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VI

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Le lendemain, il faisait encore plus chaud. Nous devions ramener notre naturaliste chez nous afin de l'embarquer pour Paris, où ses affaires le rappelaient impérieusement. On s'arrachait au village à grand regret.

Nous fîmes encore deux lieues dans l'eau et les rochers, pour explorer le cours du torrent qui descend au bas du village et qui lui donne son nom.

C'est une toute petite gorge couverte de bois charmants et toute hérissée de rochers superbes. La marche est dure dans cette déchirure tourmentée en zigzags; mais, à chaque pas, il y a un tableau délicieux de fraîcheur et de sauvagerie.

Nous fîmes halte dans un joli moulin, où la meunière, aimable et avenante, avec un air de candeur qui ne gâtait rien, nous servit du lait et du beurre exquis, pendant que nous bercions son nouveau-né dans le plus joli berceau rustique qui se puisse imaginer, une vraie petite crèche en bois, suspendue par deux anneaux à un double pied. Le marmot est au ras de sa couche, mais protégé par des lanières de laine bleue artistement agencées pour le retenir sans le gêner pendant qu'on le balance à grande volée. Les berceaux, les armoires et les crédences sont encore, dans la demeure de beaucoup de ces paysans, des meubles très-anciens et très-remarquables.

Avant de quitter l'oasis que notre éminent historien M. Raynal appelle avec raison le Highland du Berry, nous donnâmes grande attention aux figures, soit dans le village, soit sur les chemins et dans les hameaux environnants.

La physionomie humaine est là aussi explicite que le climat et la végétation; elle respire une aménité particulière, avec une dignité tranquille. Le paysan n'a pas le salut banal de certaines autres localités du Berry. Mais, dès qu'il est prévenu, il répond avec une dignité douce. Il doit être fin, puisqu'il est paysan, mais il n'est pas sournois. Son tempérament est sec et sain, sa démarche plus d'aplomb et moins lourde que celle des gens de nos plaines.

Les enfants sont admirables, et presque toutes les jeunes filles jolies ou gracieuses. Parmi ces dernières, deux types très-distincts nous frappèrent: la blonde, fine, svelte, avec des yeux bleus d'une limpidité et d'une mélancolie particulières; la brune, plus forte, très-accentuée, d'un ton pâle et uni vraiment magnifique, avec des yeux espagnols bistrés en dessous et ombragés de longs cils, l'air sérieux, même en riant. Toutes, quand elles rient, brunes et blondes, montrent des dents extraordinairement jolies et finement plantées dans des gencives roses. Les laides ont encore la bouche belle et l'oeil pur, et ceci est propre aux deux sexes, bien que, comme dans d'autres portions du Berry, le masculin nous ait paru le moins bien partagé.

Du reste, là comme ailleurs, la beauté des paysannes passe vite dans les fatigues de la maternité jointes à celles du ménage. Dans nos plaines, elles devraient se conserver mieux, car elles n'ont pas de travail en dehors de la maison, si ce n'est de garder au soleil quelques chèvres et moutons en pays plat. Celles du haut pays de bas Berry nous ont paru beaucoup plus actives et plus fortes, portant de lourds fardeaux dans les rudes montées, ramenant hardiment leurs troupeaux à cheval dans les sentiers des plateaux, ou gravissant, à pied, comme des chèvres, les talus escarpés de la Creuse.

Le gros bétail nous a paru très-beau et abondant. Chez nous, le ménageot ne se permet que la chèvre et l'ouaille; au bord de la Creuse, toute famille a plusieurs vaches, plusieurs ânes et un ou deux chevaux ou mulets. Le pays le veut, disent-ils; on ne peut faire la récolte qu'à dos de bête sommière. Cela prouve qu'ils ont tous des récoltes à faire. Les vaches sont remarquablement jolies, petites, mais propres et luisantes comme des vaches suisses. On n'entretient pas sur elles, avec amour, cette affreuse culotte de croûte de fumier que, chez nous, on croit nécessaire à leur santé.

On achevait alors la récolte des foins, à peine commencée chez nous. Les blés étaient jaunes et dorés quand les nôtres ne faisaient que blondir.

La fenaison avait un tout autre aspect que dans nos prairies. Au lieu de ces énormes boeufs magnifiquement attelés à de monumentales charrettes, et traînant avec une lenteur imposante de véritables montagnes de fourrage dans de grands chemins verts, on ne voyait que chevaux maigres et agiles, mulets et baudets vigoureux, portant sur leur dos des charges très-artistement serrées en bottes tordues, et descendant avec une adresse incroyable des sentiers rapides. La moindre petite ânesse porte ainsi dix fois par jour trois cents kilos et ne bronche jamais.

Le conducteur a fort à faire. Au lieu de trôner nonchalamment sur le haut de son char, il faut qu'il accompagne et soutienne chaque bête dans les passages difficiles. Le chargeur et le botteleur ne sont pas moins affairés. Il faut plus de science pour établir solidement une charge si fuyante sur des cacolets qui garnissent toute la largeur des étroits passages, que pour l'étaler en larges couches sur une large voiture à qui la plaine fait large place. Aussi on va vite, on cause peu, on ne perd pas le temps en raisonnements à perte de vue, le bras passé dans sa fourche, un sabot planté sur l'autre, pendant que les nuages montent et que la pluie se hâte. On a moins d'éloquence et de majesté; on a plus de vie et de feu, on est moins orateur, mais on est plus homme.

On est aussi plus industrieux et plus artiste.

Toutes les bâtisses sont jolies; la menuiserie est belle, et les intérieurs annoncent du goût.

Enfin, un détail nous prouva que cette petite population était riche et indépendante.

Madame Rosalie, notre éminente cuisinière, nous avait préparé, pour le second jour, un dîner d'une abondance insensée: nous étions las d'être à table. Nous demandions qu'on fît nos lits; nous étions fatigués. Il fut impossible de trouver une femme de peine pour les faire. Excepté au château, il n'y a pas de servantes dans le village; et, comme nous admirions le fait, notre hôtesse nous dit sur un ton de désespoir fort plaisant:

Promenades autour d'un village

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