Читать книгу Amélioration de l'espèce chevaline par des accouplements raisonnés - L. Alasonière - Страница 4
ОглавлениеObservations générales sur l’espèce chevaline.
Pour élever un édifice avec solidité, il est essentiel que les bases en soient bien établies, qu’elles restent invariables pour bâtir sur elles avec confiance. Suivant cette règle applicable à toute espèce de systèmes, il faut, pour compter sur un avenir certain, poser des principes immuables sur lesquels, après une étude approfondie, on pourra sûrement s’appuyer.
Jusqu’à présent, en matière d’amélioration de l’espèce chevaline, ce jugement fondamental a été oublié ou plutôt méconnu; sans aucune doctrine on a suivi les errements de l’empirisme. Les hommes les plus forts se trouvent en contradiction. Cette divergence d’opinions ne peut provenir que d’un manque de ponctualité dans la connaissance des principes fixes qui devraient former la base de ces études. En effet, il manque à cette école une appréciation exacte des motifs qui doivent faire préférer un accouplement à un autre. Sans appréciation exacte, il est impossible d’obtenir aucune fixité dans les idées de ceux qui s’occupent du cheval; ce ne sont plus que des opinions vagues que chaque écrivain ou praticien produit selon ses études plus ou moins superficielles de l’animal.
La meilleure preuve que les savants peuvent être eux-mêmes induits en erreur et que chaque homme a des moyens mais sans doctrine bien arrêtée, c’est que, dans un rapport au Conseil supérieur des haras, sur les travaux présentés à la session de 1850, par le général de Lamoricière, à la page 97 de son mémoire intitulé : «Des conditions auxquelles il faut avoir égard dans les accouplements», on trouve ce qui suit:
«Les croisements demandent une attention particulière;
«on doit en effet tenir compte d’exigences qui se contrarient
«et semblent opposées les unes aux autres. D’une part, il y
«a nécessairement entre la conformation du mâle et de la
«femelle des différences assez importantes, puisque le premier
«doit donner au produit certaines aptitudes qui manquent
«à la mère et qu’il convient d’établir une comparaison
«entre les qualités et les défauts de l’un et de l’autre.
«On peut même admettre entre eux une grande disproportion
«de dimension et de volume, pourvu que la jument
«soit toujours plus grande et plus étoffée que l’étalon;
«mais, malgré toutes ces dissemblances, encore faut-il
«qu’il y ait une certaine similitude dans l’ensemble de la
«structure des deux animaux que l’on accouple; la pratique
«a trop souvent prouvé que l’on s’expose à ne voir
«sortir des croisements que des produits décousus et manqués,
«quand l’étalon et la jument n’ont point entre eux
«cette sorte d’analogie que nous venons d’indiquer et qu’un
«œil exercé seul peut juger. Il y a dans cette appréciation
«tout un art qu’on doit apprendre et dont l’expérience
«et l’observation peuvent seules révéler les secrets.»
Cet excellent conseil, indiqué à cette époque par le général de Lamoricière, rapporteur du Conseil supérieur des haras, était un avertissement et une voie ouverte à ceux qui dirigent la production chevaline en France, pour qu’il existe, comme le dit le rapport, entre le mâle et la femelle une certaine similitude dans l’ensemble de la structure des deux animaux que l’on accouple. Au contraire, on agit sans discernement en restant sans la connaissance de principes solides et en laissant l’amélioration de l’espèce chevaline stationnaire, au lieu de la faire avancer, puisqu’on ne s’attache toujours qu’à établir entre la mère et le père une compensation des qualités et des défauts de l’un et de l’autre, sans se rendre compte du mal qui se produit dans de semblables accouplements. Il est vrai que cette dernière opinion est admise par le plus grand nombre et trop souvent mise en pratique sans en peser les conséquences; on doit cependant reconnaître aisément dans les produits qui résultent de pareils accouplements des disproportions provenant de ce système dit de compensation et d’opposition.
D’après ce système, si l’on veut obtenir qu’une femelle dont la tête est mauvaise en produise une meilleure que la sienne, on s’appliquera à l’accoupler avec un étalon dont la tête sera bonne, sans rechercher si le reste du corps est en rapport avec celui de la mère; il en est de même de toutes les régions que l’on veut modifier. C’est ainsi que l’on refait les épaules, la croupe, l’encolure, les membres un à un, en détruisant l’harmonie de tout le reste de la machine.
En voulant faire disparaître les tares d’une race, si vous ne vous attachez qu’à trouver chez le père des qualités propres à modifier ces défauts, sans vous préoccuper du rapport de formes entre la mère et l’étalon, vous obtenez un mal plus grand, tout en voulant ne détruire que les tares dans le produit; car il en résultera des membres trop élevés ou trop grêles, une encolure forte avec des épaules minces et courtes, des reins longs, des croupes courtes et avalées, etc... Il s’ensuit que les uns attribuent ces imperfections à l’introduction du sang, les autres à ce que les produits en manquent; il en résulte enfin que l’on ne s’entend plus; chacun se croit fort de ses idées, ce qui amène des secousses désastreuses en embarrassant fréquemment l’administration des haras au lieu de l’éclairer; de là vient que le bien qui commençait à se faire sentir, est détruit faute de principes bien arrêtés et surtout d’unité.
Il y a donc pour les conditions à apporter dans les accouplements une connaissance que l’on doit apprendre, se révélant par des principes bien conçus puisés dans l’expérience et l’observation, consolidées par des notions spéciales et mécaniques des différents types de l’espèce chevaline.
L’amélioration du cheval est soumise à un grand nombre d’influences qui toutes, excepté celle des accouplements, ont été étudiées avec soin par bien des auteurs qui se sont attachés à conseiller les meilleurs principes d’hygiène et d’éducation. C’est là sans doute un point d’une grande utilité ; mais, malgré les soins apportés, ce sont des conseils que chaque éleveur se contente d’admettre en principe, sans vouloir ou pouvoir les suivre; les résultats se faisant attendre, ils deviennent trop coûteux pour les continuer et l’on revient à des routines adoptées aveuglément par des générations entières, tandis que les principes d’accouplement étant bien connus peuvent être mis à exécution immédiatement, en choisissant convenablement l’étalon pour la jument; cela demande peu de temps et après s’être bien pénétré de la supériorité de la méthode, on doit s’empresser de l’appliquer, à plus forte raison, quand les résultats viennent prouver que les poulains en naissant sont bons; sans ce premier point de départ essentiel, même avec la meilleure hygiène, on ne peut plus espérer modifier la conformation de mauvais poulains; aussi tenterons-nous de faire appliquer nos principes d’accouplements raisonnés à tous ceux qui se livrent à l’étude de la production de l’espèce chevaline. L’État lui-même, lorsque l’expérience nous aura suffisamment donné raison, se verra obligé de les indiquer à l’administration des haras pour être enseignés par ses fonctionnaires; il devra également intéresser les éleveurs par des primes, pour obtenir d’eux qu’ils suivent ces principes d’unité, favorisant ainsi le moyen fondamental capable d’amener la richesse et l’indépendance du pays, qui n’aura plus heureusement besoin des chevaux de l’étranger pour renforcer sa cavalerie.