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CHAPITRE III.

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Table des matières

Où l’on réfute les explications des commentateurs

chrétiens sur les Prophéties alléguées.

Quand la volonté s’obstine à réfuter la vérité, il importe peu que l’entendement en soit convaincu. Toutes les raisons bonnes ou mauvaises sont confondues; l’imagination remplie d’une erreur que l’éducation, l’habitude et l’intérêt ont établie, ne s’occupe que de cette pensée, et les raisonnemens les mieux fondés, les preuves les plus démonstratives, ne peuvent plus faire impression sur elle, ni dissiper les nuages qui lui cachent la vérité. Il parait d’abord impossible que la promesse de Dieu exprimée dans la loi, annoncée par les Prophètes en termes si clairs et si évidens, ne suffise pas pour convaincre les chrétiens qu’ils sont dans. l’erreur, et que les enfans d’Israël qui persévèrent avec une constance surprenante dans l’observation de la loi et des Prophètes, suivent le véritable chemin et méritent seuls l’effet des promesses du Seigneur. Mais comme la volonté s’oppose à cette vérité, l’entendement ne saurait agir; il s’abandonne aux impressions qu’il reçoit de cette volonté corrompue, et se laisse entraîner par des sophismes plus subtils que solides vers les idées dont il s’est d’abord préoccupé. Comment peut-on croire que le Messie que les chrétiens adorent a accompli les Prophéties et les fait jouir de cette miraculeuse rédemption? Ils en sont néanmoins si fortement persuadés qu’ils ne se donnent pas la peine de réfuter nos raisons par d’autres plus convaincantes. Ils se contentent de les éluder et se reposent sur ce qu’ils sont les plus forts et leur religion la dominante, trop heureux encore qu’ils nous permettent de suivre la nôtre et de ce que, par une grâce spéciale, ils nous permettent quelquefois de leur montrer que c’est avec justice que nous attendons la fin de notre esclavage, de nos peines et de notre misère.

Plusieurs pères de l’Eglise ne pouvant nous convaincre, parce qu’ils n’osent nier la vérité de tant de prophéties, disent qu’il est vrai que les enfans d’Israël devraient jouir de tous les biens qui y sont annoncés, mais que par leur obstination à ne point croire la venue du Messie, et par la mort qu’ils lui ont fait souffrir, ils ont perdu pour jamais la grace du Seigneur et sont condamnés à expier par des châtimens un crime si énorme. N’est-ce pas plutôt éluder que répondre aux preuves convaincantes qu’on leur fait pour ainsi dire toucher au doigt? La promesse de Dieu est absolue, sans aucune clause ou condition quelconque. Les péchés d’Israël sont punis partout de châtimens, et par une si longue captivité que sans sa confiance dans la miséricorde de Dieu et sans la certitude qu’il a de rentrer absolument en grace avec lui, tout ce peuple serait déjà confondu parmi les nations où il a été dispersé, et en aurait embrassé la religion comme les manières. La circoncision des cœurs doit produire l’amour de Dieu envers nous, et la crainte que nous avons de l’offenser en nous éloignant de ses divines ordonnances, inspire cette fermeté et cette constance à les suivre à perpétuité. Ce n’est pas même pour nous que le Seigneur exécutera ses promesses, c’est pour la gloire de son saint nom; il est donc inutile de dire que si nous avions voulu croire au Messie qu’ils adorent, nous jouirions des biens annoncés par sa venue. Cette condition si nécessaire pour y ajouter foi aurait été stipulée expressément par les Prophètes; c’est pour les enfans d’Israël qu’ils rendaient ces divins oracles, c’est pour eux que le Messie devait venir, et eux seuls ne l’ont pu ni voulu reconnaître, parce qu’il n’avait aucune des marques qu’il devait avoir. Etrange obstination, ou, pour mieux dire, merveilleux effet de la Providence divine, qui a conservé Israël dans la purefé de ses sentimens sans que les opprobres où il est exposé et toutes les calamités qu’il souffre aient pu le détourner du culte de soir Dieu! Il n’y a pas un seul endroit dans tout le Pentateuque où il soit parlé du Messie, et je défie le plus savant de tous les docteurs chrétiens de me faire voir que Dieu, pour racheter les enfans d’Israël, dise qu ils doivent adorer le Messie; il était même impossible, pour ainsi dire, que le Seigneur leur eût imposé cette condition, puisqu’il leur avait promis qu’il les comblerait à perpétuité de son amour et de sa grace, avant que de leur faire annoncer par les Prophètes la venue du Messie. Comment pouvaient-ils donc jouir de ces grands avantages après avoir commis un prime aussi énorme que celui de lui avoir fait souffrir la mort? Au lieu de le reconnaître et de s’humilier devant lui, le traiter avec tant d’indignité et de mépris, c’était vouloir perdre pour jamais tant de bienfaits et de félicités qu’il était venu leur annoncer. Mais quelle apparence y a-t-il que Dieu ait permis que son peuple se soit souillé d’un si exécrable forfait? Et si, nonobstant sa volonté, il en fût venu à l’exécution, il était infailliblement assuré de sa ruine totale. Le prophète Ezéchiel assure bien positivement le contraire. «Je

» vous donnerai, dit-il, un cœur nouveau; je vous

» ferai observer mes préceptes et mes ordonnances,

» et je vous sauverai de toutes vos impuretés. Je

» verserai sur vous des eaux nettes qui vous lave-

» ront de toutes vos taches.» Comment cette purification que le Prophète nous prédit peut-elle se vérifier? Ce sincère repentir, cette pénitence d’Israël est-elle compatible avec le supplice infâme auquel il a condamné son rédempteur et son Messie? Mais plutôt, comment pouvait-il le faire mourir si le Seigneur dit expressément le contraire par la bouche du prophète Jérémie? «Car en ce temps-

» là, dit le Seigneur, je vous ôterai du col le joug

» de vos ennemis, et je le briserai; je romprai vos

» chaînes, et les étrangers ne vous domineront plus.

» Mais ceux qui seront alors serviront le Seigneur

» et David leur roi que je leur susciterai.» Si donc les enfans d’Israël doivent servir leur Dieu, s’ils doivent obéir à leur roi, à leur Messie, fils de David, quelles raisons auraient-ils eue d’être infidèles à leur Dieu? Quelle obéissance auraient-ils montré à leur Messie eu le faisant mourir? Leurs actions sont absolument contradictoires à cette prophétie, à moins qu’on ne veuille dire que Dieu exigeait d’eux cette mort abominable comme une preuve indubitable de leur zèle.

Les docteurs chrétiens seront encore bien plus embarrassés d’accommoder à leur doctrine la prophétie d’Osée quand il décrit la captivité, la rédemption et l’obéissance au Seigneur et à son Messie. «Les enfans d’Israël, dit-il, seront plusieurs

» jours sans roi, sans Seigneur et sans sacrifice,

» sans demeure stable, sans Ephod et sans Thera-

» phim. Mais après cela les enfans d’Israël revien-

» dront et rechercheront l’Eternel leur Dieu et

» David leur roi, et, dans les derniers jours, ils rece-

» vront avec une frayeur respectueuse le Seigneur

» et les graces qu’il leur doit faire.»

La réponse qu’on fait à une objection si claire est curieuse et mérite d’être rapportée. Israël, dit-on, au lieu de chercher son Dieu et son Roi, l’a évité, l’a fui; il a offensé l’un par la rébellion, et l’autre par une action sacrilège. Si cela est vrai, le Prophète s’est malheureusement trompé. Pour vérifier une opinion si absurde et si fort éloignée du bon sens et de la vérité, il devait dire: «et ensuite les

» enfans d’Israël fuiront leur Dieu comme des criminels

» de lèse Majesté divine, et ils feront mourir

» David leur roi.» Ce n’est pas par la frayeur dont parle le Prophète, qu’ils doivent recevoir la grâce de Dieu dans les derniers jours, mais par une désobéissance, par un manque de respect qui est tout-à-fait opposé à ce que le Prophète annonce. En un mot ce n’est qu’après une longue et austère pénitence que les enfans d’Israël rentreront en grace avec le Seigneur, qu’il verra leur cœur entièrement soumis à sa volonté et que cette rédemption doit s’accomplir. D’où peut-on raisonnablement inférer qu’ils commettront le plus affreux de tous les crimes au moment qu’ils doivent jouir du bonheur le plus parfait? L’alliance que le Seigneur a contractée avec leurs pères de protéger leurs semences est encore un obstacle à la condition que le Christianisme veut mettre à la promesse que Dieu fait de les rétablir et de les racheter.

Les docteurs modernes ne peuvent rien opposer de solide à des vérités si claires. Ils avouent que tout ce que Dieu a promis aux enfans d’Israël dans la Loi et dans les Prophètes doit s’accomplir à la fin du monde au temps du dernier jugement, qu’alors ils se convertiront et renonceront à cette incrédulité obstinée qu’ils ont défendue avec tant d’opiniâtreté, qu’ils embrasseront la religion chrétienne, qu’ils rentreront dans le sein de l’Église et pleureront amèrement le crime qu’ils ont commis en faisant mourir leur rédempteur et leur sauveur, et que cette confession solennelle est exprimée dans le trente-troisième chapitre d’Isaïe.

Ce raisonnement n’est à proprement parler qu’un expédient et un vain subterfuge pour éluder la vérité dont ils sont convaincus intérieurement, parce qu’il n’y a pas un seul endroit dans tous les Prophètes qui sépare le temps de la venue du Messie de celui de la rédemption. L’un et l’autre doivent arriver en même temps avec cette différence que Dieu assure qu’il rassemblera premièrement les enfans d’Israël d’entre les nations, qu’il les conduira à l’héritage de leurs pères, qu’il les sanctifiera et fera plusieurs miracles en leur faveur et ensuite leur donnera pour roi, pour pasteur et pour juge le fils de David. Ainsi la distance du temps marqué est pour nous apprendre que la rédemption sera accomplie quand le Messie arrivera: ce qui détruit tout-à-fait le raisonnement des docteurs modernes, à moins qu’ils ne veuillent suivre la secte des millénaires qui soutiennent que le Messie déjà venu et mis à mort par les enfans d’Israël reviendra dans plusieurs siècles pour monter sur le trône de David et les gouverner corporellement. Il était tout-à-fait inutile de retirer les enfans d’Isaël d’entre les nations pour les faire devenir chrétiens, et de les rassembler tous à l’héritage de leurs pères, à cette Terre Sainte qui leur était réservée; ce n’est que parmi les peuples qui ont embrassé le Christianisme qu’ils pouvaient se convertir; quelle apparence y a-t-il qu’après avoir souffert tant de tourmens, qu’après avoir gémi si long-temps sous le joug d’une si dure captivité pour ne point s’éloigner des ordonnances de leur Dieu, qu’après avoir vécu, dis-je, pendant tant de siècles dans l’opprobre des nations et qu’après avoir exposé leur vie avec une fermeté inébranlable pour ne pas servir d’autre Dieu que celui que leurs pères avaient connu, ils l’abandonnent quand ils auront la liberté de l’adorer, qu’ils paient de la plus noire ingratitude tant d’honneurs et tant de bienfaits dont il les comble, qu’ils rejettent avec mépris la grace qu’il leur accorde avec tant de bonté ? Enfin si dans ce temps-là les enfans d’Israël doivent suivre la même religion que professent les autres nations, s’ils doivent obéir au même roi, comment les Prophéties qui les assurent qu’ils domineront sur toutes les nations peuvent-elles s’accomplir? Il y a une grande distance entre dominer et obéir, et leur sort ne changerait tout au plus qu’en ce qu’ils se seraient écartés du droit chemin pour en prendre un tout opposé à la volonté de Dieu qui les assure que dans le temps heureux où leur rédemption s’accomplira, les nations ressentiront les effets de sa colère, parce qu’elles ont injustement persécuté Israël, c’est ce que leur promet Isaïe. «Réveillez-vous, réveillez-vous, levez-vous,

» Jérusalem qui avez bu de la main du Seigneur la

» coupe de sa colère, qui avez bu la lie du vase de

» venin; une double affliction va fondre sur vous;

» qui compatira à votre douleur? le ravage et la

» désolation, la faim et l’épée vont vous exterminer;

» qui vous consolera de tant de maux? Écoutez

» donc maintenant, pauvre, enivrée de maux et

» non pas de vin, voici ce que dit votre Seigneur

» et votre Dieu qui combattra pour son peuple. Je

» vais vous ôter de la main cette coupe de venin où

» vous avez bu de mon indignation jusqu’à la lie.

» Vous n’en boirez plus à l’avenir, mais je la met-

» trai dans la main de ceux qui vous ont chagriné,

» qui ont dit à votre ame: prosterne-toi afin que

» nous passions; et vous avez rendu votre corps

» comme une terre qu’on foule aux pieds et comme

» le chemin des passans.» Le Prophète Jérémie prédit à peu près les mêmes choses. Je ne le détruirai point, mais je le châtirai. Les docteurs chétiens ne peuvent donc alléguer aucune raison qui prouve que le Messie a déjà racheté les enfans d’Israël, et qui puisse les persuader qu’à la fin du monde ils embrasseront la religion chrétienne. Ils boivent, en attendant ce jour bienheureux, la coupe d’amertume; ils sont opprimés par les nations, et le premier effet qu’ils éprouvent de la promesse de Dieu leur fait attendre le second avec une espérance certaine qui ne saurait leur manquer.

Israël vengé

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