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I

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M. CANTON ET SES ENFANTS.

En 1848, M. Canton, fabricant de meubles à Paris, se vit en un seul jour complétement ruiné. Sa femme, déjà souffrante depuis longtemps, fut si frappée de ce coup subit qu’elle tomba dangereusement malade et mourut, laissant deux garçons, Vincent, qui avait quatorze ans, et Arthur, qui venait d’atteindre sa douzième année.

Je ne raconterai pas la cause de la ruine de M. Canton, ce serait trop long et trop difficile à vous expliquer clairement, mes chers lecteurs: je vous dirai seulement que, dans ces tristes circonstances, le digne fabricant se montra ce qu’il avait toujours été, un parfait honnête homme. Tout le monde le plaignit, et ses créanciers eurent pour lui les plus grands égards.

Quand M. Canton eut réglé ses comptes et abandonné tout ce qu’il possédait, il se trouva dans un terrible embarras. S’il avait été seul, il se fût facilement tiré d’affaire; mais il ne devait pas seulement songer à lui; ses deux enfants étaient encore trop jeunes pour gagner leur vie.

Après bien des démarches inutiles pour se procurer un emploi dans une fabrique ou dans une maison de commerce, M. Canton eut le bonheur de rencontrer un ancien ami qui lui conseilla d’aller tenter la fortune en Californie, et lui offrit une somme d’argent assez ronde pour effectuer ce voyage dans de bonnes conditions. M. Canton ayant fait remarquer à son ami qu’il lui était très-difficile de s’expatrier à cause de ses enfants, cet ami lui répondit que rien n’était plus simple que de mettre ses deux garçons en pension à Paris, et qu’il se chargerait volontiers d’aller les voir de temps en temps et de veiller à tous leurs besoins.

M. Canton, malgré le chagrin que lui causait la seule pensée de s’éloigner de ses enfants, se voyait dans une si triste position, qu’il n’osa pas rejeter la proposition de son ami; il lui demanda cependant quelques jours pour y réfléchir mûrement.

Vincent et Arthur avaient assisté à la conversation de leur père avec son ami. Dès que celui-ci eut pris son chapeau et fut parti, ils se levèrent tous les deux et se jetèrent, en fondant en larmes, dans les bras de leur père.

«Mon cher père, dit Vincent, quand ses sanglots lui permirent de parler, n’écoute pas ce méchant homme qui te conseille de nous laisser seuls à Paris et de t’en aller à je ne sais combien de mille lieues d’ici. Est-ce que nous pourrions vivre sans toi?

— Mes pauvres enfants, répondit M. Canton, vous me fendez le cœur; vous êtes encore bien jeunes, et cependant vous devez comprendre que, dans la position où je me trouve ainsi que vous, je dois prendre un grand parti. J’ai perdu, vous le savez, tout ce que je possédais. Depuis plus de six mois je cherche inutilement à me caser dans une fabrique, et les affaires vont si mal, que j’ai toutes les peines du monde à trouver de l’ouvrage comme simple ouvrier. Malgré les privations que nous nous imposons chaque jour, la petite somme d’argent provenant de la vente des objets que mes créanciers nous ont laissés diminue, et bientôt nous serons sans ressources; et si alors l’ouvrage venait à me manquer tout à fait, que deviendrions-nous!

C’est lorsque nous sommes dans une passe aussi critique qu’un de mes anciens amis me propose de me fournir les moyens d’aller tenter la fortune en Californie: comment voulez-vous que je n’accepte pas son offre? Ne serait-ce pas, en quelque sorte, repousser la dernière planche de salut que le bon Dieu me présentait?

— Eh bien! s’écria Arthur que son père avait pris sur ses genoux, si tu veux aller en Californie, tu nous emmèneras avec toi, et nous chercherons de l’or ensemble! nous ne voulons pas t’abandonner: qui est-ce qui te soignerait si tu devenais malade?

— Y pensez-vous, mes chers enfants! m’accompagner dans un pareil voyage! ce serait au-dessus de vos forces. Vous ne savez pas quelles fatigues, quelles privations attendent ceux qui vont comme moi à la recherche de l’or. D’abord il faut rester près de six mois sur mer, rien que pour gagner le port de San-Francisco en Californie, et cette longue traversée est peut-être la partie la moins pénible du voyage de ceux qui veulent gagner les mines situées dans l’intérieur des terres.

— Qu’est-ce que cela nous fait, dit Vincent avec énergie, d’être longtemps sur mer, puisque nous y serons avec toi! Si nous faisons naufrage, nous mourrons au moins tous ensemble, et nous irons dans le ciel rejoindre maman. Je t’ai souvent entendu parler de la Californie et assurer, d’après des personnes dignes de foi qui y ont été, que le pays n’était pas du tout malsain pour ceux qui prennent les précautions voulues. Nous jouissons d’une excellente santé, nous sommes très-vigoureux pour notre âge, nous avons du courage, et un travail approprié à nos forces ne nous effraie point, n’est-ce pas, mon frère?

— J’aimerais mieux manger avec papa du pain sec, ne boire que de l’eau et gratter la terre du matin au soir, que de vivre ici comme un prince et de jouer toute la journée!

— Eh bien! dit M. Canton, puisqu’il en est ainsi, nous ne nous séparerons pas, mes chers enfants. Je resterai à Paris, et je remercierai mon ami de ses offres généreuses. Je ne parviendrai certainement pas en travaillant comme un simple ouvrier ébéniste à rétablir ma fortune, mais peut-être trouverai-je à gagner assez pour nous faire vivre tous les trois en attendant que vous puissiez gagner quelque chose de votre côté.

— En ce cas, dit Vincent, j’aime encore mieux que tu partes, et que tu nous laisses à Paris. Nous ne voulons pas être un obstacle à ta fortune; nous ne voulons pas qu’à cause de nous tu refuses des offres qui te semblent si avantageuses: tant pis si le chagrin et l’inquiétude nous tuent.

— Mais pourquoi ne pas nous emmener? reprit Arthur en sanglotant: nous serions si forts tous les trois; rien ne pourrait nous abattre ni nous décourager!»

Quoique l’ami en se retirant eût fermé derrière lui la porte de la modeste chambre qui formait tout le logement de M. Canton et de ses enfants, il avait entendu la douloureuse exclamation de Vincent avant de descendre l’escalier. La curiosité l’avait ensuite retenu sur le palier, en sorte qu’il ne perdit pas un mot de la conversation qui précède.

Touché des nobles sentiments et de l’affection si profonde et si vraie qu’Arthur et Vincent portaient à leur père, il rentra brusquement dans la chambre, et dit à M. Canton: «Vous êtes trop heureux, mon cher, d’avoir de pareils enfants; j’ai entendu tout ce qu’ils viennent de dire, et j’en suis délicieusement ému. Arthur a raison quand il s’écrie qu’à vous trois vous serez assez forts pour qu’aucun obstacle ne puisse ni vous abattre, ni vous décourager. Partez ensemble, je vous en procurerai les moyens, et Dieu, j’en suis sûr, bénira votre confiance en lui et les doux sentiments d’affection qui vous unissent.»

Les petits voyageurs en Californie

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