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LETTRE DE PAULINE A SA MÈRE.

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Table des matières

«Ma chère maman,

«J’ai été bien attrapée après votre départ de ne pas vous trouver dans votre chambre. Je tournais la tête à droite et à gauche, mais point de maman pour m’embrasser et me faire un petit sermon.

«Cependant je n’ai pas pleuré, parce que j’ai presque dix ans et que vous reviendrez bientôt. Votre petite fille n’est peut-être pas aussi étourdie que vous le croyez: devinez ce que j’ai pensé lorsque j’étais au beau milieu de votre chambre? On aurait le temps d’aller en Amérique et d’en revenir avant que vous ayez deviné, et comme je ne veux pas que vous vous fatiguiez la tête inutilement, je vais vous le dire: «Si je commençais ma

«journée par venir ici chaque matin, ce serait un

«peu comme si ma mère chérie y était encore. La

«vue de son fauteuil, et de sa pendule surtout,

«me rappellerait ses conseils; je ferais ma prière

«sur son beau prie-Dieu: je prendrais de bonnes

«résolutions pour la journée et peut-être que ça

«réussirait.

«Ne trouvez-vous pas mon idée excellente?

«Comme ce serait agréable d’entrer dans une

«jolie chambre et d’en sortir bien sage!»

«Ma chère maman, je m’applique peu en vous écrivant, parce que, si je m’appliquais beaucoup, je n’aurais plus d’idées, et j’ai déjà tant de choses à vous dire! D’abord je ne suis pas triste, je suis même très-gaie.

«Après votre départ, j’ai voulu commander le déjeûner de papa, mais j’avais beau me creuser la tête pour trouver quelque chose qui lui plût, je n’y parvenais pas. Babet, dont je suis très-contente, m’a assuré que les plats qu’elle sert habituellement sont ceux que papa préfère, et, comme j’ai confiance en elle, j’ai accepté ses raisons. Je vous avouerai même que je serais un peu embarrassée sans ma bonne.

«Cette chère Babette m’a appelée mademoiselle ce matin; cela m’a fait plaisir, et pourtant j’exige qu’elle me tutoie comme à l’ordinaire, lorsque nous sommes seules.

«J’ai fait cueillir les cerises; il y en a beaucoup; nous ferons des confitures après-demain! Quel travail!

«Philippe me respecte; il rit bien un peu sous cape lorsque je lui donne un ordre, mais j’ai l’air de ne pas m’en apercevoir.

«Je suis moins satisfaite de Justine. On voit qu’elle regrette de ne pas vous avoir accompagnée; je m’attends un jour ou l’autre à quelques difficultés. Je ne lui céderai pas, maman: me désobéir, c’est vous désobéir!

«J’ai suivi votre exemple: ma lettre est prête avant le déjeuner. Je m’aperçois que j’ai écrit un peu de travers.... lisez d’abord dans mon cœur, mère chérie, et vos yeux ne verront plus les imperfections de la lettre de votre Poule, qui vous embrasse et qui embrasse Mathilde de tout son cœur.»

Pauline se relit, ajoute une foule de mots oubliés, refait la tête aux e bouchés et met enfin sa lettre sous enveloppe.

Son père étant arrivé, elle déjeûna gaiement avec lui, et ne le quitta plus de la journée.

Trois jours s’écoulèrent sans amener aucun événement digne d’être raconté.

La maîtresse de maison descendait et montait les escaliers du matin au soir; elle prenait de bonnes résolutions et se croyait irréprochable parce que les repas étaient servis avec la ponctualité accoutumée et qu’elle allait de temps à autre visiter sa chère Babet. Elle s’ennuyait bien un peu, sans songer à se distraire par l’étude.

Le matin du quatrième jour, elle eut encore la fantaisie de faire une belle toilette pour déjeûner avec son père. Cette coquetterie lui semblait une aimable attention.

Cependant M. Séverac se fait attendre. Impatiente, Pauline regarde par la fenêtre, va même jeter un coup d’œil sur la route et revient à la cuisine chercher des consolations près de Babet.

L’inquiétude commençait à se faire sentir au cœur de celle-ci, et ses paroles s’en ressentaient. Par bonheur, Florent, le vieux piéton, vint mettre fin aux incertitudes de la maîtresse et de la servante. Il apportait deux lettres, une de M. Séverac, qui avait rencontré Florent, et une autre d’Agathe. Le papa disait:

«Ma chère petite fille,

«Une affaire me retiendra à la ville toute la matinée; en revanche, je t’amènerai pour dîner M. et Mme Lamotte ainsi que leurs enfants. Ils auront un bon accueil et bon dîner n’est-ce pas?»

Pauline, appelle au secours: «Babet! Babet! six personnes à dîner aujourd’hui! qu’allons-nous faire?

— Aujourd’hui jeudi, il n’y a rien chez le boucher; heureusement que la basse-cour est une ressource: je tuerai le gros canard.

— Le canard que m’a donné mon oncle? je ne le veux pas:

— Que tu le veuilles ou ne le veuilles pas, il y passera en compagnie d’une poule et d’un lapin.

— Babet, tu parles de massacrer ces pauvres bêtes aussi tranquillement que s’il s’agissait de cueillir un bouquet de roses.... Je ne veux pas que le sang coule sous mon règne.

— Alors il faut me dire comment faire un bon dîner. Un dîner qui mérite des compliments. Il est dix heures.

— Va donc! égorge-les bien loin d’ici et surtout ne tue pas de lapin blanc; il n’en manque pas de gris.»

Philippe annonce le déjeûner.

«Un moment, je lis mon courrier.»

Pauline était assise dans un grand fauteuil, souriant d’avance au plaisir qu’une lettre d’Agathe lui promettait. Cependant son front se couvrit d’un nuage en lisant ces mots:

«Ma chère amie,

«J’ai déchiré ta lettre en mille morceaux, de crainte qu’une autre que moi n’eût tes confidences.

«Tu es contente que ta maman soit absente? tu te trompes, et il ne s’écoulera pas beaucoup de jours sans que tu sois de mon avis.

«Crois-moi, j’ai douze ans, et déjà une petite expérience dont je voudrais te faire profiler. Que tu trouves du plaisir à être maîtresse de maison, je le comprends bien; mais si c’était pour toujours, tu penserais autrement, va! Tu dois te tromper souvent, n’ayant pas appris comme ta sœur; et je l’ai vue une fois très-embarrassée parce que des personnes qu’on n’attendait pas étaient venues souper (Pauline sourit). Nous avons bien le temps d’être grandes! Pour moi, je regrette que ma taille ne soit pas celle d’une enfant de mon âge; cela m’oblige à plus de raison, et c’est quelquefois gênant. Déjà j’hésite à jouer à la poupée. Ma pauvre fille est dans sa boîte: heureusement que mes cousines l’en font sortir. Alors je ne me fais pas prier pour m’occuper de cette compagne de mon enfance qui paraît aussi satisfaite que moi.

«Je te fais aussi mes confidences. Je n’ai pas fini: la raison m’est venue le jour où mes cheveux n’ont plus flotté sur mes épaules et qu’une robe longue a remplacé ma robe courte. C’est singulier, n’est-ce pas?

«On me compte aujourd’hui parmi les personnes raisonnables. J’apprends le catéchisme; ma gouvernante dit qu’elle ne me reconnaît pas. Tu me reconnaîtras bien toi, sois tranquille.

«Si nous allons te voir aux vacances, tu pourras me confier l’exécution de quelques costumes élégants pour miss Happy; car je couds passablement, et l’on me trouve très adroite.

«Ma chère Pauline, puisque nos mamans s’écrivent, pourquoi ne suivrions-nous pas leur exemple. D’abord les maîtresses de maison ont une correspondance non-seulement avec les fournisseurs, mais avec leurs amies. C’est très-amusant d’écrire des lettres sur de joli papier, de mettre l’adresse, et surtout de cacheter à la cire!

«Adieu, chère amie, je t’embrasse d’abord sans cérémonie, puis j’embrasse respectueusement la maîtresse de maison, et de tout mon cœur.

«AGATHE.»

On le voit, la raison est précoce chez l’amie intime. La lecture de cette lettre sembla jeter Pauline dans de graves réflexions. Nous verrons bientôt comment elle en profita.

Elle se mit enfin à table. Toute préoccupée de sa correspondance, elle oublia sa jolie toilette, et la compromit d’une façon tout à fait fâcheuse, en mangeant un œuf à la coque.

Quel triomphe ce fut pour Justine, qui déclara que les autres robes étaient au blanchissage! «Mademoiselle devait se contenter d’une vieille robe de Guingamp rose.

— C’est celle que je préfère,» répondit fièrement Pauline.

Notre chère enfant avait complètement oublié que Mlle Blanche, la fille de son maître d’écriture, lui donnait des leçons de piano. C’était précisément le jour.

Grande fut la surprise de Pauline en voyant arriver le professeur.

«Quelle imprudence, chère mademoiselle, de venir de si loin par cette chaleur! Vous tomberez malade!

— Ne craignez pas cela, mademoiselle; c’est lorsque je n’ai pas d’occupations que je suis à plaindre. La vue de mes élèves me rafraîchit bien autrement que les ombrages de mon jardin.

«Voyons, avez-vous bien étudié votre petit rien de Cramer?

— Comment! Vous ne savez donc pas ce qui est arrivé ?

— Vous avez été malade?

— Pas du tout: maman et ma sœur sont aux Pyrénées, et c’est moi qui les remplace; je donne des ordres du matin au soir; j’attends aujourd’hui six personnes à dîner. Jugez un peu si j’ai le temps d’étudier. Je vous prie même, mademoiselle, de ne revenir que dans quinze jours. Les leçons de monsieur votre père me prennent déjà trop de temps.

— C’est impossible: madame votre mère me donne un traitement fixe, et il n’y a que votre santé ou la mienne qui puisse m’empêcher de venir.

— Alors, dit résolûment Pauline, dépêchons-nous: pas de gammes, je vous en prie.»

La maîtresse, trop heureuse d’ouvrir le piano, fit grâce des gammes.

Une extrême facilité remplaçait l’étude. Mlle Blanche se disait qu’une semblable élève pouvait lui en valoir beaucoup d’autres; aussi ne ménageait-elle pas les encouragements.

Une heure se passa sans réclamation de Pauline. Bien au contraire, elle trouva la leçon trop courte, et voulut jouer une sonate à quatre mains. Vous resterez à dîner, et nous donnerons un petit concert à papa qui sera enchanté.

«Je ne puis accepter, ma chère enfant.... madame votre mère est absente....

— Vous oubliez, mademoiselle, que je fais tout ce que je veux.... Vous resterez à dîner.»

Mlle Blanche se rendit, et une autre heure se passa à jouer du piano et à rire.

Babet attirée par l’harmonie s’extasiait en voyant courir les menottes de Pauline sur les touches noires et blanches, sans se tromper.

Cependant Babet interrompit les accords de sa maîtresse, pour lui dire qu’elle ferait bien de changer de robe et de s’occuper du dessert; et, après avoir énuméré tout ce qui se trouvait dans le buffet, elle lui demanda quels fruits il fallait cueillir, et si c’était elle qui ferait les corbeilles.

«Non, je n’ai pas le temps; arrange-toi avec Basile, et surtout qu’il y ait des pêches.

— Des pêches! Elles ne sont pas encore mûres, ma Poule.

— C’est égal, les primeurs font bien dans un dîner.

— Jamais Basile ne consentira à cueillir des pêches avant qu’elles soient mûres, ma mignonne!

— Je le veux,» dit Pauline, en quittant brusquement le piano, et elle se rendit à sa chambre.

Le bruit d’une voiture l’en fit descendre; elle se jeta dans les bras de son père qui amenait les hôtes annoncés le matin.

Les filles de Mme Lamotte étaient les aînées de Pauline. Quelle fût donc leur surprise en l’entendant donner des ordres, aller et venir et occuper la place de sa maman.

Elles se disaient tout bas que leur petite amie jouait à la madame; car déjà ces demoiselles savaient qu’une maîtresse de maison consulte les goûts de sa société, et surtout ne débute pas par imposer une queue de loup avant que le dîner soit servi.

L’entrain ne manqua pas cependant. Quelques jeunes paysannes occupées au potager étaient venues, sur l’ordre de mademoiselle, donner du développement à la queue.

Les parents attirés par les cris assistèrent quelques instants à cette partie joyeuse, puis Mme Lamotte conseilla d’aller au jardin.

La proposition n’était pas du goût de Pauline; elle ouvrit le piano, et joua avec Mlle Blanche une sonate à quatre mains.

Il y a tant de demoiselles qui se font prier, qu’on aurait eu bien mauvaise grâce de refuser d’écouter celle sonate. La maîtresse et l’élève reçurent des compliments.

Enfin Philippe ouvre les battants et prononce ces paroles solennelles: «Mademoiselle est servie.»

M. Lamotte offre le bras à la maîtresse de maison, Mme Lamotte prend celui de M. Séverac et les enfants suivent en riant. Car cette représentation est tout à fait nouvelle pour eux.

Pauline est au milieu de la table, en face de son père, M. Lamotte est à sa droite, et quoique le petit garçon n’ait que cinq ans, on l’asseoit à gauche de mademoiselle.

La table était servie avec recherche. Philippe, sur l’ordre de Pauline, avait revêtu une livrée qui n’avait pas vu le jour depuis la mort de celui pour lequel on l’avait faite. L’honnête serviteur était d’autant plus ridicule, que fort satisfait de sa personne il ne perdait pas une ligne de sa taille et raccourcissait encore des vêtements déjà trop courts pour lui.

La sagesse bien connue de M. et de Mme Séverac rendait inexplicable pour leurs amis une pareille comédie. Le père de Pauline devinait cette critique, mais confiant dans le résultat de l’épreuve, il se laissait accuser de faiblesse.

La sensibilité de la maîtresse de maison pour le canard et le lapin fut effacée par les éloges qu’elle reçut.

Philippe pose le dessert avec une symétrie parfaite; à la vue d’une corbeille de pêches vertes, M. Séverac oublie son rôle; il éclate en reproches contre le jardinier; il interroge Philippe qui ne répond pas.

Pauline, déjà fort émue, perd toute contenance, lorsque son père lui demande si c’est par son ordre que Basile a cueilli ces pêches.

Les joues de la maîtresse de maison se couvrirent de larmes et ce ne fut pas sans un grand effort qu’elle parvint à dire: «Papa, j’ai voulu donner des primeurs à nos bons amis.»

Le père fut désarmé par cet aveu; une franche gaieté succéda aux reproches, et, comme la maîtresse de maison pleurait d’autant plus fort et voulait se sauver, son père la prit dans ses bras et lui dit: «Chère petite fille; une primeur est un fruit mûr avant la saison.»

L’orage passa, Pauline reprit contenance en voyant arriver un plateau sur lequel figuraient des tasses de Sèvres du plus grand prix; héritage de famille précieusement conservé.

M. Séverac suivait avec inquiétude les mouvements du domestique, et je crois que ce fut avec une véritable satisfaction qu’il vit arriver le moment du départ de ses hôtes.

La calèche s’avança; Mlle Blanche y prit place et eut la satisfaction de se retrouver chez elle sans le secours de ses jambes.

Resté seul avec sa fille, le papa lui fit des observations auxquelles il ajouta des éloges; Pauline avait bien deux petites oreilles roses, mais, chose assez ordinaire, ces oreilles là n’entendaient bien distinctement que les choses agréables. Et lorsque M. Séverac dit: «à propos, j’ai à te remettre une lettre de ta maman, la poule tendit la main et s’envola.»

Quoique la porte de sa chambre fût fermée, nous avons assisté à la lecture de cette lettre, et nous croyons devoir la faire connaître à nos lecteurs.

bagnères-de-Luchon, 10 juillet.

«Chère petite fille,

«Ta lettre m’a causé une véritable joie. D’après ton conseil, j’ai lu dans ton cœur, et je ne doute pas de tes bonnes intentions; mais, ma Paulette, une maman ne doit pas se contenter d’une lecture aussi facile; elle ne peut pas fermer les yeux et prendre des zigzags pour des lignes droites. Tu trouveras un transparent dans le tiroir de ma table. Je te prie de t’en servir.

«Ton père me dit qu’il est très-satisfait de toi, et, ce qui n’a pas moins d’importance, Babet se félicite de la manière dont tu tiens la maison. Tu vas certainement apprendre avec cette bonne fille des choses qu’on ne trouve pas dans les livres. Je n’ai pas besoin de te recommander d’être respectueuse envers elle; n’oublie pas qu’il y a quarante ans que Babet est dans la famille. Si par hasard il te prenait un petit accès de paresse, regarde ses mains qui ont tant travaillé et qui ne veulent pas rester oisives.

«Tu as raison de laisser sourire Philippe; quant à Justine, je t’engage à la ménager. Elle a plus de qualités que de défauts. Je n’ignore pas ce qui lui manque. Le premier devoir d’une maîtresse de maison est d’agir avec prudence; évite de mettre Justine dans son tort: si tu la déranges inutilement de son ouvrage, elle en témoignera de l’humeur. Je ne saurais trop te recommander la politesse et la douceur envers les domestiques. C’est le meilleur moyen de te faire aimer d’eux et d’obtenir plus tard de. l’autorité. Mathilde te donne en cela, comme en tout, le bon exemple.

«Nous pensons à toi, nous parlons de toi sans cesse: «que fait-elle? Comme elle doit bien soigner

«son papa! se promener avec lui, recevoir des visites;

« les invitations ne leur manquent pas, et

«ma Pauline sera peut-être obligée de donner un dîner!»

«Tu es si raisonnable, que je ne crains pas de t’affliger en te disant qu’il a ici de magnifiques promenades; nous sortons tous les jours à pied et en voiture. Lorsque nous rencontrons des petites filles de ton âge, nous regrettons que tu ne sois pas là pour partager leurs plaisirs.

«Hier, en revenant des belles cascades ou les étrangers se portent en foule, une petite gardeuse de moutons attira notre attention par son air raisonnable quoiqu’elle parût n’avoir guère plus de huit ans. Un de ses agneaux ayant eu la fantaisie d’aller brouter sur une pente au bas de laquelle coulait un large ruisseau, le pied manqua à l’imprudent, il tomba dans l’eau. Trop faible pour se tirer d’affaire, il allait certainement périr, lorsqu’ un jeune homme, attiré par les bêlements de la brebis, descend de cheval, se jette à l’eau et ramène l’agnelet. La mère le couvrit de son corps pour le réchauffer. L’étranger craignant, sans doute, que ce bain inopportun ne coûtât la vie au petit et que la fille ne fût grondée, lui remit une pièce d’or et disparut au galop.

«Tu ne me dis rien, chère enfant, de M. Lemoine et de Mlle Blanche. J’espère qu’ils ne sont pas malades. Ton silence à leur sujet me fait pressentir quelques surprises. Tu sais, ma mie, combien j’attache d’importance à l’écriture et au calcul! applique-toi, je t’en conjure.

«Je m’attends à recevoir une lettre qui ne laissera rien à désirer.

«Je t’embrasse, nous t’embrassons bien tendrement. »

Sans doute Pauline était contente d’avoir reçu une longue lettre de sa maman, mais le nom seul de ce M. Lemoine avait tout gâté. Il fallait donc absolument s’appliquer un jour ou l’autre. Notre petite fille prit de bonnes résolutions dont elle remit l’exécution au lendemain, selon sa coutume.

Justine venait de se mettre au travail, lorsque mademoiselle, oubliant son rôle, lui apporta sa poupée en la priant de laisser son ouvrage et de faire tout de suite une robe à miss Happy, d’après une gravure de modes.

Vainement la femme de chambre fit-elle valoir de bonnes raisons pour a ourner ce travail, il fallut céder.

Une fois en train, son adresse et son bon goût triomphèrent de sa mauvaise humeur, et quelques heures plus tard, Justine souriait à la jeune miss, qui semblait demander la permission de passer le détroit pour porter les modes françaises.

Pauline éprouva une double satisfaction: on lui avait obéi, et si miss Happy allait à Bordeaux, elle ne rencontrerait assurément pas une rivale sur son chemin.


La petite maîtresse de maison

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