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INTRODUCTION.

Table des matières

Les sièges ne sont pas, comme les batailles, des actions promptes et brillantes, où le succès d’une seule journée a souvent décidé du sort d’un empire, et l’a placé sous le joug d’un nouveau maître. Dans les batailles, le soldat combat rarement sur le sol qui l’a vu naître, dans le pays dont l’amour et l’estime lui sont plus chers que la vie. Presque toujours il va livrer ses combats, au loin, sur la terre étrangère, où il n’a d’autre désir, d’autre intérêt que de rapporter à sa patrie ses lauriers et sa gloire. L’honneur et l’ambition sont les mobiles les plus puissants de sa conduite sur un champ de bataille. Sans doute, il en est encore de même le jour où il devient assaillant dans le siège d’une place; mais combien de sentiments plus élevés viennent agiter son âme, s’il est appelé à défendre les remparts de sa ville natale et ses propres foyers! Combien vive est la sollicitude de ce guerrier citoyen, s’il doit écarter les dangers qui menacent son père, sa mère, ses enfants et une épouse chérie; alors qu’un ennemi, souvent avide et cruel, vient le surprendre au milieu de ses travaux, renverser ses autels, lui ravir ses biens les plus précieux et tout ce qui l’attache à la vie! Alors, tout ce qu’il a de cœur et d’énergie le porte à résister à l’ennemi par tous les moyens que sa force d’âme et sa pensée lui suggèrent. De là naissent ces émotions fortes qui donnent un intérêt si dramatique au récit des événements dont les sièges des villes ont été, bien plus que les batailles en rase campagne, l’occasion et le théâtre.

Combien de scènes touchantes de valeur, de piété, de grandeur d’âme, nous fournissent les relations de plusieurs sièges de l’antiquité et des temps modernes dans lesquels l’amour de la patrie a produit des actions héroïques dont le souvenir, admirable leçon des vertus civiques, ne doit jamais s’effacer!

Ces siéges sont heureusement des événements très-rares dans l’histoire des nations. Ils n’y figurent qu’à de longs intervalles, et un intérêt profond s’est toujours attaché à la mémoire de la défense des villes qui n’étaient point préparées à soutenir la guerre. (A)

Si le lecteur a pu se sentir ému quelquefois au récit des siéges de certaines places fortes, alors que le sort passif des habitants n’entrait pour rien dans les combinaisons des chefs; s’il a pu prendre un vif intérêt au souvenir des événements extraordinaires de l’attaque et de la défense des villes fortifiées (B), où les honneurs du succès n’ont pu être attribués qu’à l’art et à la valeur des seuls hommes de guerre; on peut espérer qu’il ne restera ni froid, ni indifférent au récit des événements de Saragosse.

Dans cette capitale de l’Aragon, l’amour de la liberté, celui de la religion, le sentiment de la nationalité ont fait des citoyens les défenseurs volontaires de leurs foyers, et des victimes dévouées à l’honneur de la patrie; en sorte que l’admiration peut se partager également entre le noble caractère déployé par les Aragonais vaincus et la persévérance des Français vainqueurs. Ces derniers, entourés d’ennemis, et réduits, devant la place, vers les derniers jours du siège, au petit nombre de treize mille hommes, ont bravé la faim, les fatigues, les dangers pour forcer cent mille citoyens, enfermés dans la ville, à leur ouvrir leurs portes. De leur côté les habitants de cette ville ouverte, et sans remparts, ont porté leur valeur héroïque pour nous résister jusqu’au plus inconcevable mépris de la vie.

C’est ce drame terrible, auquel j’ai pris part, que je vais rapporter. Mes souvenirs d’alors, ceux que j’ai recueillis depuis, et les notes que j’ai prises chaque jour pendant le dernier siège, me serviront à tirer de l’oubli, autant que ce beau sujet me paraît devoir le comporter, quelques circonstances intéressantes qui sont omises dans les relations publiées par plusieurs officiers français, espagnols et anglais sur les deux siéges que la ville a soutenus dans moins d’une année.

Je raconterai succinctement les événements du premier siège. Le second siège est le sujet que je développerai. Ces deux périodes réunies feront connaître l’ensemble des malheurs qui ont pesé sur Saragosse dans l’espace de neuf mois.

NOTES DE L’INTRODUCTION.

A

Que d’actions héroïques nous fournissent le siége de Troye, cette source féconde où Homère et Virgile ont puisé tant de sublimes inspirations; le siège d’Ascalon, qui dura vingt ans; celui de Capoue, où les sénateurs et la noblesse qui s’étaient réunis au banquet de Vibius, désespérant enfin du salut de la patrie, vidèrent ensemble la coupe empoisonnée pour ne point souscrire à de honteuses conditions! à Asculum (279 ans avant J. C.) le sénat, chez Indacilis, renouvela le même trait de désespoir. Quels beaux sujets d’admiration nous offrent le courage malheureux et le dévouement patriotique des généreux défenseurs de Veïes, de Tyr et d’Alexandrie; les sièges si extraordinaires de Carthage, de Jérusalem, de Numance, de Sagonte, de Grenade, où les malheurs les plus affreux ont provoqué des résolutions effrayantes, et où le génie de la guerre s’est montré, comme à Anvers (en 1584), à la Rochelle (en 1627) inventif et persévérant! Ces sièges si remplis d’épisodes et de faits mémorables donnent aux citoyens et aux guerriers des leçons aussi utiles qu’admirables. Quelle autre bataille que celle où d’Assas s’écria: «A moi, Auvergne! « peut nous rappeler un acte de dévouement plus sublime que celui d’Eustache de Saint-Pierre, de Jean d’Aire et de leurs émules au siège de Calais?... Un intérêt immense se rattachera toujours au souvenir de la défense des villes peu préparées à soutenir la guerre, comme l’étaient Paris en 1589, Lyon en 1793, et Saragosse en 1808.

B

Voir les relations des sièges de Candie en 1667, de Philisbourg et de Maëstrickt en 1676, et ceux d’autres places fortifiées par les Deville, les Cohorn, les Vauban, les Cormontaigne, etc....

Sièges de Saragosse

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