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I

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ÉTAT DE LA QUESTION.

Un physiologiste éminent, aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Institut, a émis cette opinion remarquable au moins par sa forme aphoristique: «Avec nos mœurs, nos passions, nos misères, l’homme ne meurt pas, il se tue .» Il ne serait pas difficile de relever ce qu’il y a de trop absolu dans cette pensée et de montrer, par exemple, qu’à moins de vivre étranger aux liens de la famille, de résigner toute solidarité nationale, et d’abdiquer sa personnalité au milieu du conflit des intérêts divers qui s’agitent autour de lui, l’homme n’a ni la liberté ni le pouvoir de se soustraire aux influences morales qui l’environnent, qui le menacent et le compromettent. Et s’il en devient victime, serait-il juste de l’en rendre responsable et de dire que, dans ces conditions, l’homme se tue?

Mais si l’opinion de M. Flourens est contestable dans la rigoureuse acception de ses termes, il est impossible de ne pas reconnaître avec lui que parmi les maladies qui affligent l’humanité il y en a beaucoup qui sont le produit de ses œuvres; et que si l’homme était plus sage et plus prudent, son existence en serait plus longue et plus heureuse. Mais nous sommes ainsi faits qu’à tout prix nous voulons dégager notre responsabilité des maux qui nous frappent, et que si la maladie nous atteint, si la mort nous menace, nous préférons en accuser des influences étrangères ou inoffensives plutôt que de mettre en cause notre régime et notre conduite.

Pourtant, parmi nos habitudes, nos modes et nos usages, n’en est-il pas quelques-uns dont l’hygiène a signalé les inconvénients et les dangers? Et n’en pourrait-on pas citer d’autres qui ne nous paraissent inoffensives que parce que la science n’a pas encore parlé ?

Parmi les questions qui appellent encore les investigations des savants, il y en a une qui me semble pleine d’actualité, et que l’hygiène a à peine effleurée: c’est celle du tabac.

L’usage de cette plante s’est introduite partout: en effet, il a envahi toutes les classes de la société, les enfants eux-mêmes en sont devenus tributaires; et comme cela se voit pour le sucre et le café, il semble que bientôt personne ne pourra plus s’en passer.

Quand on interroge l’opinion touchant l’influence du tabac sur l’homme sain, on la trouve divisée en deux courants parfaitement distincts. D’un côté c’est un optimisme que rien ne trouble. Le tabac est une plante bienfaisante qui distrait, qui dissipe l’ennui, qui enfante la gaieté, qui porte au recueillement et à la méditation; le tabac jette l’esprit fatigué dans une douce rêverie et procure un repos agréable: on a été jusqu’à en faire un instrument de moralisation et à proposer qu’on en permette l’usage dans les pensions et les lycées!!

Les partisans de l’opinion contraire le frappent d’une proscription absolue. Pour eux, l’usage du tabac ne répond à aucun besoin naturel, c’est un plaisir factice qui devient souvent une source de gêne, de souffrances et de maladies: c’est toujours un esclavage embarrassant. Plusieurs antagonistes du tabac sont disposés à en faire le bouc émissaire de tous les maux qui affligent l’humanité, et ils seraient volontiers disposés à croire que c’est le tabac qui a fait perdre à l’Espagne son importance politique, et ce caractère chevaleresque qui en avait fait un des premiers peuples du monde . Ils consentiraient peut-être au rétablissement de la peine du fouet et de la prison, que les règlements de police de 1635 infligeaient aux débitants de boisson qui auraient vendu du tabac ou qui en auraient permis l’usage dans leur maison .

Exagération des deux côtés. Le médecin qui, sur ce terrain, veut faire œuvre profitable à la science, doit se préserver des opinions extrêmes, tenir la balance d’une main impartiale et interroger l’expérience. C’est ce que je fais depuis vingt-cinq ans.

Observateur désintéressé et sans autre mobile que l’intérêt de mes semblablés, je leur apporte, avec le résultat de mes observations, l’expression de mes convictions motivées et réfléchies; et si mes conclusions sont en désaccord avec les habitudes de quelques-uns de mes lecteurs, ils me rendront du moins cette justice, qu’avant de les produire je leur ai laissé le temps d’acquérir une suffisante maturité.

Pour qui se bornerait à un examen superficiel de la question, il serait facile d’établir les effets du tabac sur l’homme sain. En résumant les symptômes de l’empoisonnement par cette plante, et les cas en sont nombreux, soit qu’elle ait été employée en lotions contre des affections prurigineuses, en lavement contre les vers intestinaux ou pour vaincre des étranglements herniaires; soit qu’elle ait été introduite dans l’estomac dans un but thérapeutique ou criminel, ou bien par erreur ou imprudence, en ajoutant a ces symptômes ceux qu’éprouvent la plupart des jeunes gens qui, séduits par l’exemple, croient grandir plus vite en imitant les hommes faits, on arriverait à constater un ensemble de phénomènes qui prouvent que le tabac exerce une action puissante et nuisible sur l’économie, et que, dans des circonstances encore mal déterminées, il trouble l’harmonie de presque toutes les fonctions.

Mais la science aurait peu à gagner à cette œuvre de copiste, et je préfère une voie plus laborieuse mais plus féconde. En rassemblant un certain nombre d’observations authentiques dans lesquelles l’usage et l’abus du tabac paraissent avoir agi comme cause soit prédisposante, soit déterminante, en cherchant si parmi les divers accidents qui traversent la vie de l’homme, il n’y a pas quelques états morbides jusqu’alors inexpliqués dont l’usage du tabac pourrait rendre raison: en tirant de ce rapprochement des inductions légitimes, j’espère pouvoir arriver aux conclusions suivantes:

Le tabac, en dehors de ses applications médicales, est d’une utilité contestable: dangereux pour l’enfance et la jeunesse, son usage, souvent inoffensif dans l’âge mûr et dans la vieillesse, doit être subordonné à des règles qu’il appartient à l’hygiène de tracer, et auxquelles il est imprudent de se soustraire.

Du tabac

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