Читать книгу Nouveau manuel du vigneron - Jean Fleury Lacoste - Страница 5
ОглавлениеClimat, terrain et exposition qui conviennent à la vigne.
1. D’après l’avis de M. Chaptal, les climats tempérés et particulièrement la France, sont les plus favorables à la production des bons vins.
La Savoie possède quelques localités entièrement favorables à cette culture et donne des vins assez estimés des connaisseurs. On pourrait facilement améliorer la qualité de ces vins en suivant exactement les moyens adoptés dans les grands vignobles de France; mais la routine, si difficile à détruire, est le grand obstacle à tout progrès et à toute amélioration.
2. Nous allons d’abord nous occuper des terrains qui conviennent à la vigne. C’est un point très essentiel et dont on ne tient pas assez compte, lorsqu’il s’agit de faire une plantation: opération toujours longue, difficile et très coûteuse. Il est donc important de connaître la nature appropriée du terrain, si l’on veut obtenir une réussite complète tant sous le rapport de la qualité que sous celui de la quantité.
3. En général, on reconnaît que tout terrain qui a de dix à quinze pouces de terre végétale, plutôt légère que forte et mélangée d’une grande quantité de pierrailles et même de cailloux, est propre à recevoir la vigne. Les terres argileuses, dans lesquelles on trouve beaucoup de petites pierres, peuvent encore être plantées en vigne. Il en sera de même dans un grand nombre de localités où la couche de terre végétale, quoique très mince, se trouve sur des roches schisteuses ou fendillées et qui n’ont pas une grande épaisseur. Ce genre de terrain est très favorable à la vigne, principalement sous le rapport de la qualité.
4. Il est, reconnu par tous les viticulteurs que les graviers, pierrailles, petits cailloux sont très favorables à la vigne. On ne peut cependant pas dire que ces corps durs contribuent à la nourrir, mais ils servent à diviser le sol, à le rendre plus perméable à l’eau et aux influences atmosphériques.
5. L’argile en petite quantité ne nuit point à la qualité du vin; mais s’il s’y trouve en trop grande proportion, il donne au vin un goût de terroir fort désagréable. Nous pouvons donc affirmer, d’après les observations qui ont été faites dans tous les pays viticoles, qu’une terre argileuse et profonde, de couleur brune ou blanche et qui n’est pas mélangée d’une grande quantité de pierrailles ou cailloux, n’est point propre à recevoir la vigne; que l’argile rougeâtre dans les mêmes conditions serait préférable, mais encore faut-il qu’il soit divisé et rendu perméable par la pierraille.
6. J’ai reconnu par des expériences réitérées que, pour avoir un vin fin et délicat, il faut que les racines s’étendent plutôt en largeur qu’en profondeur, ce qui se comprendra facilement par une raison toute pratique, et la voici: partout où les racines pivotantes peuvent pénétrer facilement, la vigne donne des rameaux longs, forts et vigoureux. Or, dans ces conditions de puissance végétative, la maturité des raisins sera retardée d’autant et elle ne sera jamais aussi complète que dans une vigne où la végétation sera moins belle. Cette observation raisonnée ne vient-elle pas encore à l’appui d’un phénomène pratique bien connu de tous les vignerons; c’est que jamais une jeune vigne bien entretenue n’a donné du vin fin et de première qualité, et qu’il faut au moins dix ou quinze ans de plantation pour qu’on puisse s’apercevoir d’une amélioration dans la qualité de ses produits. Car la vigne, arrivée à cette époque, commence à perdre cette surabondance de sève qu’elle puisait dans un sol nouveau et riche en sels fertilisants. La pousse du bois est moins belle et le phénomène de la maturation peut s’opérer bien plus rapidement.
7. Les terrains calcaires et légèrement sablonneux sont, en définitive, ceux qui conviennent le mieux à la vigne et qui donnent le meilleur vin. Car il est reconnu en viticulture que les vignes durent une fois plus longtemps dans le terrain calcaire que dans le siliceux, et qu’il est cependant positif que le mélange de ces deux espèces de terre améliore incontestablement la qualité du vin.
N’est-il pas évident que les raisins se trouvant abrités par de longs rameaux ne pourront plus arriver à une maturité aussi complète que lorsque ces derniers sont courts et moins forts? Donc, il est tout naturel que les premiers étant privés d’air et surtout de l’action immédiate des rayons solaires, éléments indispensables à une bonne maturation, ne pourront jamais être comparés aux derniers qui jouissent sans obstacle de ce privilége essentiel. On peut encore ajouter, pour plus ample explication, que plus les sarments sont forts et vigoureux, plus leur maturation est retardée...; ce qu’on peut facilement expliquer par le raisonnement suivant:
1° En général, le bois entre en maturation aussitôt que le mouvement séveux commence à se ralentir;
2° Le raisin n’arrive à maturité complète qu’en raison de la maturité du bois; or, si la végétation est luxuriante, c’est sans aucun doute à une grande abondance de sève qu’est due cette belle végétation; et plus la sève est abondante, plus son ralentissement devient difficile et plus l’époque de la maturation est retardée.... Donc la qualité du vin doit s’en ressentir.
Les sols granitiques donnent aussi de très bons vins, tels que ceux de l’Ermitage, etc., etc. Les volcaniques en produisent aussi d’excellents, comme les Lacryma-Christi qui croissent sur les flancs du Vésuve, etc., etc.
8. On a aussi observé que l’altitude où sont placées les vignes influe considérablement sur la qualité des vins.
Le travail de M. Vergnette, ancien officier du génie de France, traite cette question d’une manière fort remarquable; sans cependant que ces conditions d’altitudes soient absolues. Dans tous les cas, nous pouvons affirmer que la sommité des côtes, ainsi que le bas, ne donnent pas les meilleurs vins, mais bien le centre des vignobles.
En effet, il est facile de vérifier le degré de maturité des raisins dans les vignobles de notre pays; on trouvera toujours que, dans le haut, la maturité est incomplète, et qu’il en est de même dans le bas...; tandis que dans le centre elle arrive à un degré très satisfaisant.
9. Donc nous pensons que, passé une certaine altitude, le climat, indépendamment des latitudes, prend, ou une humidité constante bonne aux pâturages, mais peu favorable à la vigne, ou une sécheresse trop grande qui finit par durcir la pellicule et désorganise le parenchyme, ce qui empêche le fruit d’arriver à une maturité convenable et le rend par conséquent acide.
10. La vigne demande un air chaud et serein, elle craint les endroits bas et humides; il faut surtout qu’elle soit abritée des coups de vent; car une vigne plantée sur un plateau élevé et exposé aux vents ne donnera jamais de bon vin, la maturité étant toujours incomplète.
11. En effet, n’est-il pas raisonnable de penser qu’un raisin battu par la sécheresse et le vent aura la pellicule plus épaisse et plus dure; que le grain n’aura que fort peu de suc, et encore sera t-il acide. Le contraire arrive dans les sols bas et humides, et les raisins pourrissent au moment où ils commencent à entrer en maturation.
12. D’après mes observations pratiques, je suis persuadé que la position la plus convenable pour une vigne est incontestablement l’inclinaison au midi. Il arrive cependant que l’inclinaison au nord donne quelquefois de bon vin, surtout des vins blancs. Il est remarquable que, dans les pays chauds, le nord est, au contraire, l’exposition la plus avantageuse pour y garantir la vigne des chaleurs du midi, qui brûlent si facilement le raisin.
13. Je n’admets cependant point l’exposition du nord dans nos climats tempérés. L’exposition du couchant ne vaut certainement pas celle du levant; mais elle n’est cependant pas à craindre. J’ai vu des vignes qui, étant exposées au couchant, donnaient des produits excellents.
14. Suivant le degré d’humidité du sol, une légère inclinaison au nord n’est pas désavantageuse pour les vins rouges, puisque, dans plusieurs départements de France, on estime que cette exposition est assez favorable, parce que les vents du nord dessèchent la terre et qu’une humidité permanente est le plus grand ennemi de la vigne.
15. On reconnaît encore que les terrains en pente sont préférables à tous les autres, ainsi que l’exposition au midi.
16. On a généralement observé que les vignes plantées au levant étaient plus sujettes au gel que celles plantées à d’autres expositions.
17. Enfin, pour nous résumer le plus brièvement possible, nous dirons que les coteaux exposés au midi sont ce qu’il y a de mieux comme position.
Le bas du coteau qui forme plateau ne donnera pas le meilleur vin; ce n’est pas non plus dans le sommet de la côte, à l’endroit le plus chaud et le plus aride, qu’on obtiendra le vin supérieur; mais c’est bien dans la naissance de l’ondulation du coteau, parce que c’est, en effet, la partie où se concentrent les sucs de la terre et où se réfléchissent les rayons du soleil.
18. Comme ce petit Traité de culture de la vigne est adressé aux vignerons de mon pays, je ne puis terminer ce chapitre sans les engager vivement à arracher toutes les vignes qui sont dans des sols argileux, compacts et profonds, ainsi que dans toutes les terres dites à blé, fourrages, etc... Les vignes plantées dans ce genre de sol poussent avec une puissance végétative vraiment extraordinaire; les frais de culture, d’échalas et d’entretien sont considérables; la coulure y est fréquente, par la raison que j’indiquerai au chapitre des labours, et les vins y sont de qualité très inférieure. Car il est évident que ces raisins, privés d’air et de soleil au milieu d’une forêt de rameaux et de mauvaises herbes, ne peuvent jamais arriver à une maturité convenable. Les mauvaises herbes y sont d’autant plus difficiles à détruire que le sol est plus riche et plus fécond.
19. Les propriétaires de ce genre de vigne, désirant cependant avoir une récolte de vin, pourraient, au lieu d’arracher complétement la vigne, tracer quelques lignes de treillages de trois à quatre pieds de haut, en se servant des ceps qui se trouveraient sur la ligne ainsi tracée. Il ne s’agirait donc plus que de tailler ces ceps, afin de les faire courir sur la première traverse du treillage et préparer des archets pour l’année suivante. Ces petits treillages rapporteraient dès la première année, et chaque ligne étant espacée de cinq à six mètres, on pourrait cultiver cet intervalle en céréales ou plantes sarclées. Soyez bien certains que la quantité de vin obtenue sur ces treillages serait aussi considérable que lorsque toute la surface était plantée en vignes basses; le raisin serait plus mûr, parce qu’il aurait plus d’air et plus de soleil, et la récolte en céréales ou plantes sarclées serait plus que suffisante pour payer tous les frais de culture des treillages. Plus loin, je donnerai les moyens de renouveler les ceps lorsqu’il s sont trop vieux pour servir à former les treillages en question, et je renvoie ces explications au chapitre du provignage et couchage.