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IV

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L'appartement destiné à miss Ellen était situé au deuxième étage sur le devant de la maison.

A peine entrée, miss Ellen constata, non sans un sentiment de perplexité, qu'elle avait oublié le sac aux vingt mille dollars.

L'anxiété dura moins d'une seconde: Mistress Flyburn déposa délicatement sur un guéridon, au milieu de la chambre, la précieuse valise et l'ombrelle.

Miss Ellen, délivrée d'une belle peur, songea qu'il lui faudrait désormais veiller à son trésor.

—Vous pourrez garder ce qui vous appartient dans ce meuble, dit, très à propos, mistress Flyburn, en désignant du regard un bahut en vieux chêne dont la solide serrure de cuivre symbolisait admirablement l'âge présent où l'on enferme l'or.

Du bahut, miss Ellen promena les yeux sur le reste du mobilier, qui formait, au total, un très joli nid de jeune fille, et reconnut à part soi que cet intérieur lui plaisait beaucoup.

—N'est-ce pas que vous serez ici le mieux du monde? dit mistress

Flyburn.

—A la condition de n'y pas rester trop longtemps, pensa miss Ellen.

—Il est près de quatre heures; nous dînons à six, dit mistress Flyburn.

—Que faire en attendant? se demanda miss Ellen.

—Vous pourrez lire un roman ou feuilleter des «keepsake,» dit l'obligeante camériste en ouvrant une armoire où s'étageait une bibliothèque passablement garnie.

—Lire est charmant, réfléchit miss Ellen, mais reparaîtrai-je ce soir dans ce costume de voyage?

—Vous aurez aussi tout loisir de vous habiller, dit mistress Flyburn en entre-bâillant une autre porte qui cachait un cabinet de toilette.

C'était décidément un dialogue en règle entre une pensée et une voix.

Miss Ellen ne put se défendre d'exprimer son étonnement.

—Vous êtes extraordinaire, mistress Flyburn! s'écriait-elle. Vous m'avez nommée sans m'avoir jamais vue; vous avez préparé mon installation à l'heure où j'ignorais encore ce que le sort déciderait de moi; vous répondez d'avance à tout ce que je suis sur le point de vous demander; de grâce, qu'est-ce que tout cela signifie?

—Excusez-moi, miss Ellen, c'est le concours des circonstances… Je fonde des hypothèses, oui, de simples conjectures…

La curiosité de miss Ellen parut encore une fois gêner beaucoup la bonne vieille; elle balbutiait ses explications et, glissant à reculons, elle s'effaça de la chambre dont elle referma la porte sans le moindre bruit.

Restée seule, miss Ellen s'étendit dans un fauteuil et laissa courir son imagination qui retraça, comme une suite de rêves tumultueux et bizarres, les événements de la journée.

La chaleur torride du matin se rafraîchissait d'un souffle d'orage. Tout faisait silence; le chant seul du merle, sifflant dans le jardin sa note rieuse, vibrait imperceptiblement à travers les murs.

L'harmonie de la situation inspirait la sagesse.

Pourquoi miss Ellen ne mènerait-elle pas désormais cette vie paisible, et pourquoi ne ferait-elle pas de son plein gré ce que semblait souhaiter mistress Josuah?

Cette pensée l'occupa longtemps, mais mistress Flyburn avait exactement prévu ce que ferait miss Ellen pour tuer le temps jusqu'à l'heure du dîner.

Les méditations terminées, elle mit sous clef ses dollars, regarda quelques images et succomba bien vite à la tentation d'emprunter au cabinet de toilette une des robes de Josuah, pour en faire l'essai mystérieux.

Trois secondes plus tard, miss Ellen se contemplait dans un miroir, vêtue à son tour d'une tunique de drap noir boutonnée tout au long, et rabattait ses cheveux dénoués sur ses épaules, afin de copier jusqu'au bout l'étrangeté piquante de Josuah.

—Il ne vous manque plus que ceci, dit mistress Flyburn rentrée silencieuse comme un phalène et tenant du bout des doigts un grand col de toile blanche, rigidement empesé.

L'opportunisme de mistress Flyburn atteignait au prodige, mais le plus pressé était de compléter l'épreuve.

Quand le miroir encore consulté eut répondu, miss Ellen hésita entre le plaisir de garder ce travestissement et la crainte de paraître trop familièrement libre-échangiste.

Mistress Flyburn s'empressa de dissiper ces scrupules inavoués.

—Rien ne sera plus agréable à mistress Josuah que de vous voir accepter dès aujourd'hui l'uniforme de la maison, affirma-t-elle de l'accent le plus convaincu.

Et on quitta la chambre pour aller se mettre à table.

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