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AVANT-PROPOS

Table des matières

Le sport a pris vers la fin de ce dix-neuvième siècle une place si considérable, malgré les discussions sans nombre qu’il a soulevées et les oppositions constantes rencontrées à chaque pas, qu’on a vu la nécessité de créer des feuilles spéciales quotidiennes ou hebdomadaires, illustrées ou non, afin de satisfaire aux exigences d’un public toujours plus nombreux.

Quelques esprits timorés ou trop routiniers en ont tiré de fâcheuses conclusions; mais la généralité a été favorable à cette innovation, comprenant combien la pratique constante des exercices physiques pouvait aider au développement des meilleures qualités de notre race, et, dans un sentiment commun de patriotisme, on s’est réjoui de cet élan spontané vers le sport.

L’essor inouï pris par la vélocipédie et plus récemment encore par l’automobilisme; le goût si vif apporté à ce genre pratique de locomotion par toutes les classes de la Société, ont ouvert un champ très nouveau et très vaste aux feuilles sportives. Quelques personnes, aussi hardies qu’éclairées, ont compris tout le profit qu’elles pouvaient tirer d’un emballement, justifié d’ailleurs par de sérieux résultats au double point de vue économique et social, emballement qui, poussé à l’excès, peut, ainsi que nous essaierons de le démontrer plus loin, devenir un danger grave pour notre élevage national et par conséquent, pour la défense de notre pays.

Mais, jusqu’à présent, les feuilles quotidiennes, quelques-unes fort intéressantes et traitant avec autorité et un véritable intérêt toutes ces questions au goût du jour, ont fait une part trop minime, nous osons même dire presque nulle, au véritable sport hippique, négligeant ainsi un public choisi qui forme, il est vrai, une minorité, mais une minorité intéressante et non négligeable qui se rapproche beaucoup, sous bien des rapports, du public de l’automobilisme dont les coûteux essais n’ont guère intéressé, jusqu’à ce jour, que les classes aisées de notre Société moderne.

Sans contredit, l’homme de cheval est abandonné, complètement laissé de côté dans les publications quotidiennes; on ne pense pas à lui; on semble oublier qu’il existe et que le plus beau sport du monde a toujours été en honneur dans l’élite de la nation française; on ne paraît pas s’apercevoir qu’il y a un abîme entre le banal parieur des hippodromes et le véritable admirateur du cheval.

Les autres sports sont nés d’hier; l’équitation est vieille comme le monde. Plus de 440 ans avant Jésus-Christ, Xénophon qui fut un des grands capitaines de Cavalerie de l’antiquité, en même temps qu’un grand écrivain et éminent philosophe a fait sur l’équitation, le dressage et l’achat du cheval de guerre, un admirable traité savamment traduit par M. Eugène Talbot, qu’il est toujours intéressant de consulter.

Les races primitives qui ont peuplé notre pays tenaient le cheval en haute estime, à l’exemple des Grecs et des Troyens qui le considéraient comme un animal noble entre tous, l’entouraient de soins particuliers et le harnachaient avec recherche. Le Franc, monté sur son coursier à tous crins, poursuivait à travers les immenses forêts le cerf et le sanglier, chaises à courre merveilleuses dont celles de nos jours ne peuvent donner l’idée.

Nos meilleurs écrivains ont célébré le cheval; il a tenté le ciseau et le pinceau de nos plus célèbres artistes, et lorsqu’on a lu la magnifique page d’Henri Lavedan, intitulée «Symphonie du Cheval», où il confesse qu’il a toujours eu pour ce noble animal un vaste et profond amour, on se sent véritablement ému, transporté, émerveillé, et c’est en lisant ces lignes vibrantes, toutes pleines de majestueuses et superbes pensées, que l’homme de cheval tressaille d’orgueil et se sent quelque chose.

«Mon royaume pour un cheval», disait Boabdil! Seuls, peuvent le comprendre ceux qui sont passés par toutes les émotions d’un dressage, et qui ont appliqué toute leur adresse, toutes leurs forces intelligentes à le mener à bien.

Quand nous parlons de «l’homme de cheval», nous n’entendons pas indiquer spécialement celui qui s’est adonné à l’hippologie et à l’hippiatrique. Ce serait vouloir confondre la théorie avec la pratique.

La théorie, en effet, ne suffit pas à faire un homme de cheval proprement dit. Celui-là vient au monde homme de cheval, il développe son goût, ses capacités, mais il possède des qualités natives qui ne s’acquièrent pas. On naît homme de cheval, comme on naît poète, l’hippologie s’apprend; le goût du cheval est un don naturel, don qui s’augmente seulement par l’éducation et par l’instruction.

La grosse majorité du public des Courses ne s’intéresse que médiocrement au cheval lui-même, qui devient à ses yeux une sorte de carte vivante, et dont elle ignore la plupart du temps les performances et les chances de succès. Si ce public, que n’attire vers le pesage ou la pelouse que la malsaine passion du jeu, au lieu de se baser uniquement sur les tuyaux des gens d’écurie et les pronostics plus ou moins fantaisistes des journaux, pouvait éclairer sa religion plus sérieusement, s’il était initié au cheval lui-même, s’il connaissait un tant soit peu les conditions qu’il doit remplir pour être beau, vigoureux, capable de vaincre ou seulement susceptible de faire un bon parcours; s’il avait la plus petite notion des difficultés nombreuses qu’un éleveur consciencieux, qu’un entraîneur savant et énergique doivent surmonter pour présenter des élèves irréprochables, de véritables favoris, il pourrait tout au moins risquer son argent d’une façon moins banale et plus intelligente.

Ecoutez ce que dit, à propos des courses, P. Geruzez, dont la compétence en pareille matière n’est pas à suspecter: «Aujourd’hui, la course est encouragée, favorisée, non pas à cause du cheval dont tout le monde se moque comme un poisson d’une pomme, mais à cause du jeu qui est installé à côté d’elle. On cherche des prétextes à paris, on parie au galop, on parie au trot, on pariera incessamment au pas, à qui ira le plus lentement (ainsi d’ailleurs que cela se fait déjà sur le vélodrome); l’important est de parier; le cheval de course n’existe plus pour le public qui ne connaît que le cheval de jeu».

Paul Geruzez est absolument dans le vrai; aussi serait-il grand temps qu’on cherchât à combattre cette stupide passion du jeu, actuellement encouragée par l’Etat sous le nom de pari mutuel, et qu’on devrait appeler plus proprement «Ruine mutuelle», car seul l’Etat y trouve son compte.

Il serait à désirer qu’un journal de quelque valeur prît en main les intérêts du cheval, en y intéressant agréablement ses lecteurs par des articles où la science équestre serait unie à la fantaisie de l’actualité.


Cheval de guerre tel qu'il nous le faut

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