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CHAPITRE PREMIER

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Table des matières

HUBERT BONISSEUR

de La Bath arrêta la voiture et regarda, de l’autre côté de la rue, l’austère façade de la Mission. Au-dessus du grand portail noir rébarbatif, une horloge indiquait 3 heures. Le temps était beau. De rares nuages blancs défilaient très haut dans le ciel, à grande vitesse.

Hubert coupa le contact et mit les clés dans sa poche. Mais, il ne pouvait se résoudre à descendre. Une impression de malaise au creux de l’estomac, qui ressemblait fort à de l’angoisse, le paralysait...

Les dernières phrases que lui avait adressées le grand patron à Washington, résonnaient encore à ses oreilles: Hubert, mon vieux garçon, toutes les missions les plus difficiles que vous avez menées à bien jusqu’à ce jour ne sont probablement rien à côté de celle que je vais vous confier maintenant. Je peux me tromper, mais je crois qu’il s’agit de l’affaire la plus... terrifiante dont un service secret ait jamais eu à s’occuper. Soyez prudent, vieux garçon... Soyez TRES prudent!... Mais n’oubliez tout de même pas que chaque seconde peut compter pour notre existence et peut-être pour l’existence de tous les hommes nés sur cette terre.

Après ce beau discours, Hubert avait reçu en communication un dossier «Top secret», numéroté «2 dernier», ce qui signifiait qu’il en existait seulement deux exemplaires, et dont le nom de code était «CRASH». Il avait pris connaissance de ce dossier dans une pièce voisine, avant de le restituer à celui qui le lui avait confié.

C’était bien le dossier le plus étrange et le plus incroyable qui fut jamais passé entre les mains d’Hubert. Lorsqu’il l’avait refermé, il ne savait pas s’il devait rire ou trembler. Il ne le savait toujours pas...

Il tira un petit carnet de sa poche et l’ouvrit à une certaine page en haut de laquelle il avait écrit au crayon, en majuscules: CRASH... En dessous, cinq noms superposés:

Jane PIMA

Kendal B. AMACKER

Terence J. CANFIELD

Louis H. PORTAL

John E. BLYTH

Howard T. HANKS

Il relut une dernière fois ces cinq noms, arracha la page, y mit le feu, puis la réduisit en poudre dans le cendrier du tableau de bord. Après quoi, il prit une profonde inspiration, sortit de la voiture, traversa la chaussée et appuya sur un bouton de cuivre, à droite du grand portail noir.

L’opération CRASH était commencée.

-:-

Jane Pima était une jeune Indienne de dix-huit ans, de la tribu des Navajos. Elle n’était pas jolie, mais la robe sombre et stricte qui lui avait été imposée par les femmes de la Mission lui allait sûrement moins bien que ses vêtements habituels. Elle avait l’air d’une sauvageonne endimanchée.

La surveillante générale regarda Hubert avec réprobation et dit d’un ton pincé:

—Voici Jane. J’ai reçu des ordres pour vous laisser seul avec elle, ce qui est contraire aux règles de cette maison... j’espère que vous n’abuserez pas de la situation!

—Je ne vous promets rien, répliqua Hubert.

Agacée par ce bruit sec, elle eut un haut-le-corps, porta ses doigts tremblants au col de sa robe, soigneusement fermé, et riposta:

—Je vous préviens que je reste à côté!

—Restez si vous voulez, mais n’écoutez pas aux portes.

—Oh! fit-elle.

Hubert la poussa dans la pièce voisine et referma la porte. Debout près de la fenêtre, Jane Pima souriait.

—Vous avez bien fait, approuva-t-elle. C’est une vraie garce!

Hubert comprit que, sans le faire exprès, il avait ainsi gagné la confiance de la jeune fille. Il la rejoignit près de la fenêtre.

—Vous n’êtes pas heureuse, ici, n’est-ce pas?

—Je vais me sauver, répliqua-t-elle. C’est sûr!

—Attendez encore un peu. Je vous dirai quand le moment sera venu... Il faut d’abord que nous tirions cette histoire au clair, afin que vous puissiez rentrer chez vous.

Elle fit la moue, haussa les épaules.

—Je ne sais pas si je rentrerai chez moi... Puis, elle le considéra plus attentivement.

—Vous êtes flic?

—Non, Jane... Mais, je viens de Washington. C’est le gouvernement qui m’envoie.

Elle se figea, de nouveau sur la défensive.

—Vous allez encore me faire raconter mon histoire...

—Oui. Mais, je te promets que ce sera la dernière fois... Il le faut pour tirer cette affaire au clair. Quand ce sera fait, je viendrai peut-être te chercher moi-même pour t’emmener d’ici... Cette surveillante ne me plaît pas du tout. Ça m’embête qu’elle ait des pouvoirs sur toi.

—C’est une garce!

—Je l’ai tout de suite vu... Bon, parle-moi maintenant des Visages Pâles descendus du ciel, veux-tu?

Elle avait employé elle-même cette expression dès ses premières déclarations à la police d’Etat de Flagstaff.

—Quand les as-tu vus pour la première fois?

Elle prit un air de martyre pour répondre:

—On a d’abord vu leurs avions sans ailes qui descendaient du ciel et qui s’enfonçaient dans la terre. L’année dernière, déjà.

—Tu en as vu toi-même?

—Souvent. Surtout la nuit, le jour c’était rare.

—A quoi ressemblaient ces avions sans ailes?

—Ça dépendait... Des fois à des lunes, d’autres fois à des cigares.

—Ils faisaient du bruit?

—Non, pas de bruit.

—Ils produisaient de la lumière?

—Pas tellement. Ça faisait comme ces nouvelles peintures pour la publicité qui brillent quand les phares passent dessus. Et encore, pas toujours...

—Et tu les as toujours vus descendre du ciel pour s’enfoncer dans la terre? Jamais le contraire?

Elle le regarda en haussant les épaules, comme s’il était idiot.

—Si... Des fois, ils sortaient de terre pour monter au ciel. Forcément!

—Bon!... Et que disaient les autres Indiens, dans la Réserve?

—Au début, ils croyaient que c’étaient des fusées tirées par ceux de White Sands[1]... Mais les fusées ne remontent pas quand elles sont tombées.

—Ces avions sans ailes allaient très vite?

—Oh! Oui...

—Tu as déjà vu passer des avions à réaction de l’U. S. Air Force au-dessus de votre réserve?

—Oui. Bien sûr.

—Les avions sans ailes allaient plus vite?

Elle fit une moue plutôt comique et ses épaules remontèrent une fois de plus.

—Peut-être bien.

Hubert n’insista pas. Un garçon l’aurait su. Une fille ne s’intéresse guère à ces questions-là.

—Quand as-tu vu pour la première fois un Visage Pâle descendu du ciel?

—Ça doit faire maintenant dans les trois mois. Papa était parti à la chasse. Il est revenu un soir tout excité et il a réuni aussitôt le Grand Conseil... En principe on doit pas savoir ce qui se passe au Grand Conseil, mais on le sait toujours quand même le lendemain... Y en a qui peuvent jamais tenir leur langue... C’est comme ça qu’on a su que mon père avait annoncé qu’une vieille prophétie faite à notre race allait se réaliser. Des gens venus d’un autre monde étaient arrivés pour refouler les Visages Pâles loin de nos terrains de chasse et nous rendre notre indépendance... On n’était pas beaucoup à le croire, mais quelques jours plus tard, un homme blanc est venu avec papa, dans la nuit. Il a fait un discours...

—Dans quelle langue?

—En anglais. Il a dit que lui et ses frères étaient venus pour libérer notre peuple, mais que nous devions tous garder le secret le plus absolu. Il nous a menacés des pires choses si nous parlions... Quelqu’un lui a demandé de prouver qu’il venait d’un autre monde, alors il a donné des ordres aux chiens sans parler...

Elle semblait trouver cela tout à fait naturel.

—Tu étais là quand c’est arrivé?

—Oui. Je l’ai vu. Les chiens lui obéissaient, mais il ne parlait pas. On n’entendait rien.

—Ne portait-il pas à sa bouche un sifflet silencieux?

—Non. Il leur donnait des ordres avec son esprit et les chiens l’entendaient.

—Est-ce que les hommes de ta tribu ont été convaincus?

—Pas encore. Mais, pour finir, l’homme blanc leur a demandé de former un large cercle autour de lui et de se tenir les mains. Mon père aussi s’est éloigné. Alors, on a entendu un drôle de bruit, comme le sifflement du vent, l’hiver, dans certains rochers du Canyon, et puis un gros nuage noir est tombé sur nous. Tout le monde avait peur. Quand le nuage est parti, l’homme blanc n’était plus là... et il ne pouvait pourtant pas avoir traversé la ligne de nos frères qui se tenaient la main.

Hubert mit un doigt sur ses lèvres et marcha sans bruit jusqu’à la porte du parloir qu’il ouvrit brusquement. La Surveillante Générale était là, pliée en deux, dans une position grotesque, l’oreille à hauteur de la serrure. Elle se redressa, cramoisie, muette de saisissement.

—Oh! La vilaine! s’exclama Hubert.

Il referma sans plus attendre. Un bruit de pas précipités lui apprit que la femme se sauvait. Il revint vers Jane Pima qui se tordait de rire. Lorsqu’elle fut calmée, Hubert reprit:

—C’est la seule fois que tu as vu cet homme blanc venu du ciel?

—Oui.

—Comment était-il fait?

—Comme vous. Il était grand et mince...

—Ses cheveux? Quelle couleur?

—Je ne sais pas. C’était la nuit et je ne me suis guère approchée.

—Quand il parlait, il avait un accent?

—Non, il parlait comme vous.

—Comment était-il habillé?

—Je ne sais pas. Je n’ai pas fait attention...

—Bon. Que s’est-il passé ensuite?

—Mon père partait seul quelquefois et il nous disait qu’il allait voir les hommes blancs venus du ciel.

—Il savait donc où ils habitaient?

—Oui, mais c’était un secret.

—Il restait parti longtemps quand il allait les voir?

—Toute la nuit.

—Il allait comment? En voiture?

—Oui, en voiture.

—Quel genre de voiture?

—La sienne. Une Willys Overland, c’est ça?

—Une jeep carrossée en conduite intérieure?

—Oui.

—Il partait dans quelle direction? Le nord, le sud?

—Vers le soleil levant, mais cela ne veut rien dire. S’il ne voulait pas qu’on sache où il allait, il devait brouiller la piste...

—Que vous disait-il, au retour?

—Que le moment approchait et qu’il serait un grand chef, qu’il prendrait la place d’Eisenhower et que nous serions peut-être obligés de quitter la Réserve pour aller nous installer à Washington...

—Il n’a pas un peu la folie des grandeurs, ton père?

—C’est un homme de l’ancien temps. Il déteste les Visages Pâles et croit aux vieilles prophéties...

—Et toi?

Elle sourit, haussa les épaules.

—Oh! moi... Je m’en fiche.

—Pourquoi t’es-tu sauvée?

—Mon père voulait me donner comme femme à un homme venu du ciel. Je n’ai pas voulu.

—Pourquoi n’as-tu pas voulu?

Elle fit une moue.

—Je ne sais pas. Je n’ai pas voulu...

—Est-ce que d’autres filles Navajo avaient été données aux hommes venus du ciel?

—Oui. Sept avant moi...

—Toi, tu n’y as pas été.

—Je me suis sauvée.

Elle avait pris un cheval et galopé toute la nuit jusqu’à Flagstaff où elle s’était réfugiée au siège de la police d’Etat. La tribu de son père vivait dans la grande Réserve Navajo, à l’ouest de Tuba City, dans le Désert Peint[2]. Elle avait donc couvert plus de 60 kilomètres sur son cheval cette nuit-là.

—Comment les autres sont-elles parties?

—Mon père les emmenait.

—Que disaient les parents?

—Mon père leur donnait de l’argent et leur promettait de belles situations dans le futur gouvernement navajo...

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