n’offrant aucune idée exacte; il indique seulement que les parties dont le bois est composé sont susceptibles de se diviser en filets très fins; cette division, comme on le sait, s’opère dans le sens de la longueur de la tige. Rien n’est plus difficile, dans l’état naturel, que l’observation microscopique du tissu qui compose le bois proprement dit, ou la partie ligneuse du système central; cette difficulté disparaît entièrement par le moyen que j’emploie. En faisant chauffer un petit fragment d’un bois quelconque dans l’acide nitrique, ses parties constituantes ne tardent pas à perdre leur agrégation, elles se séparent au moindre effort, et alors leur observation au microscope ne présente plus aucune difficulté. On voit de cette manière que le bois est en majeure partie composé de tubes renflés dans leur milieu, et qui se terminent en pointe aiguë par leurs deux extrémités, comme on le voit dans la figure 13. Je désignerai ces tubes fusiformes par le nom de clostres; ils sont appliqués les uns à côté des autres. Les clostres voisins se touchent par leur partie renflée, et laissent entre leurs pointes des intervalles qui sont remplis par les pointes des clostres qui les suivent en- dessus et en-dessous. Chez la sensitive, plusieurs de ces clostres sont divisés dans leur milieu par une cloison transversale (fig. 13 a), d’autres offrent deux ou trois cloisons, bb. La membrane qui forme ces tubes est très solide; elle est d’un aspect nacré. J’ai vu qu’ils étaient creux jusque dans leurs pointes, par les bulles d’air que l’action de l’acide nitrique produit souvent dans leur intérieur. Leurs parois ne contiennent aucun corpuscule nerveux. Ces organes fusiformes appartiennent spécialement aux végétaux ligneux; cependant on les rencontre aussi dans les parties des végétaux herbacés, qui présentent une certaine solidité ; les végétaux dont le tissu est mou et délicat en sont tout-à-fait dépourvus. Ainsi il paraît que les clostres sont les organes auxquels les végétaux doivent spécialement la solidité de leur tissu. Cependant je noterai, comme un fait remarquable, que la tige du clematis vitalba, quoique ligneuse, ne contient point de clostres; elle est, en majeure partie, composée de petits tubes articulés qu’on peut considérer comme du tissu cellulaire alongé et articulé. Les clostres ne présentent pas toujours exactement la forme de fuseau que nous venons de leur reconnaître. Quelquefois ils représentent des tubes parallèles qui se terminent brusquement en pointe aiguë ; c’est sous cette forme que se présentent, par exemple, les clostres du pinus picea (fig. 14). La forme des clostres a été figurée d’une manière assez exacte par M. Link; il désigne l’assemblage de ces organes, sous le nom de tissu d’aubier. M. Mirbel a également aperçu, quoique d’une manière peu distincte, cette organisation; il regarde le bois comme formé de tissu cellulaire alongé. Nul doute en effet que les clostres ne soient engendrés par un développement particulier des cellules, mais on conviendra que leur forme les éloigne trop du tissu cellulaire pour leur en conserver le nom. Les clostres sont les réservoirs d’un suc qui est susceptible de se concréter, et qui, presque toujours, acquiert en vieillissant une couleur plus ou moins foncée et une plus grande dureté. C’est ainsi que s’opère le changement de l’aubier en bois de cœur. En effet, ce n’est point par eux-mêmes que les clostres sont durs et colorés, c’est par la substance concrète qu’ils contiennent. Si l’on fait chauffer du bois d’ébène dans l’acide nitrique, cet acide dissout la substance noire que contiennent les clostres, qui peu à peu acquièrent ainsi de la transparence, tandis que l’acide nitrique se colore fortement en noir. Ce fait prouve bien évidemment que la couleur du bois de cœur est due au suc coloré et endurci que contiennent les clostres. Ceux-ci sont, par leur nature, d’un blanc nacré ; c’est dans leur intérieur qu’est contenue la substance colorante des bois employés dans la teinture. On pourrait penser que la dureté plus ou moins grande du bois proviendrait de la ténuité plus ou moins considérable des clostres; mais il n’en est rien. En effet, j’ai vu que les clostres qui forment le bois ont des dimensions semblables dans le buis (buxus sempervirens) et dans le peuplier (populus fastigiata ), c’est-à-dire dans les deux bois indigènes dont la dureté et la pesanteur spécifique offrent les plus grandes différences. Ce fait achève de prouver que la dureté et la pesanteur spécifique du bois dépendent exclusivement de la substance endurcie que contiennent les clostres; il parait que ces organes sont vides dans le peuplier; aussi ce bois est-il tendre, extrêmement léger, et d’une couleur blanche, qui est la couleur naturelle des clostres. C’est par la même raison qu’il n’offre point la distinction de l’aubier et du bois de cœur; les clostres. partout également vides, sont partout également blancs, puisqu’ils ne doivent leur coloration qu’à la substance qu’ils contiennent chez les bois colorés. Au reste, la coloration et la dureté qu’acquiert celle substance en vieillissant, et d’où résulte la transformation de l’aubier en bois de cœur, est un phénomène chimique dont l’essence n’est point connue.

Les clostres, dans l’aubier de formation récente, me paraissent être les réservoirs de la sève élaborée qui sert spécialement à fournir les matériaux de l’accroissement en diamètre du végétal, et qui, transmise de clostre en clostre par un mouvement descendant, va fournir aux racines les matériaux de leur accroissement. Je pense que cette sève élaborée, transmise à travers le tissu perméable du végétal, se mêle à la sève ascendante pour fournir aux bourgeons les matériaux de leur accroissement, et qu’elle va fournir aux vaisseaux propres les matériaux de la sécrétion qu’ils opèrent. On sait que c’est au moyen d’une diffusion semblable d’un suc élaboré que s’opèrent et la nutrition et le sécrétions chez les insectes. Lorsque cette sève élaborée est tout entière employée à l’accroissement du végétal, l’accroissement de ce dernier est rapide, et ses clostres restent vides; alors le bois est blanc, tendre et léger: lorsque, au contraire, la plus grande partie de cette sève élaborée demeure dans les clostres, et n’est point employée à l’accroissement, ce dernier est plus ou moins lent, et le bois demeure lourd, dur et coloré.

Les clostres, quoique contenant un liquide différent de la sève ascendante, ne doivent cependant point être confondus avec les vaisseaux propres, lesquels sont des organes sécréteurs. Ces derniers sont des tubes dont le diamètre est toujours plus grand que celui des clostres; ils sont, comme eux, toujours privés de corpuscules nerveux, mais les substances qu’ils contiennent sont bien différentes, et paraissent être purement excrémentitielles. Telle est, par exemple, la résine pure que contiennent les vaisseaux propres des arbres résineux. Cette substance n’est bien certainement pas destinée à l’accroissement et à la nutrition du végétal; mais ne serait-elle point le résidu de la substance alimentaire, qui aurait été absorbée, et avec laquelle elle était mêlée dans le principe? Les sucs laiteux, que l’on comprend généralement dans la classe des sucs propres, me paraissent devoir être considérés comme des liquidés, au moins en partie excrémentitiels. Cette partie de la physiologie végétale demande, comme on le voit, de nouvelles recherches, et je ne m’y arrêterai pas davantage; je me contenterai de faire observer ici incidemment que les sucs résineux, qui sont abondants dans l’écorce de la plupart des conifères, ne sont point contenus dans des lacunes ou dans des cavités produites par le déchirement du tissu cellulaire, comme le pense M. Mirbel. Ces sucs résineux sont contenus dans des vaisseaux irrégulièrement renflés et tortueux. On les isole complètement par le moyen de l’acide nitrique. Ce fait et quelques autres me font penser que la théorie de M. Mirbel sur les lacunes a besoin de recevoir des modifications.

Les faisceaux des clostres sont mêlés, chez la sensitive, avec un tissu cellulaire qui se divise mécaniquement en filets longitudinaux, composés de séries de cellules, comme cela se voit dans la figure 15, ab, cd. Ici je crois devoir rappeler que, dans mes Recherches sur l’accroissement et la reproduction des végétaux, j’ai désigné sous le nom de fibres ces assemblages de cellules qui se prêtent avec facilité à la division longitudinale en filets, parceque les cellules qui les composent adhèrent plus les unes aux autres dans le sens de la longueur de la tige que dans le sens transversal, ce qui n’a point lieu pour le tissu cellulaire irrégulier. Mais, reconnaissant que ce mot fibre a été appliqué à plusieurs sortes d’organes linéaires très différents entre eux, et que par conséquent il est difficile d’y attacher une idée exacte, j’ai résolu de désigner ces assemblages rectilignes de cellules articulées les unes avec les autres par le simple nom de tissu cellulaire articulé. Pour peu qu’on multiplie un peu ses observations sur la structure intérieure des végétaux, on ne tarde pas à trouver des cellules articulées qui, par leur alongement dans le sens longitudinal, tendent à devenir des tubes. C’est ce que Link a désigné sous le nom de tissu cellulaire alongé. On trouve, enfin, de véritables tubes articulés les uns avec les autres dans le sens longitudinal. Ces observations prouvent que, du tissu cellulaire articulé aux tubes articulés, il y a une transition évidente, et que ces organes ne diffèrent que par les proportions respectives de leurs parties. Après cette petite digression, je reviens au tissu cellulaire articulé, qui m’y a conduit. Ce tissu cellulaire est assez généralement semblable à celui de la moelle; il est, comme ce dernier, tout couvert de corpuscules nerveux placés d’une manière fort irrégulière. Quelquefois cependant j’ai observé des portions de ce tissu cellulaire articulé qui offraient dans le milieu de chacune des cellules un seul corps linéaire placé longitudinalement, comme on le voit en b (figure 15); c’est un corpuscule nerveux qui, vu avec une forte lentille, paraît formé par une série de quatre ou cinq corpuscules globuleux placés à la file, comme on le voit en a. Ce fait justifie le soupçon que j’ai émis précédemment touchant la nature des corpuscules nerveux linéaires, que j’ai considérés comme probablement formés de très petits corpuscules placés à la file. Le tissu cellulaire articulé dont il est ici question est l’organe générateur des rayons médullaires dans les végétaux ligneux et frutiqueux. Les végétaux totalement herbacés ne possèdent point ces rayons, qui existent dans la tige frutiqueuse de la sensitive. Dans les jeunes tiges de cette plante, ce tissu cellulaire mêlé aux clostres est articulé dans le sens longitudinal (c d, fig. 15); ce n’est que dans ce sens qu’il se divise mécaniquement en filets. Dans les grosses branches ou dans le tronc, le sens de cette articulation est changé, et ce même tissu se trouve articulé dans le sens do, c’est-à-dire dans le sens transversal, pour former les rayons médullaires. Ainsi, dans les tiges naissantes ou dans les jeunes branches des végétaux ligneux dicotylés, le tissu cellulaire articulé et corpusculifère qui est mêlé aux faisceaux des clostres, et qui est évidemment une émanation latérale de la moelle, est articulé dans le sens longitudinal, comme cela a lieu dans les petites plantes herbacées dicotylées. Lorsque ces tiges ou ces branches prennent de l’accroissement en diamètre, ce tissu cellulaire cesse de présenter une articulation longitudinale; il en prend une transversale, et c’est ainsi que se forment les rayons médullaires qui sont exclusivement formés de tissu cellulaire articulé.

Le système cortical de la sensitive est composé de clostres beaucoup plus alongés que ceux qui existent dans le système central, leur diamètre est également plus grand. Au reste, en parlant de la longueur de ces organes, je n’entends faire mention que de leur apparence au microscope; car, dans le fait, ils sont toujours d’une extrême petitesse. J’ai mesuré les clostres de la sensitive, et j’ai trouvé que les plus alongés, dans le système cortical, ont à peine un millimètre et demi de longueur sur de millimètre de largeur; les clostres du système central n’ont guère que la moitié de ces deux dimensions . Les clostres du système cortical sont, comme ces derniers, prives de corpuscules nerveux; leurs faisceaux sont plongés dans un tissu cellulaire corpusculifère tout-à-fait semblable à celui de la moelle. On y trouve de même, et en assez grande quantité, des cellules remplies de ce fluide concrescible par l’acide nitrique froid, et soluble dans le même acide chaud; cellules dont j’ai fait mention plus haut en étudiant la moelle. Cette identité parfaite de structure et de composition chimique entre la moelle et le parenchyme cortical est une preuve à ajouter à celles que j’ai exposées dans un précédent ouvrage, pour démontrer que ces deux tissus organiques ne diffèrent en aucune façon et ont des fonctions semblables; c’est donc avec raison que, dans cet ouvrage, j’ai donné à la moelle le nom de médulle centrale, et au parenchyme de l’écorce le nom de médulle corticale.

Les feuilles de la sensitive sont portées sur un long pétiole, à la base duquel existe une portion renflée ab, cd ( fig. 18 ) que je désignerai par le nom bourrelet. Des renflements semblables, mais plus petits, existent à l’insertion des pinnules sur le sommet du pétiole, et à l’insertion des folioles sur les pinnules; c’est en eux que réside le principe des mouvements qu’exécutent les feuilles de la sensitive, comme nous le verrons plus bas. Le bourrelet qui est situé à la base du pétiole est le seul qui présente une grosseur suffisante pour qu’il soit possible d’en observer la structure intérieure: en le fendant longitudinalement, et en l’examinant à la loupe, on voit que ce bourrelet est principalement formé par un développement considérable du parenchyme cortical; le centre est occupé par les tubes qui établissent la communication vasculaire de la feuille avec la tige: si l’on veut voir avec facilité l’organisation intérieure du parenchyme cortical qui constitue essentiellement ce renflement, il faut, avec un rasoir, enlever d’abord l’épiderme sur l’un de ses côtés; ensuite on enlève une tranche de parenchyme, aussi mince qu’il est possible de l’obtenir, et on la soumet au microscope, plongée dans un peu d’eau. On voit de cette manière que le parenchyme du bourrelet est composé d’une grande quantité de cellules globuleuses et diaphanes dont les parois sont couvertes de corpuscules nerveux. Si on supprime l’eau dans laquelle est plongée la petite tranche, et qu’on mette en place un peu d’acide nitrique, on voit, en peu d’instants, les cellules diaphanes devenir d’abord jaunâtres, et ensuite complètement opaques. On reconnaît alors que ce sont des cellules tout-à-fait semblables à celles que nous avons déjà observées dans la moelle et dans le parenchyme cortical, excepté que celles-ci sont de forme globuleuse. Ces cellules, qui ne sont point en contact immédiat, sont alignées dans le sens longitudinal, comme on le voit dans la figure 16. J’ai représenté, dans cette figure, quelques unes de ces cellules alignées, et les autres dans un ordre confus, parceque c’est ordinairement ainsi qu’elles se présentent à l’observation, l’instrument tranchant avec lequel on enlève la lame mince du bourrelet, ne rencontrant que par hasard la direction alignée des cellules. La figure 17 représente ces cellules globuleuses plus grossies; on voit qu’il existe entre elles des intervalles qui sont occupés par un tissu cellulaire très délicat, et rempli d’une immense quantité de corpuscules nerveux semblables à des points opaques. Si l’on fait chauffer l’acide nitrique où se trouve la petite tranche de bourrelet mentionné plus haut, en présentant avec précaution le cristal de montre qui le contient au-dessus d’une lampe à esprit de vin, on ne tarde pas à voir disparaître complètement toutes les cellules globuleuses. La substance qu’elles contiennent est entièrement dissoute par l’acide; il ne reste plus alors que les cellules et le tissu extrêmement délicat qui les environne. J’ai vu qu’il suffisait d’une chaleur de 4o à 50 degrés R. pour que l’acide nitrique opérât la dissolution de la substance contenue dans ces cellules globuleuses. J’ai essayé sur ces organes l’action de la solution aqueuse de potasse caustique. Je n’ai observé à froid aucun changement dans leur transparence, mais à chaud j’ai vu que tout le parenchyme prenait une teinte verte uniforme; on n’apercevait plus les cellules globuleuses, ce qui me fit penser que la substance qu’elles contenaient avait été dissoute. Cependant, ayant soumis à la même épreuve une lame de parenchyme du bourrelet dont les cellules globuleuses avaient été rendues opaques par l’acide nitrique froid, je vis ces cellules globuleuses devenir encore plus opaques, et acquérir une couleur noire: ceci prouve que la potasse caustique carbonise ces cellules, lorsque son action succède à celle de l’acide nitrique, car elle ne produit point du tout cet effet lorsqu’elle agit sur ces cellules dans leur état naturel. Ce serait à tort que l’on croirait pouvoir conclure de cette expérience que la potasse caustique ne dissout point la substance que contiennent les cellules globuleuses; en effet, la solubilité de cette substance dans la solution alkaline est bien prouvée par les expériences suivantes. Si l’on fait bouillir dans l’eau un bourrelet de sensitive, les cellules globuleuses qu’il contient deviennent toutes opaques, ce qui provient de la concrétion de la substance contenue dans ces cellules; alors si l’on verse sur cette substance concrétée un peu de solution aqueuse de potasse caustique, cette substance concrétée se dissout et disparaît avec une extrême rapidité. Je me suis un peu étendu sur les propriétés de la substance contenue dans les cellules globuleuses du bourrelet, parceque ce dernier organe est la partie la plus intéressante à étudier dans la sensitive, comme étant, chez cette plante, l’organe immédiat du mouvement.

Les bourrelets situés à l’insertion des pinnules sur le sommet du pétiole ont la même organisation que le bourrelet situé à la base de ce dernier, seulement leurs cellules globuleuses sont plus petites.

Le pétiole de la feuille de sensitive offre à sa partie extérieure une grande quantité de clostres fort alongés; ils forment, pour ainsi dire, l’écorce du pétiole; dans son intérieur, on trouve du tissu cellulaire articulé et corpusculifère, et de gros tubes corpusculifères, dont nous avons déjà fait mention plus haut (fig. 12). Au centre du pétiole, existent des trachées à spires qui ne se déroulent point dans l’état naturel, mais que l’on parvient à dérouler au moyen d’une longue ébullition dans l’acide nitrique.

Les folioles de la sensitive contiennent une immense quantité de corpuscules nerveux; pour les voir, il faut plonger une feuille de cette plante dans l’acide nitrique, à la température de l’eau bouillante, pendant une minute seulement, et la transporter de suite dans l’eau pure. Par cette opération, les folioles deviennent fort transparentes, et laissent apercevoir, au microscope, leurs innombrables corpuscules nerveux, qui sont devenus opaques. Ils sont d’une extrême petitesse; leurs groupes sont spécialement placés autour des nervures, ou plutôt des vaisseaux qui parcourent la foliole. Les rameaux les plus fins de ces vaisseaux, chargés de ces corpuscules globuleux, ressemblent tout - à - fait à un végétal chargé de fruits.

La racine de la sensitive offre, dans son système central, des clostres mêlés avec de gros tubes tout-à-fait semblables par leur forme, leur grosseur et leur position aux tubes corpusculifères de la tige; mais on n’aperçoit point de corpuscules nerveux dans leurs parois; cela tient probablement à la petitesse et à la grande transparence de ces corpuscules.

Le tissu cellulaire articulé est disposé en rayons médullaires concentriques dans les grosses racines, et en filets longitudinaux dans les radicelles. Les corpuscules nerveux qu’il contient sont fort transparents, et l’acide nitrique ne les rend point opaques, ce qui fait qu’ils sont bien moins visibles que ceux du système central de la tige. On sait qu’il n’y a, dans les racines, ni moelle, ni étui médullaire, ni trachées. Ce fait est général. Cependant MM. Link et Tréviranus prétendent avoir trouvé des trachées dans les racines: n’en ayant jamais trouvé dans des recherches assez nombreuses que j’ai laites, je suis porté à penser que ces deux naturalistes ont observé des tiges souterraines, en croyant observer des racines véritables. Il est en effet facile de les confondre; j’ai indiqué les moyens de les distinguer dans mes Recherches sur l’accroissement et la reproduction des végétaux . Ces tiges souterraines possèdent en effet des trachées, de même que les tiges aériennes, ainsi que je l’ai observé.

Le système cortical de la racine de sensitive ne diffère point essentiellement du système cortical de la tige, sous le point de vue de sa composition anatomique; seulement je n’ai point vu que les cellules de son parenchyme continssent un fluide concrescible par les acides.

Lorsqu’on coupe une jeune tige de sensitive, ou le bourrelet du pétiole de l’une de ses feuilles, on en voit sortir sur-le-champ une goutte d’un liquide diaphane qui, vu au microscope, paraît composé d’une immense quantité de globules transparents. J’ai recueilli une certaine quantité de ce fluide sur une lame de verre; et ayant mis dedans une goutte d’acide nitrique très affaibli, il s’y est formé sur-le-champ un coagulum membraneux qui, vu au microscope, s’est trouvé entièrement composé de globules opaques agglomérés: ces globules sont ceux que l’on apercevait à peine auparavant, à cause de leur transparence. Ayant mis une goutte de solution aqueuse de potasse caustique sur ce coagulum membraneux, les globules dont il était composé ont été entièrement dissous. La propriété que possède ce fluide d’être concrété et rendu opaque par l’acide nitrique, met à même de déterminer quels sont les vaisseaux dans lesquels il est contenu. Une lame mince et transparente, coupée longitudinalement dans le milieu d’une jeune tige, étant plongée dans l’acide nitrique froid, et examinée ensuite au microscope, on voit que les seuls organes qui soient rendus opaques par cette opération sont quelques unes des cellules des deux médulles centrale et corticale, cellules que nous avons vues contenir un fluide concrescible; tous les autres organes conservent leur transparence. Ainsi il n’y a point de doute que le fluide concrescible dont il est ici question ne soit celui qui sort de celles de ces cellules qui ont été ouvertes par la section, ou par la lacération du tissu végétal.

Les divers organes creux que nous avons observés dans le tissu végétal, c’est-à-dire les cellules, les trachées, les tubes membraneux et les clostres, n’ont entre eux que des rapports de contiguité ; il n’existe jamais de communication directe entre leurs cavités. Ainsi les fluides qu’ils contiennent ne peuvent être transmis des uns aux autres que par les pores de leurs parois. L’existence des pores n’est donc point douteuse, mais on s’en ferait une idée bien fausse, si on les considérait comme des trous faits exprès pour livrer passage aux fluides; ce ne sont, dans le fait, que des espaces intermoléculaires. Les solides organiques sont généralement composés de molécules intégrantes globuleuses, ainsi que nous le verrons plus bas, en étudiant la structure organique des animaux. Or, on conçoit que ces molécules globuleuses doivent laisser entre elles des espaces vides qui n’existent point entre les molécules polyèdres des minéraux; molécules dont les facettes s’appliquent exactement les unes sur les autres. De là vient la grande perméabilité pour les fluides aqueux que présentent en général tous les tissus organiques, quoiqu’on n’aperçoive aucun trou, ou aucun pore proprement dit. dans leurs membranes, même dans celles que nous savons être les plus perméables. L’épiderme humain, par exemple, dont la perméabilité est si grande, ne laisse cependant apercevoir aucun pore avec les plus forts microscopes. Ainsi la doctrine émise par M. Mirbel, touchant l’existence des pores visibles dans les parois des tubes et du tissu cellulaire des végétaux, serait douteuse, par le seul fait de la grandeur et de la forme de ces pores prétendus, quand bien même cette doctrine ne serait pas infirmée directement par l’observation.

Les fluides, pour passer d’un organe creux dans un autre, ont besoin de traverser les deux parois contiguës de ces organes; car l’observation démontre que tous ces organes ont chacun une membrane propre, et qu’ainsi ils n’ont jamais de paroi commune là où ils sont contigus. En effet, nous avons vu que, par le moyen de l’ébullition dans l’acide nitrique, on isole les unes des autres toutes les cellules de la moelle, lesquelles, ainsi isolées, se trouvent former chacune une vésicule complète; il en est de même du tissu cellulaire articulé, chacun des articles dont il se compose se détache en formant une vésicule sans aucune ouverture. Ainsi les cellules sont des vésicules simplement agglomérées, et sans aucune continuité entre elles; leur forme originelle est la forme globuleuse: c’est par l’égalité de la compression qu’elles éprouvent dans tous les sens, qu’elles prennent souvent une forme polyèdre symétrique. Les cellules isolées et extrêmement petites conservent cette forme globuleuse que nous avons observée dans les corpuscules nerveux. J’ai encore observé cette forme globuleuse des cellules dans la substance dure qui forme le noyau ou l’endocarpe de l’abricot; cette substance étant soumise à l’ébullition dans l’acide nitrique, perd complètement sa dureté, ses éléments organiques se dissocient avec facilité, et on voit qu’elle est entièrement composée de petites cellules vésiculaires et globuleuses, qui sont agglomérées, comme on le voit dans la figure 19. Ces cellules contenaient une substance concrète et fort dure dont l’acide nitrique a opère la dissolution. C’est ici spécialement que l’on voit avec évidence que les cellules sont tout-à-fait indépendantes les unes des autres, et que leur forme originelle est la forme globuleuse. Les clostres, qui ne sont que des cellules tubuleuses soumises à un mode particulier de développement, n’ont de même jamais de parois communes dans les endroits où ils sont contigus; il en est de même de tous les tubes végétaux: on les obtient toujours, par le moyen que j’ai indiqué , parfaitement nus et complètement isolés de tous les organes qui les environnaient, et auxquels ils étaient simplement contigus. Les tubes qui sont réunis en faisceaux n’ont point non plus de paroi commune là où ils se touchent; car j’ai toujours vu ces tubes se séparer les uns des autres, en formant chacun un tube complet. Ce n’est point sans regret que je me trouve encore ici dans la nécessité de combattre les assertions d’un naturaliste célèbre que je semble avoir entrepris de contredire en tout, tant il y a de disparité entre ses observations et les miennes. Selon M. Mirbel, les cellules auraient une paroi commune là où elles se touchent; il en serait de même des tubes rassemblés en faisceaux: les tubes isolés seraient latéralement continus avec le tissu cellulaire qui les environne. Sur ces assertions, que l’observation infirme, M. Mirbel fonde une théorie de l’organisation végétale dont on voit de suite le peu de solidité. Selon ce naturaliste, toutes les cellules et tous les tubes seraient le résultat des diverses manières d’être d’un seul et même tissu membraneux continu dans toute l’étendue du végétal, et dont l’épiderme ferait la limite. Considéré de cette manière, et pour me servir d’une comparaison grossière, mais assez juste, le tissu végétal, rempli de cavités de différentes formes, ressemblerait, en quelque sorte, à un pain dont la substance, continue dans toutes ses parties, offre une immense quantité de cavités cellulaires; mais l’observation, comme je viens de le dire, n’est point d’accord avec cette théorie: elle prouve que chaque tube et chaque cellule est un organe circonscrit qui possède des parois qui lui sont exclusivement propres, et qui se détache d’une manière nette des autres organes qui l’environnent, ce qui peut faire penser que ces organes contigus étaient simplement agglutinés. On peut supposer, il est vrai, que l’acide nitrique ne séparerait ces organes les uns des autres qu’en détruisant un tissu intermédiaire qui établissait leur continuité , mais ceci est une pure hypothèse. Nous verrons à la fin de cet ouvrage des observations sur la composition organique des animaux qui viendront à l’appui de la théorie nouvelle que l’on pourrait déduire de mes observations, et qui tendraient à faire considérer le tissu organique comme formé par la réunion d’une immense quantité de vésicules celluleuses ou tubuleuses dont les parois sont en contact, et qui tiennent les unes aux autres par une simple force d’adhésion ou d’agglutination.

La structure intime des animaux et des végétaux et leur mobilité

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