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AUX VIGNERONS.

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Table des matières

Ayant divisé le nouveau Manuel du vigneron en deux parties, la première comprend, comme je l’ai déjà dit, tout ce qui a rapport à la culture de la vigne proprement dite; vous y trouverez toutes les indications nécessaires et utiles; la seconde étant destinée à l’étude de la maladie de la vigne, ce travail devient le complément de mon système et la raison des procédés de médications que je vous propose. Il m’a donc paru essentiel de joindre ici une relation abrégée de tous les systèmes proposés jusqu’à ce jour, pour arriver à la guérison de la maladie dite Oïdium tuckeri. J’ai puisé ces documents dans tous les rapports présentés à diverses Académies par les hommes de la science et dont l’authenticité est incontestable. Ce petit travail présentera donc un intérêt d’actualité qui, je l’espère, sera apprécié par les hommes positifs et amis du progrès.

1° Voici le résumé d’un rapport rédigé par un professeur d’agriculture de l’Ecole impériale de Grignon, et lu, il y a quelque temps, à la Société impériale et centrale d’agriculture de Paris:

Remontant jusqu’aux siècles qui précèdent l’ère chrétienne, l’auteur signale, dans les ouvrages de Théophraste et de Pline-le-Naturaliste, les indications peu explicites, du reste, données par ces auteurs sur une maladie de la vigne qui serait assez semblable cependant à celle qui exerce actuellement ses ravages.

Ainsi, Théophraste décrit une espèce de rouille, qui se remarque encore de nos jours, sur les feuilles de la vigne; il parle également d’une affection de la vigne et des oliviers, qu’il appelle arachuion. Pline mentionne ce fait dans son Historia naturalis, où il fait connaître que les raisins étaient alors surchargés d’une sorte de toile d’araignée.

Revenant ensuite, depuis cette époque jusqu’à nos jours, il cite tous les écrivains, étrangers ou français, qui se sont occupés de la culture et des diverses maladies de la vigne; et, dans tous, il signale la description, plus ou moins caractérisée, d’une altération regardée, par la plupart des auteurs, comme incurable, et qui, si elle n’est pas absolument la même, se rapprocherait beaucoup de la maladie actuelle. Presque tous ces auteurs indiquent encore que cette maladie avait lieu principalement dans les années humides et dans les contrées où les terrains sont froids et humides naturellement.

Ainsi, Pierre de Cressens, en 1471, dans son ouvrage intitulé : Opus ruralium commodorum, parle d’une pluie venimeuse, connue à Boulogne sous le nom de mellirium, et qui faisait notamment beaucoup de tort à la vigne.

Olivier de Serres, qui vivait dans le XVIe siècle, parle également des altérations de la vigne.

Jacob Sachs a très bien décrit les accidents et les altérations de cette plante dans son Ampelographia vitis vignifera, imprimé en 1661 à Leipsick.

Jean Boullay, chanoine d’Orléans, a publié, en 1723, un ouvrage sur la manière de bien cultiver la vigne, où il parle de jaunisse, de gale et d’une maladie qu’il appelle champelure.

Puis viennent Bidet, qui, dans son Traité sur la maladie de la vigne, publié pour la première fois en 1762, parle de la vermiculation, de la pléthore, de la phthisie, du rougeau, de la gomme, du coupe-bourgeon et du destraux ou beche, insecte nuisible, très commun dans le Bordelais.

Beguillet qui, dans son Analogie, publiée en 1770, dit très positivement que le raisin qui est noué a peine à mûrir, et s’il est entouré de soie, produite par l’insecte qu’il appelle mazar, il faut frotter les grains avec la main pour détruire cet animal qui cause un grand préjudice aux vignes.

Enfin, Buchon, dans son Dictionnaire universel des plantes, publié en 1771, s’occupe également de cette maladie.

La Médecine expérimentale, imprimée en 1775, et le Journal des savants de 1775, en parlent aussi.

Mais le plus précieux document qui existe, sans contredit sur ce sujet, est le petit Mémoire de 140 pages, publié en 1778 par Prudent de Foucogney, lauréat de l’Académie de Besançon, pour la question suivante que voici littéralement: Quels sont les causes et les moyens de prévenir la maladie qui frappe en ce moment la Franche-Comté ? Le Journal de physique et d’histoire naturelle parle de cet auteur qui attribuait la maladie à la nature froide et humide des terrains.

Cet exposé est d’une grande importance au point de vue de la situation actuelle. En effet, tous les faits cités par les divers auteurs prouvent incontestablement qu’à des époques, plus ou moins rappochées, la vigne a souffert de maladies, sinon identiques, du moins très analogues à celle qui sévit aujourd’hui. Il y a donc lieu d’espérer que ces altérations, ayant déjà cessé plusieurs fois dans les siècles passés, avec les causes qui les avaient produites, la maladie qui nous occupe si vivement aujourd’hui cessera aussi avec les causes qui l’ont amenée.

Le Constitutionnel savoisien du 29 mars 1855 cite un article du Siècle qui, dans cette circonstance, est d’un grand intérêt.

On lit dans le Siècle:

On s’est demandé bien des fois si la maladie qui a causé une si grande perturbation dans la production et le commerce vinicole n’avait pas de précédents.

Voici ce que nous lisons dans le livre des conclusions capitulaires de St-Pierre la Cour, de Mans, à la date du 5 novembre 1471:

«Considérant la stérilité de la vendange et la maladie

«de la vigne (attenta sterilitate vinorum ac indispositione

«vinearum), qui s’est fait sentir cette année, nous remet-

«tons à Jean Papin, prêtre chapelain en notre église, la

«somme de 22 sols qu’il est tenu de nous faire, cette dite

«année, pour la vigne que nous lui avons donnée en

«prestation.»

Cette citation prouve suffisamment que les vignes ont autrefois été attaquées; cette particularité peut donc nous faire espérer que, comme par le passé, leur indisposition ne sera que passagère.

N’ayant pas d’autres faits intéressants à pouvoir citer, nous allons jeter un coup d’œil rapide sur les moyens proposés et mis en pratique pour combattre le fléau qui dévaste nos vignobles.

On a publié, sur la maladie de la vigne, un assez grand nombre de remèdes plus ou moins efficaces, et surtout plus ou moins pratiques. Les lotions avec diverses substances sulfureuses ou alcalines, le saupoudrage avec de la chaux, les incisions à la souche et récemment les fumigations et le flambage ont été indiqués comme devant préserver les raisins du fléau qui les dévore et qui occasionne des pertes immenses à l’agriculture.

Le sieur Devaux, de la commune de Berra, imagina de couper tous les sarments portant fruit à environ vingt-cinq centimètres au-dessus du raisin le plus élevé. Cette opération donna des résultats parfaits, dit-on.

Le sieur Ouloune, cultivateur à Vitrolles, a répété cette expérience et a obtenu un résultat satisfaisant.

(Mémorial d’Aix.)

La Gazette du Midi a publié une lettre de M. le curé d’Uzès; cet ecclésiastique a fait usage du feu, comme moyen curatif de la maladie qui sévit sur les vignes.

Voici son procédé :

«Immédiatement après la taille de la vigne, avant que les premiers bourgeons aient commencé à paraître, on forme une torche de n’importe quel combustible. La petite broussaille de bruyère, si commune dans nos contrées; la paille, le chaume, les herbes sèches, le menu mort-bois, les rameaux secs d’oliviers, les sarments de la vigne elle-même, en un mot, tout ce qui est à la portée de chacun peut et doit être employé à former cette espèce de torche.

«Dès que le combustible est allumé, on promène la flamme sur le cep tout entier de la vigne.

«J’ai parfaitement reconnu que les diverses rugosités du cep, ainsi que l’écorce du même cep, donneraient asile aux insectes. Ceux-ci ne peuvent résister à l’action du feu; c’est ainsi que la vigne se trouve débarrassée de ces hôtes si funestes, cause principale et peut-être unique de la maladie.»

Ce remède, assez facile dans un jardin de presbytère, pouvait-il être appliqué dans un grand vignoble?

Le numéro du Journal de Saône-et-Loire du 31 août dernier a consigné le remède suivant dont on a obtenu, dit-on, d’excellents résultats:

L’honorable M. J.-B. La Chaume, propriétaire à Prissé, veut bien nous communiquer, après l’avoir sérieusement expérimenté, un procédé efficace pour combattre la maladie de la vigne.

«Mélanger une partie d’urine avec neuf parties d’eau pure et limpide; arroser les vignes malades, raisins, feuillage et bois avec ce liquide, en se servant d’une pompe à jet énergique, soit d’une pompe à air comprimé, etc.»

Une pluie d’orage produisant le même effet (voyez paragraphe 261, 2e partie du nouveau Manuel du vigneron), je pense que l’urine est un objet de luxe.

On écrivait en 1853 au même journal:

«Les premiers symptômes de l’Oïdium viennent de paraître sur les vignes blanches à Chaintré (Saône-et-Loire). L’année dernière, ce ne fut que vers le 10 juillet que l’on remarqua les premiers effets de la maladie; elle a donc, cette année, un mois d’avance sur 1852. Les symptômes sont tout à fait semblables aux années précédentes; mais le mal pouvait bien être plus grave, attendu qu’il commençait plus tôt.

«Une vigne blanche de six ans, fortement fumée, est la première atteinte; sa culture et la culture ordinaire.

«REYSSIÉ.»

Ce résultat répond complétement à mon système. (Voyez paragraphe 270, 2e partie du nouveau Manuel du vigneron.)

On lit dans le Courrier de Lyon:

«La poussière blanche attachée aux feuilles se présente alors sous l’aspect d’une cristallisation confuse et brillante, dans laquelle il est impossible d’apercevoir la moindre trace de végétation, ou de germination, ou de racines.

«En grattant la superficie et en faisant tomber cette matière sur des verres que l’on examine ensuite au microscope, on retrouve les mêmes cristaux brillants et transparents. On n’y remarque non plus ni insectes, ni rien qui ressemble à des œufs d’animalcules, etc., etc.

«A. JOUVE.»

Voici comment s’exprime M. Vezu, pharmacien à Lyon et membre de la Société d’agriculture de cette ville, sous date du 16 août 1853:

«Il y a huit jours, j’ai essayé d’arroser des raisins malades avec de l’eau contenant de la moutarde. Le lendemain de l’expérience, j’ai remarqué que les raisins étaient complétement dépouillés de l’Oïdium qui les recouvrait la veille; la graine avait repris l’aspect vert qui lui est propre. Depuis lors, la maladie n’a plus reparu.

«Suit la proportion du mélange, etc.

«Lyon (Vaise), 15 août 1853, rue St-Cyr, 51.

«Vingt à vingt-cinq gouttes d’ammoniaque ou azoture d’hydrogène dans un litre d’eau de rivière. Agitez le tout pendant une minute; on lave ou on arrose le raisin avec cette simple composition, etc.

«BURNET.»

Mme veuve Guinand, rue des Boulangers, à Paris, 36, conseille la cendre mise au pied du cep, à trois pouces de profondeur. Son avis est que l’Oïdium provient d’un excès d’humidité survenu dans l’atmosphère, et que les aspersions ne peuvent détruire l’Oïdium. Elle ajoute que l’eau de savon est très nuisible à la santé, à cause du vitriol qu’il renferme. Enfin, elle affirme que le fumier de bêtes à cornes est nuisible, etc.

M. Paulus Trollon est convaincu que l’insecte que la science a placé parmi les acarus est la seule cause de la maladie de la vigne. Il s’appuie sur la lettre de M. Fléchet, insérée dans le Courrier de Lyon, constatant de plus en plus la présence de l’acarus comme cause de la maladie. M. Fléchet est un de ceux qui ont vu, étudié et signalé l’insecte et les ravages qu’il exerce; ses appréciations ont pleinement confirmé celles que M. Paulus Trollon avait déjà émises à ce sujet; c’est donc une autorité importante à ajouter aux preuves matérielles qui se produisent chaque jour, en attendant le résultat des expériences commencées.

M. Paulus Trollon ajoute que l’insecte destructeur, après son éclosion, cherche à prendre sa nourriture à l’endroit le plus tendre de la plante; c’est donc toujours au bout des sarments que la maladie se déclare, et que de là ses effets s’étendent rapidement sur le reste du végétal. Or, il faut, sans hésiter, couper les bouts atteints par l’insecte, et brûler ou noyer dans l’eau de chaux ces débris; ensuite badigeonner soigneusement le cep avec cette même eau; car il est évident que le cep contient, dans les rugosités de son écorce, des œufs ou larves prêts à éclore, et, comme leurs prédécesseurs, à faire ensuite irruption sur toutes les parties du végétal, etc. (Voyez, relativement aux insectes, paragraphes 236 et suivants du nouveau Manuel du vigneron, 1re partie.)

Le Journal de l’Ardèche du 20 mars 1853 donnait un article fort intéressant sur un nouveau remède, préconisé par un homme de la science... Le voici dans son entier:

«Nous avons dit, dans un précédent Mémoire, que la maladie qui sévit en ce moment sur la vigne et sur plusieurs végétaux, est causée par un acarus de la nature des ixodes, familles des arachnides acarides, presque semblable au genre sarcopte ou acarus de la gale; que le mal qu’engendre cet insecte était produit par une toile dont il recouvre les ceps, sarments, feuilles et raisins; que cette toile les prive d’air extérieur, et paralyse les trachées respiratoires en annulant la sève plongeante. Mais ce que nous avons omis de dire, c’est que cet animalcule, mite ou ciron, comme tous ceux de son espèce, est muni d’une tarière ou trompe, au moyen de laquelle il cherche sa nourriture en perçant une multitude de trous, par lesquels s’opère une transsudation de sève qui, renfermée sous cette toile, fermente et donne naissance à cette végétation parasite qu’on a remarquée et qu’on nomme Oïdium tuckeri ou champignon. Les observateurs, qui n’ont fait leur opération que de jour, ont bien pu ne pas apercevoir l’acarus, puisqu’il ne se meut et ne travaille que depuis le coucher du soleil jusqu’à son lever; et que, restant immobile pendant le jour, sa translucidité a pu le faire échapper à leurs regards, de là est venue l’erreur.

«La véritable cause du mal est donc cet atôme, ce sarcopte qui détruit la vie extérieure de la vigne, et les effets les plus apparents sont l’Oïdium tuckeri ou végétation parasite, qui n’en est, comme on le voit, que l’effet.

«Dans notre précédent Mémoire, nous avons donné un récit succinct de la vie de ce ciron, de son développement et des effets qu’il produit, mais assez détaillé pour que nous nous abstenions de le décrire ici.

«Nous avons dit aussi qu’on pouvait le détruire au moyen d’agents chimiques qui ne nuiraient pas à la végétation.

«Ce que nous annoncions n’a pas tardé à se vérifier, et nous nous hâtons de donner connaissance au public d’un moyen qui a été employé avec le plus grand succès. afin qu’en le mettant en pratique on prévienne les maux dont est menacée notre prospérité agricole.

Remède.

«Une fois bien constaté que le mal est causé par cette espèce de sarcopte, il a fallu chercher les agents chimiques capables de le détruire. On a procédé par analogie; ainsi le sarcopte de la gale est détruit par le soufre; cet agent devait donc être le plus puissant antidote contre l’acarus de la vigne; la difficulté n’était plus que dans la manière de l’administrer, afin que son effet pût se faire sentir pendant tout le temps de la végétation. C’est là que l’exécution a rencontré quelques obstacles, et ce n’est que par des essais successifs qu’on est parvenu à fixer le soufre sur le végétal, de telle sorte que son émanation se fasse sentir pendant les mois de la végétation sans lui nuire et d’une manière assez puissante pour éloigner des vignes ces hôtes dangereux et incommodes.

«Le seul agent qui ait pu arriver à ce but a été l’huile de colza pure, telle qu’on la retire de dessous le pressoir, et qu’on nomme vulgairement à la campagne huile de choux; toutes les autres huiles n’ont donné que de mauvais résultats.

«Nous parlons d’huile, et nous croyons voir à l’instant tout le monde s’écrier: Mais l’huile est un anti-végétal; si vous en frottez une plante vous la voyez périr. Cela est très vrai; aussi le remède n’est pas une friction d’huile; son influence ne doit pas dépasser la première écorce lamelleuse, et c’est en quoi son application est jusqu’à un certain point délicate, puisqu’elle réside dans les justes proportions du mélange, l’huile ne devant produire d’autre effet que de fixer le soufre et lui laisser dégager librement ses émanations.

Proportions du mélange.

«Prenez cinq cents grammes d’huile de colza pure, telle qu’on la retire de dessous le pressoir, sans aucun mélange; prenez ensuite cinq cents grammes de soufre sublimé, vulgairement appelé fleur de soufre; mettez-les dans un mortier, et avec un pilon broyez fortement jusqu’ à ce que toutes les molécules de soufre soient bien en contact avec l’huile, cela formera une espèce de pommade de couleur jaune.

Manière de l’appliquer.

«Après que le mélange sera effectué, mettez-le dans un vase quelconque, et au moyen d’un pinceau de dix à douze millimètres de diamètre, vous en formerez sur le cep des anneaux aux endroits que nous allons indiquer.

«Sitôt la taille de la vigne faite, vous prenez votre pinceau chargé du mélange, et vous en passez une couche en forme d’anneau, de trois centimètres de largeur, autour du cep, immédiatement au-dessous des yeux de la vigne que vous avez laissés pour la nouvelle végétation; vous en passez également à l’intersection des branches et du tronc du cep, à l’endroit où il forme la fourche, puis enfin vous en mettez une légère couche sur le vieux bois des branches.

«Un kilogramme de cette préparation doit préserver vingt ares de vignes.

«Un homme dans une journée peut l’appliquer sur vingt ares de vignes.

Prix de revient par hectare de vignes.


«Une remarque essentielle à faire, c’est la précision à apporter dans les proportions du mélange; la réussite de son application en dépend essentiellement; si le mélange est trop clair, l’huile dominant cherche à s’infiltrer sous l’écorce et nuit à la végétation; si le soufre domine, toutes les molécules n’étant pas assez saturées d’huile redeviennent poussière par la siccité, et se perdent en partie, alors le remède n’opère qu’à demi.

«C’est afin d’éviter cet inconvénient que nous avons donné de justes proportions, qui empêcheront toute erreur.

Remarques faites sur l’effet du mélange.

«L’opération, dont nous donnons ici les détails, a été faite par une personne qui voulait d’abord garantir des rosiers dont elle étudie avec soin la culture; elle l’a ensuite étendu à la vigne par analogie.

«En 1852, dans un clos d’un hectare environ, cette personne a opéré sur 50 ceps; le reste des treillages, qui était encore considérable, a été conduit comme par le passé ; ces cinquante ceps d’épreuve ont donné une récolte magnifique, des sarments bien frais, de près d’un mètre cinquante centimètres de hauteur, et chargés de raisins sans aucune tache et d’une conservation parfaite. Les autres ceps du clos, sur lesquels on n’a pas opéré, ont été littéralement ravagés par la maladie; les sarments n’ont pu presque atteindre une longueur de cinquante centimètres, et aucun des rares raisins qu’on y apercevait n’a pu atteindre la maturité.

«Nous avons remarqué un fait qu’il importe de signaler, c’est que l’émanation sulfureuse ne s’est étendue que jusqu’à un mètre environ autour du cep, et que les extrémités des sarments, qui dépassaient cette zone d’influence, étaient aussi atteints que les ceps qui n’avaient pas subi le remède.

«Ici se place une réflexion toute naturelle, relativement à l’Oïdium comme cause de la maladie; si c’est l’Oïdium, il ne peut exister que par un principe plétorique de la sève, c’est donc une maladie interne que le soufre ne peut combattre, puisqu’il n’est l’antidote que des maladies cutanées et externes. Si le soufre combat victorieusement la maladie, elle est donc causée par le sarcopte, puisqu’en détruisant cet atôme on détruit le champignon, qui ne croît qu’aux dépens des expansions de sève qui s’effectuent par les piqûres des insectes; car comment expliquer de quelle manière la sève malade irait traverser, pendant une longueur d’un mètre, des sarments sans leur faire subir une influence morbifique, et viendrait ensuite faire reparaître les mêmes principes aux extrémités de ces mêmes sarments? Nous nous expliquons difficilement un pareil phénomène par d’autres conclusions que celles que nous avons déduites, savoir: que le mal, étant tout externe, est, sans contredit, causé par l’acarus que nous avons de nos propres yeux vu, et que nous affirmons derechef être dans les conditions décrites dans notre précédent ouvrage.

«Une seconde preuve que l’Oïdium ne joue qu’un rôle secondaire, c’est que M. Guillot, jardinier fleuriste à Lyon, possède un cep qui, traversant un mur, a une de ses branches dans sa serre et une autre à l’air libre: cette dernière a été entièrement ravagée, et la première a présenté une récolte magnifique.

«Il nous importait de consigner ces faits, que tout le monde a vus, comme preuve irrécusable donnée aux incrédules, de quel côté vient le mal, quelle en est la cause et quels en sont les effets.

«Quant aux extrémités des sarments qui sont attaquées, il importe peu qu’elles soient malades ou non; l’important est que le sarment soit sain à l’endroit où se développe le raisin; le reste n’empêche pas la récolte du vin.

Epoque où l’on doit appliquer le remède.

«La meilleure époque où doit être administré le remède est, sans contredit, le moment de la taille de la vigne, parce qu’entre ce moment et celui de la végétation, il y a un espace de temps assez long qui laisse arriver le mélange à un état de siccité suffisant pour permettre au soufre de lancer toutes ses émanations, et à l’huile de ne pas contrarier la sève; toutefois, il peut toujours s’appliquer jusqu’au moment de l’éclosion de l’insecte, qui est le mois de mai.

«Il est à observer qu’il ne faut jamais poser du mélange sur les jeunes pousses, parce qu’il pourrait les faire périr, vu que leur principe poreux étant très développé, l’huile s’introduirait dans les trachées et les paralyserait.

«Nous ne donnons pas ici un de ces remèdes vagues, éclos d’un cerveau rempli de belles théories; nous le donnons à la suite d’épreuves faites sur une échelle assez grande pour permettre d’en juger l’efficacité, et dont les résultats obtenus peuvent être constatés par tout ce que la ville de Lyon renferme d’hommes éminents et par de grands propriétaires vinicoles, qui sont accourus l’examiner, afin d’en recueillir les procédés, pour les mettre à exécution dans leurs propriétés.

«C.-L. FLÉCHET,

«Membre de l’Institut des provinces et de l’Académie impériale agricole, manufacturière et commerciale.»

On lit dans un compte-rendu de l’Académie des sciences du journal le Pays les observations suivantes relatives à la maladie de la vigne:

«Nous signalons dès aujourd’hui un incident très important de la séance de ce jour; incident auquel nous avons pris quelque part. Pendant une apparition de quelques jours à la ferme-école du Mesnil-St-Firmin, M. Armand Bazin nous fit remarquer que les haricots cultivés sur couche et sous châssis étaient gravement malades. Les taches de presque tous les plants étaient marbrées de feuilles jaunâtres; ils languissaient, leurs fonctions respiratoires ne s’exécutaient plus, et, si l’activité de la végétation forcée n’avait pas fait naître de feuilles nouvelles, la plante aurait certainement fini par périr. Quelle devait être la cause de cette désolante affection?

«M. A. Bazin, observateur habile et exercé, se mit à l’affût et constata bientôt la présence, en très grand nombre, de petits insectes, de l’ordre des hémiptères-homoptères d’un genre très voisin des puces de terre, ailés à la fois et sauteurs. Ces redoutables petites bêtes se cachent sous la surface inférieure des feuilles, recouvertes de leurs excréments, qui, pendant la nuit surtout, font des excursions sur la surface supérieure et en dévorent le parenchyme en l’empoisonnant par un venin subtil. Il n’était pas douteux pour nous que ces insectes ne fussent la cause première et essentielle du mal, mais il fallait le prouver par une expérience décisive; M. A. Bazin prit donc son tube de verre, y introduisit d’abord des feuilles tout à fait intactes, puis un certain nombre d’insectes, et il attendit. En moins de vingt-quatre heures, les feuilles étaient toutes maculées et dans le même état que celles de la couche; la démonstration était complète.

«Mais les laitues et les melons semés sur la même couche étaient aussi attaqués, et il était curieux de savoir si les mêmes effets étaient produits par la même cause. M. A. Bazin continua donc son inquisition, et il n’eut pas de peine à rencontrer sous les feuilles de nombreux rongeurs, ou plutôt de nombreux infecteurs, car ces insectes empoisonnent plus qu’ils ne rongent. L’expérience du tube donna les mêmes résultats parfaitement concluants.

«Si l’on veut bien remarquer que la maladie observée parmi nous ressemble parfaitement à la maladie des pommes de terre et des vignes, que M. Charles et Stéphane Bazin ont découvert déjà l’insecte qui infecte les pommes de terre, que d’autres observateurs consciencieux n’ont pas hésité à attribuer la maladie de la vigne aux piqûres d’un insecte du même genre, on pourra et on devra être, dès aujourd’hui, entièrement fixé sur la cause du fléau dévastateur; la cause trouvée, il sera beaucoup plus facile d’indiquer le remède; et d’ailleurs, par cela même que tous ces désastres sont dus à la présence d’un insecte, on sera certain de les voir cesser un peu plus tôt ou un peu plus tard. Ce qu’il importe surtout, c’est que nos convictions soient partagées par tous. Les hésitations ne sont plus possibles en présence de faits aussi évidents.

«F. MOIGNO.»

M. Amodru, propriétaire à St-Vallier (Drôme), a présenté son remède qui se résume comme suit:

«A l’époque de la fleuraison des vignes, si l’on reconnaît les symptômes de l’Oïdium, ce qu’il est facile de constater par l’aspect blanchâtre des feuilles, on détache du cep les rameaux inutiles, comme c’est l’usage, on coupe l’extrémité encore tendre du rameau portant le raisin en laissant subsister deux, trois et même quatre bourgeons au-dessus de celui qui produit le raisin. Si le cep est très vigoureux, on peut laisser subsister quatre bourgeons, au-dessus de celui qui produit le raisin, s’il l’est moins, on peut en laisser subsister trois; enfin, s’il a peu de vigueur, il est bon de n’en laisser subsister que deux.

«Il est important que l’opération soit faite à l’époque de la fleuraison. Plus tard, cependant elle peut arrêter les progrès de l’Oïdium; ainsi, à l’époque où le raisin est déjà gros, et où la maladie avait déjà atteint la moitié d’une grappe, je m’avisai de pratiquer cette opération, et il arriva que cette partie saine du raisin resta saine et parvint à maturité. La maladie ne fit plus aucun progrès sur le fruit.

«Faite à l’époque de la fleuraison du raisin, l’opération est très facile; car alors le rameau est très tendre et on le casse facilement avec les doigts, sans avoir besoin de recourir à un instrument tranchant. On doit éviter, en le cassant, de lever l’écorce de la vigne sur la partie restante du rameau, c’est-à-dire qu’il faut le couper ou le casser net.»

M. Guérin-Menneville, membre de la Société impériale et centrale d’agriculture, publiait, en 1853, un Mémoire très remarquable sur la maladie de la vigne. Dans ce travail, il établissait, contrairement à l’opinion de la majorité de ses confrères de Paris, que l’Oïdium n’est pas la cause de la maladie qui compromet si gravement nos vignobles, qu’il n’en est que la conséquence, et que l’altération morbide qui le produit a pour cause première la température trop élevée de trois ou quatre hivers qui se sont succédé jusqu’à ce our.

Voici comment il se résume:

«Je persiste à penser, comme je l’ai déjà déclaré : 1° que la maladie de la vigne, comme celle de tous les autres végétaux et peut-être des vers-à-soie, est due à un phénomène de caloricité, à une température trop élevée de nos hivers, qui persiste depuis quelques années;

«2° Que cette maladie consiste en un défaut de tonicité dans les tissus, en une production trop abondante, trop hâtive, et par conséquent mal élaborée de la sève, donnant aux vignes une espèce de pléthore albumineuse;

«3° Que l’Oïdium est un des symptômes, un des effets de cette maladie, qu’il soit l’analogue de ces boutons, de ces éruptions de peau que l’on observe chez les animaux, ou qu’il soit une espèce végétale dont les corpuscules reproducteurs, répandus partout et portés sur l’aile des vents, ne se développent, sous la forme d’Oïdium tuckeri, que lorsqu’ils tombent sur des vignes ou sur quelques-unes de leurs parties prédisposées à favoriser leur végétation par les altérations que leur sève a subies en agissant pendant l’hiver;

«4° Que cette maladie disparaîtra quand les saisons auront repris leur cours ordinaire, quand nos hivers seront redevenus froids;

«5° Que peut-être si nos années continuent à être désaisonnées (qu’on me passe l’expression) comme elles l’ont été jusqu’ici, la vigne et les autres végétaux finiront par s’acclimater, comme le feraient des plantes étrangères introduites dans un pays dont l’ordre des saisons est différent de celui de leur pays natal;

«6° Que l’on doit accueillir avec faveur tous les procédés horticoles, chimiques et mécaniques, susceptibles de sauver au moins la récolte pendante, et consistant dans l’enlèvement de l’Oïdium, symptôme ultime de la maladie et non sa cause.»

M. Chatin, chimiste et botaniste très distingué, a fait des observations qui paraissent confirmer l’opinion émise par M. Guérin-Menneville.

Voici maintenant la manière de voir de M. Goubely, auteur de la Vie dévoilée par l’électro-chimie.

Sans entrer dans tous les détails de son système, ce que ne comporte pas le cadre que je me suis imposé, il suffira de dire que M. Goubely attribue l’apparition de l’Oïdium à l’époque où l’on a employé le gaz hydrogène à l’éclairage.

«Oui, dit-il, la cause du sinistre est la combustion de l’hydrogène; seulement il ne faut pas se borner à l’observer dans celle qui sert à l’éclairage; il faut observer la quantité immense d’hydrogène qui se brûle chaque jour dans la combustion de la houille, etc., etc.»

Un journal de Lyon conseille, d’après les indications de M. St-Jean, un remède d’une efficacité constatée par l’expérience, qui consiste à saupoudrer légèrement la partie du cep chargée de fruit, avec une fine poussière de fleur de soufre, que l’on souffle dessus au moyen d’un petit soufflet fait exprès pour cet usage. Il faut avoir soin de faire cette opération à l’humidité de la rosée et de la renouveler une seconde fois, si la première n’a pas suffi.

M. le préfet des Bouches-du-Rhône vient d’adresser l’avis suivant aux cultivateurs, au sujet de la maladie de la vigne:

«Parmi les procédés employés depuis quelques années pour guérir la maladie de la vigne, il en est un dont les résultats ont été constatés en 1853, à St-Remy (Bouches-du-Rhône), par une commission prise dans le sein de la Société d’agriculture de Marseille, instituée par le préfet du département. Cette méthode, dont le sieur Catany, ancien instituteur à St-Remy, se dit l’inventeur, consiste à enlever, au moyen d’un pinceau ayant la forme d’un croissant, la poussière qui couvre les raisins, les feuilles et même les sarments.

«Dès que l’on aperçoit quelque trace de l’Oïdium, on doit s’empresser de nettoyer les parties attaquées avec le pinceau, après s’être assuré que les feuilles, le raisin ou les sarments sont parfaitement secs et que l’atmosphère est entièrement dégagée de vapeurs. Il importe que le pinceau ne devienne pas humide par son contact prolongé avec la poussière de l’Oïdium. Pour éviter cet inconvénient, les ouvriers doivent porter une brosse de chiendent sur laquelle ils essuient leur pinceau par intervalles, pour le dépouiller de tout corps étranger.

«Ils doivent également le sécher plusieurs fois dans la journée, en l’essuyant avec un tablier en étoffe absorbante. La commission a été appelée à constater les effets de la méthode pratiquée par le sieur Catany; elle a reconnu que sur tous les ceps soumis à son procédé curatif, les raisins ont été ramenés à des conditions satisfaisantes, quel que fût le degré auquel la maladie était parvenue sur chacun d’eux, tandis que les grappes non opérées sont restées dans leur premier état. Le sieur André, dans le département de l’Ain, et le sieur Pellegrin, dans les Basses-Alpes, avaient, de leur côté, en 1853, prévenu l’administration de l’efficacité d’une pratique semblable.

«Si l’expérience vient confirmer les faits avancés, un service immense aura été rendu à la production viticole, et il y a lieu d’espérer que les frais, relativement peu considérables, qu’entraîne l’application de ce procédé si simple, ne seront pas un obstacle à ce qu’il soit employé le plus généralement possible dès cette année. On peut évaluer la dépense à une deuxième façon de la vigne. Qui pourrait hésiter dans nos riches vignobles à exposer si peu pour sauver sa récolte?»

La lettre suivante, relative à la maladie de la vigne, est publiée par le Courrier du Bas-Rhin:

«L’envahissement de la vigne par l’Oïdium tuckeri a fait cette année des progrès rapides dans plusieurs de nos vignobles et menace de se généraliser. Tout ce qui peut donc contribuer à prévenir cette maladie si désastreuse offre de l’intérêt. Voici une expérience que j’ai faite et que je recommande d’essayer partout, d’autant plus qu’elle n’entraîne à aucun frais; si elle ne réussit pas, elle ne fait pas de mal à la vigne.

«L’une de mes treilles a été très malade l’année dernière, au point qu’on pouvait croire le pied perdu. Les horticulteurs piémontais préconisaient alors l’incision qu’on pratiqua, d’après leur conseil, dans beaucoup de localités; mais le résultat fut nul, et l’Oïdium n’en continua pas moins ses ravages. On rejeta donc le remède, et on s’efforça d’en trouver d’autres, qui, du reste, n’ont pas offert plus d’efficacité.

«Comme d’autres, je fis avec une serpette deux incisions d’environ un centimètre de profondeur sur trente de long, au pied du tronc de ma vigne malade; c’était à la fin de juillet, au moment où la maladie était dans toute son intensité. Elle ne disparut pas. Mais, cette année, la même vigne est saine et vigoureuse; elle a plus de cent cinquante grappes magnifiques.

«M. Granez, jardinier en chef de l’Orangerie, fit aussi l’incision sur une treille malade l’année dernière, et en ce moment elle est dans l’état le plus prospère, tandis que deux treilles voisines, saines en 1852, et qui n’ont pas reçu d’incision, sont très malades cette année-ci.

«Un fait analogue s’est présenté chez M. Kieffer, horticulteur à La Robertsau; chez lui aussi les vignes incisées l’année dernière sont saines, tandis que d’autres sont attaquées.

«Enfin, M. Buchinger, directeur de l’hospice des orphelins, avait remarqué l’été dernier que plusieurs treilles du jardin de cet établissement étaient couvertes d’Oïdium. Il fit aussitôt pratiquer l’incision à toutes ses vignes, et aucune n’est malade aujourd’hui.

«Voilà les faits que je signale aux viticulteurs, et qui, sans être encore absolument concluants, semblent cependant devoir donner raison aux horticulteurs piémontais; non pas que l’incision soit un moyen immédiatement curatif lorsque la maladie est déjà déclarée, mais c’est un véritable préservatif. Ils prétendaient que la maladie provenait d’une exubérance de sève, et qu’une bonne saignée devait la prévenir.

«Comme il coûte si peu d’essayer ce remède, on fera bien de l’employer, dès cette année, ou du moins au printemps prochain, sur une plus grande échelle, afin de s’assurer s’il réussit généralement. Peut-être, au lieu d’une incision longitudinale, pourrait-on essayer une incision annulaire qui agirait encore plus efficacement sur la sève.

«1853.

«SILBERMANN.»

On a cru un instant que la culture de la rue et de l’absinthe, dont les émanations diffusibles pénétrantes et continues éloignaient ou empoisonnaient tous les insectes, pourraient bien être un préservatif contre le fléau qui a jeté la consternation sur tous les points de l’Europe.

Ce qui avait fait croire à ce phénomène, c’est qu’au mois d’octobre dernier, un médecin des environs de Bastia ayant parcouru une vigne, a trouvé que deux ceps placés au milieu de quelques pieds d’absinthe et de rue, étalaient d’admirables raisins, tandis que tous les autres ceps étaient profondément atteints de la maladie régnante.

M. Hilaire, propriétaire à Nissaut (Hérault), a adressé à un journal du Midi le remède suivant:

«Je pris la première année quelques kilogrammes de sulfate de cuivre que je fis dissoudre, par chaque kilogramme, dans cent litres d’eau, et en mai mes souches se trouvaient encore déchaussées; après avoir enlevé les bourgeons qui se trouvaient autour de la tige, j’arrosai le pied de chacune de celles qui avaient été malades l’année précédente, ainsi que celui de celles qui paraissaient déjà atteintes, avec un litre du liquide ci-dessus. Aucune de ces souches ne fut plus malades et celles qui paraissaient déjà atteintes se guérirent; toutes portèrent de beaux fruits qui parvinrent à une maturité parfaite, etc.

«L’emploi de cet agent préventif et curatif, dont le prix de revient est excessivement modique et qui me paraît plus avantageusement applicable à la grande culture que le soufrage, m’a complétement réussi, comme je l’ai déjà dit, pendant deux années consécutives, etc.

L’Almanach de la Société d’horticulture préconisait aussi un remède; le voici:

«Vous mettez dans un vase qui puisse aller sur le feu

«un kilogramme de chaux éteinte, cinq cents grammes

«de fleur de soufre; vous versez dessus dix litres d’eau;

«vous faites bouillir pendant un quart d’heure, en

«remuant avec un bâton pour éviter que le dépôt ne l’at-

«tache au fond; vous tirez au clair, et vous mettez ce

«liquide dans des bouteilles, si vous voulez la conserver;

«au moment de vous en servir, vous en mêlez un litre

«avec vingt litres d’eau avant que la vigne ait poussé, et

«après la taille, armé d’un pinceau, vous barbouillez

«tout votre cep avec ce mélange. Plus tard, dans le

«courant de l’été, à la moindre apparence de la maladie,

«vous mouillez avec le mélange toute votre plante,

«feuilles et fruits, au moyen d’une seringue ou d’une

«pompe à grille d’arrosoir.»

Ce moyen serait un peu coûteux dans un grand vignoble, mais les marchands de seringues ne s’en plaindraient pas.

M. Maioli, de Florence, a inventé un compost qui n’a pas eu tout le succès désirable. Voici sa composition:

«Nouante litres de cendres; on place au milieu trente livres de chaux vive; on l’éteint avec de l’eau et la recouvre avec les cendres. Quand le tout a fermenté, on l’entasse dans une cuve percée au fond. On verse dessus cent vingt litres d’eau qui est distillée dans un récipient.

«Cette eau lessivée doit marquer treize degrés à l’aéromètre et soutenir à flot un œuf. Si elle est trop forte, on l’affaiblit avec de l’eau; si elle est trop faible, on la fait filtrer de nouveau sur chaux et cendres.

«Le résidu étant arrivé à ce point, on y met, pour chaque quatre livres d’eau, une livre de graisse blanche, une demi-once de tabac, une once de soufre. Le tout étant mis sur le feu et ayant bouilli six heures, on l’étend par cinq livres sur cent litres d’eau. C’est dans ce liquide que l’on immerge et agite la grappe de raisin.»

Le moyen peut être excellent, mais il est assez compliqué !

M. C. Serres a communiqué à la Gazette du Midi un nouveau remède pour la maladie de la vigne. Cet agronome s’est servi d’un demi-kilogramme de sel de cuisine dans 15 litres d’eau fraîche; à la tombée de la nuit, il a arrosé le pied de chaque cep. Quinze jours après les raisins étaient en bonne santé, etc.

A Irigni, M. Audier, instituteur, après avoir raclé soigneusement les tiges, depuis le sol jusqu’à l’extrémité des plus petites ramifications, principalement au tour des cornes, a enduit les tiges d’une couche de chaux. Le résultat a été des plus heureux.

Voici un autre procédé publié par M. Robinet:

«Vous avez déjà appelé l’attention de vos lecteurs sur un procédé de préservation et de guérison expérimenté à Montrouge par le docteur Robouam. Il s’agit du couchage des branches chargées de fruits sur la terre. Ce qui arrête immédiatement le progrès de la maladie, plus les grappes sont près du sol, plus l’effet est certain.

«On pourra donc sauver une grande quantité de raisins par ce procédé, le plus simple, le plus expéditif, le moins coûteux de tous ceux qui ont été conseillés, etc.

«Nous le répétons, il suffit de détacher les sarments chargés de fruits et de les coucher sur la terre, de manière que les grappes touchent le sol autant que possible.

«Quand le raisin commencera à tourner, on relèvera légèrement les sarments pour favoriser la maturation du grain.»

M. J.-F. Fox, membre de la Société d’encouragement et de l’Académie nationale agricole, manufacturière et commerciale, a reconnu la présence de l’acarus dans la maladie de la vigne. Il engage vivement les vignerons à enlever toutes les feuilles boursouflées, séjour de la progéniture de l’acarus.

«Dans les serres, il faut, dit-il, avant la végétation

«laver tous les murs à l’intérieur, et les ceps, avec

«une décoction de tabac à fumer (20 grammes par

«litre d’eau). La nicotine que contient cette plante tue

«l’insecte.

«Si l’on ne parvient pas à tout détruire, il faut,

«à la première poussée, anéantir les feuilles que

«l’acarus aura garnies de sa graine, et appliquer, s’il

«y a lieu, sur les jeunes raisins, la décoction ci-dessus

«indiquée, avec un pinceau souple.

«Pour les vignobles, il est de toute nécessité,

«après les vendanges faites, de ramasser avec soin les

«feuilles et les raisins desséchés par la maladie et de

«les brûler; puis, après la taille du printemps, laver

«avec la même décoction les ceps; c’est le moyen le

«plus sûr de se débarrasser du fléau.»

M. Etienne Lapierre plonge les raisins dans un mélange d’eau et de terre. Le raisin une fois couvert de cette couche de terre est préservée de la maladie. A l’exposition de la Société d’horticulture, on a pu remarquer les treilles de M. Lapierre, etc.

Le 31 juillet 1854, on lisait dans un journal:

«La maladie de la vigne dont les ravages continuent sans qu’on puisse encore mesurer l’étendue et la gravité du mal, défie tous les remèdes employés jusqu’à présent. s’il faut en croire la commission de l’Académie des sciences; tandis que, selon M. Payen, juge compétent et expérimentateur habile, il suffit, si on le veut bien, de la fleur de soufre, appliquée persévéramment pour la combattre avec succès et même pour l’anéantir. Que les savants et les praticiens se mettent donc d’accord; que les propriétaires de vignes zélés et intelligents se prêtent avec plus d’empressement que jamais à tous les essais indiqués ou qu’on peut tenter de nouveau, et alors, si M. Payen n’a pas tout à fait raison, nul doute qu’on ne parvienne tôt ou tard à diminuer au moins considérablement les effets de la maladie, ou à la resserrer dans d’étroites limites.»

Ce qui me le fait penser, c’est que ce sont précisément des agronomes et des praticiens de profession qui nient les assertions de l’Académie des sciences et qui repoussent les conclusions décourageantes du rapport de la commission spéciale, qu’elle avait chargée de lui rendre compte du résultat des dernières expériences soumises à son examen.

D’après ce rapport qui est peu consolant, par l’organe de M. Montagne, la commission déclare que, dans le nombre immense de mémoires et de recettes, — «toutes infaillibles qui lui sont adressées, il n’y a rien qui vaille,» — et que nous sommes à peu près aussi avancés qu’au début de cette étude.

M. Decaisne, directeur en chef des cultures au Jardin-des-Plantes, fait à ses savants collègues un exposé encore moins rassurant; tous les essais dirigés par la science la plus persévérante et la plus attentive ont échoué sur les ceps de ses collections. M. Payen, proteste en faveur de la fleur de soufre. M. Thénard, de son côté, atteste que, malgré ses préventions personnelles, il en a éprouvé de bons effets sur une culture en petit à la vérité.

Quand l’Académie se divise sur la question, les profanes n’ont pas qualité pour émettre un avis.

L’habile jardinier, M. Tucker, qui dirige les serres de Margata, écrivait en juillet 1853:

J’ai reconnu qu’une simple friction sur les parties entachées de moisissure détruisait entièrement cette moisissure.

Enfin, voici l’opinion de M. Guérin-Menneville, membre de la Société impériale et centrale d’agriculture de Paris. Je le cite textuellement:

«On le voit, l’enlèvement de l’Oïdium sur les raisins des vignes malades, le nettoiement des raisins atteints doit être regardé comme le moyen pratique le plus rationnel de sauver les raisins de la grande culture. Je suis heureux d’avoir été le premier à soutenir de toutes mes forces les agriculteurs qui, partageant mes idées sur l’Oïdium, ont proposé l’époussetage et le brossage des raisins malades. Ma conviction était telle que j’ai enduré avec patience l’opposition qui m’a été faite, plus ou moins ouvertement, par des savants influents et par des Sociétés savantes et agricoles, pour avoir soutenu une si bonne cause, etc., etc.»

Plus loin il dit encore:

«Quoi qu’il arrive, je crois que le procédé de l’enlèvement de l’Oïdium par des moyens mécaniques va enfin prendre, et qu’il donnera ainsi raison à l’explication que j’ai présentée le premier des causes de la maladie (Académie des sciences du 6, — La Patrie du 7 septembre 1852), contrairement à la théorie qui veut que l’Oïdium porté sur l’aile des vents, soit la seule cause du mal et non l’un des symptômes.»

Enfin, il termine en disant:

«Aujourd’hui, il n’est plus permis de se croiser les bras, en présence d’un fléau qui passera certainement, mais qui peut encore nous enlever une grande partie de notre récolte de vins pendant plusieurs années. Il faut que l’on sache que le brossage d’un hectare de vignes de dix mille pieds, en un mot, ne revient pas à plus de 25 à 30 francs, etc., etc.

«Fait à la magnanerie expérimentale de Sainte-Tulle, le 20 juillet 1854.

«GUÉRIN-MENNEVILLE,»

D’après l’exposé très abrégé que je viens de faire, il est, je crois, fort inutile de citer une centaine d’autres procédés, tous plus ou moins infaillibles, qui, aujourd’hui, sont jugés par les hommes de la science comme ne valant rien qui vaille. Cette décision ayant été catégoriquement formulée, en juillet 1854, par l’organe de M. Montagne, de l’Académie des sciences, je termine, en conséquence, ces citations, espérant qu’elles seront lues avec intérêt par mes confrères vignerons.

Cruet, 31 mars 1855.

F. LACOSTE.

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