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DES DISPOSITIONS INTÉRIEURES ET DE L’AMEUBLEMENT DE LA BIBLIOTHÈQUE

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La bibliothèque aura-t-elle une salle unique, ou en comprendra-t-elle plusieurs? Si elle doit en comprendre plusieurs, comment seront-elles proportionnées et distribuées, et comment se correspondront-elles? Bien que l’exécution soit ici du ressort de l’architecte, nous ne devons néanmoins pas nous en désintéresser absolument. Plus, en effet, la disposition intérieure du bâtiment sera convenable, et plus aussi le service de la bibliothèque sera facile, en même temps que les lecteurs trouveront toute la commodité désirable pour leurs travaux. Nous avons, du reste, déjà touché ce point dans le chapitre précédent; mais il importe de nous y arrêter encore un peu.

Et d’abord, quant à savoir s’il faudra se décider pour une seule salle ou pour plusieurs, c’est une question sur laquelle on peut se diviser: chacun des deux systèmes trouvera aisément des partisans. Une salle unique, aux vastes proportions, ornée de larges et magnifiques galeries, et recevant sans parcimonie un jour splendide, a certes de quoi tenter les amis du grandiose, tous ceux dont l’âme aspire à s’élever et à secouer le joug du terre-à-terre. En pénétrant dans ce temple de la science, il semble qu’un saint recueillement vous saisit, comme lorsque, âme fidèle, vous franchissez le seuil du temple de Dieu. Mais, d’un autre côté, une salle de lecture aux proportions plus modestes, distincte de la salle ou des salles où les livres sont placés, a aussi ses avantages. Bien des détails du service ne s’y faisant point, il y aura plus de calme pour l’étude. Les catalogues s’y trouvant cependant, il suffira d’une simple indication aux employés pour avoir bien vite ce que l’on désirera.

Quoi qu’il en soit, en principe et en théorie, on peut défendre l’un et l’autre système. Voyons ce que, dans la pratique, il serait opportun de préférer.

Nous avons déjà remarqué qu’une bibliothèque peut être ou publique, ou semi-publique, ou privée.

Quant aux bibliothèques privées, comme elles seront généralement moins importantes, et que d’ailleurs elles sont à l’usage exclusif de leurs propriétaires, il n’y a point d’inconvénient à ce qu’elles ne forment qu’une seule salle. Cette salle contiendra à la fois les livres et servira pour l’étude. Tout. autour seront disposés les rayons, et au milieu, ou du moins, suivant l’étendue et la forme de la salle, à la commodité du propriétaire, une table de travail ou un bureau. Cette disposition, lorsqu’elle sera possible, aura toujours cet avantage que l’on aura plus facilement sous la main et à sa portée les ouvrages que l’on voudrait consulter. Si même la disposition du bâtiment ne permettait pas de réunir tous les livres dans une seule salle, il faudrait du moins s’efforcer de les placer dans des salles contiguës et s’ouvrant l’une dans l’autre: l’une d’elles servirait alors en même temps de salle de lecture.

Pour les bibliothèques publiques ou semi-publiques, c’est-à-dire où il peut se présenter à la fois un certain nombre de personnes plus ou moins étrangères les unes aux autres, pour peu qu’elles aient quelque importance, il serait généralement bon qu’il y eût une salle de lecture distincte. Dans cette salle se trouveraient des tables et des sièges en nombre suffisant; puis un bureau pour le bibliothécaire, et, à sa portée, le registre de prêts; ensuite, les catalogues. En outre, si cela est possible, on réunira aussi dans cette salle, sur un rayon disposé à cet effet, les principaux dictionnaires et encyclopédies qui peuvent être d’un usage habituel. On pourra même y ajouter, si l’espace est suffisant, au moins les derniers numéros des principales revues. Quant au dépôt proprement dit des livres, il sera placé dans une ou plusieurs autres salles attenant. Toutefois, s’il s’agissait en particulier d’une bibliothèque semi-publique, d’une importance d’ailleurs peu considérable, la salle de lecture pourrait contenir aussi tout ou partie des livres, pourvu cependant qu’il y eût un espace suffisant pour que le service ne gênât point les lecteurs.

Ainsi, en résumé, pour une bibliothèque privée, une seule salle sera généralement préférable, à moins que l’importance du dépôt des livres ne rende nécessaire l’adjonction d’une ou de plusieurs autres salles: dans ce cas, l’une d’elles servira en même temps de salle de lecture. Pour une bibliothèque semi-publique, il serait désirable qu’on pût avoir une salle de lecture distincte. Toutefois, eu égard à l’importance plus ou moins grande de la bibliothèque, au nombre ordinaire des lecteurs et à la facilité du service, on pourra souvent se comporter comme dans le cas précédent. Enfin, s’il s’agit d’une bibliothèque absolument publique, le mieux sera toujours qu’il y ait une salle de lecture distincte, et disposée comme il a été dit ci-dessus.

Quant aux salles destinées à recevoir les livres, il se représente la même question de savoir si l’on se décidera pour une seule ou pour plusieurs. Au point de vue de l’ensemble et de la beauté, une grande salle nous attirera davantage; mais au point de vue pratique et économique, plusieurs salles d’étendue plus restreinte sembleront préférables. Car, pour une bibliothèque, surtout si elle doit contenir des richesses assez considérables, ce qu’il faut rechercher, ce sont des murailles pouvant donner des surfaces planes assez étendues pour y adosser des armoires. Une succession de pièces se communiquant entre elles par une sorte de corridor ouvert ou de couloir, courant tout le long des fenêtres, d’un bout à l’autre du bâtiment, serait peut-être la meilleure disposition à choisir. On aurait ainsi à la fois le jour et la facilité de placer le plus grand nombre possible de volumes. Le couloir libre pourrait aussi être ménagé au milieu de la salle, ce qui lui donnerait peut-être plus d’aspect; mais il y aurait un peu d’espace de perdu aux angles.

Voyons maintenant comment seront confectionnées les armoires, et comment disposés les rayons. De courtes observations suffiront d’ailleurs pour cet objet.

Il n’est pas indifférent, d’abord, de bien choisir le bois qui devra être employé. Si nous avions en vue une bibliothèque d’amateur, nous rechercherions des bois de prix, du cèdre, du cyprès, du mahogon ou de l’ébène: ces bois sont très durs, et le travail d’ébénisterie dont ils peuvent être l’objet en rehausse encore la valeur. Ils conviennent aux bibliothèques des riches particuliers, qui ne songent pas seulement à posséder de bons et beaux livres, mais qui veulent aussi que les meubles qui les renferment aient par eux-mêmes un grand prix. Pour nous, c’est aux livres que nous nous attachons avant tout; les armoires qui doivent les renfermer ne sont que des moyens d’ordre et de conservation. Ce que nous rechercherons donc, ce sera un bois bien sec et bien sain, et le plus dur possible, le chêne en particulier, mais non de ces bois exotiques, dont le prix est toujours très élevé, et qui absorberaient à eux seuls des sommes considérables, susceptibles d’être mieux employées à l’achat des livres. A défaut du chêne, qui est dur et ne se laisse pas facilement percer par les insectes, on pourrait choisir le sapin, qui est plus léger et qui, lorsqu’il est bien sec, offre aussi beaucoup de résistance.

Il s’agit maintenant de confectionner les armoires. Elles devront avoir au moins une profondeur égale à la largeur des plus grands volumes que l’on aura à y placer. Or les volumes in-folio ordinaires ont toujours 28 à 50 centimètres de largeur. Nous pourrons dès lors prendre, pour moyenne de profondeur, environ 35 centimètres, plutôt plus que moins. Mais en outre, si nous y prenons un peu garde, il ne nous échappera pas que les volumes in-folio sont toujours les moins nombreux dans les bibliothèques. Par conséquent, on pourrait se contenter de cette profondeur seulement jusqu’à la hauteur nécessaire pour placer, par exemple, deux rayons de volumes in-folio: le reste de la hauteur serait 10 à 12 centimètres moins large. Cette disposition ne servirait, du reste, qu’à ajouter une certaine grâce à l’ensemble.

Voici encore un point de détail, sur lequel il n’est pas inutile d’appeler l’attention: je veux parler de la manière dont seront construits les montants séparant les différentes travées. Il suffit d’ailleurs d’un mot pour tout dire: que la face antérieure de ces montants ne déborde pas sur l’intérieur des rayons. Cette recommandation n’est pas sans importance. En effet, lorsque, pour éviter une certaine maigreur, on néglige de tenir compte de cette observation, il arrive que les volumes qui commencent ou finissent un rayon, se trouvent plus ou moins cachés et enfermés sous le rebord du montant; il faut souvent en tirer plusieurs autres pour les prendre ou les remettre en place, et il en résulte toujours des pertes de temps, qui, dans une bibliothèque un peu importante, peuvent devenir considérables. Ce sera donc ici le cas de sacrifier l’élégant à futile, et l’on tiendra moins à quelques détails de menuiserie qu’à la commodité du maniement des livres.

Il faut dire aussi un mot de la pose des rayons dans les travées. Il y a ici deux systèmes en présence: celui des crémaillères, et celui des rayons fixes. Le système des crémaillères est très avantageux, en ce sens qu’il permet d’élever ou d’abaisser à son gré la hauteur des rayons, suivant la grandeur des volumes que l’on a à y placer. Mais la main-d’œuvre est beaucoup plus longue, et partant plus coûteuse. De plus, s’il s’agit d’une bibliothèque publique, c’est-à-dire d’un établissement destiné à durer, il n’y a point d’inconvénient à fixer dès l’abord les rayons d’une manière définitive. Les accroissements qui pourront survenir dans la suite ne changeront rien à l’ordre établi dans le fonds déjà existant. Il y aura seulement un grand soin à avoir: ce sera de bien proportionner la hauteur des rayons suivant les formats que l’on aura à placer, car il serait aussi disgracieux pour l’œil qu’il y aurait de l’espace perdu, à voir des volumes in-12 et peut-être in-18 dans des rayons capables de recevoir des in-4°.

Ainsi, pour ce qui est de ce point, nous pensons qu’en général, pour une bibliothèque publique, le système des rayons fixes est préférable, et que, pour une bibliothèque particulière, le système des crémaillères sera plus avantageux. Toutefois, c’est là un détail sur lequel nous ne voudrions pas insister fortement.

Il serait opportun de dire aussi un mot des tables qui devront garnir la salle de lecture en particulier, et même les autres au besoin. Leur forme et leurs dimensions dépendront de l’espace qu’on aura libre. Le plus souvent, elles seront plus longues que larges, mais assez larges pourtant pour que les lecteurs puissent s’y placer des deux côtés, et disposées de façon que l’on puisse facilement circuler autour. De cette manière, les personnes qui viendront y prendre place ou se retireront ne gêneront pas celles qui sont occupées à travailler, et en même temps le service pourra se faire sans trouble et sans confusion. Qu’elles soient, autant que possible, placées aussi dans un jour favorable, c’est-à-dire que les lecteurs le reçoivent de côté plutôt qu’en face ou derrière. Ces détails paraîtront peut-être de peu d’importance; ils en ont pourtant une réelle dans l’économie générale de la bibliothèque, et c’est à ce titre que nous n’avons pas négligé d’en parler.

Nous devons aussi nous arrêter sur quelques autres points de matériel, qu’il importe de ne pas passer sous silence.

D’abord, pour le service des livres, c’est-à-dire pour leur placement dans les rayons et leur déplacement, il faudra dans chaque salle une ou plusieurs échelles. Quel système y aura-t-il lieu d’adopter de préférence? Ce que nous devons rechercher, c’est, sans aucun doute, qu’elles soient légères, d’un maniement facile, et sûres tout à la fois: ce sont là les conditions les plus propres à un service vraiment utile.

Dans certaines bibliothèques, on voit des échelles roulantes, de dimensions fort grandes, et qui tiennent par elles-mêmes un espace assez étendu: ce sont de véritables édifices; on dirait des tours roulantes des anciens croisés; nous en avons même vu qui étaient à plusieurs étages et pourvues de plates-formes, où l’on pouvait se tenir commodément. Quelquefois, ce sont des échelles doubles, que l’on peut amener devant les rayons, et sur lesquelles on monte à telle ou telle hauteur, suivant la hauteur des rayons où l’on veut atteindre.

A ces divers systèmes, nous préférerions encore une échelle simple, dont le haut serait muni de crochets, telles que celles dont se servent les ouvriers chargés de l’entretien des becs de gaz dans les rues des villes. Seulement, tout le long des rayons serait fixée, à une hauteur convenable, une forte tringle en fer d’environ 2 centimètres de diamètre, et à laquelle s’accrocherait l’échelle: de cette manière, celle-ci aurait toute la solidité désirable. Ce système est en usage dans la plupart des bibliothèques de Paris. Il a l’avantage de tenir peu de place; son usage est commode et facile, et il joint la solidité à la légèreté. Il est aussi recommandé par M. J. Petzholdt, dans l’ouvrage que nous avons déjà cité, et qui, sur ce point particulier, s’exprime ainsi: «Pour conjurer le plus possible tout danger de la part des échelles, il faut avoir, soin, en les rendant d’un maniement facile, qu’elles soient fermes et munies, à leur extrémité supérieure, de crochets de fer, qui empêchent tout écartement, en s’engageant dans une rainure laissée en avant du deuxième ou troisième rayon à partir du haut, et assurée par une sorte de rail en fer placé en avant» . Cette disposition, comme on le voit, est d’une grande simplicité pratique, ce qui n’est pas un faible mérite.

Nous ne pouvons terminer ce chapitre sans dire aussi quelques mots du chauffage et de l’éclairage des salles.

Pour ce qui regarde le premier de ces deux points, le système que nous devrons préférer sera certainement celui qui fournira le chauffage le plus régulier, qui donnera à toutes les parties une température uniforme, et que l’on pourra mesurer facilement suivant les rigueurs de la saison. Dans cette vue, un calorifère dont le foyer serait dans le sous-sol et qui aurait des bouches s’ouvrant dans les différentes salles, serait le plus avantageux. Il faudrait prendre garde toutefois que les bouches ne s’ouvrissent pas trop près des rayons chargés de livres: une chaleur trop intense pourrait endommager les reliures. Si l’on pouvait les ouvrir de distance en distance au milieu du parquet même, cela serait pour le mieux. Si cette disposition n’était pas possible, il serait bon de ménager, au pied de l’un des murs, un espace libre. En outre, on pourrait adapter, au-dessus de la bouche, une plaque de tôle qui renverrait la chaleur à l’intérieur de la salle et garantirait les volumes placés au-dessus.

Toutefois l’établissement d’un calorifère à foyer souterrain peut n’être pas toujours praticable. Dans ce cas, qu’il y ait dans chaque salle un appareil proportionné à son étendue, mais dont le foyer ne soit point, autant que possible, découvert. La forme de cet appareil sera le plus souvent assez indifférente. On peut choisir la forme cylindrique ou octogonale, ou encore la forme d’une colonne. En tout cas, si l’on doit y brûler de la houille, il serait bon qu’il y fût adapté un récipient capable de contenir une certaine quantité d’eau. La vapeur de cette eau, se répandant dans la salle, viendrait corriger le mauvais effet du charbon.

Quant à l’éclairage, il nous suffira de quelques mots. Dans les bibliothèques où, aux jours d’hiver, il sera nécessaire, vu la prolongation des séances, de recourir à la lumière artificielle, il faudra avoir soin d’en disposer les foyers pour que les lecteurs puissent travailler sans fatigue, et qu’en même temps le service se fasse commodément. La lumière du gaz est celle dont l’usage est le plus simple et le plus facile. Pour l’usage des lecteurs, il y aura lieu de placer, au-dessus de chaque table et à une hauteur convenable, un ou deux becs, suivant la grandeur des tables. Ces becs seront munis de globes dépolis. Dans les salles qui ne seront pas affectées à la lecture, le nombre des becs sera proportionné à la grandeur des salles, mais ces becs seront placés beaucoup plus haut, pour ne pas gêner la circulation et le service.

Manuel théorique et pratique du bibliothécaire

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