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Bartholomé.Raffaëlli.Stevens.Tissot.Wagner. Cézanne.Forain.

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ANS la solennelle infamie des salons de Mai, deux toiles:

Une récréation de M. Bartholomé, ainsi conçue: des petites filles jouent dans un préau autour duquel court un hangar soutenu par des piliers de fonte et coiffé de tuiles rouges. Au fond, un arbre poussé de travers, un pan de mur qui se profile sur un champ pommelé de ciel. Un coup de soleil divise la cour en deux parts: l’une éclairée, l’autre perdue dans l’ombre.

Au premier plan, six fillettes se tiennent la main et s’apprêtent à tourner en rond. La chaîne est interrompue par l’une d’elles, qui renoue le cordon de sa chaussure; plus loin, d’autres se lancent et se renvoient des balles, tandis que, dessinant un A renversé sur sa pointe avec leurs pieds réunis et arcs-boutés sur le sol, leurs corps renversés en arrière, écartés à droite et à gauche comme les deux jambages de la lettre et reliés au milieu par la barre des bras, deux bambines, les mains enlacées, se préparent à pivoter éperdûment sur place.

D’autres, enfin, grimpent sur des bancs pour une partie de chat-perché, et, dans l’ombre du hangar, passe la silencieuse silhouette d’une méditante sœur.

Ce qu’il faut tout d’abord relever, c’est l’observation précise du peintre. Ces enfants sont saisies, piquées sur la toile, sans tricheries ni dols. A ce point de vue, les fillettes, qui tendent encore la main à leur camarade si naturellement courbée sur sa chaussure, sont décisives;– puis, prenez chacune d’elles à part et voyez combien les tempéraments s’accusent.–Ici, une petite, maigriotte, pauvre de sang, intéressante par sa mine fûtée, anoblie presque par sa chétivité et sa pâleur; là, une autre plus membrue, plus mastoque, plus tachée de sons; là encore, une autre dont la figure est déjà faite: son visage de trente ans est prêt; plusieurs sont dans ce cas fréquent, du reste, parmi les enfants du peuple. Et, dans cette joie d’une sortie de classe, dans ce délassement de cris et de rires, dans ces transports de courses et de danses, les traits endormis s’éveillent, les physionomies effacées s’accusent, les laides même deviennent charmantes. De la toile à peine couverte s’évapore comme une puberté de grâces simples.

Ajoutez enfin que la peinture est lumineuse et gaie, que la couleur parfois un peu timide du peintre s’est enhardie et qu’avec les teintes neutres des tabliers et le bleu ou le lilas des robes, avec ces touffes de cheveux tombant en natte sur le col ou nouées en paquet d’échalotes sur la nuque, ces cheveux de blondines qui se fonceront plus tard, il est parvenu à moduler une mélodie d’une plaisance de tons exquise.

Une autre de M. Raffaëlli: «La belle matinée.» Dans un lit capitonné, en bois blanc laqué, Louis XV, une femme dort; le livre qu’elle parcourait est là, ouvert, sur la place vide du lit, près de l’oreiller désert qui l’avoisine; le monsieur s’est levé et sans doute a fui; la femme, lasse, s’est rendormie. Ce qui étonne dans cette œuvre, c’est l’extrême véracité de cette femme qui, la tête un peu renversée, souffle doucement, les cheveux dénoués, le cou un peu tendu, les paupières talées, les membres las; puis tout le ragoût du lit qui nous fait face, avec ses oreillers, ses draps, est épicé vraiment à point. C’est un hymne blanc, un hymne dans lequel le peintre a trahi le symbole de la couleur chaste, hystérisé la candeur, imprégné de volupté la fraîcheur des tons communiants, cantharidé les teintes évangéliques, les nuances d’épithalame! Œuvre d’une distinction mitoyenne, voulue, œuvre précise, d’un réalisme absolu, d’une observation acérée, d’une vigueur intense, ce tableau détonne, dans la pièce où il chante à tue-tête son hosanna libertin des blancs, au milieu des antiennes multicolores moulues par les orgues de Barbarie de ses confrères.

De M. Raffaëlli, mais exposées, cette fois, avec des paysages de Jersey, chez M. Georges Petit, d’extraordinaires aquarelles reproduites dans le numéro du Paris-Café-Concert, édité par M. Baschet.

L’une d’elles nous montre un quadrille aux Ambassadeurs: deux blanchisseuses qui ont lâché le fer à repasser, le «gendarme,» deux lavasses roulées sur tous les canapés sans ressort des marchands de vins, secouent, les pieds au ciel, dans un furieux chahut, l’étal mouillé de leurs chairs; et il faut voir le sourire carnassier de ces bouches, la danse de ces fanons, le cancan de ces yeux de filles à trois francs, qui allument le fond des corridors ou attirent, pour de courtes besognes, dans la nuit des terrains vagues!

Les deux hommes qui leur servent de vis-à-vis sont encore plus turpides; l’un d’eux tord une gueule de garçon de cuvette et l’autre un mufle de camelot ou d’acteur; eux aussi se dégingandent, battent avec les moulinets de leurs bras une rémolade de poussière dans les jets de gaz, font avec les manches de veste de leurs jambes les digue–digue-don d’une crampe atroce.

C’est de l’élixir de crapule, de l’extrait concentré d’urinoir transporté sur une scène, de la quintessence de berge, de dessous de pont, enrobée dans une musique poivrée de cymbales et salée de cuivres.

Peintre des paysages suburbains dont il a, seul, rendu les plaintives déshérences et les dolentes joies, M. Raffaëlli a voulu suivre la créature humaine échappée de la banlieue et jetée en pâture sur des tréteaux, aux ruts oculaires des quartiers riches; et sous les paillons de ce carnaval, sous les teintures de ces faces, sous l’emphase de ces ventres en sortie et de ces tétons sautés, il a retrouvé la canaillerie alcoolique des gestes, l’indécence intéressée des yeux et il les a peintes, comme vues au travers d’un tempérament d’Anglais, d’un pinceau naïf et féroce, brutal et dur.

Certains: G. Moreau, Degas, Chéret, Wisthler, Rops, le Monstre, le Fer, etc

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