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LES INDUSTRIES ARCHÉOLITHIQUES EN EUROPE

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L'effondrement du continent septentrional qui, durant les temps de la grande extension glaciaire, constituait le principal réservoir des neiges et le point de départ des mers de glace, en causant la fusion de ces grandes masses d'eau congelée, amena, en même temps que de formidables inondations, un grand abaissement de la température moyenne dans les régions voisines des anciens champs de glace; et cette période de froid, qui dans nos régions fut assurément de longue durée, causa de profondes modifications dans la flore, comme dans la faune, ainsi que dans les conditions d'existence de l'homme. Très certainement alors eurent lieu de grandes destructions par les eaux et d'importants déplacements de populations, car, d'une part, l'aire habitable s'accroissait par l'abandon que les glaces faisaient de vastes régions, et d'autre part elle diminuait en raison de ce que bien des terres disparaissaient peu à peu sous les eaux, momentanément ou pour toujours.

Dans bien des régions, telles l'Égypte, le Somal, la Mésopotamie, l'Hindoustan, les populations furent balayées en même temps que la faune qui vivait avec elle; aussi, dans ces pays, constatons-nous l'existence d'un long hiatus au cours duquel aucune trace de l'homme ne se présente. Cet hiatus correspond aux temps de l'industrie archéolithique. Ce dépeuplement évident dans les régions que je viens de citer est moins clair dans l'Occident européen, où il n'affecte que des pays de moindre étendue. Après ce cataclysme la vie s'est conservée dans des «districts de survivance», chez des hommes échappés à la mort par suite de la situation de leur habitat, et par d'autres qui ont eu le temps de s'enfuir devant le danger. Là, dans ces «districts de survivance», se sont développées de nouvelles industries, voulues par les nouvelles conditions de la vie. L'Aurignacien, première phase de cette évolution, en Occident, est né de l'industrie moustiérienne, cela ne fait aucun doute aujourd'hui. Dès lors, commença la multiplication des humains dans ces foyers d'où devait, peu à peu, partir la reconstitution de la population du Globe. Partout où l'on rencontre des restes de l'industrie archéolithiques des débuts, on peut tenir pour certain qu'il a existé des «districts de survivance», partout où l'on constate l'existence d'une lacune, à la suite du paléolithique, on peut être sûr qu'après être demeuré pendant un temps plus ou moins long privé de population, ce lieu a été colonisé de nouveau par des gens venus de l'extérieur, soit des districts de survivance, soit de pays lointains.

Cette phase de la vie, dans nos pays, culture à laquelle on a généralement donné le nom d'âge du renne, en raison de l'abondance de ce cervidé dans la faune d'alors, que Piette désigne sous celui de période glyptique parce qu'on rencontre dans certaines localités des matières dures, os, ivoire, pierre, bois de renne, sculptées ou gravées, se sépare très nettement de la phase paléolithique par la stratigraphie comme par les caractères propres à ses industries diverses. Le Dr Hamy, dès 1870, dans son Précis de paléontologie humaine, avait partagé la fin des temps quaternaires en trois époques successives après celle du Moustier, la plus ancienne étant l'industrie d'Aurignac, puis celle de Solutré, et enfin celle de la Madelaine, la plus récente, qui termine la série de ce que nous nommons l'industrie archéolithique de l'Europe occidentale. Cette succession est généralement admise aujourd'hui[85].

Cette phase de l'industrie, très développée dans nos régions, dénote de la part des habitants de nos pays des aptitudes inconnues jusqu'alors: les arts débutent, ou du moins c'est à cette période que nous rencontrons leurs premières manifestations.

Les industries archéolithiques et mésolithiques du silex présentent, comme caractères généraux, que les instruments sont faits d'éclats retouchés de diverses manières; elles diffèrent en cela de l'industrie paléolithique qui utilisait le noyau même en le taillant sur ses deux faces, et l'éclat en le retouchant d'un seul côté, celui qui est opposé au bulbe de percussion. Les instruments moins anciens se présentent sous un grand nombre de formes, très localisées, les unes indépendantes, les autres procédant les unes des autres par transformations.

D'après les données actuelles, nous voyons que certaines régions, telle l'Europe occidentale, ont connu de nombreuses formes de transition entre le type chelléo-moustiérien et la pierre polie, alors que d'autres n'en possèdent que quelques-unes et que, dans certains pays, on semble passer directement de l'industrie paléolithique à la culture néolithique, peut-être même à celle du métal, sans rencontrer la moindre trace d'une phase quelconque archéolithique ou mésolithique. L'Égypte est dans ce cas et l'Italie paraît être passée directement d'un type archéolithique à l'industrie campignienne, sans avoir connu les formes solutréennes et magdaléniennes.

En Amérique du Nord, les industries sont confuses entre la forme acheuléenne et la pierre polie; on rencontre en même temps des instruments appartenant à tous les types européens, depuis celui du Moustier jusqu'à celui des Kjœkkenmœddings danois et, pour une bonne part, ces outils, ou tout au moins ces formes, étaient encore en usage chez les Indiens, bien des années après la colonisation des côtes par les Européens.

Afin de se rendre compte de ce qu'étaient les conditions de l'existence de l'homme durant la période qui, en France, a connu les diverses industries archéolithiques, il est nécessaire de se reporter aux phénomènes qui prirent place, lors de la disparition des grands glaciers, et d'examiner dans quel état les neiges laissèrent le sol.

Dans leur retrait, les glaces abandonnèrent peu à peu d'immenses territoires, arides d'abord, quoique trempés d'humidité, coupés en tous sens par des cours d'eau, couverts de fondrières, de marais, de lacs, d'îlots de glace en fusion. C'est sur ces terres que peu à peu gagna la zone des graminées. Il se forma, dans les contrées plates, d'immenses prairies dont s'empara le gibier, suivi par les chasseurs, soit que l'homme y fixât sa demeure, soit qu'il y vînt faire des expéditions de chasse, pendant les saisons favorables seulement. En arrière, les forêts gagnant progressivement sur les prairies, suivant de loin le mouvement des glaces, offraient le facies des pays froids et cette première zone forestière, de profondeur variable, se trouvait être elle-même remplacée, plus en arrière encore, par des boisements de climats plus tempérés, semés de clairières, de marais dans les bas-fonds, et de pâturages sur les lieux élevés; flore et faune connurent tous les intermédiaires entre les zones glacées et les pays vraiment chauds.

Il ne faut pas oublier que la fusion d'amas de glaces aussi importants, absorbant une énorme quantité de chaleur, produit, dans son voisinage, un abaissement intense de la température[86]; ce froid porta principalement sur la zone des steppes, plus voisine des glaciers que celle des forêts. Dans ces conditions les inégalités climatériques des diverses parties de la France étaient beaucoup plus grandes qu'elles ne le sont aujourd'hui, et l'ensemble était plus froid. Le renne se multiplia rapidement, les équidés parcoururent en grandes troupes les steppes de nos pays septentrionaux et centraux en compagnie des bisons, si nombreux encore en Amérique du Nord en ces derniers siècles. Les forêts offrirent aux mammouths la nourriture en même temps que les retraites mystérieuses qu'affectionnent les pachydermes, les capridés suivirent dans les montagnes le retrait des neiges. C'est dans ce milieu complexe, varié à l'infini, que se développèrent, dans l'Europe occidentale et centrale, les industries archéolithiques celles des survivants aux désastres qui ont accompagné et suivi la disparition des glaciers. Ailleurs, dans les régions plus voisines des tropiques, les conditions de la vie étaient différentes.

Depuis quelques années, grâce aux travaux d'une pléiade d'observateurs consciencieux, les découvertes portent leurs fruits; à la confusion bien naturelle des débuts succèdent aujourd'hui des classifications rationnelles, les dates relatives deviennent certaines, et l'aire d'extension des industries diverses se précise. Les unes, largement étendues, couvrent tous les pays qui séparent l'Espagne de la mer du Nord; d'autres sont plus restreintes. L'homme est mieux armé contre les difficultés de tout genre que lui oppose la nature et, peut-être aussi, ces difficultés sont-elles moins grandes que par le passé; mais il est beaucoup moins nombreux et laisse encore pendant longtemps d'immenses territoires vides.

INDUSTRIE AURIGNACIENNE.

Instruments en silex (fig. 20).—Les pointes et racloirs de type moustiérien abondent dans les couches aurignaciennes; mais on rencontre aussi bon nombre de formes jusqu'alors inusitées, entre autres des racloirs taillés sur des éclats très épais, parfois même sur des blocs ayant l'aspect de nuclei; ce dispositif a certainement été adopté pour que l'outil présentât une plus grande résistance à la rupture; il était donc destiné au travail de matières relativement dures. Puis viennent des lames à encoche simple ou double, d'autres retouchées d'un seul côté, formant ainsi des couteaux munis d'un dos; des perçoirs plus ou moins fins de pointe, des burins busqués et des burins d'angle, destinés au travail des matières résistantes, telles que la pierre, l'ivoire, l'os, la corne, le bois dur, etc... toutes ces formes sont nouvelles et quelques-unes persisteront jusqu'à l'apparition du métal.

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