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II

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— Il y a bien longtemps... quarante ans, ou même un peu plus... un pauvre garçon qui traversait un bois fut attaqué par de mauvais gars qui voulaient le voler. C’était pourtant dans un pays tranquille, et le pauvre garçon que je veux dire n’avait guère la mine d’un richard; mais les mauvais gars venaient de quitter la ville où ils demeuraient, par crainte de la police, et ils volaient en route pour ne pas perdre leur temps. Ils auraient mieux aimé tomber sur un millionnaire, bien sûr; mais, la nuit, tous les chats sont gris, et ils attaquèrent François faute de mieux (il s’appelait François de son nom de baptême).

Le malheur, c’est qu’il ne voulut pas se laisser enlever tranquillement une trentaine de francs qui étaient tout son avoir; et, quoiqu’il fût très affaibli par une maladie qu’il venait de faire, il tomba sur eux à coups de poing et à coups de soulier ferré. Mais ils étaient trois, et ils avaient des couteaux et des bâtons: en cinq minutes, François se trouva étendu sur le dos au bord du chemin, sans autres vêtements que son pantalon et sa chemise, qui ne valaient rien. Sa casquette, ses souliers et sa veste avec ce qu’il y avait dans les poches, étaient partis avec les voleurs. Il essaya de se relever pour courir après eux, mais il ne put y réussir: la tête lui tourna, et il s’évanouit.

Le lendemain matin, au petit jour, un bûcheron passa par là. Quand je dis un bûcheron, ce n’est pas tout à fait cela; il était bien vieux, le pauvre homme, il aurait été fort en peine d’abattre un chêne ou seulement de l’ébrancher. Mais il venait dans la forêt pour se faire un fagot de bois mort; et il fut bien étonné d’y trouver un homme couché, pâle comme un mort, avec du sang tout autour de lui. Bien des gens seraient partis au plus vite pour s’en aller chercher la justice; mais c’était un brave homme, et il s’agenouilla auprès de François et chercha à le ranimer. Seulement, il n’avait pas l’habitude de soigner les malades, et au bout d’un instant, quand il vit que le blessé n’ouvrait pas les yeux, il le quitta pour aller chercher, sa femme, qui saurait mieux que lui ce qu’il y avait à faire.

La mère Suzon était une femme de sens. Au lieu de perdre son temps à pousser des hélas! elle prit bien vite une cruche d’eau fraîche, du linge, des herbes bonnes pour les blessures, qu’elle avait en provision, et une petite goutte d’eau-de-vie qu’elle gardait pour les occasions extraordinaires. Elle eut vite fait de ranimer le pauvre François; mais il avait perdu tant de sang que toute sa force était partie; il eut beau faire, il ne put jamais se relever, même avec l’aide des deux bons vieux.

Il venait pour se faire un fagot de bois mort.


«Nous ne pouvons pourtant pas le laisser là, dit Suzon. Si nous étions dans une prairie, on pourrait essayer de le traîner; mais sur ce chemin raboteux il rendrait l’âme avant d’arriver. Il faut absolument l’emporter. Cours bien vite chercher la civière, mon homme, pour que nous le mettions dessus.»

Le brave homme mit du temps à aller chercher sa civière, et, quand il l’eut rapportée, il commença par s’asseoir sur l’herbe pour se reposer et s’essuyer le front. Puis il prit François par les épaules, pendant que sa femme le prenait par les jambes; et, sans trop le secouer, ils l’étendirent sur la civière.

«Allons, du courage, mon Pierre!» dit Suzon en se baissant pour prendre le brancard.

Puis, se ravisant, elle fit boire à son mari le reste de l’eau-de-vie, pour lui donner des forces; et tous deux enlevèrent la civière et le blessé.

La maison des deux vieillards n’était pas bien éloignée; mais le voyage fut long, et les porteurs se reposèrent souvent. Le père Pierre, tout haletant, tout ruisselant, s’arrêtait tous les vingt pas pour souffler.

«Un peu de courage, mon homme! lui disait Suzon en lui souriant.

— Oui, ma bonne femme!» répondait-il; et il se remettait en marche.

François trouva la route longue; mais il n’avait même pas la force de se plaindre. Il sentit qu’on le déposait sur un lit, qu’on pansait ses blessures, qu’on lui mettait du linge propre et sec; il se trouva si bien, entre des draps blancs, la tête sur un oreiller, qu’il fit un grand effort pour parler et remercier ses hôtes; mais il ne sortit de ses lèvres qu’une espèce de murmure rauque.

«Il veut quelque chose: à boire, peut-être! Prends vite une tasse, Pierre, et va lui chercher du lait.»

Goutte à goutte, la mère Suzon fit boire au blessé le bon lait encore tiède; et le pauvre garçon s’endormit.

Le Pauvre François ; Ferma contre Pagliati

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