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GÉOGRAPHIE.

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Table des matières

Lorsqu’on s’avance vers le Sud de nos possessions algériennes, et lorsqu’on a gravi les derniers sommets de l’Atlas qui dominent le Tell, on arrive à une région étrange, particulière, et qui sert de transition entre les pays peuplés et cultivés et le grand désert, ou mer de sable.

Celte région se nomme le Sahara. On a donné diverses étymologies du mot Sahara. Je pense qu’on doit placer son origine dans l’expression arabe Sarahh (), qui signifie pasteur (J.-J. Marcel, Vocabulaire arabe, Paris, 1837)

Le Sahara est divisé en trois portions qui correspondent aux trois provinces du Tell. Je ne m’occuperai, dans ce Travail, que du Sahara d’Oran, ou de l’Ouest, qui est le plus méridional des trois et aussi le plus élevé. Cette altitude augmente encore dans le Maroc, où il existe, sous les mêmes latitudes, des montagnes couvertes de neiges éternelles.

La forme générale du pays que je vais décrire est celle d’un grand bassin, élevé au-dessus du niveau de la mer, parallèle à la côte, et borné au Nord et au Midi par deux massifs montagneux.

Sa limite nord est formée par une ligne accidentée qui suit le sommet de l’Atlas, là où finissent les cultures et la végétation arborescente; cette ligne est jalonnée par des postes militaires, occupés depuis longtemps, et qui sont, en partant de l’Ouest, Sebdou, au Sud de Tlemcen, Daya, au Sud de Sidi-bel-Abbès Saïda, au Sud de Mascara, Tiaret, au Sud de Mestaganem. De bonnes routes relient tous ces postes entr’eux et avec les villes de l’intérieur et de la côte.

La limite ouest du Sahara d’Oran est la frontière fictive qui sépare le Maroc de l’Algérie. Cette frontière passe au milieu du Chott-et-Gherbi, et elle descend ensuite au Sud, en s’infléchissant un peu vers l’Est.

La limite est sépare le Sahara d’Oran de celui d’Alger. La limite sud n’a rien de bien déterminé ; cependant elle est indiquée par les dernières pentes des montagnes des Ksour, et les oasis qui n’ont devant elles que les vastes espaces sans habitations fixes, sans routes et sans eau. On peut la figurer par une ligne parallèle à la côte, partant d’El Aghouat, province d’Alger, pour aboutir à Figuig, réunion d’oasis qui appartiennent au Maroc.

La région qui nous occupe forme une espèce de parallélogramme compris entre les 34°, 30 et 32°, 30 de latitude Nord, entre les méridiens 0° et 4°, 20 de longitude Ouest.

Sa largeur moyenne, de l’Est à l’Ouest, est d’environ 100 lieues; sa profondeur, du Nord au Sud, de 50 à 60 lieues. On peut donc évaluer sa superficie à 5,000 lieues, ou 800 myriamètres carrés.

Cet espace comprend trois régions parallèles, qui sont, en partant du Nord, les hauts plateaux, au centre, les chott, au Sud, les montagnes des Ksour.

Les hauts plateaux succèdent aux derniers sommets de l’Atlas; ils sont d’un aspect monotone, incultes, rocailleux, légèrement accidentés, en longues ondulations de terrain; ils possèdent quelques sources, et des torrents sinueux, à sec presque toute l’année.

Des hauts plateaux, dont la largeur varie de dix à quinze lieues, on arrive à de vastes plaines, véritables steppes sablonneuses, couvertes d’une végétation maigre, rabougrie, uniforme, servant de pâturages à de nombreux troupeaux.

Ces plaines bordent les Chott au Nord et au Sud; elles possèdent quelques sources, quelques puits saumâtres, des oued sans eau, qui versent dans les bas-fonds des Chott les pluies de l’hiver.

Ces Chott, ou lacs salés, n’ont pas d’eau à la surface, ce sont de vastes espaces anfractueux, unis, composés de sable et de sel, qui se détrempent lorsque les pluies sont abondantes, mais dont l’eau s’évapore rapidement et laisse à la surface une couche cristallisée de sulfate de chaux. Les Choit ont leurs passages, leurs gués, où le terrain est ferme et solide; dans d’autres endroits il existe des fondrières fort dangereuses.

Il y a deux Chott dans le Sahara d’Oran: le Chott Gharbi de l’Ouest), et le Chott Chergui (de l’Est).

Le Chott El-Gharbi est divisé en deux parties par un terrain ferme, sur lequel passe la frontière du Maroc. Il est séparé par un vaste espace solide du Chott Ech-Chergui, lequel est aussi divisé en deux bassins par un isthme étroit (debdeb). Ces Chott occupent une étendue de soixante lieues de l’Est à l’Ouest; ils ont une largeur moyenne de cinq à six lieues.

Au Sud des Chott, les plaines se continuent jusqu’au pied des montagnes qui forment la chaîne des Ksour; elles séparent le Sahara du Grand-Désert.

Cette chaîne est composée d’une foule d’élévations isolées les unes des autres, sans ordre, sans direction, comme un troupeau de moutons paissant en liberté ; leur ensemble forme pourtant un système orographique bien déterminé, qui, partant du Maroc, vient se souder au massif puissant du Djebel-Amour et des Ouled-Naïl, qui domine le poste de Laghouat.

Le point le plus élevé de la chaîne méridionale du Sahara d’Oran est le Djebel-Ksel (1,950 mètres), sur le versant nord duquel est situé Géryville, à 1,307 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Ces montagnes abruptes, aux flancs ravinés, aux crêtes dentelées, sont séparées par des vallées étroites et des gorges rétrécies.

Quelquefois, dans l’espace laissé libre entre elles, se développe une plaine d’un ou deux kilomètres au plus de largeur. C’est au pied de ces montagnes, dans quelque pli de terrain abrité des vents, dans des anfractuosités de rochers, où coule une source abondante, que se trouvent nichées les oasis verdoyantes, protégées par un village fortifié (Ksar).

Un chaînon isolé part du Sud et vient aboutir vis-à-vis la séparation des deux Chott: c’est le Djebel-Antar. A l’Ouest, la chaîne des Ksour laisse une coupure qui conduit vers Figuig.

Une ramification parallèle au Djebel-Antar descend vers le Nord, en longeant la frontière du Maroc: c’est le Djebel-Guettar. La plaine qui s’étend au-delà n’a pas de maîtres; c’est le pays du fusil (blad el mokhala), qui appartient au plus fort.

Le profil du Sahara donne les altitudes suivantes, d’après M. le docteur Paul Marès: Saïda, 828 mètres; ligne de partage des eaux entre le Tell et le Sahara, 1,100 mètres; grande plaine au nord des Chott, 1,050 mètres; surface des Chott, 1,000 mètres; plaine au sud des Chott, 1,100 mètres; ligne de partage entre le Grand et le Petit-Désert, 1,150 à 1,200 mètres. Cette altitude diminue bien vite en s’avançant dans le Sud; et à 40 lieues de Brézina, dans la région des dunes (areg), qui coupent la roule du Désert sous le 31 30’, M. Paul Marès n’a plus trouvé que 400 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Le Grand-Désert et le centre de l’Afrique seraient donc un pays assez bas. Le Sahara de Constantine est déjà au niveau de la mer. Mais nous savons qu’on rencontre dans le Sud des chaînes de montagne élevées, telles que le Djebel-Hoggar, qu’habitent les pirates de la mer de Sable, les terribles Touareg.

Les oued, qui coulent dans le Sahara sont à sec une grande partie de l’année. Ce sont des torrents éphémères aux lits rocailleux et ravinés par les eaux. Les uns se jettent dans les Chott; ils partent des hauts plateaux et des versants nord des montagnes des Ksour. Les premiers sont peu importants: ce sont l’oued Fallel et l’oued Maïj, au sud de Saïda; ils se jettent dans le Chott Ech-Chergui; l’oued El-Hammam, au sud de Sebdou, est tributaire du Chott El-Gharbi.

L’oued Taguin, au sud de Tiaret, fait exception; il prend sa source dans le Djebel-Amour et coule vers le Nord; il contourne le Chott et tombe dans le Tell par une coupure de montagnes pour former le Chéliff, le principal cours d’eau de l’Algérie.

Les oued qui viennent du Sud vers les Chott sont peu considérables; ce sont l’oued Taouessera, l’oued Chareffa l’oued Naceur, etc.

Les eaux, qui du Sahara se jettent dans le Sud, traversent des défilés étroits nommés Khaneg, qui sont les vraies portes du Désert. Ces eaux dérivent de trois bassins principaux, qui sont: 1° le bassin de Tyout, comprenant les eaux d’Aïn-Sefra, d’Ain-Sefissifa, de l’oued Tyout, qui, sous le nom d’oued Selam, reçoit l’oued Moghrar, et, sous le nom d’oued Namous, se perd dans les dunes de sable (areg). Les eaux du deuxième bassin viennent d’Asla, de Chellala, des Arba, d’Et-Abiod; elles se réunissent à Bou-Semghoun, et, sous le nom d’oued Gharbi, vont se perdre aussi dans les sables.

Troisième bassin: les eaux de Russoul et Brézina forment l’oued Segguer, qui coule parallèlement à l’oued Gharbi.

Ces oued forment l’amorce des routes que suivent les caravanes pour se rendre à Gourara, dans le Touat, et de là dans le pays des Nègres. Ils débouchent dans les plaines du Sud, qu’ils ravinent profondément, en laissant des berges et des îlots coupés à pic. Ils se perdent dans la mer de Sable, reparaissent parfois à la surface, pour disparaître de nouveau, absorbés par un sol profondément perméable et altéré. Leur direction est indiquée par un sillon de verdure plus accentuée, entretenue par l’humidité du terrain. Ce sont ces lignes d’eau qui servent de routes, parce que les animaux y trouvent toujours une nourriture suffisante, et que, en creusant un peu dans le lit des oued desséchés, on rencontre presque toujours de l’eau à une petite profondeur. D’ailleurs, longtemps après les pluies, sur les fonds moins perméables des torrents ou des plaines, on rencontre des flaques d’eau persistantes nommées redirs par les Sahariens. Ces redirs sont une ressource précieuse pour les convois altérés; mais leur existence éphémère trompe souvent l’attente des voyageurs, de là leur nom de redirs, qui signifie traître.

Les lignes d’eau du Sahara d’Oran se terminent, dans le Sud, par de petits lacs salés (Daya), échelonnés en forme de chapelets au pied des dunes de sable (Areg) qui couvrent le Désert, à une distance d’environ 200 kilomètres des Ksour, et qu’il faut traverser péniblement pour se rendre directement au Touat.

Plus à l’Ouest, le bassin de Figuig fournit un oued qui contourne les Areg et forme une route continue de plus de 150 lieues, formé de puits et de redirs, et par laquelle on peut atteindre facilement ie Touat.

Plus à l’Est, l’oued Zergoum vient d’El-Maïa et se perd aussi dans les Daya du Sud.

Au sud d’El-Aghouat, l’oued En N’sa forme une ligne d’eau qui, parallèle à l’oued M’zab, s’incline à l’Est et conduit à Ouergla, d’où on peut gagner le Touat, en passant au sud des Areg. C’est le chemin que prennent les caravanes qui viennent de la province d’Alger. Le voyage est long et périlleux, et sans grande chance de trouver de l’eau. La route à travers les Areg est la plus courte, mais la plus pénible, à cause des longues traversées au milieu des sables mouvants des dunes.

Le moyen le plus facile et par lequel on est le plus sûr de ne pas manquer d’eau, c’est de prendre au sud de Figuig; on arrive par là dans le Touat, vaste réunion d’oasis, qui s’étend sur une ligne d’eau presque superficielle de plus de 100 lieues de longueur, du Nord au Sud, et de l’extrémité de laquelle les caravanes se lancent dans l’espace qui les sépare du centre de l’Afrique.

C’est par là qu’on peut espérer de joindre Timbectou et le Sénégal.

Les hauts plateaux et les plaines qui bordent les Chott sont parcourus par les tribus nomades des Harars, des Hamian-Gharabas et Cheragas. des Ouled-Yacoub, des Loghouat, des Trafi, etc. Les montagnes des Ksour servent de résidence, à l’Est, aux Beni-Amour; au centre et à l’Ouest, aux Quled-Sidi-Cheikh, tribu puissante de marabouts.

Les oasis et villages fortifiés (ksour) peuvent se diviser en quatre groupes principaux, qui sont: au sud de Tiaret, 1° Bou-Alem. Et-Macta, Et-Maïa, rarement visités; 2° Stitten, Rassoul et Brézina. Le colonel Géry, en 1845, visita pour la première fois, cette région. En 1853, le général Pelissier, revenant vainqueur de El-Aghouat, établit un poste militaire français près de Stitten, à Aïn-et-Beïod, et lui donna le nom de Géryville. Ce fort commande tout le Sahara d’Oran. Avant que l’on eût mis garnison à Tuggurt, Géryville était le point le plus méridional occupé par nos troupes.

Le troisième groupe d’oasis est celui qui comprend les deux Chellala, Bou-Semghroun, les Arba, El-Abiod-Sidi-Chikh. Le colonel Renault y fit une première expédition en 1846.

Le quatrième groupe est celui de Sefra, Sefissifa, Tyout, et les deux Moghar. il fut visité, en 1847, par le général Cavaignac et en 1849 par le général Pelissier. Je faisais partie de cette dernière expédition qui dura quatre mois, de mars en juillet. La colonne partit de Mascara, passa à Saïda, s’avança sur le Chott Ech-Chergui, établit un poste de ravitaillement à El-Kreider, et, après avoir séjourné au lac Nahma (de l’autruche) et à Tyout, passa jusqu’à Moghar-Tatani, sous le 30e degré de latitude.

A cette époque, ce point était le plus méridional que nos troupes eussent atteint. Depuis, en 1858, elles sont allées à Ouergla, ville située à l’extrémité sud du Sahara algérien.

En 1852, le commandant Deligny pacifia le Sahara d’Oran en obtenant la soumission de Si-Hamza, le chef puissant et vénéré des Ouled-Sidi-Cheikh.

En 1855, 400 cavaliers français et arabes firent une excursion à El-Abiod. Le docteur L. Leclerc les accompagnait. Ce médecin distingué, très versé dans la langue, l’histoire et les mœurs arabes, a donné une relation très intéressante de son voyage.

Mon regrettable ami et collègue, le docteur Félix Jacquot, était de l’expédition du général Cavaignac, en 1847. Il a publié des détails artistiques, humouristiques et scientifiques sur celle exploration.

En 1856, une excursion militaire rapide fut conduite par M. de Colomb, commandant supérieur de Géryville, jusqu’à 160 kilomètres au-delà de la frontière du Maroc, au sud du lac Tigri. M. le docteur Paul Marès l’accompagnait.

En 1856-57, MM. Paul Marès et E. Cosson explorèrent scientifiquement le Sahara d’Oran. J’ai puisé largement dans les communications intéressantes qu’ils ont faites, sur les sciences naturelles, à diverses sociétés savantes. Je me suis aidé également, pour la rédaction de ce travail, des notions recueillies sur les pays voisins par d’éminents observateurs.

Trois routes principales mènent du Tell dans le Sahara d’Oran; elles sont facilitées par les stations d’eau qui les jalonnent; ce sont: 1° par Sebdou: El-Aricha, Ben-Khelil, Taouessera, Ych et Sefissifa, d’où l’on va à Figuig, etc.; 2° par Saïda: Kreïder, El-Amra, Nahma, d’où, directement au Sud, on va à Tyout, Sefra et aux deux Moghar; ou bien, en appuyant un peu à l’Est, on trouve Asla. les deux Arba, les deux Chellala, Bou Semghroun. El-Abiod-Sidi-Chikh; 3° en partant de Saïda ou de Tiaret, on va à El-Maij, caravansérail et poste arabe établi sur le Chott pour garder la route; d’El-Maij on se rend à Géryville, et de là à Rassoul, Brézina, etc.

Maintenant que nous connaissons bien la configuration générale du pays, étudions les détails de sa constitution intime.

Topographie médicale du Sahara de la province d'Oran

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