Читать книгу L'Enfer C'Est Lui - Lambert Timothy James - Страница 11
Introduction
Оглавление« L'art est une tentative pour intégrer le mal. »
Simone de Beauvoir
Je n'utilise pas de CD. J'écoute de vieilles chansons sur des vinyles. Parcourir les magasins d'occasion à la recherche d'un Sam Cooke, d'un Wendo Kolosoy, d'un Thelonious Monk, d'un Eduardo Sanchez de Fuentes, d'un Jimmie Rodgers, d'un Notorious B.I.G, d'un Mikhaïl Glinka, dâune Mariam Makeba, d'un Nana Mouskouri, d'un Fela Kuti, ou d'un Beethoven est aussi apaisant que faire du yoga. Je chéris les rythmes des authentiques musiques folkloriques péruviennes et les instruments de musique mongols davantage que les bidules ravagés et inhabituellement tordus d'une pop star. Pour moi, toute forme d'expression qui cesse d'être une expérience et devient une forme d'art perd son aura divine. Ce livre est une expérience, pas un exercice artistique acrobatique comme ceux que l'on montre dans des émissions pour vous rappeler qu'ils existent.
J'ai été excommunié d'une longue liste de salons de thé et de bars sous le faux prétexte d'être un sorcier marxiste ou une incarnation de Ferdinand Lassalle. Le grand public associe incorrectement un examen du statu quo économique avec une bravoure anticapitaliste basée sur une paranoïa aiguë du livre de Karl Marx Das Kapital. Si vous ne me croyez pas, essayez de révéler au grand jour les pires aspects du capitalisme ou de lâéconomie islamique, et bam, la société vous ostracise en vous collant l'étiquette de socialiste. Pourtant, susciter une conversion vers une nouvelle alternative robuste au capitalisme ne vous attirera que des regards effrayés de réincarnations autoproclamées de Marx. Que peut-on dire des combats de coq ennuyeux entre les divinités du capitalisme de notre époque ? Vous devriez être aussi dégoûtés que moi de ces spectacles de clowns qui retirent progressivement la substance des dialogues sur les inégalités économiques. Mes colères peuvent se transformer en tsunami mais il y a des événements dans notre vie qui, bien qu'étant modestes, s'avèrent être importants.
Lors d'une escale à l'aéroport international de Kenyatta à Nairobi au Kenya, alors que j'attendais d'embarquer sur mon vol pour rentrer aux Ãtats-Unis, on m'a demandé ce que je voulais être plus tard. L'homme était assis de l'autre côté de ma table. Il semblait avoir près de soixante-dix ans. Je pouvais deviner par ses traits et son accent qu'il venait du Rwanda, un pays accusé par de nombreux rapports d'organisations des Nations Unies et autres organisations non-gouvernementales de surveillance, d'être le cerveau derrière les horreurs politiques et sociales de mon pays natal. Vous pouvez comprendre ma colère après avoir été briefé sur la façon dont le Rwanda a fourni un soutien financier et militaire à des groupes de bandits sadiques, et comment, en retour, le Rwanda a directement pillé les ressources naturelles du Congo et est indirectement devenu une plaque tournante du commerce de ressources minérales.
Ce jour-là , une seule question me hantait ; combien de souffles et de vies perdus la République démocratique du Congo devrait supporter avant que le monde ne dise que c'en est trop ? Sur un ton hargneux, j'ai répondu à sa question d'une façon simple et audacieuse : « Je vais mettre fin au cauchemar de la République démocratique du Congo ». Tout en essayant de s'arrêter de rire, il m'a demandé quelles seraient mes solutions pour la RDC. Après tout, mon pays natal a traversé plus d'un demi-siècle de chaos économique et social. J'ai d'abord joyeusement formulé mes idées. Il a retiré ses lunettes et m'a demandé d'approfondir mon plan. Inutile de dire que plus je parlais, plus je semblais bête et naïf. Finalement, je n'ai pas été capable de clairement exprimer ma vision, pour la simple et bonne raison que je n'avais jamais sérieusement pensé à tout ceci en détail. Mon plan tout entier ne pouvait satisfaire à un examen en profondeur. La conversation décontractée s'est alors transformée en expérience humiliante et cela m'a rendu humble.
Ce livre émane des disciplines économiques monopolisées depuis plus d'un siècle par les rois de l'évasion et les mathématiciens. Pour toutes les mauvaises raisons que l'on connaît, les économistes ont réduit en millions de petits morceaux le Saint Graal qu'est la classique valeur du travail et ont enlevé à lâhumanisme et au monde réel leurs fondements théoriques. Ensuite, ils se sont donné le mal de regrouper certaines pièces, en utilisant des hypothèses stupides comme pansements. Il y a une part de vérité dans lâaccusation du Marxiste mis en quarantaine, Fred Moseley, selon laquelle le système économique du monde universitaire a été construit de façon à récompenser ceux qui restent dans le courant dominant. Cet homme vertueux est le Shoichi Yokoi de lâéconomie, privé de célébrité et de fortune, se cachant dans les jungles de South Hadley au Massachusetts. Il croyait fermement que ses anciens camarades reviendraient le chercher un jour, et quâensemble, ils lanceraient un dernier assaut contre le capitalisme. Hélas, simplement blâmer lâorthodoxie pour la non-exactitude de ses théories ne suffira pas à restaurer la vision classique dâun marché efficace ou à nous emmener vers la terre promise.
Jâai commencé ce livre sur une note personnelle avec une lettre à Mama Vincent. Câest une adolescente qui élève seule son enfant dans la rue, que ma femme et moi avons rencontrée dans le centre de Nairobi au Kenya. à un moment donné, jâai dû tenir Vincent dans mes bras pour tenir les policiers éloignés. Ma renommée de touriste au Kenya a protégé Vincent et sa mère de tout harcèlement policier. La ville de Nairobi a fait passer une ordonnance criminalisant la pauvreté plutôt que de faire la guerre aux inégalités. Cet apartheid de lâère moderne nâattire pas lâattention internationale, car les oppressés et les oppresseurs ont la même couleur de peau. De nombreuses autres villes adoptent la même approche démente et nâont pas été inquiétées tant que la ligne quâelles ont tracée ne déterre pas les conflits raciaux.
Durant mon enfance, on mâa inculqué la notion que les disparités socio-politico-économiques étaient dictées par les lois de la nature ; quelquâun devait être pauvre pour être le serviteur dâun riche ! Durant les années 90, les riches Congolais ont cherché à se réfugier à lâOuest pendant la guerre civile. Jâai été témoin de la façon dont, en un clin dâÅil, la plupart de ces familles ont perdu le style de vie luxueux auquel elles étaient habituées. Après avoir vécu pendant près de deux décades en exil, même les plus puissants généraux et les proches de lâancien président ont petit à petit succombé à la paralysie de la misère. Ce nâest donc pas surprenant si bon nombre de barons et de militants de lâAncien Régime sont rentrés chez eux en rampant et sâinvestissent activement dans le nouveau système parasite. Mon sage ami sud-africain fait référence à une loi naturelle pour expliquer ce cycle : « Serpent un jour, serpent toujours ! »
Ce témoignage personnel sert à montrer la vérité universelle accablante selon laquelle les gens, tout comme les nations, sâintéressent plus à eux-mêmes jusquâà ce que la chance tourne. Il en va de même pour le mouvement « Occupez Wall Street », après que les Américains aient vu leur rêve de maison avec palissade partir en fumée, ou lorsque les américains ordinaires travaillant dur se sont aperçus que leur retraite avait été complètement anéantie par quelques vagabonds avides. Un autre exemple caustique est le petit groupe constituant lâoligarchie russe qui nâa plus la cote auprès de Vladimir Poutine, et qui ne peut sâempêcher de prêcher une justice et une égalité strictes depuis son exil doré à Londres. Quây a-t-il à dire des pays européens jonglant avec des dettes hallucinantes plus élevées que leur PIB ? Ajoutez à ce tableau le Brésil, la Russie, lâInde et la Chine, les pays BRIC qui font exploser leur croissance économique au péril de Mère Nature. Il faut aussi rajouter à ce mélange la majorité arabe qui, ne se satisfaisant plus de la petite part de la richesse nationale tandis quâune minorité dépense le reste, a changé de position.
Ces récents volcans bouillonnants devraient attirer notre attention sur le fait que lâon devrait rechercher des mesures préventives pour briser le statu quo. Au XXIe siècle, le discours apathique des économistes, « Tant que lâon poursuivra lâévolution actuelle et que lâon ajustera la roue du vieux capitalisme un petit peu plus, tout ira bien », a perdu de sa force et de sa pertinence depuis longtemps. Il est plus que jamais impératif dâinitier une révolution culturelle et de développer une réelle alternative au système socio-politico-économique brutal et primitif qui prévaut actuellement, le capitalisme, et à sa version querelleuse, lâéconomie islamique.
Le pot-pourri bruyant dans ma tête provient du défi auquel chaque pays doit faire face sur cette planète mourante : la disparité socio-politico-économique. Câest le résultat dâune croisade pénible pour découvrir un moyen pragmatique de rendre cet écart négligeable. Ne vous arrachez pas les cheveux tout de suite ; je nâai pas totalement perdu lâesprit en vous recommandant de sauter sur la selle de lâun des deux chevaux condamnés. Le socialisme et le communisme ont échoué, mais maintenant le capitalisme et lâéconomie islamique nous déçoivent. Ce livre vous fera parcourir de nombreux labyrinthes sombres et élaborés. Les économistes devraient laisser à la religion et à la médecine le soin de révéler les mystères de lâanormal et du naturel tout en nous réconfortant, ou en abusant de nous, par la même occasion. La responsabilité de lâéconomie est de trouver des solutions aux excès et à la thésaurisation, ou de les limiter, avant dâentreprendre des vagabondages intellectuels. à la place, elle sâest vue réduite à lâétat de glorification du faussement socio-économique.
Jâai noté le scepticisme concernant le fait que quelque chose dâautre que le capitalisme puisse fonctionner. Aujourd'hui, les gens ne se rendent pas compte que le capitalisme faisait partie dâun paradigme basé sur des normes et pratiques sociales barbares. Généralement, lorsquâune solution sociale domine une zone pendant aussi longtemps que le capitalisme, il devient plus difficile de concevoir que dâautres modèles qui sâoccupent dâautres objectifs et questions, existent ou pourraient être construits. Après tout ce que nous commençons à croire, il nây a quâune seule façon de faire les choses, et câest le plus dangereux des appâts.
Où se trouve le livre magique dans lequel trouver comment briser le sort ? Comme un taureau enragé, à la grande incrédulité de mes amis et collègues, jâai brusquement interrompu ma prometteuse carrière de prostitution intellectuelle et je me suis plongé dans ce qui semblait être du vagabondage académique. Mon objectif initial était de suivre la trace de tout le système commercial depuis la comptabilité, la finance, le management, la politique, et pour finir lâéconomie. Alors que jâapprofondissais ce que jâavais prévu être la dernière partie de mon voyage, des « gourous » de lâéconomie mâont écÅuré en passant plus de temps à donner des corrélations accidentelles et à impressionner le public, quâà expliquer dâune façon claire et concise et à résoudre les problèmes économiques mondiaux. Malheureusement, la fainéantise de ces orateurs a biaisé le point de vue du public. Ce que je peux partager de mon expérience avec chacun dâentre vous qui pensez à questionner la forme de commerce actuellement dominante et le capitalisme, câest de ne pas vous attendre à être bien accueillis ; soyez prêts à faire face à la fureur des Maccarthystes délirants, comme jâai lâhabitude de le faire !!
Jâai laissé à la classe des paresseux cérébraux économistes et politiciens les mauvaises habitudes de tourner autour des problèmes importants. à la place, vous, le lecteur, et moi allons nager contre le courant du torrent. Les chapitres un à six sont des exemples de cas en défaveur du statu quo social, politique et économique actuel : le capitalisme. Et si je vous revoie de lâautre côté du chapitre sept, alors serrez fort ma main à travers les chapitres huit à dix sur des concepts fondamentaux purement socio-économiques qui s'inscrivent dans leur contexte. Prenez votre temps pour digérer le chapitre onze et préparez-vous à recevoir une grosse gifle. Pour lâargument de clôture, le chapitre douze suit la recommandation de James Tobin : « Les bons articles dâéconomie contiennent des surprises et stimulent dâautres travaux ».
Quoi dâautre ? Jâai rendu la lecture de ce livre plus facile que de tenter de brûler ses graisses. Chaque chapitre débute avec des citations qui vous donneront un indice sur ce à quoi vous pouvez vous attendre et ils sont entrecoupés dâ« intermèdes » entre les parties afin d'éveiller les jeunes lecteurs ayant un temps de concentration court. Pour ajouter aussi un zeste de roman destiné aux littéraires enthousiastes. Je dois me confesser auprès de ceux qui sâattendent à des tableaux colorés et à des nombres. Je suis sincèrement désolé de vous décevoir. Pourtant, une chose est sûre, à aucun moment, je nâai mâché mes mots.
Lâidée dâécrire un livre peut se comparer à l'expérience de se retrouver nu devant un large public ; je nâai jamais eu de problème à le faire. Mais mon combat intérieur constant durant cette expérience a consisté à synchroniser mon cÅur avec mon esprit. Tout cela pour dire que jâai eu à surmonter la tentation dâêtre guidé seulement soit par la passion, soit par la vision, lâintensité et la précision qui sont essentielles dans cette entreprise quâest la création dâun concept central pertinent. Souvenez-vous que dans la vie, la passion sans vision est une perte dâénergie, et que la vision sans passion est une impasse.
Une âme magnifique chantait souvent. Swami Vivekananda lâexprime de manière si éloquente : « Prenez une idée. Faites de cette idée votre vie â pensez-y, rêvez-en, vivez cette idée. Laissez votre cerveau, vos muscles, vos nerfs, chaque partie de votre corps, se remplir de cette idée, et laissez de côté toutes les autres idées. Câest le chemin du succès. » Le monde connaîtra peut-être un jour lâampleur des sacrifices que jâai fait pour cultiver cette idée, dont je me soucie vraiment, d'une solution aux graves injustices mondiales qui sont à la fois socials, politiques, et économiques. Cependant, lâencre de ce livre serait inutile si je ne vous donnais pas une alternative complète au capitalisme, une solution qui pourrait réparer les ratés de soi-disant petits dieux de la politique économique. Il est temps de réintroduire lâanalyse dialectique sans pour autant réveiller les vieux démons de lâéconomie. Par-dessus-tout, jâespère que ce livre stimulera bon nombre de personnes et les poussera à débattre sur la solution proposée et à la faire avancer. Ou bien à donner vie de façon créative à un autre chemin sâéloignant du capitalisme, afin que William Godwin repose, enfin, en paix.