Читать книгу Topographie médicale du Sahara de la province d'Oran - Louis Léon Cyrille Armieux - Страница 5
GÉOLOGIE.
ОглавлениеSur les hauts plateaux, le vieil Atlas montre partout son squelette décharné. Le sol est rocailleux et composé de calcaire schisteux, divisé en parallèlipèdes réguliers qu’on dirait taillés pour une construction gigantesque. Puis le roc disparaît, une terre ocreuse, rougeâtre couvre ces immenses solitudes. A la surface gisent des détritus pierreux de diverses natures: grès, silex, quartz.
Le sous-sol est un banc de calcaire à couches horizontales, friable, sédimenteux, blanchâtre, espèce de travertin, dont quelques parties plus compactes sont du calcaire siliceux congloméré. Cette roche, dont la puissance varie de 1 à plusieurs mètres, repose sur une terre rougeâtre, argileuse, ou sur un tuf marneux d’une grande profondeur Ce n’est guère qu’à une quarantaine de mètres qu’on rencontre le roc et une couche d’eau non jaillissante.
Le puits qu’on a creusé à El-Maïj a 44 mètres. J’ai vu faire un puits à El-Kreider, au bord du Chott. Arrivé à 20 mètres, on s’arrêta; on n’avait trouvé que quelques infiltrations séléniteuses provenant du Chott.
Il existe, il est vrai, un grand nombre de puits peu profonds autour des grands lacs salés et même dans leur lit desséché ; mais ces puits n’offrent qu’une eau détestable, dont on ne pourrait faire, sans inconvénient, un usage prolongé. D’ailleurs, ces puits sont sujets à tarir avec rapidité. Ils ne sont destinés à abreuver que les hommes et les animaux qui ne font qu’un séjour temporaire dans leur voisinage.
A El Kreider, en creusant le puits, on trouva des couches de maine alternant avec des couches d’argile, de sable et de cailloux roulés.
Aux plateaux ondulés succèdent les grandes plaines, un peu déclives vers le Chott, qu’elles bordent au Nord et au Sud. Leur constitution géologique est la même que celle que je viens de décrire. La surface de la terre, siliceuse, rougeâtre, est moins compacte, et s’effrite pour former un sable fin qui devient le jouet des vents. Ces terrains sont très poreux, très absorbants; l’eau ne séjourne pas à leur surface, ou bien elle est évaporée rapidement.
Dans les endroits déclives, les eaux pluviales tracent des sillons profonds, qui deviennent pour quelques heures, des torrents impétueux, mais qui ne conservent jamais d’eau en dehors de ces crises diluviennes, Quelquefois le roc compacte est à nu et forme des réservoirs, dans lesquels les eaux du ciel se conservent pendant l’hiver et sont une puissante ressource pour les pasteurs nomades. Ces flaques d’eau sont nommées redirs; il en est d’assez permanentes pour avoir un nom sur les cartes.
Il n’y a pas de fossiles dans cette région.
Sur les grandes plaines et les hauts plateaux, il existe quelques sources rares, chétives, qui tarissent l’été et qui sont chargées d’une grande quantité de chlorure de sodium et de sulfate de chaux. Ces sels, déposés sur le bord des sources, laissent un couche de cristaux blancs, amorphes, efflorescents, résultant de l’évaporation de l’eau à la surface du sol.
Les Chott sont de grands espaces situés au centre du Sahara, dont le niveau est un peu plus bas de quelques mètres seulement que les plaines qui les environnent, et qui reçoivent toutes les eaux du grand bassin circonscrit par les montagnes du Nord et du Sud.
Les bas-fonds des Chott sont constitués par une couche de sable argileux, mêlé de gypse. Le sulfate de chaux a été apporté en grande partie par les eaux qui ont lavé les terres et les montagnes environnantes; ce sel se dissout, en hiver, dans la nappe d’eau qui couvre le sable, et lorsque cette eau s’évapore aux ardeurs du soleil, elle laisse déposer, au fond de l’immense cuve, des cristaux lamelleux, brillants, d’une pureté et d’une blancheur éblouissantes.
La salure des eaux des Chott provient des gisements de sel gemme et peut-être aussi des dépôts de sels laissés par les eaux marines qui ont couvert ces régions. L’analyse dé ce sel, donnée par M. Dreyer (V. Mémoires de médecine militaire, 1861), vient à l’appui de celle opinion.
Les sables argileux, de couleur bleuâtre, qui forment le fonds des Chott, ont une grande profondeur. Le roc calcaire semble ne pas exister ici, et la croute solide, sur laquelle repose le banc de sable, est sans doute du grès. Les Chott ont des bords anfractueux, irréguliers, formant des anses arrondies, ou projetant des cornes dans l’intérieur des terres (Hang el Djemel, cou du chameau). Ils sont coupés par des détroits de terre ferme appelés debdeb et qui servent de routes en hiver pour les traverser. En été, les Sahariens pra tiquent certains gués, à travers lesquels on peut franchir les Chott sans enfoncer au-dessus de la cheville, les bêtes de somme en ont souvent jusqu’aux genoux. Ces gués sont favorisés par certains îlots qui s’élèvent au milieu des lacs et qui ont la solidité et la consistance des plaines du rivage.
Les bords des chott sont coupés à pic le plus souvent et présentent l’aspect de falaises médiocrement élevées. C’est du reste une des propriétés de la terre rouge siliceuse du Sahara d’offrir ainsi des arrachements verticaux, soit dans le lit des ravins, soit au pied des montagnes. M. Marès a observé celle disposition plus avant dans le désert, où les terres éboulées et dissoutes en sables mouvants par l’action des eaux disparues, ont laissé des témoins réguliers qui, de loin, ont l’aspect de ruines gigantesques. Ces témoins ont reçu des Arabes lenom de Gour, pluriel Gara, ils leur servent de repères pour se guider dans les vastes solitudes du désert. Les îlots des chott ne sont que des élévations de ce genre, qui ont perdu, par l’action prolongée des eaux, leur régularité et la rectitude de leurs parois.
Les rivages des chott, les îlots, les isthmes sont couverts de sables et de dunes, qui portent un peu de végétation, et dont les molécules ne sont pas purement siliceuses, mais mélangées de sels et de débris calcaires, qui leur donnent un aspect blanchâtre que n’ont pas les sables accumulés plus au Sud et dont nous parlerons tout à l’heure.
Au bord des chott, et même dans leur lit, sont creusés des puits nombreux, peu profonds, dont l’eau est généralement jaunâtre. Cette eau cuit imparfaitement les légumes, ne dissout pas le savon et ne désaltère nullement. Elle provient de couches d’eau qui imprègnent les sables argileux et gypseux du fonds des lacs.
Il y a quelques exceptions, cependant. A Nahma, par exemple, petit Chott perdu dans le Sud, il existe une agglomération de puits (ces agglomérations se nomment ogla dans le Sahara) qui, sous une croûte calcaire superficielle, à 2 ou 3 mètres au-dessous du sol, offrent une eau abondante, limpide, sans mauvais goût et possédant tous les caractères physiques d’une excellente eau potable. Nous en avons fait usage pendant quinze jours, et personne n’en fut incommodé. Celle eau provenait sans doute de terrains voisins, non gypseux, qui l’avaient absorbée, et elle se filtrait dans une couche de graviers et de cailloux roulés dont nous avons constaté l’existence géologique dans le sous-sol.
D’autrefois, ces puits sont empoisonnés par des détritus immondes, ou des cadavres d’animaux qui y sont jetés par imprudence ou avec une intention malveillante.
Il est plus rare d’y trouver des plantes en putréfaction, quoique la végétation soit plus active, plus vigoureuse sur leurs bords.
Je ne voudrai pas dépoétiser le Désert dans l’esprit de ceux qui me lisent, mais je suis obligé d’avouer que je n’ai point constaté ces soins particuliers pris par les Nomades pour les puits du Désert, soins relatés avec détail dans des descriptions qui passent pour très-fidèles.
Creuser un puits dans le Désert, c’est créer un monument d’une incontestable utilité. Les Arabes négligents et paresseux, ne réparent pas même ceux qui se détériorent. Nonseulement il n’existe, au dehors des oasis, aucune margelle protectrice, comme les peintres se croient obligés d’en représenter, mais je n’ai jamais trouvé ces opercules remis religieusement en place, ni ces gobelets, ces seaux entretenus en bon état par les voyageurs qui se succèdent à l’abreuvoir. Il est vrai que les sables ne comblent pas ces puits aussi facilement qu’on a bien voulu le dire, et que les besoins pressants de la soif font rectifier parfois les avaries qu’auraient reçues la bouche, le calibre ou le fond du puits.
Quant aux impuretés, on s’en préoccupe peu: le Saharien ne connaît ni l’hygiène, ni le sybaritisme.
Il existe dans les chott d’Oran, des eaux jaillissantes thermales qui ont une certaine abondance et ne tarissent jamais. Une de ces sources se trouve à El Kreider; elle sort en bouillonnant du fond du lac, et les Arabes, qui habitaient cette localité, avaient bâti un grand bassin pour la réunir et la conduire, au moyen de canaux, dans les terrains sablonneux environnants que cette eau fertilisait. Ces canaux et ce bassin sont assez bien conservés, mais l’eau n’est plus utilisée et elle se perd dans le chott, où elle forme un vaste marais, couvert de roseaux et fréquenté par une foule d’oiseaux aquatiques.
L’eau d’El Kreider est légèrement saline, parfaitement appropriée aux usages domestiques et ne présentant aucun inconvénient pour la santé. La colonne dont je faisais partie a séjourné pendant plus d’un mois sur ses bords, et nous avons pu constater, par expérience, ses excellentes qualités. Sa température est de 38° en toute saison.
Des poissons et des anguilles vivent dans le bassin de Kreider.
Il existe une source jaillissante semblable, plus à l’Est, à un endroit nommé Sefissifa, au Sud du caravansérail d’El Maij, sur la route de Saïda à Géryville.
Les chott et les grandes plaines qui les entourent donnent lieu fréquemment au phénomène du mirage, par l’échauffement des couches d’air en contact avec une surface qui absorbe et concentre beaucoup de calorique.
Dans les steppes sahariennes, on se trouve, comme en pleine mer, au milieu d’un vaste cercle qui se déplace avec le voyageur, et dont la monotonie et la régularité ne sont interrompues, dans les temps calmes, que par les lignes bleuâtres des montagnes du Sud qui découpent l’horizon.
Un voyageur étranger serait incapable de trouver son chemin sur ce sol uniforme, sillonné d’un réseau inextricable de sentiers tracés par les troupeaux errants. Pour parer à cet inconvénient, on a fait jalonner les routes principales au moyen de pyramides de cailloux, blanchies à la chaux, hautes de 4 à 5 mètres, et placées à une lieue de distance les unes des autres.
De cette façon on risque moins de se perdre.
Mais lorsque les vents soufflent et soulèvent des tourbils lonsde sable, lorsque le mirage se produit, alors il n’y a plu-de repère possible, le cercle se rétrécit extrêmement, les ondulations de l’air échauffé et obscurci bornent l’horizon, les objets les plus simples prennent des formes ou des proportions fantastiques. L’esprit devient le jouet des illusions les plus étranges, les plus pénibles. Parfois, il semble qu’on s’avance vers des lacs semés d’îles verdoyantes; parfois on se croirait enfermé dans une sphère métallique chauffée à toute vapeur.
Il n’y a plus que l’instinct et la sagacité du Saharien qui puissent éviter des erreurs funestes, flairer la toute el deviner le gîte et l’eau. Sans croire à des histoires trop merveilleuses, il est facile de comprendre combien un pareil pays est fait pour aiguiser certaines facultés, développer certains sens, chez des hommes naturellement réfléchis et observateurs.
Sur le chott, le mirage offre des spectacles variés, saisissants de charme et d’imprévu. Fréquemment, ces vastes espaces prennent l’aspect d’une mer agitée, roulant des vagues écumeuses, et dans laquelle se réfléchissent des rivages riants. Un homme, un quadrupède paraissent, à une certaine distance, être immergés dans l’onde; tandis qu’un oiseau aquatique vole en rasant les flots et semble un esquif léger dont le vent enfle les voiles.
Les Arabes ont le souvenir traditionnel d’une mer intérieure qui aurait autrefois occupé la région des chott, et ce mot dans leur langue signifie rivage; cette tradition est confirmée par l’aspect de la végétation de ces grands bassins, le mirage vient par fois rendre l’illusion complète.
Les plaines, au Sud des chott, ont une configuration et une composition géologique identiques à celles qui s’étendent au Nord; on y trouve quelques sources salées, leurs eaux sont tributaires du bassin intérieur.
Les montagnes du Sahara, comme celles du Tell, ont une direction semblable à celles des Alpes principales (E. 16° N. à 0. 16° S). Leur date géologique est donc relativement récente. Les reliefs du Sud sont constitués par une base puissante de grès, d’un grain assez fin, de couleur rouge, noirâtre, ferrugineuse. Les bancs de grès sont inclinés vers le S.-S.-E., sur un angle de 30 à 35°. Au-dessus d’eux se trouvent des couches de sable marneux argileux, comme celui des bas-fonds des chott, puis des couches de calcaire et de gypse; sur le calcaire, M P.Marès a rencontré des coquilles fossiles des genres lucines, cardium, avicule. Quelques montagnes sont formées entièrement d’un calcaire blanchâtre, parsemé de dendrites, comme à Géryville; d’autres sont entièrement composées de sulfate de chaux cristallisé, d’autres de sel gemme. On voit parfois des amas de grès rouge, qui ont l’air de carcasses de montagnes dénudées par un cataclysme récent; enfin, on rencontre çà et là des blocs de grès erratiques.
Le docteur Leclerc a constaté, aux environs de Géryville, des gisements de marbre coquilier ou lumachelle, susceptible d’un beau poli et qu’on pourrait utiliser en architecture.
Il a trouvé aussi beaucoup de ces pierres de la catégorie des dendrolithes, chargées d’arborisations variées, les unes à pâte jaune et tendre, les autres à pâte grise, parcourues de linéaments noirs, rouges, etc.; ces pierres servent à faire de petits objets de bureau et d’étagère. J’en ai découvert un gisement très varié sur l’Oued-Messif, près du lac Nahma.
Les vallées sont parcourues par des ravins sans eau, où l’on a creusé quelques puits ordinairement salés. Au pied des rochers dè grès, on rencontre souvent des sources d’eau excellente, qui disparaissent dans les sables, après avoir donné naissance aux oasis de la région.
Les amas de sable, les dunes du petit désert, sont situés près des chott et au pied de certaines montagnes, où ils ont été accumulés par les eaux qui ont fait irruption dans ces parages. Il est impossible d’attribuer aux vents la formation de ces dépôts; leur persistance est due à la protection que leur offrent, contre les courants aériens, les montagnes ou les bas-fonds qui ont déterminé leur gisement
Le sable de ces dunes est purement siliceux; il est d’une belle couleur jaune, dorée, et provient des couches de terre rouge, siliceuse, qui abondent dans le Sahara. Cette terre s’éfrite par l’action des eaux et ses particules désagrégées sont emportées par le vent.
Les vents souflent ordinairement du Nord, et c’est dans le Sud que les sables s’accumulent; mais, lorsque règne le siroco, ils reviennent vers le Nord et leurs molécules solides donnent à l’atmosphère cette densité et cette couleur rougeâtre caractéristique.
Deux éléments sont ainsi transportés par l’air: un élément siliceux, le sable, dont les grains sont lourds et qui ne sont pas colportés bien loin; on n’en ressent l’action que dans le Sahara, elle est très pénible, mais peu dangereuse; et l’élément argileux qui, à l’état de poussière impalpable, voyage au loin, est moins appréciable aux sens, mais pénètre partout et s’accumule dans les organes respiratoires et oculaires, au grand détriment de leurs fonctions.
Les dunes sont adossées aux montagnes, dans des expositions très diverses, par rapport à la direction des vents dominants. Ainsi, celles du pied du Djebel Antar sont à l’Est de la montagne et s’étendent du N. au S. Celles d’Aïn Sefra sont au N. du Djebel Gebsor et s’étendent de l’E. à l’O. Celles de Zembah, situées sur le versant O. du Djebel Melrhad, courent du S. au N., etc.
Ces amas de sable sont composés de monticules ayant de 4 à 15 et 20 mètres d’élévation. Dans les espaces laissés libres entre eux, le sol est à nu, et l’on y trouve un peu de terre rouge, ou bien une roche calcaire, friable, lamelleuse.
Leur agglomération est due à des dépôts neptuniens; les grains sont usés, arrondis; ils ont été charriés, roulés par des courants violents et abandonnés par le retrait des eaux.
Les dunes ne se déplacent pas, ne progressent pas, comme on le croit généralement, et si les vents leur enlèvent des particules, ces particules leur sont rendues par des vents contraires; de sorte que la force, qui a présidé à leur accumulation, ayant disparu, les abris qui les ont protégées jusqu’ici s’opposent à leur dispersion, à leur migration.
L’enchevêtrement des dunes est loin d’indiquer chez elles une marche régulière, déterminée par les vents régnants et perpendiculaire à leur direction.
J’ai vu des lacs pleins d’eau au milieu des dunes; ils paraissent permanents, la végétation, qui les entoure et limite leurs bords, l’atteste. J’ai vu des villages, des oasis, entourés de dunes, et il ne semble pas que les amas de sables aient jamais tenté d’envahir les jardins ou les maisons, contre lesquels ils viennent battre comme les flots d’une mer en furie. Les barrières élevées contre eux sont insignifiantes et attestent que les Sahariens n’ont aucune crainte à cet égard.
La marche envahissante des sables du désert est donc une de ces idées préconçues, plus poétique que réelle, et que rien ne justifie. Il n’y a que les dunes accumulées sur les rivages des mers qui aient une marche progressive et envahissante par le tribut incessant que leur apporte le flot.
Les dunes sahariennes sont favorables à la conservation de l’eau, elles se laissent pénétrer profondément et s’opposent à l’évaporation; aussi trouve-t-on toujours la fraîcheur, l’humidité à leur centre et, en creusant à leur base, il est possible de se procurer, en toute saison, une eau fraîche et limpide.
La végétation des dunes prouve leur stabilité et la perpétue; elle annonce également une humidité constante, l’on y voit des plantes qui affectionnent les marécages, telles que les cyperus, par exemple.
Tout, dans le Sahara, indique que sa formation et son aspect actuels sont dus à un cataclysme où les eaux ont joué un grand rôle. Ce bouleversement neptunien, dont il est difficile de préciser l’époque, peut être attribué à plusieurs causes: soit que, par un soulèvement en masse, l’Atlas et les plateaux aient surgi du sein de la mer en secouant les ondes qui les couvraient; soit qu’un déluge ait roulé sur ce pays des inondatins prolongées; soit enfin que les eaux du globe aient passé, avec impétuosité sur cette région, dans leur migration dernière du pôle Nord au pôle Sud.
Cette dernière hypothèse parait la plus probable; l’action des eaux qui ont roulé sur le Sahara, a eu une direction évidente vers l’équateur.
M. Marès a recueilli dans les sables limoneux des Daya beaucoup de coquilles de mollusques aquatiques qu’on trouve sur les hauts plateaux, dans l’Atlas, et même un bivalve des lacs salés du littoral le cardium edule.
Les blocs erratiques, qu’on rencontre sur les plateaux et dans le désert, ont été arrachés à l’Atlas.
Les oued, qui se jettent dans le Sud, ont coulé dans ce sens longtemps encore après le cataclysme, jusqu’à leur épuisement complet, qui est assez récent, comme le démontrent la tradition locale, la population plus nombreuse qui habitait le pays, les détritus rocheux et les mollusques trouvés dans le Sud.
Eu résumé, la surface du Sahara d’Oran appartient à l’époque quaternaire récente; elle est coupée ça et là par quelques massifs isolés de terrain tertiaire.
Les eaux du Sahara contiennent du chlorure de sodium ou du sulfate de chaux, suivant la nature du terrain qui leur donne naissance. Elles sont donc saumâtres ou séléniteuses à un haut degré, ce qui les rend nuisibles, purgatives, impotables et impropres aux usages domestiques.
Cependant quelques sources sont d’excellente qualité. Celles qui arrosent les oasis de Sefisifa, de Tyout, des Arba, de Rassoul, celle de Géryville, sont délicieuses; elles sourdent en grande abondance de grands rochers de grès rouge et forment, dès leur origine, des ruisseaux larges et profonds, reçus dans des bassins naturels ou artificiels qui sont poissonneux.
Des sources de moindre importance, mais de bonne qualité, existent à Aïn-Sefra, aux Moghrar, à Asla, à Chellala, à Brezina, à Stitten, à Bou Alem, etc.
L’eau de certains ruisseaux est bonne à la source; mais, après avoir coulé sur les sables et les terres, elle devient plus ou moins salée ou saumâtre.
Il existe des sources salées à Fekarin, à Touadjeur, à Touessera, à l’Oued-Messif, à Aïn-Tsla, à Aïn-el-Hadjedj, Oued-Selam, Aïn-el-Bridjt, etc.
D’autres eaux sortent des montagnes de sel ou de gypse, elles sont tout-à-fait impotables.
Certaines eaux ne dissolvent pas le savon,, et cependant cuisent bien les légumes: c’est lorsqu’elles contiennent des sels très-solubles à base de magnésie; elles sont rares dans le Sahara.
Les puits, généralement, ne valent pas les sources. Cependant on puise de bonne eau aux Ogla (réunion de puits) de Bou-Gorn, à la pointe Est du chott gharbi, à Ben-Khelil à Nahma, à el-Abiod-Sidi-Chikh, etc.
L’eau est saumâtre dans les puits d’El-Assiba, El-Amra, Senia; à Ogla-el-Deïda dans le chott Gharbi, l’eau est salée et a une odeur sulfureuse. Il en est de même à l’Ogla-Nadja, où l’eau se trouve à 5 mètres de profondeur et a une température constante de 13e.
Les puits du Sahara, qui ne sont pas fréquentés, s’allèrent rapidement; rien ne les protège contre les impuretés du dehors, qui s’y corrompent et donnent lieu à des dégagements ammoniacaux. L’eau prend une couleur verte, il s’y développe des cryptogames et des infusoires, et les sels qu’elle contient, en se décomposant, donnent naissance à de l’hydrogène sulfuré.
L’eau d’El-Amra et des puits creusés entre les deux chott a été analysée par M. Lapeyre, elle contient du chlorure de sodium en abondance, des sulfates et carbonates de chaux, des sels de magnésie et de soude; elle est purgative. En outre, les sels calcaires la rendent lourde à l’estomac et impropre aux usages culinaires et hygiéniques.
L’analyse de l’eau d’Aïn-Maylah, faite par M. Vial, a donné les résultats suivants: eau incolore, assez limpide, inodore, saveur fade très-désagréable, dissout mal le savon et cuit difficilement les légumes. Un décilitre a donné 6 décigrammes d’un résidu blanc grisâtre, ne fusant pas sur les charbons ardents, mais faisant effervescence avec l’acide sulfurique et laissant dégager des vapeurs d’acide chlorydrique; un décilitre d’eau contient, environ, à une température de plus de 16°, 23 millimètres cubes d’air, mêlé d’un peu d’acide carbonique, mais sans hydrogène sulfuré ni carboné.
La température, à la source, est de 25° en toute saison; c’est donc une eau thermale, saline, qui recèle: 1° des matières organiques en assez forte proportion; 2° une grande quantité de sel marin; 3° une notable proportion de sulfate de chaux, de carbonate de chaux et très-probablement de chlorure de calcium; 4° du sulfate d’alumine, de l’hydrochlorate et du sulfate de magnésie.
L’analyse quantitative n’a pas été faite.
L’eau de pluie conservée dans les redirs est bonne quand elle est d’origine récente. Celle qu’on découvre, en creusant au pied des dunes, est également excellente.
L’aspect des amas de sable est d’un meilleur augure, pour le voyageur altéré, que les terrains eompactes, pierreux, horizontaux, sur lesquels on a peu de chance de trouver de l’eau Et, quand on en rencontre, elle est toujours mauvaise.
La région qui nous occupe ne paraît pas posséder cette nappe d’eau souterraine, jaillissante, nommée Et Bahr-Tatani (la mer d’en bas) par les arabes. Sans doute elle existé, mais à une profondeur très-grande, à cause de l’altitude du Sahara de l’Ouest. Pour y arriver, il faudrait porter la sonde à des limites dépassant 150 à 200 mètres.
Les eaux artésiennes de Kreider et d’El Maij font voir cependant qu’il serait possible de transformer le Sahara Oranais. En répandant en abondance de l’eau à la surface, on rendrait les cultures et la vie à ce pays déshérité.
Plus au Sud, dans les oasis du Touat, l’altitude peu élevée permet de creuser des puits artésiens et de pratiquer des saignées (feggaguïr), qui fournissent des irrigations continués fertilisantes.
Les Sahariens possèdent de temps immémorial l’art d’aller chercher dans les entrailles de la terre l’eau qui manque à la surface de leur pays. La science moderne a eu tort de se parer de celle découverte, seulement elle a perfectionné les outillages et elle peut pénétrer à une profondeur, où les Sahariens ne sauraient atteindre, avec leurs moyens primitifs et dangereux.